En ce début de mois de septembre, la tension politique augmente encore autour des lignes radiales du Massif central, Béziers-Neussargues (ligne des Causses, 277 km) et Nîmes-Clermont-Ferrand (ligne des Cévennes, 303 km) : les présidents des deux conseils régionaux concernés, Carole Delga (PS) pour l’Occitanie et Laurent Wauquiez (LR) pour Auvergne-Rhône-Alpes ont appelé conjointement le gouvernement à augmenter significativement ses investissements pour le sauvetage de ces deux lignes. Rappelons que Carole Delga est par ailleurs présidente de Régions de France, l’association des conseils régionaux qui tiendra son congrès les 27 et 28 septembre à Saint-Malo.
Le risque de segmentation, pratiquée depuis des années par les « économistes » du ferroviaire
Faute d’un tel effort, soulignent uniment les deux présidents pourtant issus de bords politiques opposés, la sauvegarde de leur intégrité serait menacée, avec risque de segmentation du type de Saint-Etienne-Clermont-Ferrand neutralisée en 2016 sur sa partie centrale et réduite à deux antennes (Saint-Etienne-Boën et Clermont-Ferrand-Thiers), ou de la ligne du Jura Andelot-La Cluse neutralisée en 2017 entre Saint-Claude et Oyonnax et réduite à deux antennes (Andelot-Saint-Claude et La Cluse-Oyonnax).
Gare d'Oyonnax. Jusqu'en 2017, cette établissement était gare de passage des TER Saint-Claude-Bourg-Lyon. Depuis, c'est un terminus en raison de la dégradation de la voie en amont. Sur les 30 km qui séparent Saint-Claude d'Oyonnax, on est prié de prendre un autocar, sur une route déjà chargée.
Sur la ligne des Cévennes, SNCF Réseau menaçait de fermer la section centrale de 70 km entre Langogne et Saint-Georges-d’Aurac voici trois ans, décision annulée grâce à des travaux financés pour partie par la région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette amputation eût interdit toute relation interrégionale, condamné le reliquat de transport de fret par la voie la plus courte et réduit l’axe à deux antennes intrarégionales privée du trafic de transit : Clermont-Ferrand-Saint-Georges-d’Aurac et Nîmes-Langogne. A croire que la segmentation des lignes régionales, pratiquée dans d’autres régions, est devenue le nouveau mantra des « économistes » du ferroviaire, probablement amateurs de « voies (prétendument) vertes » et de vélos-rails à leurs heures perdues.
L’Etat promet 100 millions d’euros quand SNCF Réseau, son gestionnaire, demande 600 millions d’euros
Les deux présidents d’assemblées régionales constatent que le financement de 100 millions d’euros prévu aujourd’hui par l’Etat central, propriétaire du réseau et donc des deux lignes concernées, est très éloigné du cumul des devis de travaux présentés par SNCF Réseau pour leur pérennisation, soit 600 millions d’euros. Or malgré l’assèchement des dessertes sur certains de leurs parcours, ces deux lignes cumulent une fonction de desserte de territoires marginalisés (Lozère, Aveyron, Haute-Loire), une desserte de territoires relativement denses (moyenne vallée de l’Allier et bassin d’Alès pour la ligne des Cévennes ; arrière-pays languedocien, région de Millau pour celle des Causses), des dessertes fret (grumes de Langeac pour les Cévennes, acier d’ArcelorMittal pour les Causses).
De plus, ces deux lignes assurent des relations interrégionales entre Auvergne et Languedoc qui, même actuellement sous-exploitées, n’en demeurent pas moins essentielles en matière d’équilibre du territoire. Si le Paris-Marseille par la ligne des Cévennes a disparu, la trame des TER Clermont-Ferrand-Nîmes est stabilisée à 3 allers-retours par jour. Si le Paris-Béziers ou le Paris-Millau de nuit ont disparu, l’Intercités Clermont-Ferrand-Béziers rappelle que les habitants des deux régions concernées ont encore le droit de rallier en train la région voisine.
Gare de Neussargues. Déjà privée de sa ligne vers Bort (et antérieurement jusqu'à Montluçon et Paris), la fermeture de la section nord de la ligne de Béziers réduirait à néant son rôle de noeud de correspondances, actuellement sous-exploité. L'extension du futur train de nuit Paris-Aurillac à Saint-Flour, voire Mende et/ou Millau, aurait un effet dynamisant sur l'ensemble du réseau cantalien, lozérien et aveyronnais. ©RDS
Les textes communiqués par Carole Delga et Laurent Wauquiez à quelques jours du congrès des régions de France où le sujet ferroviaire promet d’être explosif, sont alarmistes. La présidente du conseil régional d’Occitanie s’indigne. Elle dénomme les deux lignes « H Lozérien », image donnée sur la carte par les radiales des Causses et des Cévennes reliées en leur centre par le barreau transversal La Bastide-Le Monastier via Mende.
Mme Delga explique : « Alors qu’avec Laurent Wauquiez nous réclamons, depuis plusieurs années déjà, que l’État joue pleinement son rôle pour mener à bien des travaux de sauvegarde pérennes des lignes de l’Aubrac et des Cévennes, la menace de fermeture de tout ou une partie du H lozérien est réelle. Les investissements d’urgence demandés à SNCF ne font que reporter le problème à court terme. »
Carole Delga : « Nos régions font déjà bien plus que leur part »
De fait, ces lignes sont depuis des années régulièrement fermées pour des travaux souvent cosmétiques. Carole Delga ajoute : « Nos Régions font déjà bien plus que leur part ; en Occitanie, ce sont 72 millions d’euros qui ont été mobilisés pour sauver ces deux lignes du réseau national. Traversant neuf départements, elles sont essentielles pour l’économie, la vitalité et l’attractivité de nombre de nos villes moyennes et de nos communes rurales sauf à revenir 150 ans en arrière alors que le train est pourtant l’avenir des mobilités. À l’heure où chaque action compte pour répondre au réchauffement climatique, où des ambitions sont affichées en faveur du ferroviaire, nous attendons des actes : le gouvernement doit être au rendez-vous ».
Croisement en gare de La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, localité à cheval sur Lozère et Ardèche. De là s'embranche la ligne de Mende et Le Monastier, barre centrale du "H lozérien" qui traverse la Lozère et relie les deux radiales du Massif central, Clermont-Ferrand-Neussargues-Béziers et Clermont-Ferrand-Alès-Nîmes. ©RDS
De son côté, le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, qui désormais suit une politique d’opposition frontale au gouvernement en refusant tout nouvel investissement régional dans un réseau qui appartient à l’Etat, géré par SNCF Réseau auquel la région paie les sillons de ses TER déclare : « Face au délitement d’une partie de notre réseau ferroviaire et à l’impérieuse nécessité de conserver dans nos territoires des lignes structurantes, l’action de l’État est aujourd’hui un impératif auquel il ne peut plus se soustraire. Avec Carole Delga, nous l’avons conjointement alerté sur les risques d’une fermeture des lignes de l’Aubrac et des Cévennes ».
Laurent Wauquiez énumère les investissements régionaux passés dans le réseau
Laurent Wauquiez rappelle au propriétaire du réseau que « les Régions ont pris leur part pour faire face à la grande vétusté de l’infrastructure ». Il énumère : « Dans le cadre du plan de sauvetage (2016-2020) et du plan de relance (2021-2022), la Région (Auvergne-Rhône-Alpes, NDLR) a financé ces lignes respectivement à hauteur de 13 millions d’euros pour l’Aubrac (ou ligne des Causses, NDLR) et 16,8 millions d’euros pour le Cévenol. Il appartient aujourd’hui à l’État d’agir en responsabilité et d’assurer le financement des travaux de sauvegarde, et donc la pérennité, de ces lignes essentielles à nos territoires ».
Gare sans aucun train du Mont-Dore (Puy-de-Dôme). L'antenne Laqueuille-Mont-Dore est depuis plusieurs années privée de TER, enfonçant un peu plus cette localité thermale et touristique dans la récession économique, comme La Bourboule voisine. Le réseau ferré est propriété de l'Etat et géré par la SA publique SNCF Réseau.
Malgré l’annonce d’un « choc ferroviaire » de 100 milliards d’euros promis par le Premier ministre Elisabeth Borne d’ici 2040, les négociations sur le volet mobilité des nouveaux Contrats de plan Etat-Régions peinent à avancer. Chaque mois qui passe laisse un peu plus de répit à l’Etat surendetté qui au demeurant souvent ne tient pas les engagements pris vis-à-vis des régions. Quant aux 100 milliards d’euros promis, il s’agit d’une enveloppe multi-partenariale dans laquelle l’Etat ne s’engage à n’assurer qu’une part minoritaire du financement.
La moitié du réseau menacée de fermeture alors que la moitié du réseau originel a déjà été fermée
Début juin, Carole Delga affirmait dans Ouest-France au nom de ses collègues que globalement « la moitié des lignes pourraient fermer d’ici cinq ans si des investissements massifs n’étaient pas accordés en faveur du réseau ». (1) Quand on sait qu’environ la moitié du réseau repris aux différents exploitants par la SNCF lors de la nationalisation de 1938 a été fermée depuis, une telle saignée effacerait le chemin de fer de régions entières.
Loïg Chesnais-Girard, président du conseil régional de Bretagne, qui invite la congrès de Région de France, s’était joint à Carole Delga dans Ouest-France, déplorant le retard pris dans les négociations sur les volets « mobilités » des contrats de plan État-Régions, qui ont « des mois de retard ».
Panneau indicateur de directions subsistant en gare de Boën (Loire). L'indication "Clermont-Ferrand" est obsolète puisqu'en 2016 la voie fut neutralisée au-delà de Montbrison (en 2018 au-delà de Boën grâce à une réouverture partielle) vers l'ouest. L'Etat manifeste ainsi sa défaillance flagrante en matière d'échanges entre métropoles et d'irrigation des ville petites et moyennes. ©RDS
Le président du conseil régional de Bretagne ouvrait une perspective en demandant une véritable décentralisation dotant les régions de nouvelles compétences mais aussi de nouvelles ressources leur correspondant. « Nous avons besoin de pouvoir adapter ces actions aux enjeux locaux, parfois très différents d’un territoire à l’autre. Croire que l’on peut régler tous les problèmes de la même manière à Paris, Limoges ou Ouessant est une erreur. (…) Les solutions doivent être élaborées à partir des spécificités locales. Ça apporterait du concret dans le quotidien de nos concitoyens, des réponses adaptées. C’est pour cela que nous attendons des dispositions concrètes en faveur de la ‘’différenciation’’ promise par l’État ».
Carole Delga, pour sa part, demandait dans ce même entretien l’instauration d’une « autonomie fiscale » pour les régions. Quant au réseau ferroviaire proprement dit, les régions ont la possibilité de prendre en gestion directe certaines lignes du réseau circulées uniquement par des TER. L’Occitanie a ainsi récupéré deux sections qu’elle compte rouvrir : Alès-Bessèges et Montréjeau-Luchon.
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(1) On pourra retrouver le détail des interventions des deux élus régionaux dans notre précédent article :
http://raildusud.canalblog.com/archives/2023/06/06/39932812.html
D’ autre part, il faut que les associations Ferroviaires qui se battent et les régions soient entendues . En effet, la réouverture des lignes fermées depuis des dizaines d'années doit être une priorité absolue. Et les 500 millions annuels doivent permettre de le faire.
Stop à la transformation de Voies Ferrées par des voies vertes. J’ adore faire du vélo!
Mais pas sur d’ anciennes plateformes Ferroviaires. Il est toujours possible de créer les pistes cyclables sur les chemins qui longent les voies. Ces chemins qui permettent aux équipes de maintenance d’ entretenir justement les voies Ferroviaires.
Il faut des engagements clairs de la part de l’ État !
C’est une très grande attente de nos concitoyens.