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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
29 novembre 2021

Bordeaux-Toulouse-Dax : plaidoyer pour dépassionner le débat sur le GPSO

 Le débat autour de l’opportunité de construire les lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse-Dax a brusquement rebondi en octobre avec la déclaration du maire de Bordeaux Pierre Hurmic (EELV) précédée de celle de l’ancien député (PS) Gilles Savary. Ces derniers souhaitent l’arrêt du projet, dénommé GPSO (Grand projet Sud-Ouest), et exigent le report des subventions sur le réseau classique. Ils estiment que la grande vitesse sur ces axes constitue « un projet insensé et anachronique » qu’il convient « d’arrêter »… malgré le soutien apporté par les deux régions concernées, par le maire de Toulouse et même par le président de Bordeaux Métropole.

 Ces derniers jours, les conseils départementaux de la Gironde et du Lot-et-Garonne ont refusé de participer au financement des lignes du GPSO. Le conseil départemental de la Gironde présidé par Jean-Luc Gleize (PS), refuse de payer 281 millions d'euros demandés pour le GPSO  et préfère provisionner un fonds de concours de 170 millions d'euros en faveur des lignes régionales, le RER bordelais en tête. Le conseil du Lot-et-Garonne, à majorité de gauche aussi, a refusé quant à lui à l'unanimité d'abonder à hauteur de 120 millions d'euros au GPSO, considérant la somme excessive car correspondant à la construction de huit collèges.

 Réagissant à quelques jours d'intervalle, le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou a tenu à souligner les avantages multiples qu'apporeont les lignes nouvelles du GPSO et les aménagements péri-urbains qui leur sont liés.

 Raildusud, qui a plusieurs fois traité le sujet, a consulté un professionnel (souhaitant rester anonyme car son avis, fût-il éclairé, reste personnel) pour analyser les raisons techniques et commerciales qui plaident en faveur de ce projet.

Hurmic dénonce le « dogme de la grande vitesse », mais celle-ci peut compléter et dynamiser les dessertes fines

Pour Pierre Hurmic, qui mise tout sur le réseau classique et régional, « on essaie de nous piéger en disant que c’est la LGV ou rien ». Le maire de Bordeaux exige même que la part des investissements sur les lignes classiques d’approche de Bordeaux (AFSB) et de Toulouse (AFNT) qui concernent les flux de la ligne nouvelle soient annulés. Il entend prioriser « le développement des transports du quotidien, la réouverture des petites lignes, l’amélioration des fréquences et des amplitudes des trains Intercités, la relance des trains de nuit » et dénonce le « dogme » de la grande vitesse.

Reproduction de la carte générale détaillée des lignes à grande vitesse du GPSO (en vert) avec, au sud-ouest, l'extension projetée hors enveloppe budgétaire actuelle, des abords de Dax à la frontière espagnole (en beige). (Doc. SNCF Réseau)

 Dans le dernier article publié sur Raildusud concernant ce sujet, nous estimions cette opposition « factice », avançant que « LGV et dessertes fines ont toutes deux leur légitimité, d’autant qu’elles se complètent et se dynamisent réciproquement ». (1)

 Notre nouvel  interlocuteur juge que pour le fond du sujet la situation est pleine de paradoxes si l’on suit le raisonnement du maire écologiste de Bordeaux : « On veut réduire l'usage de l'avion... mais sans s'en donner les moyens. A la mise en service de la LGV Med en 2001 (ligne nouvelle de 250 km Valence-Marseille/Manduel, NDLR), le TGV sur Paris-Marseille/Montpellier est passé de 40/45 % de parts de marché à plus de 80 % parce qu'on mettait un peu plus de 3 heures et qu'on avait une cadence à l'heure ou presque. »

Avec le GPSO, le temps de parcours Toulouse-Paris sera réduit comme celui de Marseille-Paris avec la LGV Med

Il concède qu’aujourd’hui la desserte de Toulouse est plus faible que celle de Marseille en 2000, juste avant la mise en service de la LGV Méditerranée, soit 7 allers-retours quotidiens contre 10 à 12 pour Marseille à l’époque. Mais la logique du raisonnement reste intacte, puisque le temps de parcours Toulouse-Paris par TGV devrait passer avec le GPSO de 4 h 20 mn à un peu plus de 3 heures,  et que Marseille-Paris avait profité du même gain en 2001avec la LGV Med. (2)

Par ailleurs, relève notre spécialiste, « le projet est ainsi monté que LGV et aménagements périurbains sont étroitement liés ». Il ajoute néanmoins qu’il faut s’assurer de la pleine compatibilité d’AFSB et d’AFNT avec les démarches RER à Bordeaux et Toulouse de sorte qui ont évolué depuis les origines de GPSO, ne serait-ce qu’avec la densité accrue de trains régionaux. 

carte_Ybasque_juin2017_3645Carte des lignes du "Y basque" côté espagnol, dont la branche nord-est s'inscrit dans la continuité du projet GPSO côté français. La branche reliant Vitoria à Bilbao et Saint Sébastian-Irún (180 km, écartement standard de 1,435 m, 220 km/h) est estimée à 4,2 milliards d'euros. Un accord politique pour la réalisation a été trouvé entre le gouvernement central et les autorités basques en avril 2006. Les travaux ont été engagés début 2007. Ils se poursuivent pour une mise en service à l'horizon 2026, 2027.

 Sur ce que peut apporter une optimisation de la ligne classique, « tout a été dit dans la note de SNCF Réseau disponible sur le site Internet de GPSO ». On pense au rapport Claraco, qui prônait des reprises de tracé allant jusqu’à de courtes sections nouvelles, soit un projet de type ABS allemand (Aufbaustrecke ou ligne optimisée). De fait, insiste notre interlocuteur, « si l’on veut gagner du temps en restant sur la ligne classique, il va falloir réaliser des shunts, reprendre des courbes y compris en impactant du bâti urbain tandis qu’à l'est d'Agen on n'évitera pas un long parcours sur ligne nouvelle pour éviter un puits de vitesse à 130 km/h dans la partie sinueuse de la vallée. »

Sans sortir des emprises de la ligne actuelle le gain ne peut dépasser 10 mn, contre 56 mn par la LGV

 Cette note de SNCF Réseau souligne en effet que « la ligne existante, du fait de ses caractéristiques (ligne comportant de nombreuses courbes et passages à niveau, traversant une vingtaine de bourgs), ne permet pas de procéder à des relèvements de vitesse sans impact important. Sans sortir des emprises ferroviaires actuelles, le gain de temps possible est de moins de 10 minutes. »

 Si l’on entend gagner plus de temps par des aménagements sur l’axe actuel, poursuit la note de synthèse, « des aménagements importants seraient nécessaires, avec des reprises du tracé sortant des emprises actuelles et des  shunts (sections de lignes nouvelles) sur des linéaires importants : pour les scénarios 2 et 3 permettant de gagner 21 ou 27 mn par rapport à la situation actuelle, ce sont respectivement 29 ou 50 km de lignes nouvelles qui seraient nécessaires ; par ailleurs des voies supplémentaires seraient à réaliser (sur un linéaire cumulé d’une trentaine de kilomètres) sur Bordeaux-Langon et Montauban-Toulouse pour des questions de capacité. »

AFNT

Carte des aménagements ferroviaires du nord de Toulouse (AFNT), qui intègrent à la fois les besoins des futurs flux TGV et de l'intensification des fréquences TER de proximité. (Doc. SNCF Réseau)

Le gain de temps avec la ligne nouvelle de bout en bout par rapport à la ligne actuelle est de 56 mn sans arrêt intermédiaire et de 49 mn avec deux arrêts intermédiaires, soit les gares TGV d'Agen, avec liaison possible vers la ligne classique et la gare centrale voisines, et la gare TGV de Montauban, en correspondance avec la ligne classique au sud de la ville.

Sur Bordeaux-Dax, la question de la surcharge sur Bordeaux-Facture et celle des vignobles

Le sujet vers Dax « est un peu différent »., détaille-t-il : « La sortie de Bordeaux est complexe et si on veut développer le RER, il faut dissocier les circulations rapides des circulations omnibus qui vont être en conflit à partir de Pessac ». Par ailleurs, « la branche Dax fait ce grand détour par la difficulté à trouver un tracé plus court sans toucher lourdement les vignobles et le parc naturel régional ». D’où la difficulté à crédibiliser une alternative, comme un « contournement sud de Bordeaux » qui rejoindrait la ligne classique à Facture, sans provoquer de dégâts sur ces espaces sensibles.

Enfin, il faut aussi prendre en considération la nature des sols landais, souvent sablonneux donc de portance limitée. Certes, une LGV a été réalisée au Maroc, mais avec un travail important sur la plateforme.

FactureGare de Facture-Biganos, à 39,5 km au sud-ouest de Bordeaux Saint-Jean.  C'est la dernière station avant l'embranchement de l'antenne d'Arcachon sur la radiale Bordeaux-Irun. La section Bordeaux-Facture supporte déjà une quarantaine de TER par jour de semaine et par sens, auxquels il convient d'ajouter les TGV Paris-Hendaye/Tarbes et le fret. (Doc. Wikipedia/Patrick Janicek)

L’autre sujet délicat, c’est le fret : GPSO n’évite pas la traversée de Bordeaux et la branche sud s’arrête pour l’instant à Dax. Or le passage de la frontière Hendaye-Irun par les trains (sauf ceux d’Euskotren sur la ligne à voie métrique…) reste difficile par la dualité d’écartement (sujet bientôt traité par ADIF) et d’alimentation (1500 V en France, 3000 V en Espagne) et l’ancienneté des postes de signalisation côté français. La Région Nouvelle Aquitaine est peut-être un peu trop focalisée sur la vallée d’Aspe qui est encore loin du mur de camions qu’on connaît de longue date à Birriatou…

Une desserte de base de quatre sillons horaires par sens sur Bordeaux-Toulouse

 Reste la question de la desserte, avec les projections de base suivantes : la desserte radiale pourrait utiliser un sillon « bolide » direct de Bordeaux à Toulouse, en alternance avec un sillon à deux arrêts (gares nouvelles d’Agen et Montauban). Ce dernier pourrait éventuellement être partagé avec les relations Bordeaux-Marseille converties à la grande vitesse… si l’intégration horaire côté Méditerranéen rendait ce partage possible. On voit donc la relation entre GPSO, LNMP (ligne nouvelle Montpellier-Perpignan dont la première phase Montpellier-Béziers devrait prochainement être mise à l’enquête publique) et l’opportunité d’utiliser la LGV Med entre Manduel et Marseille pour intégrer Avignon et le bassin aixois dans la transversale des métropoles du sud.

2021-02Intercités Bordeaux-Marseille à l'approche de Toulouse Matabiau. Cette rame tractée aux voitures Corail en fin de vie et aux BB7200 essoufflées laissera-t-elle la place à des rames à grande vitesse dans la perspective de circulations Bordeaux-Toulouse et Béziers-Marseille (en attendant Narbonne-Marseille) sur lignes à grande vitesse ? ©RDS

 Le projet GPSO envisage aussi des Toulouse-Bayonne par le triangle de Captieux créant de nouvelles liaisons intervilles (comme Agen-Bayonne) complémentaire de l’itinéraire du piémont pyrénéen. Vers Dax, la formule bi-tranche pour les TGV (vers Hendaye et Tarbes) est utile pour ne pas saturer la LGV Atlantique entre Courtalain et Paris. Outre les éventuels Toulouse-Bayonne par Agen, la Région avait esquissé l’hypothèse de services régionaux passant par la LGV : a-t-elle toujours court ?

 Par ailleurs, ces flux théoriques n’intègrent pas d’éventuels sillons demandés par de nouveaux entrants, qui probablement ne manqueront pas de s'intéresser aux relations inter-régionales à grande vitesse, marché notoirement peu exploité par une SNCF centrée sur l'Ile-de-France.

Face à ces quelques défections, Jean-Pierre Farandou prend fermement position

 Jean-Pierre Farandou, PDG du groupe public SNCF, a tenu à prendre fermement position en faveur du GPSO et des aménagements qui lui sont liés, quelques jours après les votes des deux conseil départementaux sus-mentionnés: « J’ai une vision pour notre pays qui est celle du développement massif du ferroviaire pour les voyageurs comme pour les marchandises partout en France. Le Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) en est l'incarnation même. Ce nouveau chantier offrira des gains de temps considérables pour les usagers, de nouvelles capacités ferroviaires pour les TER par la mise en œuvre d’un véritable RER métropolitain et permettra la création de nouvelles lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax. À terme, ce projet permettra le désengorgement des villes grâce à un report modal important et le développement économique des régions ». 

 Rappelons que l’État s’est engagé à verser 4,1 milliards d’euros, soit 40 % de l'investissement qui est actuellement évalué à environ 10,25 milliards d’euros. Régions, départements et intercommunalités d’Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine abonderaient à hauteur de 40 %, les 20 % restants étant supposément complétés par des fonds européens, principalement fléchés vers l’axe à vocation internationale Bordeaux-Dax.

 La SNCF indique de son côté pouvoir financer 1 à 1,7 milliards d'euros grâce aux suppléments de péages des TGV à venir, sans compter la participation éventuelle de Lisea (Tours-Bordeaux) qui profitera d'un afflux de circulations en provenance du GPSO. Terminons en relevant que la région Occitanie conserve beaucoup plus de collectivités territoriales prêtes à cofinancer le projet qu'elle ne compte de défections.

- - - - -

(1) Lien vers le site complet du Grand Projet Sud-Ouest :

Bienvenue sur le site Internet du Grand Projet du Sud-Ouest | Réseau Ferré de France

Début septembre 2021, le Premier Ministre a confié une mission de coordination au Préfet de la région Occitanie pour mettre au point d'ici avril 2022 avec les collectivités d'Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine un protocole de financement pour le GPSO et constituer, sous forme d'un établissement public local, une société de financement/de projet, à mettre en place par ordonnance en application de la Loi d'Orientation sur les Mobilités du 24 décembre 2019 (article 4).
(2) Lien vers l'article de transportrail sur la desserte Toulouse-Paris

A propos de la desserte Paris - Toulouse - transportrail - Le webmagazine des idées ferroviaires

A l'heure où la Région Occitanie renforce ses pressions sur l'Etat pour assurer la réalisation de la ligne nouvelle Bordeaux - Toulouse, en dépit de prises de position opposées du côté de Bordeaux, il n'est pas inutile de se pencher sur la desserte proposée par la SNCF sur la relation Paris - Toulouse.

http://transportrail.canalblog.com



http://www.gpso.fr


 

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Commentaires
B
Pour Julien : de toute façon, il faudra réaménager Bordeaux - Facture, dans le cadre du RER Bordelais (notamment une tranchée à Talence) . Et l' électricité, comme le dit Eric, avec, en sus, la certitude de quelques TGV pour Arcachon.............et même (pourquoi pas) des trains "privés" . La LGV vers Dax - et "sans doute un jour" au delà, vers Bayonne et l' Espagne - est indispensable.
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J
Bonjour, <br /> <br /> Est-il possible de remplacer la liaison vers Dax par une LGV par le quadruplement de la voie existante entre Bordeaux et Biganos, permettant le RER, et l'amélioration de la voie (très droite) jusqu'à Dax (et Hendaye)<br /> <br /> Cela permettrait un tracé plus droit pour la LGV Bordeaux Toulouse en évitant la déviation pour Dax
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B
Ce texte devrait être evoye en recommandé + accusé-réception aux conseillers des départements de Gironde et du Lot ! Par contre, le Grand Bordeaux Métropole à voté pour, bravo à lui...........et une belle claque à Humic !
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V
‘’Or le passage de la frontière Hendaye-Irun par les trains (sauf ceux d’Euskotren sur la ligne à voie métrique…) reste difficile par la dualité d’écartement (sujet bientôt traité par ADIF) et d’alimentation (1500 V en France, 3000 V en Espagne) et l’ancienneté des postes de signalisation côté français.’’<br /> <br /> <br /> <br /> Merci d’écouter les interventions notamment de SNCF Réseau, tout cela est en train de changer, y compris du côté français entre Hendaye et Irún. <br /> <br /> https://participez.nouvelle-aquitaine.fr/processes/CL51-54-54U-53-2021/f/307/ <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=jV7B3WT5HkI
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