Il aura fallu presque une année pour que la section Saint-Chély-d’Apcher-Neussargues de la « ligne des Causses » soit enfin rendue aux circulations commerciales, lundi  15 novembre. Une année pour financer et réaliser des travaux de régénération d’urgence et partielle de cette voie unique sur 55,5 km, ne permettant qu’un relèvement de vitesse de 40 km/h à 55 km/h sur certaines sections : on atteint là presque un record.

 Cette section est parcourue par un aller-retour Intercités quotidien Clermont-Ferrand-Béziers et par un ou deux trains de fret desservant l’usine métallurgique ArcelorMittal. Elle a été fermée à toute circulation le 4 décembre 2020 après passage d’un engin de diagnostic de la géométrie de la voie, peu de temps après des travaux d’entretien. Les techniciens avaient conclu que les déformations ne garantissaient plus une sécurité de circulation suffisante, malgré des ralentissements à 40 km/h. Le fret a été basculé sur route entre Arvant et Saint-Chély, avec une cinquantaine de camions quotidiens supplémentaires sur les routes.

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Affiches annonçant la circulation accompagnée du 28 novembre Béziers-Saint-Flour et retour. L'événement est destiné à célébrer le retour des circulations ferroviaires de bout en bout, limitées depuis un an à la partie Béziers-Saint-Chély-d'Apcher. (Cliquer sur l'image pour faciliter la lecture).

 Pour célébrer le retour des circulations ferroviaires de bout en bout, la ville de Saint-Flour, l'association AMIGA (Amis du viaduc de Garabit) organise, avec la participation des membres du Comité pluraliste de défense de la ligne Béziers-Neussargues, le 28 novembre un événement à bord du train SNCF qui partira à 9 h 20 de Béziers, avec commentaires au long du parcours et pause gourmande d'une heure à Saint-Flour (13 h 55/14 h 52) avant retour à Béziers à 19 h 28. Il sera possible de partir des gares intermédiaires et de déguster un déjeuner typique à bord sur réservation (voir les affiches ci-dessus).

 Le Comité pluraliste de défense de la ligne a par ailleurs publié un communiqué énumérant les possibilités de réanimation des trafics sur la ligne Béziers-Neussargues. Il demande en particulier que soit levée l'interdiction de passage du fret sur la section sud. Raildusud reviendra sur ce document très prochainement.

Onze mois d’interruption, mais une régénération a minima

 Cette coupure de plus de onze mois n’a pas permis une régénération digne de ce nom pour cette liaison ferrée qui permet de relier la Haute Auvergne au Languedoc, desservant au passage la Lozère et l’Aveyron, avec des embranchements vers Mende au Monastier et vers Rodez à Séverac-le-Château qui pourraient, s’ils étaient correctement activés participer à la revitalisation de la ligne. Notons que le premier de ces deux embranchements est dans un état de décrépitude avancée et qu’il ne voit plus passer qu’un TER par jour et par sens alors qu’il se poursuit jusqu’à la ligne des Cévennes, atteinte à La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains. Quant au second, il est actuellement neutralisé dans l’attente d’une régénération financée par la région Occitanie, alors qu’il permet de relier Millau et Rodez.

IMG_20210629_175408192Débords marchandises de la gare de Millau. L'activité fret de la ligne Béziers-Neussargues, jadis florissante (produits agricoles, troupeaux et même fromages au départ de la gare de Tournemire Roquefort) est réduite à néant hormis un trafic de coils pour l'usine ArceloMittal au nord de Saint-Chély... sur la section la plus dégradée par manque d'entretien, parallèlement à l'effondrement de l'offre voyageurs. ©RDS 

 Comme la France périphérique – non point celle des territoires du Pacifique mais celle située au centre même du pays – est à l’évidence trop lourde à porter pour un Etat qui n’hésite pas à construire un métro périphérique à Paris pour 38 milliards d’euros, la section de 55 ,5 km deSaint-Chély-Neussargues n’a pas eu droit aux honneurs d’un train-usine qui eût permis de régénérer la voie et le ballast de ce court tronçon en un mois et demi. Il est possible aussi que ce type d’engins, très sollicités par ailleurs, aurait eu du mal à composer avec l’antique rail à double champignon ex-Midi équipant la section, selon des techniciens interrogés par France Bleu.

Méthode manuelle pour remplacement de 6.000 traverses et de milliers d’attaches, puis régalage de ballast

 Ainsi SNCF Réseau a-t-il choisi la méthode manuelle, soutenue par des engins légers rail-route, avec remplacement l’un après l’autre des tirefonds fixant les lourdes attaches de ces rails au profil vertical symétrique. Au final, indique SNCF Réseau, 6.000 traverses ont été remplacées dans les courbes, soit un cumul de 4 km (un peu plus de 7 % du linéaire) et 16.380 attaches remplacées. Les traverses de trois aiguillages ont été changées, mais sans renouvellement de l’appareil de voie lui-même. Vingt-six kilomètres ont reçu un régalage de ballast, avec relèvement de la voie sur un peu plus de 6 km afin d’en renforcer la géométrie.

Profils des deux sections encadrant Saint-Chély-d'Apcher, côté nord (en h.) et côté sud (en b.). Le section Saint-Chély-Neussargues est nettement moins pentue que la section Saint-Chély-Séverac-le-Château, ce qui a permis le maintien d'un trafic fret lourd. en traction diesel... sous caténaires. 

 Cette année de travaux permet de relever la vitesse maximale de 40 km/h à 55 km/h. Si sur cette section le tracé ne présente pas de sévères déclivités à l’exception d’une tranche de moins de 5 km comprise entre 25 ‰ et 30 ‰ entre Neussargues et le long tunnel du col de Mallet (1.454 m, à environ 950 m d’altitude), le profil en plan est nettement moins favorable. Construite à l’économie, la ligne serpente au plus près des courbes de niveau, accumulant de nombreuses courbes de faible rayon, qui induisent de fortes contraintes sur une voie équipée de rails notoirement fragiles et anciens.

 Sur cette section de 55,5 km, 12,5 km sont situés dans le département de la Lozère, en région Occitanie, et 43 km dans le département du Cantal, en région Auvergne-Rhône-Alpes, la frontière étant située à proximité de l’ancienne gare de Loubaresse. La région Auvergne-Rhône-Alpes, la région Occitanie et l’Etat ont assuré, pour un tiers chacun, le financement de ces travaux soit une première tranche de 3 millions d’euros.

D’autres interventions prévues pour 2023 avec remplacement de rail et avant « programme de long terme »

 Ces 3 M€ sont issus d’une enveloppe totale de 11,7 millions d’euros qui annonce d’autres interventions.  L’État et les Régions ont ainsi décidé de lancer dès cette année les études  préparatoires au remplacement des rails les plus anciens pour réalisation envisagée en 2023… moyennant un énième transfert sur route et un reliquat budgétaire de seulement 8,7 millions d’euros.

Un communiqué commun de l’Etat et des deux régions concernées, publié en mai dernier, convenait qu’il faudrait aller plus loin : « Cette ligne Clermont-Ferrand-Béziers, dite de l’Aubrac, appelle, par ailleurs, une vision d’ensemble compte tenu de son mauvais état global, surtout pour les sections le moins circulées. L’État et les Régions œuvrent à la préparation d’un programme de long terme, en lien avec la régénération de la liaison Clermont-Ferrand-Nîmes, dite du Cévenol. Cette démarche sera conduite tout au long de l’année 2021 et donnera lieu à une concertation avec les acteurs locaux. »

IMG_20210629_125259762_HDRMarvejols, en Lozère, à 33 km au sud de Saint-Chély d'Apcher, été 2021. Un TER Occitanie, l'une des deux circulations voyageurs quotidiennes prévues entre Saint-Chély et Béziers entre en gare tandis qu'un train de ballast vient d'effectuer une mission sur la ligne. Avec l'interruption au nord de Saint-Chély, l'Intercités qui est amorcé à Clermont-Ferrand a temporairement été remplacé par un autocar sur la totalité de la ligne des Causses puis rétabli sur rails au sud de Saint-Chély après vives protestations des élus et associations. ©RDS 

 « Plan à long terme ou non, les défenseurs de la ligne craignent le programme de travaux 2021 ne soit qu'un rafistolage éphémère », relève France Bleu. Réunis dans plusieurs associations (Amiga…)  ou collectifs (Comité pluraliste de défense de la ligne Béziers-Neussargues), ils estiment que la voie reste en mauvais état et d'autres problèmes peuvent apparaître à tout moment, provoquant une nouvelle coupure. Les coupures à répétition, spécialité de ces lignes du Massif Central, désorientent les clients et fragilisent la crédibilité du service ferroviaire.

En 2007, déjà 7,5 millions d’euros investis en travaux d’urgence sur cette même section nord

 Rappelons qu’en 2007 RFF avait déjà dû réaliser des travaux de maintenance d’urgence pour 7,5 millions d’euros entre Loubaresse et Neussargues, soit 40,46 km, toujours au nord de Saint-Chély d’Apcher. Notons aussi à titre de comparaison que la puissance publique n’a pas hésité à dépenser 2,2 milliards d’euros pour construire l’autoroute A75 Clermont-Ferrand-Béziers (335 km, gratuite) et qu’elle a avalisé la construction du viaduc de Millau d’un coût de 400 millions d’euros, payant et concédé à Eiffage, mis en service en 2004. 

 Les présidents des conseils départementaux traversés par la liaison Clermont-Ferrand-Béziers (Hérault, Aveyron, Lozère, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme) ont écrit au ministre chargé des Transports au mois de mars et attendent toujours un rendez-vous. Les municipalités se sont aussi mobilisées votant quelque deux-cents motions (70 pour le seul Cantal) demandant le maintien de l’Intercités quotidien et le rétablissement d’un train de nuit.