Aubagne-La Bouilladisse : en 2025, 14,4 km de tramway grâce à l’ancienne ligne de La Barque, bien mieux qu'une « voie verte »
Retoqué par les anciennes autorités de la métropole Aix-Marseille-Provence avant d’être relancé par sa nouvelle présidente Martine Vassal (LR), le projet d’extension de la courte ligne de tramway d’Aubagne jusqu’à La Bouilladisse est de nouveau sur les rails. Sous l’appellation Val’Tram, il constituera un nouvel exemple de reconversion ferroviaire depuis une ligne du réseau national en faveur du tramway, bien plus convaincante qu'une suppposée « voie verte ».
A ce jour, après maintes vicissitudes, la ligne de tramway d’Aubagne inaugurée en septembre 2014 se limite à 2.700 mètres de linéaire à double voie entre la gare ferroviaire et le terminus du Charrel. Elle compte sept stations, soit une tous les 450 m en moyenne, et ne transporte, malgré sa gratuité universelle en libre accès, qu’une moyenne de 7.000 voyageurs par jour.
Création ex nihilo sur 2 km en milieu urbain, puis sur la plate-forme de l’ancienne ligne sur 12 km
Avec le Val’Tram, ce plus court réseau de tramway de France - suivi de celui d’Avignon (5,2 km à ce jour) - devrait s’enrichir d’une section de 14,4 km dotée de onze stations nouvelles, portant le réseau à 17,1 km et 18 stations. La section nouvelle, entièrement à voie unique, sera constituée d’une création ex nihilo en milieu urbain sur environ 2 km, puis d’une réutilisation sur quelque 12 km jusqu’à La Bouilladisse d’une section de voie unique de la ligne Aubagne-La Barque par Valdonne issue du réseau ferré national (RFN) et privée de son reliquat de trafic fret sur sa section au sud de Valdonne depuis 1987.
Situation de la ligne Aubagne-La Barque à l'extension maximale du réseau ferroviaire français, à la fin des années 1920. Le nord de la ligne traversait un bassin charbonnier qui avait justifié sa construction. Plus tard, elle avait aussi servi à du transport de fret divers pour des entreprises de la région. (Doc. RDS)
Les trois allers-retours voyageurs quotidiens Aubagne-La Barque complétés par un A-R partiel avaient été supprimés dès 1939 (avec bref retour d’une navette ouvrière après-guerre) sur cette ligne ex-PLM de maillage qui reliait l’axe Marseille-Vintimille à la longue ligne d’arrière-pays Gardanne-Carnoules par le bassin minier de Valdonne et Fuveau.
Un coût de 136 millions d’euros pour 14,4 km
Le coût annoncé pour ces 14,4 km de voie unique avec évitements réguliers est annoncé à 136 millions d’euros. C’est une baisse par rapport au premier projet de 2015 alors évalué à 260 M€, obtnue grâce au transfert sur d’autres comptes de certains aménagements périphériques.
Durant tout le mois de mai dernier, la mairie et le Conseil de Territoire du Pays d’Aubagne ont organisé une concertation pour le compte d’Aix Marseille Métropole. La précédente avait été menée sur le même projet en 2015, sans concrétisation. « A l’issue de cette nouvelle phase de concertation, les études sur l’extension du Val’Tram seront affinées », indique la notice de concertation. Puis le projet sera à nouveau présenté en 2022 à la population dans la cadre de l’enquête publique. « L’aménagement des infrastructures est prévu en 2023 », indique-t-on encore.
Carte du projet de ligne de tramway Aubagne-La Bouilladisse, dressée par la métropole Aix Marseille Provence. La carte est orientée l'ouest vers le haut. La longueur des interstations en zone périurbaine, soit à partir de Campagne-Valérie, seront d'une longueur moyenne supérieure à 1.300 m. Elle feront de cette ligne un service intermédiaire entre tramway urbain et TER. (Doc. métropole Aix Marseille Provence)
Le tracé de l’extension traversera cinq communes : Aubagne, Roquevaire, Auriol, La Destrousse, La Bouilladisse. Soixante-mille habitants sont directement concernés, une population en forte croissance, ainsi que 12.000 emplois. La ligne dessert la haute-vallée de l’Huveaune jusqu’à Auriol puis circule dans une étroiture au nord de Pont-de-Joux où elle est enserrée entre l’autoroute A52 Aubagne-La Barque et l’ex-N96. Par une déclivité qui atteint 20 ‰, elle rejoint La Destrousse et La Bouilladisse, dans une pénéplaine ancien bassin minier où se trouve aussi Peypin.
Cinq parkings-relais cumulant 550 places
A partir d’Aubagne-gare, actuelle origine de la ligne existante, les futures stations seraient, sous réserve de précisions, sur la commune d’Aubagne : Centre-Ville-Voltaire, Les Défensions, Campagne-Valérie, Napollon-Solans, Pont-de-l’Etoile ; sur la commune de Roquevaire : Le Barbouillet, Roquevaire ; sur la commune d’Auriol : Auriol-Saint Zacharie, La Destrousse ; sur la commune de La Bouilladisse : La Chapelle, La Bouilladisse. Cinq parkings-relais sont prévus, à Napollon-Sollans, Pont-de-l’Etoile, Pont-de-Joux, La Destrousse et La Bouilladisse, cumulant 550 places.
Cette nouvelle ligne s’inscrit donc dans une logique régionale puisqu’elle sera susceptible de servir de transport-relais aux habitants en provenance du bassin de Saint-Savournin, Cadolive, Gréasque… côté nord, et sera branchée côté sud sur les services TER à haute fréquence Aubagne-Marseille et, à fréquence moyenne, Aubagne-Toulon-Hyères/Carnoules. Les huit interstations de la section péri-urbaine de 11 km environ afficheront une longueur moyenne supérieure à 1.300m.
Une des sept rames Citadis Alstom compactes circulant sur la section de 2,7 km en service du tramway d'Aubagne. En service normal, trois suffisent. Malgré leur décoration par Di Rosa, une totale gratuité et les 50.000 habitants d'Aubagne, elles peinent à convaincre leur public. Avec cette ligne trop courte, le réseau reste à l'état d'ébauche. (Doc. Wikipedia/Florian Fèvre)
Sous-utilisées, les sept rames du parc surdimensionné pour la courte ligne actuelle qui n’en exige que trois en service courant, pourront être valorisées au moins dans un premier temps sur la section nouvelle, cinq fois plus longue que la section en service à ce jour. Avec un temps de parcours évalué à 25 mn entre Aubagne-Gare et La Bouilladisse, le reliquat inutilisé du parc actuel ne pourra suffire. L’actuelle ligne de 2,7 km en service est desservie à la fréquence d’une rame toutes les 10 mn dans chaque sens pour un temps de parcours d’environ 8 mn de bout en bout.
Une mise en service en deux temps : Aubagne-Oriol puis Oriol La Bouilladisse
Le Val’Tram serait mis en service en deux temps : d’Aubagne-Gare à Auriol en 2024 d’après nos estimations, d’Auriol à La Bouilladisse deux ans plus tard. Malgré un tracé de type « réseau national » aux longs rayons de courbures sur douze de ses 14 km, la métropole Aix Marseille Provence, qui sera le maître d’ouvrage, compte s’en tenir aux vitesses d’un tramway urbain, soit des maximales de 70 km/h. Le temps de parcours des 14,4 km de la nouvelle ligne est évalué à 25 mn. Le trafic escompté est de 15.000 voyageurs par jour tandis. Sur l’axe routier La Bouilladisse-Aubagne, le trafic est de l’ordre de 18.000 véhicules par jour.
L’idée d’un train-tram de 2,65 m de gabarit, à l’image de l’Ouest Lyonnais, susceptible de poursuivre sur les voies du RFN n’a pas été retenue : il y aurait eu incompatibilité avec le gabarit du tramway existant, à 2,40 m de largeur de caisses. Pas plus que ne semble avoir été retenue d’idée de rames de tramway urbain accéléré à 100 km/h, comme proposé dans un avant-projet d’extension ouest de la ligne 2 du réseau de Montpellier jusqu’à Poussan.
Affiche d'invitation à la concertation autour du projet d'extension du tramway d'Aubagne jusqu'à La Bouilladisse, soit 14,4 km. L'image donne un aperçu de la section à voie unique immédiatement au nord du centre de la ville, avant son insertion sur l'ancienne plate-forme de la ligne du réseau ferré national neutralisée. (Doc. Métropole Aix Marseille Provence)
On notera que cette réutilisation d’une ligne du RFN neutralisée par une ligne de tramway urbain sera la troisième en France après Montpellier où la ligne 2 du tramway circule sur les anciennes emprises SNCF entre Sabines et La Condamine, et Lyon où les tramways T3 et Rhônexpress empruntent l’ancienne ligne du CFEL (Est Lyonnais).
Quel modèle d’exploitation : une ligne unique ou deux en tuilage ?
On ignore à ce stade du projet quel sera le modèle d’exploitation de l’ensemble du réseau ainsi constitué : ligne unique de bout en bout Le Charrel-La Bouilladisse, ou exploitation en deux lignes avec éventuel tuilage type La Bouilladisse-Aubagne-Gare et Le Charrel-nord d’Aubagne ? Cette seconde option imposerait la pose d’une voie de retournement sur la section à voie unique.
Le temps de parcours de bout en bout peut être évalué à 33 minutes (25+8), soit un aller-retour pour une exploitation type ligne unique en 80 mn, compte tenu de deux périodes de repos-régulation d’une moyenne de 7 mn aux terminus.
Dans ces conditions, l’emploi de six rames existantes (plus une de réserve) permettrait une fréquence maximale de l’ordre de 15 mn environ, ce qui est assez faible en milieu urbain. L’achat de matériel roulant complémentaire pour une somme de l’ordre de 10 M€ est donc prévu à l’horizon de la mise en service complète.
Vue de l'emprise de la ligne Aubagne-La Barque à Gréasque, côté La Barque. Sur cette section, située au nord de La Bouilladisse, il n'est pas prévu d'établir une voie de tramway malgré l'intérêt de rétablir un maillage vers Gardanne. On note la présence d'une conduite parallèle à l'ancienne voie ferrée. (Photo Jean-Marie B.)
Reste que le choix du tramway urbain obère tout projet d’extension du réseau TER dans cette zone, comme on aurait pu le concevoir dans une optique de remaillage de l’aire de l’est de la métropole par des services Aubagne-Aix via La Barque, Valdonne et Gardanne. Il est vrai que dans cette zone de population assez peu dense quoique en forte croissance, dominée par l’austère massif de l’Etoile, une extension des rotations TER Marseille-Aubagne eût offert une capacité unitaire (par rame) probablement trop importante pour une fréquence trop faible, au moins à moyen terme. Le tramway permet une fréquence élevée sans engager de matériel surcapacitaire, et modulable à l'avenir.
L’usage de la plate-forme de l’ex-ligne Aubagne-La Barque et la voie unique divisent le coût par plus de deux
La future ligne, qui prolongera les voies de l’actuelle au-delà de la gare d’Aubagne, rejoindra l’ancienne infrastructure ferroviaire au-delà de la station des Defensions. Après l’avoir franchie par un pont-rail, une descente permettra aux tramways de rouler sur l’emprise de la ligne déclassée. L’utilisation de ce tracé préexistant et la voie unique permet une économie considérable, réduisant le coût kilométrique de l’ensemble de la ligne, matériel roulant complémentaire inclus, à 8,5 M€/km, soit moins de la moitié du coût d’une ligne de tramway urbain classique.
Etat actuel de la plate-forme de la ligne Aubagne-La Barque au nord de ont-de-Joux, dans la partie la plus accidentée du parcours sur laquelle sera établie la voie du tramway. On note toujours la présence d'une tubulure parallèle à la voie désaffectée. Le gabarit du tramway d'Aubagne (2,40 m de large) est inférieur à celui des trains du réseau national, ce qui facilitera l'insertion. Sur la section à remettre en service, on dénombre deux tunnels d'une longueur de 105m et 222m. Le dénivelé entre Aubagne gare et La Bouilladisse est de 117 mètres pour 14,4 km, les déclivités maximales étant atteintes au nord d'Auriol. (Doc. Wikipedia/Fr. Latreille)
La ligne Aubagne-La Barque du RFN, longue de 30,3 km, avait été mise en service par le PLM en janvier 1868 d’Aubagne à Valdonne (16,86 km), où elle desservait une mine par un embranchement jusqu’au puits Castellane. Une prolongation de 13,43 km de Valdonne à La Barque fut mise en service en 1904 pour desservir le reste du bassin minier de Gréasque et Fuveau et ses exploitations de charbon. La section de Valdonne à La Barque a été retranchée du RFN en 1970 puis déferrée. Le reste de la ligne a été neutralisé mais n’a pas été formellement fermé et sera versé au patrimoine de la métropole Aix Marseille Provence.
La liquidation de pans entiers du réseau ferroviaire régional par une SNCF qui n'a su ni anticiper, ni exploiter les opportunités de marché, peut parfois ouvrir des fenêtres d’opportunités aux collectivités territoriales. Des solutions bien plus environnemtales que les sempiternelles voies vertes qui ne font que garantir l'accroissement sans fin du trafic routier.