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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
28 octobre 2021

L’interruption en septembre de la ligne classique Montpellier-Nîmes a souligné le manque de raccordement LGV-réseau historique

 Endommagée par un épisode cévenol le 14 septembre entre Lunel et Nîmes, la ligne classique  Tarascon-Sète a été interrompue durant deux semaines pour de gros travaux de dégagements et remise en état. Cette ligne stratégique étant désormais doublée entre Manduel et Lattes par le Contournement de Nîmes et Montpellier (CNM, mixte fret TGV), une partie du trafic de la ligne historique a pu y être reporté.

 Mais l’absence de liaison entre le CNM et la gare de Montpellier Saint-Roch, pourtant programmée à l’origine, a imposé de transférer toute l’offre TGV et même quelques TER sur Montpellier Sud-de-France, située à une trentaine de minutes de la gare historique par les transports publics (ligne 1 du tramway puis 10 mn de marche à pied ou de relais bus).

 Cette situation illustre le fréquent manque de maillage entre LGV et lignes historiques, un défaut classique du réseau français à grande vitesse.

Des TGV vers Saint-Roch faisant rebroussement à Sète, puis tous basculés sur Sud-de-France

 Dans les premières heures, l’interruption de tout trafic entre Nîmes et Montpellier a conduit SNCF Voyageurs à détourner quelques TGV se dirigeant vers Montpellier Saint-Roch par le CNM, avec rebroussement à Sète sans avoir marqué d’arrêt à Montpellier Sud-de-France. Ce tracé imposait un allongement du temps de parcours d’environ 45 mn, la distance entre Montpellier Saint-Roch (ou Sud-de-France) et Sète étant de quelque 27 km, avec un temps de parcours de deux fois 16 mn et une attente à Sète pour renversement du poste de conduite d’environ 15 mn.

CNM CarteExtrait de la carte officielle du réseau ferré national pour la zone Nîmes-Montpellier. Les trains à grande vitesse provenant du nord-est et engagés sur le CNM ne peuvent en sortir pour rejoindre la gare de Montpellier Saint-Roch par manque de raccordement entre les deux lignes, fût-il de service, à hauteur de Saint-Brès. (Carte SNCF Réseau)

 Rapidement, le commandement de l’entreprise publique a choisi de basculer l’ensemble du trafic grandes lignes sur Sud-de-France, soit les TGV intersecteurs, les TGV radiaux de et vers Paris gare de Lyon, et les Intercités de l’axe Bordeaux-Toulouse-Marseille qui sont normalement désormais tous tracés par Saint-Roch et Nîmes Centre. Au bout de quelques jours, l’entreprise décida même de proposer à la clientèle quelques TER au départ de Sud-de-France vers l’est, reliant la ligne classique via les raccordements amorcés à Manduel.

 Le maintien de la desserte grandes lignes TGV et Intercités à Saint-Roch aurait pourtant pu être assuré malgré l’interruption au-delà de Lunel si le projet initial de construire un raccordement entre le CNM et la ligne classique à Saint-Brès à l’est de Montpellier, n’était pas passé à la trappe au cours des études. Seule une réserve de terrain a été conservée par les concepteurs et Oc’Via, le constructeur et chargé de maintenance du CNM. A Saint-Brès, le CNM franchit la ligne classique par un viaduc depuis le nord-est vers le sud-ouest, après avoir contourné Lunel par le nord et avant de contourner Montpellier par le sud, soit un tracé plus rectiligne que celui de la ligne classique, qui opère un crochet pour desservir la cité pescalune.

Si le raccordement de Saint-Brès avait été construit, les TGV terminus Saint-Roch auraient pu assurer leur mission

 Si ce raccordement avait été construit, les TGV desservant normalement Montpellier Saint-Roch, certains en terminus et entretenus sur le gril voisin de Prés d’Arènes, auraient  pu continuer leur mission. Pour la desserte de Nîmes, ils auraient marqué un arrêt à la gare de Nîmes Pont-du-Gard, offrant une correspondance avec les TER de l’axe Avignnon/Marseille-Narbonne.

 Les Intercités de l’axe Grand Sud Bordeaux-Marseille, en revanche, eussent dû dans ce cas brûler toute desserte de l’agglomération de Nîmes, le raccordement CNM-ligne classique vers Tarascon étant amorcé à l’ouest de la gare de Nîmes Pont-du-Gard, empêchant toute desserte de cet établissement.  Seul un itinéraire tracé via la LGV au nord de Manduel et le triangle des Angles eût permis cette desserte… mais avec un autre matériel que les rames tractées par des BB 7200 (et une distance supérieure). Rappelons que si le CNM est équipé d’une double signalisation, au sol avec BAL et en cabine avec ERTMS 1, ce n’est pas le cas de la LGV Méditerranée au nord de Manduel, équipée de la seule signalisation en cabine (TVM 430...).

DSCN2929Grand hall de la gare de Nîmes Pont-du-Gard. Situé à 12km de la gare historique de Nîmes Centre, cet établissement dont le coût a dépassé les 90 millions d'euros, a l'avantage de permettre des correspondances entre TGV et TER, contrairement à Montpellier Sud-de-France. En revanche les Intercités Bordeaux-Marseille, même s'ils transitent désormais tous par la ligne classique, ne s'y arrêtent pas. ©RDS  

 L’interruption de la section Lunel-Nîmes met donc en exergue deux défauts de conception : l’absence de raccordement CNM-Ligne classique au nord-est de Montpellier Saint-Roch ; l’impossibilité de desservir Nîmes Pont-du-Gard pour les missions reliant le CNM à Tarascon et au-delà par la ligne classique. Seul un raccordement amorcé au nord-est de Nîmes Pont-du-Gard vers Tarascon aurait permis d’éviter ce second inconvénient, mais au prix d’ouvrages extrêmement coûteux et acrobatiques dans une zone en remblai, sur laquelle sont situés les raccordements entre la LGV Méditerranée et la ligne classique vers Nîmes Centre avec, de surcroît, un embranchement vers un faisceau technique.

Une déconnection trop fréquente entre LGV et lignes classiques

 Nous ne reviendrons pas sur la conception de la gare de Montpellier Sud-de-France qui ne permet aucune correspondance avec l’offre TER desservant Montpellier, légitimement concentrée à Saint-Roch, gare située de plus au cœur du réseau des quatre lignes de tramway. On soulignera aussi que les TGV terminus Sud-de-France doivent opérer l’aller-retour avec rebroussement à Sète pour se rendre au gril d’entretien des Prés d’Arènes, faut de virgule de jonction Sud-de-France-Saint-Roch, dont la construction il est vrai aurait été presque aussi acrobatique et coûteuse que celle évoquée plus haut près de Nîmes.

 La conception même de Sud-de-France illustre la déconnection trop fréquente en France entre le réseau à grande vitesse, massivement centré sur Paris et sa région, et le maillage régional. Cette déconnection constitue une véritable spécificité française. A l’opposé, on pourrait évoquer la gare allemande ICE-Regio de Kassel Wilhemshöhe, qui constitue l’exact opposé de Montpellier Sud-de-France : correspondances grande-vitesse-trains régionaux, liaison ferroviaire avec la gare centrale de Kassel Hauptbahnhof… pour une agglomération deux fois moins peuplée que la métropole de Montpellier.

Kassel WGare nouvelle de Kassel Wilhemshöhe, en Hesse, sur la ligne allemande à grande vitesse mixte Hannovre-Würzburg. La ville de Kassel (Cassel) compte un peu plus de 205.000 habitants. Cette gare offre aux usagers de la grande vitesse de multiples correspondances ferroviaires régionales, des correspondances tramway et des trains la reliant directement à la gare centrale de la ville. (Doc. Wikipedia/Sicherlich)

A l’origine, la LGV Sud-Est s’inspira de l’aviation, soit une relation de point à point quasiment indépendante du réseau existant. En témoignent les gares intermédiaires – et construites à l’économie – de Mâcon-Loché TGV et Le Creusot-Montchanin TGV, toutes deux situées à proximité du franchissement d’une ligne classique mais sans aucune possibilité de correspondance TGV-TER : ligne Lyon-Dijon pour la première, ligne Chagny-Nevers/Moulins pour la seconde. Quarante ans après, on étudie la possibilité d’amorcer au Creusot-Montchanin TGV des TER par construction de voies de rebroussement, complétant un raccordement de service construit plusieurs années après l’inauguration de la LGV Paris-Lyon.

 Ce type de raisonnement privilégiant la route a été largement appliqué par la suite, démaillant un peu plus le réseau. On le retrouve ainsi à Haute-Picardie TGV sur la LGV Paris-Lille, « gare des betteraves » par excellence, pourtant située à proximité de l’axe ferroviaire Amiens-Tergnier ; à Vendôme-Villiers-sur-Loir TGV sur la LGV Paris-Tours ; sur la LGV Paris-Strasbourg à Meuse TGV et Lorraine TGV, cette dernière au détriment d’une gare mixte TGV-TER à Vandières au croisement de l’axe classique Nancy-Metz ; à Aix-en-Provence TGV sur la LGV Méditerranée.

Poitiers et Angoulême ont exigé des raccordements pour desserte TGV des gares centrales

 A l’opposé, les collectivités territoriales ont exigé que les dessertes empruntant la ligne  à grande vitesse Tours-Bordeaux soient effectuées dans les gares centrales (Poitiers, Angoulême), moyennant des raccordements dont il est dit que leur coût équivalait celui de gares nouvelles… mais leur impact sur l’intégration du réseau bien supérieur.

 De même les gares de Reims TGV, Avignon TGV, Belfort-Montbéliard TGV, Besançon TGV, Valence TGV, Calais-Fréthun sont, comme la gare de Nîmes Pont-du-Gard, des gares mixtes TGV-TER, soit grâce à un raccordement avec desserte en impasse en gare nouvelle pour les quatre premières citées, soit sous la forme de gares-ponts au croissement d’une ligne classique : Tarascon-Sète pour Nîmes Pont-du-Gard, Valence-Moirans pour Valence TGV, Amiens-Calais pour Calais-Fréthun.

IMG_20210605_081051808_HDRVu depuis le sud, le plateau inférieur est abondamment garni en cette matinée à Valence TGV, avec une circulation "Ouigo" sans arrêt. La voie 5, que l'on aperçoit à droite de la rame TGV "Inoui", destinée aux trains en provenance du sillon alpin (qui ont disparu), est inutilisable par des circulations en provenance de Lyon et Paris faute de communications idoines. Les deux voies TER Valence Ville-Moirans (Grenoble), franchissent les voies TGV au nord du bâtiment suspendu. ©RDS 

 L’expérience malheureuse et largement médiatisée de Montpellier Sud-de-France, gare à 150 millions d’euros difficilement accessible par tramway (et qui le restera même après courte extension de la ligne 1) et dissociée des services TER, constituera-t-elle le dernier avatar de cette difficulté à penser le ferroviaire comme un réseau intégré ?

 On peut en douter au vu des projets de gares nouvelles conçus pour la LNMP (ligne nouvelle Montpellier-Perpignan), avec une gare à Béziers Est uniquement desservie par une sortie d’autoroute, et une gare suspendue à Narbonne Ouest imposant des correspondances acrobatiques avec la ligne classique et un rebroussement éventuel des circulations Montpellier-Toulouse souhaitant la desservir.

Des raccordements conçus pour les seuls services de maintenance ou les situations exceptionnelles

 Quant aux raccordements, l’exemple de Saint-Brès cité au début de cette étude peut en évoquer d’autres. Dans le grand Sud-Est, nous pouvons citer le raccordement de La Palud, à proximité de Bollène-La Croisière, entre la LGV Méditerranée et la ligne classique de la rive gauche du Rhône : ses deux voies uniques de part et d’autre du franchissement de la ligne classique par la LGV imposent aux circulations qui l’empruntent deux cisaillements pour les circulations sud-nord et nord-sud ligne classique-LGV. Une situation similaire au plan des voies de raccordements LGV-ligne classique à proximité de Mâcon.

IMG_20201223_145627 (1)Intercités en attente de départ à Montpellier Saint-Roch. Toutes ces circulations Bordeaux-Toulouse-Marseille, cadencées aux deux heures, ont été basculées sur l'itinéraire classique entre Montpellier et Nîmes, après qu'une partie d'entre elles eurent été tracées par la ligne nouvelle du CNM et la gare de Montpellier Sud-de-France. Ces dernières ne pouvaient desservir Nîmes Pont-du-Gard, le raccordement entre le CNM et la ligne classique de et vers Tarascon étant amorcé à l'ouest de cette gare. ©RDS  

 De ce fait, ces liaisons peuvent difficilement être utilisées en service commercial régulier, par exemple des Marseille-Dijon susceptibles de circuler sur la LGV de Lyon à Mâcon. Ils sont conçus pour la maintenance ou les situations exceptionnelles.

 A Valence TGV, si un raccordement de et vers la ligne du sillon alpin a tardivement été construit pour 40 millions d’euros, il n’est plus utilisé en service commercial malgré l’intensité des échanges entre Alpes du Nord et Méditerranée. Pire, la troisième voie à quai construite sur le plateau inférieur des voies LGV (voie 5) n’est pas accessible par les TGV provenant du nord en raison de l’absence d’aiguillages, comme Raildusud l’a plusieurs fois dénoncé. Il n’est donc pas possible de l’utiliser pour stationner deux TGV nord-sud à Valence TGV, malgré l’intérêt que cela pourrait présenter en cas de retards.

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Commentaires
R
L'idéal aurait été de ne pas construire la gare TGV Nîmes Pont du Gard et Montpellier Sud de France et d'utiliser les gares centre. Cela aurait éviter de construire de nouveaux parking, routes,voies de tramway et d'avoir des correspondances bien plus efficaces. C'est le cas à Saint Pierre des Corps, Poitiers, Angoulême, Laval, Le Mans, Arras..... Cela évite le coût de fonctionnement aussi d'une nouvelle gare, des transports pour la desservir.
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B
Je rajoute un point de vue . A propos de Nîmes Pont du Gard : est-il nécessaire d' y arrêter les Intercités Marseille - Bordeaux, vu que ces derniers desservent Nîmes "centre-ville", où se trouvent toutes les correspondances TER, y compris pour Alès et les Cévennes (ce qui n' est pas le cas pour l' autre gare TGV Nimoise) ? Pour moi, la réponse est évidente : NON.
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B
Oui, mais dabs ce cas présent, le raccordement, initialement prévu, aurait permis la desserte de la gare-centre . Rémi, vous avez lu le texte ?
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R
Si l’interruption avait été entre st bres et Montpellier, aurait on critiquer l’existence de Montpellier Sud de France ? Cette gare TGV aurait été le seul moyen de continuer à desservir l’agglomération. <br /> <br /> Un racco de st bres, en + de son cout, induit que les tgv qui l’utilisent occupe de la capacité simultanément sur le CNM et sur la LGV. <br /> <br /> <br /> <br /> Le vrai problème de cette gare tgv n’est pas son existence, ou l’absence en amont du racco de st bres, mais l’incurie de sa desserte en transports collectifs. On n’envisage que le prolongement de la ligne 1, en impasse. Mais pourquoi ne pas prévoir une déviation de la ligne 3 par le nord et l’est de Boirargues, après avoir franchi l’autoroute, et ainsi etablir une nouvelle station du tram 3 à sud de france ? Avec aussi possibilité d’une autre station pour le pard d’activité font de la banquière. <br /> <br /> <br /> <br /> Cela couterait bien moins cher qu’un racco de st bres, offrirait l’accès à la gare tgv aussi depuis le sud de l’agglo, donc un reel gain de temps pour des usagers (tant pour le parcours tgv que pour l’accès à la gare). Et tous les habitants à proximité des lignes 1 et 3 aurait accès à la gare en tram, sans rupture de charge. La gare tgv ne serait qu’à 8 stations de trams de st roch par la ligne 3, et 12 par la ligne 1. Pour ceux qui vivent entre les 2, se rendre à une gare ou l’autre ne changerait rien : mais il y aurait un gain de temps sur le parcours tgv à sud de france. <br /> <br /> Pour ceux au nord de st roch, 8 stations de tram en + est il à ce point rédhibitoire quand un gain de temps superieure en tgv compensera cette perte de temps en tram, et quand c’est cela qui permet un gain de temps à tous les passagers tgv qui ne font que transiter par Montpellier ?<br /> <br /> <br /> <br /> S’agissant des correspondances tgv ter, pour ceux des tgv (la moitié) qui passent par sud de france, l’enjeu est qu’il existe une gare de correspondance, or il y a nimes tgv ! Donc pourquoi encombrer la gare st roch de passagers en correspondance ? Autant que la capacité voyageur de cette gare serve réellement à ceux qui se rendent à Montpellier. <br /> <br /> L’idéal sera qu’ensuite à l’ouest de montpellier, il y ait aussi une gare de correspondance. <br /> <br /> Revenir à la solution nissan pour beziers et narbonne aurait du sens. <br /> <br /> Mais il faudrait aussi s’interroger sur la pertinence de contourner beziers par le sud dans la phase 2 de lnmp compte tenu du réchauffement climatique et la montée des eaux : contourner par le nord meriterait d etre etudié, et alors une correspondance avec la ligne vers millau devient possible ; cela legitimerait alors un renforcement de la partie urbaine de la ligne, avec pourquoi pas des services diametralisés vers narbonne et qui pourraient etre les meme que ceux de la reouverture de la ligne narbonne vers bize minervois.<br /> <br /> <br /> <br /> A noter que dans ce cas, qu’un tgv montpellier toulouse (qu’il vienne de lyon ou marseille et continue vers bordeaux ou hendaye) ne desserve que beziers tgv et carcassone et pas narbonne tgv (pour y eviter un rebroussement) ne serait pas gênant car une correspondance existerait de chaque côté.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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