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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
21 janvier 2020

45 milliards d'euros pour de nouvelles lignes ferroviaires en Île-de-France : le côté éblouissant de la fracture territoriale

20Quartier de La Défense, à l'ouest de Paris, vu depuis Neuilly (ci-dessus) et depuis l'intérieur (détail, ci-dessous), élément emblématique de la "monstropole" francilienne. Pour le desservir, outre de multiples bus, une ligne de RER, plusieurs de Transilien, une ligne de tramway, une ligne de métro automatisé et bientôt une ligne supplémentaire de RER (E) et une autre ligne de métro automatique (15). ©RDS

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L’Île-de-France et ses 12,174 millions d’habitants entassés sur 12.011km2, soit 18,8% de la population sur 2,17% du territoire métropolitain, affichait déjà l’une des densités ferroviaires les plus élevées de la planète. Et pourtant, tandis que les réseaux de chemins de fer de la plupart des autres régions continuent de se dégrader et de se contracter, mettant en grave péril leur attractivité, la « région capitale » se voit offrir un  nouveau réseau flambant neuf, le Grand Paris Express, plus une multiplicité d’autres chantiers (RER, tramways) dont le coût, avoisinant les 45 milliards d'euros, suffirait à rénover de fond en comble tout le réseau régional français hors Île-de-France et à rouvrir quantité de lignes.

Quatre réseaux ferroviaires régionaux : « petit » métro, RER, Transilien, tramways

 Faisons quelques comptes des quatre réseaux ferroviaires régionaux. Actuellement en Île-de-France on dénombre : le « petit » métro à gabarit réduit (2,40m de largeur de caisses), ses 302 stations et ses 16 lignes, centré sur Paris mais qui s’étend de plus en plus loin en banlieue ; le RER à grand gabarit, ses 249 stations et ses 5 lignes à multiples antennes dont la dernière en date, la E, sera bientôt transversale comme les quatre premières grâce à un prolongement de Saint-Lazare à Nanterre et au-delà. S’ajoutent les dix lignes de banlieue SNCF dites « Transilien » dont deux de train-tram, et leurs 239 gares et stations ; et les huit lignes de tramway classique autour de la zone centrale.

 Il convient d’ajouter bien sûr les grandes lignes et lignes régionales des régions voisines qui aboutissent dans les sept grandes gares de Paris et dans les trois gares grandes lignes de la périphérie (Massy, Aéroport CDG, Marne-la-Vallée), toutes trois mixtes TGV-réseau régional.

Le Grand Paris Express, 200 km de lignes nouvelles, des extensions et 38,5 milliards d’euros

 Le plus frappant est le futur réseau circulaire du Grand Paris Express. Trois mille sept cents  entreprises sont en effervescence pour construire 200 kilomètres supplémentaires de métro qui formeront un système de grande ceinture à plusieurs sections, tangentielles pour certaines. Il s’agira des lignes 15, 16, 17 et 18, de la prolongation de la ligne 14 à ses deux extrémités pour former réseau avec les précédentes, ainsi que de l’extension de la ligne 11 vers l’est. L’ensemble, extensions comprises, totalisera quelque 86 nouvelles stations, certaines communes à deux lignes ou plus, dont 68 stations sur les seules nouvelles lignes, toutes stations architecturées par les plus grands noms. Le linéaire du métro parisien sera ainsi multiplié par deux, pas moins.

GPECarte du nouveau réseau de métro automatique Grand Paris Express et de l'extension de la ligne 14. Le plan n'indique pas la longue prologation de la ligne 11 du métro parisien vers l'est. (SGP)

 La facture de cet ensemble, une participation dans l’extension du RER E incluse, atteint les 38,5 milliards d’euros contre 20 initialement budgétés, soit une dérive de plus de 18 milliards d’euros… à ce jour. Quatorze tunneliers sont en service et six autres vont être installés bientôt pour la future ligne 16. L’ensemble doit être achevé en 2030, avec une première étape pour les Jeux Olympiques de 2024 obtenus par Paris.

Le CDG Express, liaison Gare de l’Est-Roissy, budgété pour 2,1 milliards d’euros

 Ce pharaonique métro dénommé « Grand Paris Express », réalisé par l’établissement public « Société du Grand Paris » constitué pour l’occasion, touchera les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle. Avec la réalisation à l’horizon 2025 du projet supplémentaire de CDG Express, ligne directe reliant la gare de l’Est de Paris à Roissy pour un budget prévisionnel de 2,1 milliards d’euros (dont 1,7 prêté par l’Etat), ce dernier aéroport disposera de trois liaisons ferroviaires avec la capitale (RER B, futur métro ligne 17 et CDG Express), outre sa desserte par les TGV transversaux passant par l’est de l’Île-de-France (Sud-Est-Nord, Nord-Sud-Ouest…).

 Quant à Orly, outre sa liaison avec le RER B via le mini-métro Orlyval, cet aéroport sera desservi par deux lignes de métro, la nouvelle 18 vers Versailles et la longue extension sud de la ligne 14.

3,14 milliards d’euros pour l’extension ouest du RER E

 Au Grand Paris Express et au CDG Express, il convient d’ajouter l’extension à l’ouest du RER E mentionnée plus haut, par une ligne nouvelle souterraine de Haussmann-Saint-Lazare à La Défense prolongée à Nanterre-La Folie grâce à divers ouvrages, puis à Mantes-la-Jolie en empruntant le faisceau existant renforcé. La mise en service est prévue en 2022 jusqu’à Nanterre, en 2024 au-delà. Coût annoncé : 3,14 milliards d’euros dont un milliard financé par la SGP.

 Enfin, on ne saurait omettre de mentionner les projets de tramways en cours d’exécution ou programmés en Île-de-France, soit 9 extensions de lignes existantes et 4 lignes nouvelles dont deux de tramway express. Pour donner une idée des sommes mobilisées à ce chapitre, on notera que la création de la ligne de tramway T9 Porte-de-Choisy-Orly-ville, longue de 10,3km et dotée de 23 rames de 45 mètres de longueur, affichera un coût de 330 millions d’euros.

Des créations ou prolongement de lignes de tramway pour quelque 2 milliards d’euros

Le future ligne de tramway express T13 dite « Tangentielle ouest » (18,8km) Saint-Cyr-Saint-Germain-en-Laye coûtera, selon nos informations, quelque 250 millions d’euros alors qu’elle réemploie sur 14,5km l’infrastructure de l’ancienne Grande Ceinture.

On peut évaluer le coût total de ces prolongations ou créations de lignes de tramways à au moins 2 milliards d’euros.

20Vue d'artiste d'une station du futur T13 Express, tramway contournant Paris par l'ouest sur 18,8km : 250 milions d'euros, soit le double de la remise en service et de l'électrification d'Evian-Saint-Gingolph, ligne internationale et inter-régionale de 18km dont le projet reste en suspens. (IDFM)

 On peut conclure de ce tour d’horizon que la région Île-de-France  mobilise pour ses nouvelles lignes ferroviaires régionales tous types confondus, et non comptée la régénération massive des réseaux existants, un investissement que nous évaluons approximativement à : 38,5 milliards d’euros de la SGP pour le Grand Paris Express, lignes nouvelles et extensions, et un tiers du coût de l’extension du RER E ; 2,24 milliards pour le RER E (solde hors SGP) ; 2,1 milliards pour le CDG Express ; environ 2 milliards pour l’extension du réseau de tramway. Le total approximatif, d’après les informations dont nous disposons à ce jour, s’élève à quelque 45 milliards d’euros (44,84 MM€), étalés sur une décennie et demie. Il s'agit massivement d'argent (et d'emprunt) public, à l'exception d'une partie de la facture du CDG Express.

Quelques termes de comparaison avec le coût de rénovation de lignes en « province »

 Les grands nombres étant difficiles à appréhender, nous donnons ici quelques budgets de rénovations de lignes régionales hors Ile-de-France afin de mesurer la disproportion entre les coûts de la seule extension des réseaux ferroviaires franciliens (rénovation de l’existant non compris) et le coût du maintien en vie de quelques lignes de dessertes supposément « fines » des territoires « éloignés ».

 Pour sauvegarder Grenoble-Veynes un accord a été trouvé, qui met largement à contribution les collectivités territoriales, sur un montant de travaux de 28,3 millions d’euros.

 Pour sauvegarder la partie nord de Béziers-Neussargues et éviter d’envoyer chaque jour sur la route 140 camions desservant une usine métallurgique, les régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes vont débourser 11,5 millions d’euros.

 Pour rétablir sur 18 km entre Montbrison et Boën, une section de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand fermée dans sa partie centrale sur 45km depuis trois ans (plus de 800.000 habitants sont concernés), 8,3 millions d’euros ont été nécessaires, financés pour un tiers par… l'intercommunalité du secteur.

  Pour éviter la fermeture définitive de 74km de la section centrale de la ligne des Cévennes Nîmes-Clermont-Ferrand, la région Auvergne-Rhône-Alpes va débourser 10,3 millions d’euros, SNCF Réseau ayant refusé de cofinancer sous le prétexte que ces travaux de sauvegarde n’assureraient pas une pérennité suffisante de l’infrastructure - sous-entendu : acceptez de dépenser plus pour cette ligne relevant du réseau ferré national, et nous vous aiderons.

DSCN1390Automoteurs de la ligne des Cévennes à La Bastide-Saint-Laurent les Bains. La liaison Nîmes-Clermont-Ferrand (303 km) sera sauvegardée de justesse sur sa partie centrale (74km) grâce à un financement exclusivement régional de 10,3 millions d'euros, SNCF Réseau ayant refusé de participer. On notera l'état de la voie. ©RDS

 Sur l’étoile de Breil côté français, il manque 15 millions d’euros pour lever les limitations de vitesse drastiques dans cette région de montagnes difficile d’accès où le rail constitue un lien régional et international avec l’Italie, essentiel.

 Ces seuls cinq exemples récents, traités par Raildusud, qui permettent de sauvegarder à court terme des liaisons régionales d’une distance conséquente, totalisent 73,4 millions d’euros d’investissements, soit 0,16% des coûts de construction des seules infrastructures nouvelles en Ile-de-France.

 Dernière comparaison édifiante. Pour rouvrir 18 km de voie neutralisée entre Evian et Saint-Gingolph, l’électrifier et rétablir ainsi la liaison la plus courte entre Auvergne-Rhône-Alpes (7,9 millions d'habitants), son département de Haute-Savoie (810.000 habitants) et le Valais (350.000 habitants), nouvelle liaison ferrée entre la France et la Suisse, 124 millions d’euros sont nécessaires, soit la moitié du coût de la construction et de l’équipement du seul tramway express T13 de même longueur en région parisienne.

 L’actualité ferroviaire illustre de façon éblouissante la fracture territoriale française.

 

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Commentaires
P
Mis à part CDG Express qui est non seulement une gabegie mais aussi une connerie, cela ne me choque pas qu'on investisse autant en région parisienne qui en a quand même bien besoin. Mais ce qui est stupide, c'est qu'on ne développe pas la couronne bien reliée à Paris et qu'au contraire, on détériore les relations avec Paris, et on passe à coté d'occasions dans ces villes de la couronne. Et oui, seulement une fraction de cette somme consacrée à la province, et les choses s'amélioreraient considérablement, si on avait affaire à des élus intelligents, ce qui n'est pas toujours le cas
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B
Pour le GPE, les M15 et 16 pouvaient suffire, dans un premier temps . Et le CDG EXPRESS est tout aussi primordial que le "London Heathrow" l' est !<br /> <br /> Pour 2030, apres quelques années de services de ces nouvelles lignes citées, nos décideurs pouvaient se réunir à nouveau, et voir pour la M14 et 17 . Par contre, à mes yeux, la M18 est inutile.<br /> <br /> Au niveau des tramways, priorité pour le T12 jusqu' à Versailles, voire aussi le T13 jusqu' à Achères ou Poissy . Par contre, le T11 et ses prolongements vers Sartrouville et Noisy le Sec serait "plus tard".
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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