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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
13 mars 2024

Auvergne-Rhône-Alpes paie pour le matériel roulant, prépare les appels d’offre mais renvoie au CPER pour les infrastructures

 La région Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de financer largement l’achat de matériel roulant neuf pour ses services TER, d’aggraver les sanctions envers la SNCF en cas de manquements au plan de transport et d’ouvrir la porte à un allotissement avec possibilité de délégation de service public TER à de nouvelles entreprises ferroviaire au grand dam de son opposition d’extrême gauche. Cette décision accompagne la convention TER qu’elle vient de signer le 15 février dernier avec SNCF Voyageurs, convention valable jusqu’à fin 2034. Sur fond de bras de fer avec l'Etat au sujet du financement des infrastructures, le conseil régional se concentre sur l'achat de nouvelles rames. Les associations s'inquiètent du devenir des lignes menacées et de l'absence de volonté affichée de réouvertures.

 Cette nouvelle convention TER confirme la constitution de six lots, pour six futurs appels d'offres différents. Chaque lot aura à la fois, a précisé le vice-président chargé des Transports Frédéric Aguilera, « son calendrier et son cahier des charges car les problématiques ne sont pas les mêmes en fonction des territoires ».

590 millions d’euros par an

 Pour la nouvelle convention, Auvergne-Rhône-Alpes prévoit de subventionner le service TER à hauteur de 590 millions d'euros par an auprès de SNCF Voyageurs (soit près de 6 milliards d’euros sur dix ans), contre 656 millions d'euros par an durant la précédente convention. Cette baisse de 10 % constitue une nette pression sur le délégataire de service public tandis qu’à l’inverse les pénalités en cas de manquement au service prévu seront augmentées.

 Le plan d’achat de nouvelles rames TER et d’entretien des rames existantes couvre la période 2024-2035. Durant cette décennie, ce budget se verra attribuer quelque 259 millions d’euros par an. Au total, 1,5 milliard d’euros seront dépensés dans la maintenance et la modernisation du parc et 1,5 autre milliard dans l’achat de nouveaux trains.

Rame Corail réversible tractée à destination d'Annecy à la sortie sud de l'estacade qui traverse le centre de Grenoble. Ce matériel, très capacitaire et doté du remarquable confort des bogies Y32, est malheureusement victime d'un entretien minimaliste. Faute d'une grande révision générale et d'une nouvelle modernisation, locomotives comprises, qui en conserveraient les qualités, il devrait céder la place, mais dans combien de temps ? ©RDS 

 Le budget dédié à l’achat de matériel roulant TER était de l’ordre de 132 M€ par an en Auvergne-Rhône-Alpes de 2016 à 2023, période couverte par la première mandature et l’amorce de la seconde mandature de la majorité de centre-droit et de la présidence de Laurent Wauquiez (LR). L’augmentation est donc considérable : de 96 %. Elle est encore plus importante si l’on compare les nouveaux chiffres à ceux de la mandature antérieure, soit 2010-2015, alors que la majorité au conseil régional réunissait les élus PS et EELV. Sur cette période-ci, le budget consacré au matériel roulant TER n’était que de 72 millions d’euros par an, font valoir les élus de l’actuelle majorité. Il est vrai qu’une grande partie du parc était alors plus « frais ». Surtout, les mandatures antérieures avaient massivement participé à la modernisation du réseau : électrification de la ligne du sillon alpin, saut de mouton de Moirans, rétablissement de la double voie entre Moirans et Saint-Marcellin et autour de Saint-Hilaire-Saint-Nazaire, création d’une liaison à voie unique entre la ligne Valence-Moirans et la ligne à grande vitesse à Valence TGV, cette dernière désormais non utilisée par SNCF Voyageurs.

 Tout en affirmant qu’ils « n’auront recours ni à l’impôt ni à la dette », les élus de l’actuelle majorité avancent par ailleurs le chiffre de 2,7 milliards d’euros supplémentaires sur une décennie, soit 270 M€ par an, pour l’infrastructure ferroviaire « qui comprend l’entretien du réseau afin d’éviter la fermeture de petites lignes ». Au total, ils estiment que « c’est sans aucun doute le plan d’investissement le plus ambitieux de toutes les régions de France ».

Il conviendrait de rapporter le montant des budgets avancés avec la longueur du réseau et le nombre d’habitants. Le réseau TER d’Auvergne-Rhône-Alpes affiche 3.187 km de lignes alors que la région compte 8,115 millions d’habitants pour 69.711 km2. Le réseau TER d’Occitanie affiche  2.636 km de lignes alors que cette région compte 6 millions d’habitants pour 72.724 km2. Le réseau TER de Provence-Alpes-Côte-d’Azur affiche seulement 1.008 km de lignes alors que cette région compte 5,127 millions d’habitants pour 31.400 km2, soit moins de la moitié d’Auvergne-Rhône-Alpes. Il est donc assez logique que les budgets TER d’Auvergne-Rhône-Alpes se situent en tête. Avec 220.000 voyageurs TER quotidiens et ses quatre intercommunalités métropolitaines (Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand), Auvergne-Rhône-Alpes elle est la deuxième région française après l’Ile-de-France pour son trafic ferroviaire intrarégional. Elle jouxte par ailleurs la République et canton de Genève qui génère avec Léman Express un important trafic régional transfrontalier.

Ouverture progressive à la concurrence à partir de 2029

 Par ailleurs, le conseil régional a approuvé définitivement l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs en Auvergne-Rhône-Alpes à partir de 2034, échéance de la convention en cours avec SNCF Voyageurs. En ce sens, la deuxième région économique de France arrivera largement après la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui a conventionné son lot de TER express Marseille-Nice avec Transdev dès 2021. Ou après la région Grand Est  qui vient de s’attribuer la gestion d’un important lot de lignes aux dépens de SNCF Réseau.

 La région avait fait déjà savoir qu’elle ne s’engagerait pas sur un possible changement d’opérateur avec 2029 pour le lot Auvergne et avant 2033 pour le lot des étoiles de Chambéry et Grenoble (Savoie-Dauphiné). Frédéric Aguilera soulignait que sur cette région vaste, très peuplée et très compartimentée, « tout mener de front était impossible, à la fois pour nous et pour les opérateurs ».

Rame Léman Express à destination de Coppet, stationnant en gare d'Annecy. Le réseau métropolitain franco-valdo-genevois constitue un exception dans le paysage français. La région Auvergne-Rhône-Alpes en est un partenaire majeur. ©RDS  

 Le réseau est découpé en cinq lots territoriaux et un lot de services transversaux. Les lots territoriaux sont : Auvergne ; étoiles de Chambéry et Grenoble ; étoile de Savoie et transfrontalier (Léman Express, Saint-Gervais-Martigny) ; étoile lyonnaise ; relations longues distances régionales (vallée du Rhône, Sillon alpin, Lyon-Genève). Le lot transversal comporte la relation avec les voyageurs, la délivrance des titres de transport et le service après-vente.

Subventionnement réduit, pénalités augmentées, sûreté améliorée

 Tandis que le subventionnement annuel du service TER est réduit, les pénalités sont augmentées. Sur fond de baisse de 40 % du taux de TER en retard entre 2016 et 2021 et de 32 % du taux de TER annulés, le poids financier des pénalités sera globalement doublé afin de renforcer la tendance. La nouvelle convention intègre ainsi, sous réserve de conformité juridique, des pénalités lors des grèves interprofessionnelles survenant au cours de périodes scolaires, telle la grève des contrôleurs le mois dernier. Les cas de non-réalisation du plan transport liée au gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau est ajouté à la liste des pénalités.

 Enfin, l'exécutif régional se félicite de sa politique de sûreté sur le domaine ferroviaire. En triplant le nombre d'agents de sûreté, en ayant déployé 2.300 caméras dans 129 gares et en ayant équipé toutes ses rames TER de caméras de vidéoprotection, le tout contrôlé par un Centre régional  de sécurité des transports et avec un soutien aux communes pour sécuriser les abords de gares, Auvergne-Rhône-Alpes affiche un bilan édifiant. De 2021 à 2023 de nombre annuel de faits de délinquance et d'incivilités dans les TER et gares a chuté de 51 %, passant de 18.416 faits à 8.910.

 Les décisions du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes ont été passées à la loupe par un groupe de dix-sept associations ou collectifs de défense du transport public et du ferroviaire qui couvrent à peu près tout le territoire de la région : du Collectif citoyen La Bourboule (Puy-de-Dôme) au collectif pour la réouverture de Boën-Thiers Letrain634269 (Loire et Puy-de-Dôme) en passant par le collectif de l’étoile de Veynes (Isère, Drôme, Hautes-Alpes en PACA), des associations d’usagers du Forez (Loire) ou de la Vallée du Rhône (Ardèche, Drôme, Rhône, Loire)…

 Technicentre Auvergne-Rhône-Alpes de Vénissieux. La flotte doit impérativement être augmentée, pour suivre une fréquentation en forte croissance. ©RDS  

 Selon le communiqué commun, « les annonces faites ne font pas du tout progresser la mobilité mais rattraper à peine une situation en retard », car « l’augmentation de la fréquentation est déjà là ». Il dénonce principalement « le budget ridicule de 25 millions d’euros par an jusqu'en 2035 pour l'infrastructure », raillant le fait que le projet de budget « fait passer les péages en investissements ». Le texte commun s’inquiète « des fermetures de lignes en série qui se profilent » car « avec un tel budget il nous est difficile aussi de croire à la promesse de non fermeture des petites lignes faite par Laurent Wauquiez et Frédéric Aguilera », respectivement président du conseil régional et vice-président chargé des Transports.

Les associations dénoncent l’absence de volonté de réouvertures

 Les associations exigent « la modernisation indispensable du réseau TER classé UIC 8 ou 9 et maintenu proche de la coupure », soit 80 % des voies de montagne alors que selon elles « la région a prouvé son désintérêt » lors de la séance plénière du conseil régional. « Sur les réouvertures demandées par les citoyens, rien bien entendu, et des refus d’amendements et de vœu pour donner de l’espoir aux citoyens qui doivent se déplacer », écrit encore le collectif. Ces réouvertures physiques demandées par de nombreux habitants concernent Boën-Thiers, Volvic-Le Mont-Dore/Ussel, Oyonnax-Saint-Claude. Les demandes de rétablissements de services voyageurs sur infrastructures existantes concernent Le Teil-Valence-Romans et Givors-Peyraud.

 Etat déplorable de la voie à Lus-la-Croix-Haute, station de montagne à la lisière d'Auvergne-Rhône-Alpes et de Provence-Alpes-Côte-d'Azur (automne 2023). Non seulement l'infrastructure est déplorable, mais les services sont entièrement centrés sur Grenoble au départ de Gap et Veynes. Les voyages à longue distance Grenoble-Marseille par Sisteron, Manosque-Gréoux-les-Bains, Aix, sur ce qui fut considéré comme un élément de la ligne "de Lyon Perrache à Marseille Saint-Charles par Grenoble" sont désormais quasiment impossibles faute de conception birégionale des mouvements et des horaires. ©RDS  

 Les associations sont « en colère » de constater que l’exécutif régional a rejeté le vœu pour des crédits dès 2024 destinés à l’achèvement du sauvetage de l'étoile de Veynes « sous prétexte que ce serait une affaire à mettre sur le compte de la négociation avec l’État sur le CPER » comme elles se disent « offusquées » du rejet des deux amendements concernant la réouverture de Thiers Boën et de la rive droite du Rhône. En revanche, elles se félicitent du passage de la participation de la région à 700 millions d’euros au lieu de 600 millions dans le CPER « en fonction des discussions avec l’État ».

 L’exécutif du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes a engagé un bras de fer avec l’Etat, constatant la défaillance de ce dernier pour entretenir nombre de lignes d’un réseau qui lui appartient pourtant, et pour l’usage duquel la région paie des droits de passage pour y faire circuler ses TER. Des droits de passage en forte hausse et pour lesquels SNCF Réseau a perdu une bataille judiciaire devant le conseil d’Etat, suite à la contestation d’un groupe de régions parmi lesquelles Auvergne-Rhône-Alpes.

 Les associations maintiennent donc une forte pression, sachant que le prochain rendez-vous important est celui de la signature de la mise à jour du volet « transports » du contrat de plan Etat-Région.

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Commentaires
O
C'est quoi cet article qui distile des fake news tranquilement ? Les montants indiqués prennent en compte les péages ferroviaires, les chiffres sont donc bien gonflés. L'analyse est clairement déficiente sur les enjeux de cette reconduction, sur la baisse d'investissement que ça représente et encore plus sur la mandature passée, qui est vraiment insuffisante sur le ferroviaire... Le RER lyonnais n'est même pas nommé.... C'est de la propagande et/ou de l'incompétence?
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M
Monsieur,<br /> <br /> Votre réaction indignée nous paraît caricaturale. Nous citons longuement les réactions négatives des associations. Nous reprenons leur position qui (nous citons notre propre texte) "dénonce principalement « le budget ridicule de 25 millions d’euros par an jusqu'en 2035 pour l'infrastructure », raillant le fait que le projet de budget « fait passer les péages en investissements »".<br /> <br /> Avant de vous lancer dans une polémique politique, il serait judicieux que vous lisiez notre article jusqu'au bout.<br /> <br /> Le fait que nous nous fasssions l'écho des déclarations de responsables élus au suffrage universel ne constitue pas une "fake news" mais le travail normal d'une rédaction. Libre à vous de juger ce que disent lesdits élus.<br /> <br /> La rédaction
B
Il est inadmissible que la Région refuse de participer, même "minoritairement" (25% par exemple) à la rénovation ou remise en service des "petites lignes" . Dans ces circonstances, les ZFE envisagées dans la région doivent être remises en cause, l' alternative ferroviaire étant délibérément abandonnée - au grand dam des usagers, obligés de prendre leurs voitures, et qui n' ont pas tous la possibilité de s' acheter des voitures "aux normes", tels les électriques !
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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