L’étoile ferroviaire de Clermont-Ferrand, emblématique du malthusianisme ferroviaire en « province »
Clermont-Ferrand compte 148.000 habitants sur sa commune-centre, 274.000 habitants sur sa zone agglomérée et la métropole Clermont-Auvergne métropole en compte 297.000. Son importante étoile ferroviaire nationale originelle a perdu ses deux branches est-ouest et le nombre de destinations a dramatiquement chuté, illustration du malthusianisme ferroviaire en « province ». Un Service express régional métropolitain est envisagé. Etat des lieux.
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Intercités au départ pour Paris en gare de Clermont-Ferrand. Une ligne malade est qui risque de le rester en attendant des rames automotrices neuves dont la livraison est retardée de plusieurs années. (Cl. Wikimedia/F. Pépelin)
Désormais l’essentiel de son offre voyageurs est TER, l’offre grandes lignes Intercités se limitant à la relation avec Paris, gravement dégradée. L’Intercités Clermont-Ferrand-Béziers, reliquat de l’ancienne radiale Paris-Clermont-Ferrand-Béziers, n’offre qu’un aller-retour quotidien aux conditions d’un TER.
La disparition des branches ferroviaires est et ouest
A l’ouest, l’état originel de l’étoile ferroviaire de Clermont-Ferrand a permis une relation avec Bordeaux par Ussel, Brive et Périgueux jusqu’au 6 juillet 2014, date à laquelle la section de 22 km entre Laqueuille et Ussel a été neutralisée en raison de la dégradation de la voie par manque d’entretien. Il ne demeure plus de cette ligne Clermont-Ferrand-Ussel exploitée en voyageurs par TER de banlieue que les 20 km courant de Clermont-Ferrand à Volvic, à double voie rénovée en 2012, qui desservent quatre gares intermédiaires (Clermont-La Rotonde, Royat-Chamalières, Durtol Nohanent, Chanat. Sur son parcours, cette courte section gagne 400 m de dénivelé pour atteindre 760 m d’altitude à Volvic, ce qui en fait une ligne de montagne avec ses quatre tunnels cumulant 887 m.
Cet axe ouest demeure exploité en fret de Volvic à Laqueuille (43 km) puis de Laqueuille à l’embranchement sud du Mont-Dore pour les eaux de l’usine SMDA (10 km), soit un total de 53 km. On peut légitimement s’interroger sur la légitimité de la disparition de l’offre voyageurs sur une section aussi longue maintenue pour le fret. Une rénovation permettant aux TER de circuler ne paraît pas devoir dépasser les capacités d’investissement de la puissance publique, qu’elle soit étatique ou régionale. Elle permettrait d’amortir mieux la rénovation de Clermont-Ferrand-Volvic.
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Entre Ussel et Laqueuille, voici ce qui reste de la "ligne des Puys" qui permettait de relier directement Clermont-Ferrand à Brive (avec correspondance vers Toulouse), Périgueux, Bordeaux... (Cl. Christian Jobst, Railwalker.de)
A Volvic s’embranchait la ligne en provenance de Lapeyrouse, longue de 56,7 km, desservant Saint-Eloy-les-Mines et Gouttières, équipée du célèbre viaduc des Fades sur la Sioule. Cette ligne, neutralisée en décembre 2007, offrait un itinéraire de 108 km de Montluçon à Clermont-Ferrand, contre 110 km via Gannat, seul itinéraire exploité de nos jours. On notera que la ligne embranchée Montluçon-Gouttières, ouverte en 1931 et fermée aux voyageurs dès mai 1939, permettait de réduire l’itinéraire Montluçon-Clermont-Ferrand à 100 km.
A l’est, Clermont-Ferrand était relié directement à Saint-Etienne (173.000 habitants, 407.000 sur la métropole) par la ligne Clermont-Ferrand-Saint-Etienne, embranchée à l’axe Saint-Etienne-Roanne à Saint-Just-sur-Loire. Cet itinéraire de 145 km desservait principalement Thiers, Noirétable, Boën, Montbrison. Depuis juin 2016, il est neutralisé sur 48 km entre Thiers et Boën (après rétablissement sur financement principalement régional et local, des 18 km de Montbrison à Boën en 2018), interdisant tout train direct entre les deux métropoles. Ce report sur route et autoroute a accéléré le déclin économique de Noirétable, et a dispersé et dégradé l’offre, rendant le cabotage extrêmement difficile dès qu’il inclut une localité située sur la partie centrale.
Axe nord-sud : élimination des trains traversants, fragilité au nord, étiolement au sud
Reste l’axe nord-sud, soit Paris-Nevers-Clermont-Ferrand et Clermont-Ferrand-Alès-Nîmes/Millau-Béziers, auquel s’ajoute ce qui n’est désormais qu’un embranchement, la relation Clermont-Ferrand-Gannat-Montluçon, qui se débranche à Riom de la ligne de Paris, et le service TER Clermont-Ferrand-Lyon par Roanne.
On connaît les affres de la relation Intercités Paris-Clermont-Ferrand. Dans l’interminable liste des dysfonctionnements, le 1er mars le train parti de Paris à 18 h 47 et programmé pour atteindre la métropole auvergnate à 22 h 40 est arrivé à destination avec 3 h 20 mn de retard en raison d’une panne de la locomotive de secours circulant devant le train. Sur cette section Montargis-Nevers, la ligne n’est pas équipée d’installation permanente de contresens qui eût permis un dépassement de l’engin en panne par le convoi qu’il était censé pouvoir secourir.
Côté sud, les relations interrégionales se limitent à trois TER Clermont-Ferrand-Arvant-Alès-Nîmes et à un seul autorail quotidien, au statut Intercités, Clermont-Ferrand-Arvant-Neussargues-Millau-Béziers, seul Intercités de France à imposer un changement de train (à Neussargues), la ligne étant en traction thermique au nord, électrique au sud. L’activité Intercités n’a pas réussi à trouver des engins bimode et se contente de louer l’usage d’un autorail thermique à la région Auvergne-Rhône-Alpes, d’un AGC électrique à la région Occitanie. On ajoutera à ce bref tableau une unique relation quotidienne TER bi-régionale Clermont-Ferrand-Toulouse par Aurillac et Capdenac en 5 h 46 mn.
Croisement de TER Occitanie en gare de La Baside-Saint-Laurent-les-Bains, sur l'axe Clermont-Ferrand-Nîmes (septembre 2018). Cette ligne a perdu ses trains à statut intercités et ne voit plus passer aucune circulation voyageurs amorcée à Paris d'un côté, à Marseille de l'autre. (Cl. RDS)
Le temps est loin du Cévenol Paris-Marseille par Clermont-Ferrand et Nîmes (1979-2007), dénomination antérieurement attribuée à un couplage d’autorails reliant Marseille à Clermont-Ferrand et au Mont-Dore depuis 1955 tandis qu’un Paris-Nîmes de jour et un autre de nuit circulaient alors.
Le temps est loin aussi de l’Aubrac (1982-2007) qui reliait par rames Corail Paris et Béziers par Clermont-Ferrand, en couplage avec le Cévenol entre Paris et Clermont-Ferrand pendant plusieurs années.
Enfin, notons la disparition de toute relation ferroviaire entre Clermont-Ferrand et le Livradois, soit Ambert, Arlanc et au-delà vers Darsac et Le Puy par emprunts successifs de la ligne Clermont-Ferrand-Saint-Etienne jusqu’à Pont-de-Dore, puis de la ligne (Saint-Germain-des-Fossés)-Vichy-Darsac. Cette dernière a été fermée aux voyageurs de Vichy à Courty et d’Arlanc à Darsac en novembre 1971, de Pont-de-Dore à Arlanc en septembre 1980 (avec reprise partielle d’un trafic touristique par l’Agrivap). Il existait un train Clermont-Ferrand-Le Puy par Ambert à l’horaire 1956, les autres relations Clermont-Ferrand-Livradois s’opérant avec correspondance à Pont-de-Dore. De rares autocars TER relient aujourd’hui Clermont-Ferrand à Ambert.
Le paysage TER à moyenne et courte distance est heureusement plus riant autour de Clermont-Ferrand.
Vers Aurillac, Montluçon, Lyon
Certes on ne compte que 5 allers-retours Clermont-Ferrand-Aurillac (168 km) par jour ouvrable, complétés par des circulations de vendredis et dimanches en fin de service pour coller aux besoins scolaires et étudiants, et des possibilités de correspondances à Arvant le matin avec autocar jusqu’à Aurillac, en milieu de journée à Neussargues par l’Intercités Aubrac avec TER vers Aurillac.
L’amplitude horaire est limitée avec dernier départ de Clermont-Ferrand pour Aurillac à 18 h 42 en semaine (mais 21 h 38 les dimanches). Le meilleur temps de parcours s’établit à 2 h 18 mn (TER Clermont-Ferrand-Toulouse), les autres tournant autour de 2 h 33 mn. La fiche horaire, qui mêle trains et quelques autocars avec exceptions de circulations, offre une lecture difficile. Tout cadencement est absent.
Magnifique gare de Néris-les-Bains, sur la ligne Montluçon-Gouttières qui offrait l'itinéraire le plus court vers Clermont-Ferrand. Inaugurée en 1931, elle perdit son trafic voyageurs de transit dès 1939, seuls quelques voitures thermales l'atteignant encore après-guerre depuis Paris. (Cl. RDS)
La situation est à peine meilleure pour les TER Clermont-Ferrand-Montluçon (109 km) qui offrent six allers-retours par jour ouvrables, complétés là encore par des TER de soirée, deux les vendredis et un les dimanches pour coller aux besoins scolaires et étudiants. Le service ajoute trois TER Clermont-Ferrand-Gannat et quelques courses par autocars (Riom-Montluçon, Riom-Gannat, Gannat-Montluçon) dispersées certains jours. Le meilleur temps de parcours par TER de bout en bout s’établit à 1 h 31 mn. La fiche horaire, qui mêle trains et autocars avec exceptions de circulations, offre une lecture difficile. Tout cadencement est absent.
Côté Lyon, on compte 9 relations par sens en semaine via Roanne (229 km) dont une sans aucun arrêt intermédiaire. On constate une tentative de cadencement puisque plusieurs de ces TER partent de Clermont-Ferrand à h + 02. L’amplitude horaire au départ de Clermont-Ferrand est limitée, avec un premier départ à 6 h 04, le dernier à 18 h 02 (20h 02 les dimanches). Le temps de parcours de Clermont-Ferrand à Lyon Part-Dieu s’établit à 2 h 24 mn (2 h 38 mn jusqu’à Perrache). Il est réduit à 2 h 16 mn (jusqu’à Part-Dieu) pour le TER sans arrêt intermédiaire principalement créé pour les besoins des personnels régionaux lors de la fusion des deux régions Auvergne et Rhône-Alpes en janvier 2015.
Au nord, densité assez élevée mais accessibilité difficile en raison du mélange TER-Intercités
Sur l’axe principal nord, les horaires mêlent TER et Intercités. La densité de l’offre est plus élevée, mais l’accès aux trains est complexifié en raison des tarifications et réservation obligatoire ou non. On décompte 11 TER Clermont-Ferrand-Moulins, complétés par 2 TER Clermont-Ferrand-Moulins-Nevers. Cette trame s’ajoute aux 7 Intercités, qu’elle complète en quelque sorte mais avec une imperméabilité d’accès entre les deux qui détruit en partie l'effet fréquence.
Carte des temps de parcours au départ de Clermont-Ferrand (en blanc, supérieurs à 3 heures). La très industrielle capitale de l'Auvergne est ferroviairement isolée vers le sud, l'ouest et le nord-est.
Il convient d’ajouter 7 TER Clermont-Ferrand-Vichy, deux autres étant poursuivis jusqu’à Saint-Germain-des-Fossés. Des ajouts sont prévus avant et après les des fins de semaine. La trame est allégée les samedis et dimanches. Il n’existe aucun cadencement et les exceptions de circulation sont multiples. Toutefois, la trame Vichy-Riom est fournie en raison de la superposition des différentes missions : TER Clermont-Ferrand-Moulins-Nevers/Roanne-Lyon, courses spécifiques Clermont-Ferrand Vichy/Saint-Germain-des-Fossés, courses Clermont-Ferrand-Riom-Gannat-Montluçon. Sans oublier les Intercités desservant Vichy.
Nonobstant cette abondance à proximité de la capitale auvergnate, la trame horaire ne présente ni cadencement ni homogénéité d’accès (TER vs Intercités). L’amplitude est toutefois importante : premier départ TER de Vichy vers Clermont-Ferrand à 5 h 44 en semaine, dernier à 22 h 29 tous les jours. La trame est considérablement réduite les samedis et dimanches.
Au sud, fortes fréquences décroissantes avec la distance
Sur l’axe principal sud, non électrifié, la fréquence est de même qu’au nord inversement proportionnelle à la distance. Nous énumérons les services en semaine, qui s’ajoutent les uns aux autres. On compte 10 fréquences Clermont-Ferrand-Vic-le-Comte (19 km et 4 stations intermédiaires) missions omnibus dont 6 amorcées au nord de Clermont-Ferrand (Riom et au-delà), traversantes ; 11 fréquences Clermont-Ferrand-Issoire (36 km et 6 stations intermédiaires) dont trois amorcées au nord de Clermont-Ferrand ; 7 fréquences Clermont-Ferrand-Arvant (61 km) ; 12 fréquences Clermont-Ferrand-Brioude (71 km) ; 4 fréquences Clermont-Ferrand-Saint-Georges d’Aurac (95 km) dont 3 poursuivies jusqu’au Puy ; 2 fréquences Langeac (103 km).
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Fiche horaire nord-sud (pour la matinée) des dessertes de l'axe Clermont-Ferrand-Brioude. Si la densité de circulations est correcte, elle décroît nettement au sud d'Issoire, subit des exceptions de circulations rendant la lecture complexe. (Doc. TER AuRA/SNCF Voyageurs)
Cette trame horaire TER est allégée les fins de semaines mais dotée de services supplémentaires les vendredis soirs et dimanches soirs, collant aux besoins des scolaires et étudiants. Elle n’est en rien cadencée. Elle est complétée par des services d’autocars souvent partiels. Au final, la lecture des fiches horaires concernant cet axe principal côté sud est assez difficile.
Enfin, dans la banlieue ouest de Clermont-Ferrand, le reliquat de la ligne d’Ussel ne voit offrir que 6 fréquences par train jusqu’à Volvic en semaine (21 km en 26 mn), plus une par autocar (en 39 mn), trame réduite à 3 les dimanches. Il va de soi que le service n’est pas cadencé...
En résumé : un gros travail pour le futur SERM
Dans l’ensemble, l’étoile ferroviaire de Clermont-Ferrand a vu ses relations est-ouest largement amputées en raison de la suppression, vers Bordeaux, de tout service voyageurs sur Volvic-Ussel et, vers Saint-Etienne, sur Thiers-Boën, le transfert sur route handicapant les correspondances, interdisant les trains à plus long parcours et limitant ou interdisant les dessertes intermédiaires.
Sur l’axe nord-sud, les liaisons à grand parcours sont limitées à Paris et Lyon, avec les aléas que l’on connaît vers Paris, et, à faible fréquence, Nîmes, la continuation vers Marseille ayant été éliminée voici une dizaine d’années. La liaison vers Béziers est anecdotique, même si son statut Intercités donne des arguments aux défenseurs de la ligne des Causses et de l’Aubrac vis-à-vis de l’Etat.
Ci-dessus.- Belle gare d'Ambert, réduite à un centre de loisirs avec quelques circulations touristiques Agrivap et du vélo-rail. (Cl. RDS)
Ci-dessous.- Autocar TER remplaçant les trains SNCF à Ambert. (Cl. RDS)
En ce qui concerne les liaisons de plus grande proximité, on constate de belles fréquences jusqu’à Vichy, amoindries quoique correctes jusqu’à Moulins, insuffisantes jusqu’à Montluçon où les seules deux correspondances possibles vers la Nouvelle-Aquitaine sont dissuasives, passables jusqu’à Gannat. Très belles fréquences aussi au sud jusqu’à Issoire, voire Brioude, bien amoindries jusqu’à Aurillac. L’ensemble pâtit toutefois de l’absence de cadencement stricto sensu et de la faiblesse des dessertes en fin de semaine (au moment où le train peut servir les loisirs).
Les concepteurs d’un éventuel service express métropolitain (SERM) clermontois auront un gros travail pour « peigner » l’ensemble afin de le rendre plus lisible, la complexité (exceptions de circulation, mélange bus-trains) et trop souvent la faiblesse des trames étant aujourd’hui les principaux points faibles d’une étoile qui, pour les relations à longue distance, a dramatiquement perdu de son lustre d’antan et fait en effet la grande ville industrielle de l'Auvergne le désert ferroviaire dénoncé récemment par le PDG de Michelin.