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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
27 novembre 2023

Avant-projet détaillé de la ligne française d’accès au Lyon-Turin : 55 anciens élus mettent en garde contre un retard fatal

 Une première réunion Etat-collectivités destinée à parachever le tour de table destiné à financer l’avant-projet détaillé de la ligne d’accès au tunnel de base du futur axe Lyon-Turin côté français s’est soldée par un échec. Cent-soixante-dix millions d’euros sur quatre ans sont indispensables pour réaliser ce travail. Or le retard de financement français met en péril la participation financière de l’Europe, voire la déclaration d’utilité publique de cette ligne d’accès. Un collectif d’anciens élus, intitulé « Les Cinquante-cinq pour le Lyon-Turin », qui inclut cinq anciens ministres des Transports a adressé une lettre publique au Président de la République pour presser le gouvernement d’agir.

 Une nouvelle réunion est prévue courant décembre. Celle du 17 novembre, qui déjà avait été repoussée d’une semaine, réunissait les  Métropoles de Lyon et de Grenoble, l’intercommunalité de Chambéry et les départements de Savoie, de Haute-Savoie et de l’Isère. Les deux métropoles ainsi que la communauté d’agglomération de Chambéry ont refusé de participer au financement. Cette position a entraîné le retrait des trois conseils départementaux.

85 millions d’euros venus de l’Europe sont en jeu

 Si aucun accord n’est conclu à l’issue de la prochaine rencontre, la France ne pourra pas candidater à l’appel à projet européen et perdra 85 millions d’euros, soit la moitié du budget de l’avant-projet détaillé. Ultérieurement, la déclaration d’utilité publique pourrait même tomber. Au moment même où la ligne historique est interrompue jusqu’à la fin 2024 en raison de l’effondrement de la falaise de la Praz, cette manière de défausse de la part de l’Etat s’il manquait cette étape délégitimerait les protestations politiques récentes en faveur du mode ferroviaire.

 Le courrier des « Cinquante-cinq pour le Lyon-Turin » a été rédigé par Jean Louis Gagnaire, ancien député de la Loire et ancien vice-président en charge du développement économique de la région Rhône-Alpes, et par Bernadette Laclais, ancienne députée de Savoie,  ancienne vice-présidente de la région Rhône-Alpes en charge des transports et ancienne maire de Chambéry. Les 55 signataires incluent cinq anciens ministres des Transports : Charles Fiterman, Dominique Bussereau, Jean-Louis Gayssot, Jean Auroux, Louis Besson.

En bleu, l'itinéraire du corridor transeuropéen reliant la péninsule ibérique à l'Europe centrale par la France méridionale et l'Italie du nord. Le projet Lyon-Turin, avec son tunnel de base du mont Ambin (57,5 km) et ses lignes d'accès de part et d'autre, en forme l'élément central. Ce corridor majeur ne s'inscrit pas dans le schéma radial du réseau français centré sur Paris. Mais le Lyon-Turin peut aussi servir aux flux Grande-Bretagne -  Italie du Nord. (Doc. Transalpine) 

 Les 55 signataires insistent d’entrée sur les conséquences qu’aurait la non-réalisation de la ligne nouvelle d’accès, solution préconisée par le Comité d’orientation des infrastructures (COI) qui  estimait que l’amélioration des capacités de l’axe Dijon-Chambéry-entrée du tunnel de base suffirait dans un premier temps. Cette pseudo-solution oubliant le rôle du Lyon-Turin dans le corridor méditerranéen transeuropéen reviendrait à aggraver la saturation de la gare de Chambéry et à maintenir pour les trains à grande vitesse internationaux l’itinéraire par la voie unique au profil tourmenté reliant Saint-André-le-Gaz à Chambéry. Elle d’entraînerait la saturation de la section Ambérieu-Chambéry par le fret et accroîtrait les risques de pollution chimique en cas d’accident le long du lac du Bourget.  Les signataires avaient déjà dénoncé cette « solution » au rabais dans une lettre publique adressée à l’Elysée datée du 27 mars 2023.

 C’est pourtant ce type de risque que prend le gouvernement français en retardant le bouclage du financement de l’avant-projet détaillé. « Après avoir laissé passer un appel à projet européen au profit de l’Italie, la France est obligée de constater que le ministère des Transports n’a pas pris la mesure de l’urgence à finaliser le tour de table financier de l’Avant-projet détaillé (APD) qui s’élève à 170 millions d’euros en quatre ans », insistent les signataires.

 Ils poursuivent : « Chacun sait que l’Union européenne pourrait prendre en charge 50 % des coûts d’étude (soit 85 millions d’euros) à la condition que le dossier de financement de l’Avant-projet détaillé (APD) soit déposé avant le 31 janvier 2024 ! Cela suppose que le ministre des Transports et le Président de la région Auvergne Rhône-Alpes sortent des postures qui consistent à se tourner vers les collectivités locales pour compléter les trop faibles financements de l’Etat (42,5 millions, soit 25 %) et de la Région (14,16 millions, soit 8,33 %) ».

 La composition politique des exécutifs des deux métropoles, EELV pour Grand Lyon et gauche socialiste avec une commune-centre EELV pour Grenoble Alpes Métropole ne présage pas de leur soutien au Lyon-Turin. Plus encore, l’absence de compétences Transports ferroviaire des intercommunalités et départements depuis la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 et celle portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015 rend « illusoire de croire en une issue positive de cette réunion sous la seule égide de Madame la préfète de région ! », relèvent les signataires.

Respecter le calendrier d’appel à projet européen de l’année 2024

 Or « sauf à prendre le risque politique et financier de perdre le bénéfice de la déclaration d’utilité publique (DUP) de 2013 », la France a l’obligation de respecter le calendrier de l’appel à projet européen 2024. C’est pourquoi les signataires considèrent « que tout doit être mis en œuvre entre l’Etat et le conseil régional Auvergne Rhône-Alpes pour trouver les clés de financement ad hoc des 85 millions d’euros à la charge de la France et préparer en urgence le dossier d’Avant-projet détaillé ».

 « Alors que l’Italie aura acquis la capacité de faire rouler des trains sur de nouvelles voies d’accès au tunnel international en 2032, la France devra-t-elle se contenter de ''bricolages'' sur des voies anciennes pendant de trop longues années en raison des atermoiements de son administration centrale ? », ddemande la missive. Elle prône donc une prise en charge par l’Etat des deux-tiers des financements français des études, « ce qui ne présage par les financements futurs » pour les travaux eux-mêmes dont le devis s’élève à 8,6 milliards d’euros, en deux phases.

  La ligne nouvelle française d’accès au tunnel binational est plus longue (140 km entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne) que la ligne nouvelle d’accès côté italien (46,7 km entre Bussoleno et Turin). SNCF Réseau conçoit une première phase à partir de Grenay, commune sur laquelle se situe l’échangeur entre ligne à grande vitesse Paris-Marseille et ligne Lyon-Chambéry/Grenoble, la première étant dans l’avenir doublée par le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise principalement dédié au fret.

Une ligne d'accès indispensable pour le fret, le désengorgement de Chambéry, les futurs RER métropolitains...

 En première phase, depuis Grenay, cette ligne nouvelle fret-voyageurs est tracée au nord de la ligne classique Lyon-Chambéry/Grenoble avec deux tunnels : à l’est de Bourgoin (Bourgoin-Ruy, 7,1 km) et au droit de La Tour-du-Pin (Sainte-Blandine, 2,1 km). Puis, dans les environs de Saint-André-le-Gaz, la ligne empruntera un long tunnel sous Les Abrets et communes voisines (La Bâtie-Montgascon, 8,4 km), avant de ressortir avant Avressieux, commune à partir de laquelle la ligne retrouvera un tunnel, le plus long de cette section, sous le massif de l’Epine (Dullin-L’Epine, 15,2 km) avant d’atteindre Chambéry. C’est aux environs d’Avressieux que s’embranchera la seconde phase.

Lyon-Turin Ligne d'accès FranceCarte résumant le phasage et indiquant l'emplacement et la longueur des tunnels de la ligne d'accès au tunnel de base côté français du projet Lyon-Turin. (Doc. SNCF Réseau)

La première phase est budgétée à quelque 5 milliards d’euros. Elle vise à satisfaire quatre priorités, selon SNCF Réseau : une desserte plus rapide sur les itinéraires de courte distance et vers les villes du sillon alpins, avec un gain de temps de 20 minutes entre Lyon et Annecy/Chambéry ; une gestion des circulations facilitée sur le réseau historique grâce au report de certains trafics sur la ligne nouvelle ; une alternative compétitive aux 43 km de voies uniques entre Saint-André-le-Gaz et Chambéry, au profil en plan particulièrement tourmenté ; enfin, un nouvel itinéraire performant pour les flux de fret Lyon-Italie. Cette première phase paraît indispensable pour assurer le développement des services express métropolitains, que ce soit autour de Lyon, Grenoble ou Chambéry.

Une seconde phase, budgétée à 3,6 milliards d’euros, relie Avressieux à Saint-Jean-de-Maurienne. Elle est majoritairement constituée de tunnels. Le premier d’entre eux et le plus long (24,7 km) permet de franchir le nord du massif de la Chartreuse, entre Avressieux et le nord du Grésivaudan, traversé à hauteur de la commune de Laissaud, au nord de Pontcharra. La future ligne franchit l’Isère, l’autoroute A41 et la ligne Chambéry-Grenoble-Valence, sans raccordement. Puis elle entre dans un second tunnel afin de franchir le nord de la chaîne de Belledonne (19,7 km) pour déboucher vers Saint-Rémy-de-Maurienne, cheminer à l’air libre puis emprunter un tunnel de flanc sur la rive gauche de l’Arc jusqu’à Saint-Jean-de-Maurienne et l’entrée dans le tunnel du mont Ambin après franchissement de l’Arc.

Lyon-Turin Ligne d'accès France 2Situation générale du projet Lyon-Turin ferroviaire. Dans un premier temps, étaient prévues deux lignes dans le Bas-Dauphiné au départ de Lyon, une pour le fret, l'autre pour la grande vitesse. (Doc. Transalpine) 

 La seconde phase, indique SNCF Réseau, vise à : proposer un itinéraire fret performant entre la France et l’Italie permettant des gains de coût d’exploitation, puisque le profil de la ligne classique en Maurienne implique des renforts de traction en raison de ses fortes déclivités ; mettre à disposition un itinéraire à grand gabarit permettant le chargement direct de camions sur les trains ; offrir un gain de temps de 45 minutes, tunnel binational inclus, par rapport aux itinéraires existants ; enfin faciliter la gestion des circulations de marchandises grâce au linéaire plus réduit de ligne mixte.

La possibilité d’une autoroute ferroviaire sur près de 300 km, avec 50 allers-retours quotidiens

 A la mise en service complète de la nouvelle liaison Lyon-Turin, un système d’autoroute ferroviaire à grand gabarit (AFA), sur près de 300 km, permettra de transférer tous les types de camions jusqu’à 4,20 m de hauteur sur des trains. Les objectifs consistent à mettre en place un service de 50 allers et de 50 retours quotidiens avec une capacité de plus de 700 000 camions/an à la mise en service complète de la nouvelle liaison Lyon-Turin, indique le ministère français chargé des Transports. Il ne lui reste plus qu’à boucler le financement de l’avant-projet détaillé pour assurer que l’accès français soit réalisé avec l’aide de l’Europe, faute de quoi l’ensemble du projet perdra une bonne part de sa pertinence côté fret.

 Concluons en rappelant ce qu’est un avant-projet détaillé, et ce qui justifie son coût, en l’occurrence modeste au regard des budgets de l’Etat. Alors que l’avant-projet sommaire définit les besoins, ébauche le projet et amorce une visualisation en plan à une grande échelle, l’avant-projet détaillé va beaucoup plus loin. Il entre dans les détails,  en fixe les principes constructifs, équipements techniques, matériaux… Il finalise les plans à une échelle beaucoup plus fine, finalise le devis prévisionnel en ses différentes phases, fixe un calendrier de réalisation du projet. Il valide les études techniques et de faisabilité. L’avant-projet détaillé est le document de références pour les dossiers de permis de construire ou équivalents, et de consultation des entreprises.

 Jean-Louis Gagnaire insiste : « Cet avant-projet détaillé ne coûte pas grand-chose à l'échelle du budget des transports avec ses 170 millions d'euros possiblement financés à hauteur de 50 % par l'Europe ». Or sa réalisation conditionne tout le reste, c'est à dire l'usage optimum du tunnel de base comme la valorisation de l'ensemble du réseau hisorique de l'est de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et ses services du transport du quotidien.

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Commentaires
C
Je suis tout à fait d'accord avec DU65, le raccordement de la nouvelle ligne avec celle de Chambéry Grenoble est vital. de plus la phase2 devrait se faire en premier afin de soulager la traversée de Chambéry au plus vite. un objectif à atteindre est de soulager les lignes actuelles afin de pouvoir améliorer les dessertes TER en cadence et en fiabilité. dans cette phase dite 2 Laissaud pourrait etre le point de départ de TGV vers Paris accessible en TER depuis Chambéry et Grenoble.
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D
J'avais lu des informations contraires, mais si cela se confirme qu'il n'est pas prévu de raccordement à Laissaud avec la ligne Valence Grenoble ça serait quand même bien dommage. <br /> <br /> D'abord parce que du fret venant du Sud passerait probablement plus facilement par la vallée de l'Isère que par Vénissieux (même si on doit remettre la ligne intégralement à double voie dans ce but, ça sera moins lourd que la réalisation du CFAL et le casse tête pour insérer des trains de fret dans la trame RER lyonnaise qui est appelée à se développer)<br /> <br /> Ensuite parce que ça n'arrive absolument jamais qu'un train déraille dans un tunnel!!! La présence de ce raccordement permettrait d'isoler le tronçon de ligne concerné en continuant à utiliser l'autre. Sans aller jusque là, il arrive aussi qu'on fasse de la maintenance dans un tunnel, donc pouvoir dévier quelques trains par la ligne classique si le tunnel doit être temporairement exploité en voie unique pourrait s'avérer utile.<br /> <br /> Côté voyageurs, ca serait dommage de se priver de desservir Chambéry par des mouvements Paris ou Lyon vers Turin et Milan.
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E
J'avais cru comprendre que le tunnel Dullin-L’Epine serait voyageur uniquement. Dans ce cas, la phase 1 n'apporterait rien pour le fret.
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B
Les difficultés pour rassembler le budget des voies d' accès Française au grand tunnel international sont les symboles parfaits des maux qui gangrènent la société Française : sa politique anti-ferroviaire ("pour le rail, on réfléchit"), et l' incompréhensible attitude des écologistes Français qui s' opposent à un projet ferroviaire qui peut enlever une part importante du trafic routier - mesure on ne peut plus écologique ! <br /> <br /> <br /> <br /> Vu que la France va prendre du retard par rapport à la planification Italienne (2032), il est plus que recommandé d' utiliser entre-temps toutes les portes frontalières existantes vers l' Italie, y compris par la Suisse . Cela veut dire Modane lorsque cela sera de nouveau possible (fin 2024 ?), mais aussi Vintimille, Vallorbe, Bâle . Quel dommage, cependant, que toutes ces portes débouchent soit sur de prochains RER (avec travaux à financer), soit déjà en cours (et pour un certain temps (Lausanne))...........mais il n'y y a pas d' autre choix possible, sauf alors à laisser le trafic aux camions.........mais qu' en pensent alors les EELV Lyonnais et Grenoblois ?
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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