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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
10 octobre 2020

Le « développement durable » peut attendre : la ligne Saint-Auban-Digne menacée de destruction pour élargir la N85

 En plein retour du chemin de fer dans l’agenda environnemental et territorial du gouvernement, un service régional de l’Etat a décidé d’aliéner purement et simplement des pans entiers de l’infrastructure de la ligne Saint-Auban-Digne, longue de 22 km, au bénéfice… de la route. Ce projet, porté par la DREAL Provence-Alpes-Côte d’Azur, et validé par le préfet des Alpes-de-Haute-Provence, vise à élargir la N85 en détruisant une partie de la plate-forme de cette ligne, sans circulations depuis 1989 mais potentiellement utile sur un axe pour pour lequel la route, surchargée, n’est à l’évidence plus pertinente…. puisqu’il apparaît qu’il faut d’urgence l'agrandir.

La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement semble avoir une curieuse conception, et de l’environnement, et de l’aménagement. Plutôt que de favoriser un report d’une partie du trafic routier sur le rail, sa conception de l’environnement consiste à renforcer encore le mode routier dans cette vallée et, partant, dans l’ensemble de la mpyenne Durance et de la Bléone. Le projet d’élargissement de la N85, dénoncé par la revue de l’AFAC Chemins de Fer n°583, consiste à élargir la route et à créer quatre créneaux de dépassements, le tout aux dépens du domaine ferroviaire.

La ligne Saint-Auban-Digne n’a officiellement pas été fermée et figure toujours au catalogue RFN

 Or la ligne Saint-Auban-Digne, immatriculée 920.000 au catalogue du Réseau ferré national, est théoriquement inaliénable puisqu’elle n’a pas été officiellement fermée. « Cette ligne n’est pas abandonnée, elle est seulement ‘’neutralisée’’ et il est donc interdit  de saisir une parcelle du domaine ferroviaire sans passer par la phase ‘’déclassement’’ (en fait, désormais, ‘’fermeture’’, NDLR), opération qui n’a jamais eu lieu », écrit Claude Jullien dans Chemins de Fer.

DigneCorrespondance en gare de Digne entre la rame "Alpazur" de la SNCF assurant la iaison Digne-Genève via Grenoble, et un autorail des Chemins de fer de Provence assurant la liaison Digne-Nice. L'aliénation de la plateforme de la ligne Saint-Auban-Digne, neutralisée depuis 1989, interdirait définitivement tout rétablissement de trafics ferroviaires entre la vallée de la Durance et la préfecture des Alpes-de-Haute-Provence, au bénéfice exclusif du transport routier. (Doc. Wikipedia)

  La Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) va donc s’engager « dans une procédure d’appel  contre le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 29 juin 2020 » qui  rejetait la demande d’annuler  l’arrêté du 5 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence  a déclaré d’utilité publique le projet d’acquisition d’immeubles en vue de « l’aménagement de la desserte de Digne », évidemment exclusivement routière, par la N85.

 La Fnaut PACA a lancé un appel à la solidarité pour couvrir les frais d’avocats qui se montent à 4.800 euros (on trouvera les références à la fin de cet article) (1).

Cette courte ligne de 22 km a connu un trafic voyageurs étoffé et des courses Genève-Digne

 Comme Raildusud l’exposait dans un article récent (2), cette ligne de 22 km embranchée à Saint-Auban sur l’axe Marseille-Veynes-Gap-Briançon a connu une offre voyageurs assez étoffée et a vu passer des liaisons Genève-Digne en correspondance avec les trains des Chemins de fer de Provence reliant Digne à Nice trois fois par jour, à 151 km de là. Aujourd’hui, toutes les liaisons de transport public  au départ de Digne vers l’ouest sont assurées par la route, avec des temps de parcours consternants. Digne-Château-Arnoux, commune de l’agglomération de Saint-Auban, est assuré par autocar en 50 minutes pour 23 kilomètres ! Digne-Sisteron, soit 39 km, est effectué en 1 h 10 mn !

  La Fnaut-PACA propose au départ de Digne un plan de transport des voyageurs par voie ferrée avec deux liaisons à courte distance Digne-Manosque et Digne-Sisteron (qu’elle envisage de façon un peu utopique en « train-tram » sur des voies non électrifiées), et deux liaisons à moyenne distance : Digne-Sisteron-Grenoble-Genève, et Digne-Avignon par la basse vallée de la Durance avec réouverture aux voyageurs de la section Pertuis-Cheval-Blanc actuellement limitée à un trafic fret destiné à… Sant-Auban. (3)

La décision heurte de plein fouet la volonté de favoriser le rail pour les transports du quotidien, les territoires, l’environnement face au totalitarisme routier

 La déclaration d’utilité publique de l’élargissement de la N85 aux dépens des emprises ferroviaire a non seulement été de toute apparence un abus de droit, mais elle vient heurter de plein fouet la volonté affichée par les autorités de l’Etat de favoriser le chemin de fer, en particulier pour les transports du quotidien, pour l’irrigation des territoires et pour l’environnement. Elle dénote, de la part du préfet de l’époque, l’ignorance affichée des potentialités du ferroviaire, tout particulièrement sur une section de vallée aussi courte et donnant correspondance aux trains d’une ligne à voie métrique gérée par la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et dont l’activité se confirme.

 Sur ce cas précis, on mesure combien le prétendu « aménagement » du territoire consiste en un véritable « déménagement ». Car non seulement la décision de la DREAL et du préfet instaureraient un monopole routier sur un axe doté d'une ligne ferroviaire, mais elle limiterait le trafic potentiel de la ligne de la Durance, définitivement privée d'une de ses lignes affluentes. L'attitude de SNCF Réseau, apparemment absente du débat, paraît surprenante face à cette nouvelle manifestation du totalitarisme routier qui imprègne la bureaucratie française.

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(1)    Pour soutenir la Fnaut dans son action judiciaire de défense de la ligne, il est possible d’envoyer un chèque à l’ordre de Fnaut-PACA à son trésorier : Jean-Louis Larice, 62 chemin des Mourets, 13013 Marseille.

(2) Notre étude sur la ligne Saint-Auban-Digne du 31 mars 2020 :

Saint-Auban - Digne : 22 km de voie unique sacrifiés, une préfecture isolée depuis 31 ans du réseau ferré national (étude) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Les 22 km de voie unique neutralisée reliant Château-Arnoux-Saint-Auban à Digne constituent un témoignage flagrant de l'abandon des territoires par le réseau ferré national et son propriétaire, l'Etat.

http://raildusud.canalblog.com

 (3) Lien vers la Fnaut :

Digne - St Auban

page mise à jour le Réouverture Digne - Saint Auban La FNAUT soutient le projet du Collectif Mobilité Alpes du Sud et de la population du bassin dignois: utiliser la voie ferrée existante Digne St Auban pour créer un service cadencé ferroviaire en site propre Digne-Sisteron et Digne Manosque.

http://www.fnaut-paca.org

 

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Commentaires
I
BLEONASQUE, Tout cela est bien commenté mais il est dommage de copier le discours de nos élus qui n'abouti à rien .La vision des prochaines années, où l'usage des véhicules routiers devra être limité, et coûtera cher au vu des recommandations européennes visant la neutralité carbonne, change RADICALEMENT la donne!<br /> <br /> Un virage dans les comportements afin d'être accepté doit se négocier à l'avance sinon c'est ...la sortie de route! Les rails ne connaissent pas trop ça.<br /> <br /> Je fais partie des usagers qui ont compris qu'il faut changer de paradigme et qui surtout font des propositions appuyées sur des données concrètes et vérifiées...<br /> <br /> Je pense qu'avec des choix politique sensés nous pourrions éviter le pire...
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B
Le projet retenu est celui, a minima, qui est âprement débattu depuis plus d'une trentaine d'années par les élus et les usagers locaux : désenclaver Digne par la construction d'un "barreau autoroutier" reliant la préfecture du 04 à l'A51 via la bretelle des Mées-Peyruis. Avec ces aménagements routiers, l'usager va gagner une poignée de minutes sur un trajet de 22 kilomètres qui restent incompressibles. <br /> <br /> <br /> <br /> Au plan local -j'habite Digne depuis quand même près de treize ans- il n'a été question de solliciter la réouverture de la ligne Digne-Saint-Auban que lors des successives campagnes électorales. Au-delà, on n'en parle plus, tout en déplorant l'enclavement de la ville qui lui vaut à l'extérieur d'être assimilée à une réserve d'Indiens. <br /> <br /> <br /> <br /> Deux précisions : sur la commune de Mallemoisson, les dépendances d'une crèche s'étendent sur le périmètre de la voie ferrée ; une concession avait été attribuée jusqu'en 2016 à une société proposant des promenades en vélo-rail sur un tronçon de quinze kilomètres, au départ de Mallemoisson en direction de Malijai : http://veloraildefrance.com/04-velorail-de-haute-provence/ . <br /> <br /> <br /> <br /> Quelques remarques à propos du Train des Pignes : <br /> <br /> <br /> <br /> - Depuis la tragédie du tunnel des Robines à Saint-André-les-Alpes, survenue en 2019, une correspondance par car est assurée entre Saint-André et Digne, via Barrème, sur le trajet Digne-Nice-Digne des Chemins de fer de Provence. A l'heure qu'il est, il semble que les travaux n'aient pas repris sur le tunnel incriminé. <br /> <br /> <br /> <br /> - La ligne Nice-Digne est réputée peu rentable à partir d'Annot vers Digne et dans l'autre sens, de Digne jusqu'à Plan-du-Var. Il est vrai que les rames partent souvent pratiquement à vide de Digne pour ne se remplir qu'à partir de Saint-André et Annot. Entre, s'étend une zone montagneuse sauvage parsemée de villages perdus. <br /> <br /> <br /> <br /> - Les incidents et retards persistants sur un trajet déjà très long, 3h30, soit sept heures aller-retour sur une journée lorsqu'on n'a qu'un déplacement à faire sur Nice, font que le choix de la voiture est privilégié - le trajet est tout au plus de deux heures - (il faut déjà compter pas moins de trois quarts d'heure en train entre Nice et Plan-du-Var, autant de Digne à Barrême à l'aller....! et d'un côté comme de l'autre, on n'est jamais que dans les alentours immédiats), d'autant que différents systèmes de covoiturage se sont développés entre Nice et Digne.<br /> <br /> <br /> <br /> Je fais partie des usagers de cette ligne qui est vue ici comme un pis-aller plus propice aux anecdotes qu'à un moyen efficace de se déplacer d'un point à un autre des deux départements qu'il dessert. Le trajet en car vers Nice via Grasse est d'un intérêt discutable, vu sa lenteur, excepté pour se rendre à l'aéroport. <br /> <br /> Digne est donc une ville-préfecture qui doit son déclin indiscutable à un enclavement qui fait l'objet d'âpres débats... qui ne dépassent pas le stade du débat. Injecter des capitaux dans l'achat de nouveaux matériels ne changera rien à ce qui fait la faiblesse de cette ligne : sa lenteur proverbiale. D'où la mythologie d'un "développement durable", impensable tant que la voiture restera le moyen le plus rapide de se rendre d'un point à un autre dans un département aussi mal desservi qu'il est géré à l'encontre des intérêts de ses habitants.
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M
C'est l'AFAC qui à lancé l'alerte de la Fnaut, relayée par raildusud. À chacun en effet de s'en faire l'écho.
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R
C'est juste scandaleux, il faut que cette affaire soit médiatisée au maximum
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A
C'est quand même incroyable cette volonté de tout faire à l'envers de manière systématique...
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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