Ouest lyonnais : mobilisation autour de la ligne de la vallée de la Brévenne, maillon de l'ex-Lyon Saint-Paul-Montbrison
La mobilisation se renforce pour défendre l’un des derniers lambeaux de la transversale Lyon Saint-Paul-Montbrison, elle-même conçue au XIXe siècle comme un maillon de la relation la plus courte entre Lyon et Bordeaux. Un collectif « Brévenne : Gardons la ligne » s’est constitué pour demander au moins la réactivation pour le fret de la section Sain-Bel-carrières de La Patte, fermée au fret fin 2019, et le prolongement du Train-tram de l’Ouest Lyonnais au moins « jusqu’à la gare de La Giraudière », située en fond de vallée entre les villages de côtes opposées de Brussieu (1.350 habitants, en hausse de 82 % en vingt ans) et Courzieu (1.170habitants, en hausse de 3,2 % en vingt ans).
Dix-sept communes, deux intercommunalités de 38.500 et 35.200 habitants
Depuis l’Arbresle jusqu’à Sainte-Foy-l’Argentière, cette section de ligne à voie unique est longue de 19,7 km et concerne directement ou indirectement quelque dix-sept communes et deux intercommunalités - Pays de l’Arbresle (38.500 habitants) et Monts du Lyonnais (35.200 habitants). Seuls 2,83 km sont encore exploités entre L’Arbresle, jonction tangente avec la ligne de Saint-Germain-au-Mont d’Or à Saint-Germain-des-Fossés, et Sain-Bel. Cette courte section a été électrifiée en 2010 dans le cadre du projet du Train-tram de l’Ouest Lyonnais, mis en service en 2012 et cadencé à la demi-heure. Un service voyageurs minimaliste l’avait précédé depuis en septembre 1991.
Dépose de voies de service sur le faisceau de chargement des carrières de La Patte, courant 2020. Le plus étonnant dans la décision de ne pas rénover la voie depuis Sain-Bel et de basculer le trafic sur la route réside dans le fait que les granulats expédiés sont essentiellement destinés à SNCF Réseau. ©RDS / POM
La section sur laquelle le collectif « Brévenne : Gardons la ligne » demande le prolongement du Train-tram de l’Ouest Lyonnais se situe entre Sain-Bel et la gare dite de La Giraudière, lieu-dit entre Brussieu et Courzieu comme mentionné plus haut. Le renouvellement de la voie et l’électrification en 1.500 Vcc ne concernerait que 8,13 km, ce qui ne constitue par un investissement hors de portée quand on le compare au coût des investissements actuels dans les nouvelles lignes ferroviaires régionales en Ile-de-France, qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros.
Le service fret est resté actif précisément de L’Arbresle au site des carrières Lafarge de La Patte, jusqu’en décembre 2019. La section située entre Sain-Bel et l’embranchement des carrières de La Patte est longue de 12,52 km, soit 4,39 km au-delà de la gare de La Giraudière. Le trafic fret - des granulats à destination de… SNCF Réseau principalement - a été suspendu en raison de la dégradation de la voie, antédiluvienne, et des travaux nécessaires aux ouvrages d’art relativement importants sur ces quatre kilomètres. Les principaux d’entre eux, entre la gare de La Giraudière et l’embranchement de La Patte sont : le viaduc de Jubin, long de 56 m ; le viaduc de Vécherin , long de 209 m ; le viaduc d’Esthieux, long de 135 m ; le tunnel de Pierrecole, long de 129 m ; le viaduc de Pierrecole, long de 67 m.
Situation de la section L'Arbresle-Sainte-Foy-l'Argentière de l'ancienne ligne Lyon Saint-Paul-Montbrison. (Extrait de la carte du RFN - SNCF Réseau)
Tous ces viaducs franchissent la Brévenne, cours d’eau de 39 km qui a sa source à Viricelles, à proximité de la ligne de partage des eaux entre les bassins du Rhône et de la Loire. La Brévenne est affluent de l’Azergue, qui elle-même rejoint la Saône. La voie ferrée court d’une rive à l’autre de la Brévenne. Notons que la ligne Lyon Saint-Paul-Montbrison franchissait cette ligne de partage des eaux par le tunnel de Viricelles long de 640 m, situé à l’entrée nord de la gare de Viricelles-Chazelles.
Une extension du Train-tram à Sainte-Foy-l’Argentière impliquerait la rénovation de 16,8 km
Le linéaire entre l’embranchement des carrières de La Patte et la limite de déclassement à quelques dizaines de mètres de la gare de Sainte-Foy-l’Argentière n’est que de 4,28 km. Une extension du Train-tram de l’Ouest lyonnais de Sain-Bel à Sainte-Foy-l’Argentière impliquerait une rénovation et une électrification sur 16,8 km, à comparer aux 8,13 km d’une extension limitée à La Giraudière. On est, là encore, sur des valeurs tout à fait raisonnables.
Sur ce passage à niveau de la section Sain-Bel-Sainte-Foy-l'Argentière, les rails ont été tronçonnés et un enrobé routier posé pour éviter aux automobilistes le désagrément des secousses. (Doc. Brévenne : Gardons la ligne)
Cette dernière extension permettrait éventuellement d’embrancher l’importante usine de tuilerie de Sainte-Foy-l’Argentière, qui jouxte la gare et génère à ce jour un important trafic routier de fret. Une partie de ce trafic poids-lourds s’ajoute vers le nord, sur la route de la vallée de la Brévenne, au trafic des produits de carrières passés du rail à la route voici bientôt quatre ans.
Ce surcroît de trafic fret routier et la faiblesse de la desserte par transport public de cette vallée expliquent l’indignation de nombreux habitants de ces localités et leur demande de réactivation de la ligne. Lors d’une des nombreuses réunions de « Brévenne : Gardons la ligne », ils se sont émus de constater « que SNCF Réseau commençait à recouvrir de bitume les rails présents sur les passages à niveau ». L'infrastructure est laissée à l'abandon « et nous avons dû organiser une opération de débroussaillage à l'automne dernier... mais là, C'est sûr que les trains vont beaucoup moins bien rouler ! ».
Ce débroussaillage était entrepris dans la perspective d’un rétablissement de trains touristiques sur la partie de la voie désormais confiée à la gestion de l’intercommunalité. Pour l’instant, ces circulations touristiques sont limités à moins de 2 km au nord de la gare de Sainte-Foy-l’Argentière en raison d’une avarie sur un petit pont-rail.
Pierre Brochier (« Brévenne : Gardons la ligne ») : « A certaines heures la circulation est bloquée »
Le collectif « Brévenne : Gardons la ligne » a multiplié les réunions dans les communes concernées depuis ce printemps 2023. Interrogé par RCF Lyon l’un de ses militants, Pierre Brochier, s’est ému de l’état de saturation de l’axe routier de la vallée, tant à Sain-Bel qu’à L’Arbresle, localités qu’il traverse. « A certaines heures, la circulation est bloquée », en particulier sur « le pont de la Madeleine qui date de 1760 et qu’on ne peut pas élargir car il est classé monument historique », indiquait pierre Brochier.
Le militant de « Brévenne : Gardons la ligne » paraissait relativement optimiste. En effet, indiquait-il à RCF Lyon, toutes les communes du Rhône ont confié la compétence mobilités au Sytral, le syndicat des transports de l’agglomération de Lyon dont le territoire d’intervention comprend désormais, outre de la métropole du Grand Lyon, le territoire du Nouveau Rhône, partie du département du Rhône hors métropole. Or, indique-t-il encore, « le Sytral a prévu 500 millions d’euros » pour remettre en état les lignes complémentaires à Lyon-Sain-Bel et Lyon-Brignais du Train-tram de l’Ouest Lyonnais, soit Tassin-Lozanne, en cours de rénovation – mais malheureusement sans électrification – et éventuellement prolongation de la ligne de Sain-Bel vers le sud, dans la vallée de la Brévenne.
Gare de Sainte-Foy-l'Argentière (ci-dessus) et fiche horaire des autocars de la ligne Cars du Rhône (Sytral) n°142 de 2020 (ci-dessous). La gare sert de siège à l'association de bénévoles du train touristique des Monts du Lyonnais, rétabli depuis peu sur moins de 2 km. La fréquence d'autocars pour Lyon est à peu près comparable à la fréquence des trains de voyageurs existant au début du XXe siècle. ©RDS
Il resterait toutefois à trancher le hiatus juridique. Les lignes du Train-tram de l’Ouest Lyonnais sont propriété de l’Etat et sous gestion de SNCF Réseau. Elles sont exploitées sous l’autorité de la région Auvergne-Rhône-Alpes par SNCF Voyageurs sous le régime TER. Pourtant, ce réseau est totalement indépendant du reste du réseau ferré national, avec seules trois jonctions possibles. La première, qui se situe à l’ouest de la gare de Lyon Gorge-de-Loup, rejoint par une courte section à voie unique la ligne Lyon Perrache-Dijon. Cette jonction vit jadis passer, jusque dans les années 1960, des Lyon Saint-Paul-Villefranche-sur-Saône.
La deuxième jonction, double, est située à L’Arbresle, gare dans laquelle la ligne Lyon saint-Paul-Montbrison tangente la ligne Saint-Germain-au-Mont d’Or-Saint-Germain-des-Fossés. Elle permet (éventuellement) à des trains venant de Lyon Saint-Paul de poursuivre vers Tarare et Roanne, ou à des trains venant de la vallée de la Brévenne de poursuivre vers Saint-Germain-au-Mont-d’Or, ce qui fut le cas de rames de produits de carrière provenant de La Patte jusqu’à fin 2019. Notons que le centre de maintenance des rames Alstom Citadis Dualis qui assurent les dessertes du train-tram de l’Ouest Lyonnais se situe à la sortie de la gare de L’Arbresle côté Sain-Bel.
La troisième jonction se situe à Lozanne, terminus de l’antenne non électrifiée depuis Tassin, qui s’embranche à la transversale Saint-Germain-au-Mont-d’Or-Saint-Germain-des-Fossés.
Une ligne mise en service de 1873 à 1876, mais privée de voyageurs à partir de 1938
Le sort de la ligne Lyon Saint-Paul-Montbrison fut contraire aux ambitions de ses fondateurs, les frères Mangini : en faire un maillon décisif d’une liaison Bordeaux-Lyon par Thiers, Clermont-Ferrand, Ussel, Brive, itinéraire le plus court – même s’il eût été le plus tourmenté. Elle fut mise en service par tronçons entre 1873 et 1876 par la compagnie des Dombes et du Sud-Est. Cette dernière céda son réseau au PLM en 1883.
Extrémité de la ligne à Sainte-Foy-l'Argentière. On distingue les stocks de tuiles en arrière-plan. L'usine de tuilerie se situe derrière la rangé d'arbres, sur la gauche. ©RDS
Au début du XXe siècle, la parcours Lyon Saint-Paul-Montbrison (77,68 km) était assuré par quatre allers-retours voyageurs auxquels s’ajoutait un Lyon-Viricelles-Chazelles, et par une fréquence plus élevée à proximité de Lyon jusqu’à L’Arbresle. A Viricelles-Chazelles, une correspondance fut assurée d’octobre 1899 à fin 1933 par tramway électrique (VCS) jusqu’à Chazelles-sur-Lyon, siège d’une importante industrie chapelière, et Saint-Symphorien-sur-Coise, ville terminus de la seule ligne du Chemin de fer de Rhône et Loire (CRL), provenant de Messimy par Saint-Martin-en-Haut.
Le service voyageurs est supprimé dès janvier 1938, premières semaines d’existence de la SNCF, entre Sainte-Foy-l’Argentière et Montbrison, ne demeurant qu’un aller-retour voyageurs les samedis, dimanches et fêtes entre L’Arbresle et Sainte-Foy-l’Argentière, avant disparition définitive de toute desserte voyageurs au-delà de L’Arbresle en septembre 1955 (3).
Le service fret disparut par tranches dans la plaine du Forez à l’ouest en 1941 (Grézieu-le-Fromental-Montbrison), 1942 (Boisset-le-Cerizet-Grézieu-le-Fromental), puis au centre en 1950 (Sainte-Foy-l’Argentière-Meys) et 1952 (Meys-Viricelles-Chazelles), ne laissant pour quelques années au fret que les sections Viricelles-Chazelles-Montrond (jusqu’en 1972), Montrond-Boisset-le-Cerizet (jusqu’en 1990) et L’Arbresle-Sainte-Foy-l’Argentière. Cette dernière section fut fermée au fret entre les carrières de La Patte et Sainte-Foy-l’Argentière en 2013, entre lesdites carrières et Sain-Bel en 2019.
Ci-dessus: Cette belle allée piétonnière, vélocipédique et canine le long d'une église romane et à proximité de l'ancien château fort, est celle qui traverse Montrond-les-Bains. Elle remplace les rails sur lesquels jadis passaient les trains de la ligne Lyon Saint-Paul-Montbrison. ©RDS
Ci-dessous: A Montrond-les-Bains, la voie verte se poursuit en franchissant la Loire par ce beau pont ferroviaire long de 184 mètres. On notera que la fréquentation de ladite voie verte reste généralement confidentielle malgré le soin à mettre en valeur le parcours de la part des collectivités locales. ©RDS
Notons enfin que la possibilité de desserte fret depuis Lyon Saint-Paul jusqu’à Sain-Bel avait été supprimée en 1984. Ne demeure en fret sur les 77,68 km initiaux de la ligne que la courte section, rétablie en 2002 malgré l’aliénation de quelques centaines de mètres, entre les carrières de la Loire Delage à Bellegarde en Forêt et Montrond. Tout le reste est sur la route.
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(1) Le lecteur pourra se reporter à plusieurs articles de Raildusud traitant de la ligne Lyon-Montbrison, parmi lesquels celui concernant la suspension du trafic fret :
On connaît les discours " disruptifs et écologiques " sur le transfert modal de la route au rail et la réactivation des lignes...
http://raildusud.canalblog.com
(2) Lien vers l’entretien avec Pierre Brochier (RCF Lyon) :
RCF est une radio associative et professionnelle. Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !
https://www.rcf.fr
(3) Sur l’histoire de la ligne Lyon Saint-Paul-Montbrison, on consultera avec avantage les pages des deux sites suivants :
Retrace l'histoire des lignes de chemin de fer abandonnées de France.
https://www.lignes-oubliees.com
La Ligne Lyon-Saint-Paul - Montbrison (Ligne n°782 000 du réseau ferré national) est une voie ferrée française qui reliait la gare de Lyon-Saint-Paul (69M) à Montbrison dans la Loire (42). Aujourd'hui l'exploitation est découpée en plusieurs parties : La section Lyon-Saint-Paul - Sain-Bel est exploitée par la ligne 22 des TER Auvergne-Rhône-Alpes (Tram-Train de l'Ouest Lyonnais).
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