Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
9 juillet 2021

Dix nouveaux projets de relations: Railcoop met en exergue les potentiels marchés régionaux et l’archaïsme de plusieurs lignes

 La surprise n’a pas été mince. Le dépôt par Railcoop de demandes de sillons pour dix relations inter-régionales auprès de l’Autorité de régulation des transports (ART), le 18 juin, a fait l’effet d’une petite bombe. Il met en exergue à la fois les potentiels marchés inter-régionaux laissés à l’abandon et l’archaïsme de plusieurs sections du réseau.

DSCN4100Rame TER Auvergne-Rhône-Alpes sur la courte section urbaine commune aux lignes Grenoble-Chambéry et Grenoble-Veynes, au franchissement du boulevard Maréchal Foch à Grenoble. Sur la ligne des Alpes jusqu'à Aspres-sur-Buëch, la signalisation de voie unique reste archaïque, limitant le débit. Le projet de Railcoop de créer deux allers-retours quotidiens entre Annecy et Marseille par cet axe montagneux (en cours de rénovation partielle) souligne aux yeux de tous le retard français sur le réseau régional. ©RDS

 La société coopérative d’intérêt collectif complète ainsi son projet de trains Lyon-Bordeaux par Montluçon. Cette dernière relation ne fait pas partie des dix demandes, le projet étant déjà très avancé. Les deux autres relations nouvelles évoquées depuis plusieurs mois par Railcoop, Toulouse-Rennes par Poitiers et Lyon-Thionville par Dijon, font partie du bouquet de dix publié par l’ART mais avec quelques modifications.

Les demandes de Railcoop illustrent la « collision » entre statuts SLO et TER, et l’état dégradé de lignes régionales

 La publication de ces dix nouvelles relations, rapportées dans notre article mis en ligne le 22 juin (1), a été longuement commentée, non sans objections, dans le milieu ferroviaire. Deux obstacles principaux sont évoqués : la collision commerciale et statutaire entre les services librement organisés (SLO) de Railcoop (qui priorisent le cabotage) avec les services TER subventionnés par les régions ; les capacités d’absorption de nouveaux sillons par des sections de lignes sous-équipées ou des nœuds ferroviaires saturés.

 Rappelons que les dix liaisons demandées par Railcoop et publiées par l’ART sont les suivantes :

  • Le Croisic-Bâle via Nantes, Tours, Vierzon, Dijon, Besançon.
  • Massy-Brest via Versailles, Caen, Avranches, Lamballe.
  • Grenoble-Thionville via Dijon, Bourg, Chambéry.
  • Saint-Etienne-Thionville via Dijon, Lyon.
  • Strasbourg-Clermont via Dijon, Nevers.
  • Annecy-Marseille via Grenoble, Sisteron, Aix.
  • Brest-Bordeaux via Lorient, Nantes, La Rochelle.
  • Toulouse-Caen via Limoges, Poitiers, Tours, le Mans.
  • Toulouse-Saint-Brieuc via Limoges, Le Mans, Rennes.
  • Lille-Nantes via Rouen, Caen, Avranches, Rennes.

Railcoop veut d’abord tester ses propositions, soulevant au passage les inconséquences françaises

 Railcoop a répondu en rappelant que ces demandes à l’ART résultaient d’un travail d’analyse et de proposition sur le potentiel commercial de ces relations « par une soixantaine de sociétaires » présents à son capital. La société coopérative explique que cette notification a deux objectifs principaux.

Railcoop

Carte figurant les projets de relations nouvelles envisagées par Railcoop. Seule la liaison Lyon-Bordeaux paraît susceptible d'être concrétisée, fin 2022. Les dix autres propositions, avec demandes de sillons publiées le 18 juin par l'ART, ont surtout pour vocation à ce stade de susciter une évaluation des potentialités commerciales, de la faisabilité techniques et de la cohabitation avec les services sous autres statuts. (Doc. Railcoop)

Railcoop veut d’abord «  mettre en lumière l'intérêt de certains axes qui ne passent pas par Paris, que ces lignes soient développées par Railcoop ou pas ». « Fidèle à son esprit coopératif, Railcoop est disponible pour partager avec d'autres les fruits de cette intelligence collective pour in fine renforcer l'usage du ferroviaire sur tous les territoires » explique la coopérative. Elle évoque ainsi aussi bien SNCF Voyageurs que les sept régions concernées par ces projets, ainsi que le ministère de la Transition écologique. De cette façon Railcoop se fait le porte-parole de la clientèle inter-régionale sacrifiée par l’Etat qui depuis la dernière guerre mondiale a systématiquement privilégié les relations radiale autour de l’Ile-de-France.

 Ensuite, Raicoop entend « vérifier l'impact que ces lignes peuvent avoir sur le service public : la notification à l'Autorité de régulation des transports permet de déclencher un test d'équilibre économique et ainsi vérifier que ces services ne viennent pas affaiblir le service public ferroviaire ». Implicitement, la coopérative va ainsi faire tester le cadre général de gestion de l’offre ferroviaire en France, segmenté entre régions pour les relations de desserte fine, géré par et pour Paris pour les relations nationales.

Les demandes de Railcoop soulignent l’état désastreux de nombreuses lignes de maillage

 Ces notifications ont aussi pour effet indirect de souligner les effets désastreux du sous-entretien et de la tiers-mondisation de pans entiers du maillage ferroviaire français par un Etat sur-centralisé et son bras armé la SNCF. Le site professionnel Transportrail.canalblog.com soulève ainsi une rafale d’objections techniques (2). Il souligne la faiblesse du débit sur une série de sections, susceptible de freiner les ardeurs du nouvel entrant. Il cite des lignes à cantonnement téléphonique, technique du XIXe siècle, encore en service pour « Dol-Lamballe sur Lille-Nantes et Massy-Brest, Vif-Aspres-sur-Buëch sur Annecy-Marseille, (sections) dont la capacité limitée est presque intégralement consommée par les dessertes régionales existantes ».

 Transportrail relève aussi que d’autres relations proposées par Railcoop « doivent composer avec du block manuel », autre relique : Landerneau-Quimper et La Rochelle-Saintes sur Brest-Bordeaux, Jarrie-Vif et Serres-Aix-en-Provence sur Annecy-Marseille. Il relève que c’est déjà le cas de la future liaison Lyon-Bordeaux « entre Gannat et Guéret puis de Nexon à Périgueux », générant « des contraintes de construction de la grille et de composition avec les circulations existantes, qui plus est sur les sections à une seule voie ».

Impossible de rétablir le service Alpazur en correspondance à Digne avec les chemins de fer de Provence

 On relèvera pour notre part que la neutralisation de la courte section Digne-Saint-Auban empêche Railcoop de proposer un Annecy-Grenoble-Digne en correspondance dans cette dernière ville avec la ligne Digne-Nice des Chemins de fer de Provence. (3) Le rétablissement de feu d’Alpazur n’est donc pas pour demain. Seule une relation Annecy-Grenoble-Marseille est donc proposée. Elle permettrait au moins aux voyageurs de s’affranchir de la correspondance obligatoire TER-TGV à Valence-TGV malgré l’existence d’un raccordement direct Sillon-Alpin-LGV Méditerranée d’un coût de 40 millions d’euros et qui n’est plus du tout utilisé et qui ne l’a été que de façon anecdotique. Digne-Saint-Auban comme le raccordement de Valence-TGV constituent deux magnifiques exemples, parmi tant d’autres, du mépris dans lequel l’appareil d’Etat français tient le maillage ferroviaire pour les relations inter-régionales.

RailcoopPhotomontage promouvant la levée de fonds de Railcoop. Equité territoriale, efficacité énergétique, sécurité physique, cohésion sociale: seul le chemin de fer est capable de réunir ces quatre atouts. On notera que l'affiche est figurée sur fond d'un train de la DB. L'Allemagne (Bund et Länder) entreprend la réouverture de centaines de kilomètres de lignes fermées à l'époque du tout-routier quand la France peine à entretenir ce qui lui reste de réseaux régionaux. (Doc Railcoop) 

 Le grand mérite de Railcoop, qui multiplie les réunions de terrain tant sur son projet ferroviaire que son intérêt environnemental ou sur le mouvement coopératif, qui mobilise des collectivités locales jusqu’ici désespérées de voir revenir des trains, est de lancer un considérable débat sur le devenir des villes moyennes, des « territoires » et de la dignité de leurs habitants. En mettant en exergue le niveau lamentable de la gestion de la circulation, digne des débuts de la IIIe république, sur plusieurs lignes régionales, Railcoop renvoie la puissance publique française à son iniquité.

- - - - -

(1) Lien vers notre article du 22 juin consacré à l'actualité de Railcoop:

Railcoop précise ses intentions : offre et exploitation fret ; matériel, sillons et billettique voyageurs ; futures liaisons - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Lentement mais sûrement, la coopérative Railcoop avance vers la mise en service de ses trains de fret, puis de ses premiers trains de voyageurs entre Lyon et Bordeaux. Des collectivités locales, communes ou départements, entrent dans son capital aux côtés de nombreux particuliers.

http://raildusud.canalblog.com

(2) Lien vers l'article de Transportrail consacré à l'analyse des dix nouvelles demandes de sillons de Railcoop:

Railcoop voit - très - grand - transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

Décidément, la lecture de la page des notifications sur le site de l'Autorité de Régulation des Transports devient une étape incontournable. Railcoop a formulé vendredi dernier plusieurs intentions pour des dessertes supplémentaires ou adaptant les précédentes déclarations sur Lyon - Bordeaux, Toulouse - Rennes et Lyon - Thionville.

http://transportrail.canalblog.com

(3) Liens vers nos articles consacrés à la ligne Digne-Saint-Auban:

Saint-Auban - Digne : 22 km de voie unique sacrifiés, une préfecture isolée depuis 31 ans du réseau ferré national (étude) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Les 22 km de voie unique neutralisée reliant Château-Arnoux-Saint-Auban à Digne constituent un témoignage flagrant de l'abandon des territoires par le réseau ferré national et son propriétaire, l'Etat.

http://raildusud.canalblog.com

 

Le " développement durable " peut attendre : la ligne Saint-Auban-Digne menacée de destruction pour élargir la N85 - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

En plein retour du chemin de fer dans l'agenda environnemental et territorial du gouvernement, un service régional de l'Etat a décidé d'aliéner purement et simplement des pans entiers de l'infrastructure de la ligne Saint-Auban-Digne, longue de 22 km, au bénéfice... de la route.

http://raildusud.canalblog.com



Publicité
Publicité
Commentaires
S
Lu quelque part: "le statut de Coop permet à un petit groupe (ou une seule personne flairant le bon coup ) avec une toute petite mise de fonds personnelle, de prendre le pouvoir, de s'octroyer des salaires royaux avec les subventions alloués, et contributions des autres sociétaires, puis de faire le constat, après un an ou deux "d'études" en définitive de l'impossibilité de lancer le projet... on va dire que ca na rien à voir avec railcoop..<br /> Mais point de vue intéressant..
Répondre
A
Bonjour, Je constate encore cette expression "au bénéfice de la route" dont ses frais d'exploitations sont renvoyés dans la cour du copain : ceux des nationales vers le budget départemental, ceux du département vers le budget des communes et ceux des communes non pris en compte puisque le budget est consommé ! On va vers une dégradation des voiries ! Pourquoi "au bénéfice de la route" ? Pourquoi avoir déferré des voies métriques plus économiques ? Pourquoi obliger la fermeture d'exploitation de petites exploitation de chemin de fer simplement pour augmenter le trafic voyageur sur le TGV, au détriment financier de ce voyageur puisqu'il doit payer son billet plus cher et aussi pour couvrir le fait de faire plus de kilomètres. Parlons peu, le TGV doit rester un mode de transport pour de grandes distances si encore rentable (avec le COVID beaucoup de chose ont peut-être changé) : PARIS-LYON; PARIS-NANTES; PARIS-BORDEAUX; PARIS-TOULOUSE; etc... et ne pas empêcher les autres modes d'exploitations transversales, sans passer par PARIS. <br /> <br /> Il faudra peut-être envisager de :<br /> <br /> <br /> <br /> Réaffecter les voies vertes issues de voies déferré, du coup en voies métriques plus économiques et pourquoi pas les associer avec un système d'exploitation VAL (comme la ligne 1 du RER). <br /> <br /> <br /> <br /> La création de gare plutôt face aux zones industrielles que face aux villes. On pense trop souvent ville-ville. Ces villes créent un phénomène de densité d'habitation à proximité des gare difficilement compatible avec son évolution dans le temps. <br /> <br /> <br /> <br /> Le tramway pour desservir la ville voir la zone industrielle à partir de la gare. Dans la mesure du possible en privilégiant l'automatisme au conducteur.<br /> <br /> <br /> <br /> Et pourquoi pas de doubler les autoroutes transversales d'un exploitation ferroviaire en système VAL triphasé avec 2 caténaires (un pour chaque phase, la troisième phase par les rails) avec un emperchage pneumatique type trolley-bus. Chaque véhicule peut suivre un autre à environ 800 m d'un autre (distance de freinage). Chaque véhicule pouvant prendre la voiture et ses passagers dans un cadre de confort au même tarif que la voiture sur l'autoroute carburant inclut (tarif moindre serait une mesure incitative). Chaque véhicule pouvant tirer un wagon à chargement rapide, porteur d'un semi remorque économisant ainsi le coût d'un chauffeur et le tracteur routier et sa consommation sur la durée du trajet.<br /> <br /> <br /> <br /> Autant d'idées qui risquent d'aller à l'encontre d'autres déjà bien arrêté.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne suis pas contre la voirie, mais je suis contre l'augmentation du nombre de véhicules sur cette voirie et l’augmentation du risque d'accidents engageant de plus en plus de victimes...
Répondre
F
l'ART a rendu ses décisions<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2021/12/decision-n-2021-063-tee-saisines-bfc_vnc.pdf<br /> <br /> https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2021/12/decision-n-2021-064-tee-saisine-normandie_vnc.pdf
Répondre
B
En tant que Bisontin, 2 de ces potentielles circulations peuvent concerner l' axe Vallée du Doubs . Je fais aussi une proposition à Railcoop : pourquoi pas un Mulhouse (Strasbourg ? ) - Lyon, via le Revermont (Lons le Saunier et Bourg en Bresse) et les Dombes - cette dernière est plus direct sur Bourg/Lyon que la ligne via Ambérieu............et n' est pas électrifiée, ce qui justifierait l' utilisation d' un X-72500 !
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité