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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
1 novembre 2021

Le « train des primeurs » a été relancé en mode allégé et sera doublé d’une nouvelle autoroute ferroviaire

 Le « train des primeurs », dont la circulation avait été suspendue voici vingt-sept mois en raison de la vétusté du matériel et de la baisse des volumes transportés, a repris du service sous  une forme allégée en capacité et en fréquence dans la nuit du vendredi 22 au samedi 23 octobre. La rame de wagons frigorifiques rénovés et décorés aux armes d’Ermewa et de Fret SNCF, avec à sa tête les BB26403 et 26059, est entrée le long du quai de chargement du marché d’intérêt national de Perpignan Saint-Charles saluée par un nuée de journalistes et le Premier ministre Jean Castex. Elle a reçu ses chargements de fruits et légumes en provenance d’Espagne par la route.

 Le Premier ministre a par ailleurs annoncé le prochain lancement d’une nouvelle autoroute ferroviaire Le Boulou-Gennevilliers particulièrement destinée aux produits de grande consommation, en renfort du « train des primeurs ». Il a enfin signé le même jour au Boulou, à quelques kilomètres de Perpignan, une série de conventions de financement en faveur du fret ferroviaire.

Le Premier ministre Jean Castex assistait au départ du premier « train des primeurs » rénové

 La mise en scène de l’envoi du « train des primeurs » incluait l’Hymne à la Joie de Beethoven, musique officielle de l’UE, bien que le parcours, la restauration et l’organisation de ce train soient exclusivement français. S’il est vrai que ses chargements de fruits et légumes proviennent d’Espagne, une partie provient aussi du Maroc.  Le Premier ministre Jean Castex, auparavant maire de la ville voisine de Prades et réputé partisan du ferroviaire, assistait à la mise à quai de la rame qui devait s’élancer à 16 h 28 pour un voyage d’une durée d’une dizaine d’heures jusqu’au quai de déchargement du Marché d’intérêt national de Rungis au sud de Paris. L’accostage à Rungis a été réalisé samedi à 3 h 08.

Train primeurs 1Le Premier ministre Jean Castex (3e à partir de la g.), devant un wagon frigorifique reconditionné afin de prolonger sa durée de vie d'environ trois ans. (Doc. SNCF)

 Ce service,  affrété par le chargeur de fruits et légumes « Primever »,  est allégé de moitié par rapport à son auguste prédécesseur puisque la rame en circulation ne compte que douze wagons frigorifiques pour un parc total de wagon rénovés Lohr Industrie s’élevant à vingt-quatre. Le « train des primeurs » avait cessé de circuler en juillet 2019 après quarante années de service. La disparition des chargements pour son parcours de retour, de Rungis à Perpignan, avait été l’un des éléments qui avaient précipité sa suppression, avec la concurrence routière, la nécessité d’une coûteuse rénovation des wagons sans oublier l’impact sur ces biens hautement périssables des suspensions de circulation dues aux grèves.

Trente-quatre wagons restaurés pour trois ans sur les 84 du parc initial, les autres ferraillés

 Le parc total du « train des primeurs » s’élevait à 84 wagons à la suspension du service, suffisamment pour assurer plusieurs rames quotidiennes deux sens confondus, ainsi qu’une réserve pour maintenance. De nombreux d’entre eux furent stockée sur le faisceau de Courbessac à la sortie est de la gare de Nîmes, avant ferraillage pour la cinquantaine des moins capacitaires et plus anciens, restauration pour  34 présentant la meilleure capacité et robustesse. Leur répartition sera de douze pour chacune des deux rames en service, avec une réserve de dix.

 Pour autant, ces wagons même rénovés seront théoriquement en bout de course fin 2024. Le « train des primeurs » pourrait alors être remplacé par  une autoroute ferroviaire Barcelone-Anvers qui ferait étape à Perpignan et Rungis, selon une information du Monde. Il faudrait pour cela construire à Rungis des installations dédiées aux caisses mobiles.

 

Train primeurs 2Aperçu d'éléments d'une rame du "train des primeurs" après leur rénovation. Le parc complet a été réduit de 84 à 34 éléments, pour une fréquence ramenée d'environ quatre rotations quotidiennes à la grande époque à une seule rotation depuis octobre. Les wagons frigorifiques reconditionnés par Ermewa ont retrouvé une belle allure. (Doc. SNCF)

 A Courbessac, les wagons stockés furent la cible de l’armée de taggueurs qui sévit autour de la préfecture gardoise. Notons que ces derniers ont aussi dévasté la carrosserie de trains de Z2 en attente de ferraillage, offrant un spectacle affligeant aux nombreux voyageurs de passage des TER, IC et TGV. Cette épidémie, qui a conduit la SNCF à acquérir des drones de surveillance, a aussi touché des rames du service TER aux abords du technicentre proche, AGC et même quelques Regiolis à peine sortis d’usine.

Le « train des primeurs » « est relancé au seuil d’une année électorale, sous des modalités critiquées par la région Occitanie

 La remise en service de ce « train des primeurs » au seuil d’une importante année électorale en France. Outre Jean Castex, étaient présents au MIN de Saint-Charles le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari, le président de la SNCF Jean-Pierre Farandou, le PDG des lacivités fret de la SNCF Frédéric Delorme, et les dirigeants du Réseau Primever, du MIN de Rungis Semmaris et du groupe Ermewa.

 Le vice-président du conseil régional d’Occitanie Jean-Luc Gibelin a toutefois critiqué les modalités de la remise en service. Outre l’interruption d’une concertation engagée par la région Occitanie, M. Gibelin a fait savoir que « l’Etat considère qu’il faut compenser le coût du ferroviaire à hauteur de 5 millions par an durant cinq ans environ… et il annonce qu’il met 2,5 millions sur la table en demandant aux collectivités de compléter ! ».

Train primeurs wiki MyrabellaVue de l'un des pavillons fruits et légumes du Marché d'intérêt national de Rungis, qui dessert la métropole parisienne. Les 12 wagons d'une rame du "train des primeurs" reconstitué représentent le chargement de plus d'un quinzaine de poids-lourds, et ils sont acheminés en traction électrique. Une autre solution d'acheminement ferroviaire passera par des rames de technique multimodale. (Doc. Wikipedia/Myrabella)

 « Curieuse conception de l’annonce de décision gouvernementale qu’il fait co-financer par d’autres sans concertation préalable ! », s’indigne le vice-président. M. Gibelin demande que soient obtenus des chargements pour le trajet retour nord-sud et ajoute : « La production départementale (de primeurs du Roussillon) est trop peu concernée par le transport ferroviaire. Les produits bio consommés en Île de France transitent essentiellement par la route en camion diesel ! ». Il rappelle qu’on a compté « jusqu’à quatre trains quotidiens » sur cette liaison Perpignan-Rungis par trains frigorifiques.

Ermewa, récemment revendu par la SNCF, a prolongé la vie des wagons frigorifiques jusqu’à 2024

Le groupe Ermewa est spécialisé dans la location et la maintenance de wagons de fret et de conteneurs. Affichant un parc de quelque 42.000 wagons et 60.000 conteneurs-citernes, entretenus dans sept ateliers et circulant dans vingt-et-un pays européens, il a réalisé la rénovation des wagons du « train des primeurs », en assure la maintenance et les loue au transporteur. Fondé en 1956 pour le transport de vin par un entrepreneur suisse visionnaire Ermewa, basé à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), fut progressivement acquis par la SNCF de 1992 à 2010. Mais en cette année 2021 la SNCF l’a revendu à la Caisse des Dépôts et Placements du Québec et au loueur allemand de wagons DWS pour 3,3 milliards d’euros.

Primeurs PerpiAperçu de l'état de wagons frigorifiques du "train des primeurs" avant leur rénovation... ou leur ferraillage. Un manque d'entretien et d'investissement qui a contribué à faire basculer le trafic des fruits et légumes sur la route. (DR)

La relance partielle du « train des primeurs » semble assurée jusqu’à fin 2024, Primever s’étant engagé sur son chargement pour trois années. Le nombre d’allers-retours hebdomadaires a été fixé à cinq, plus un sixième d’août à octobre, période de la plus forte activité de maraîchage dans la péninsule ibérique et au-delà. Sa gestion est confiée à Rail Logistics Europe (ex-Transport ferroviaire et multimodal de marchandises, TFMM), filiale de logistique et de transport de fret ferroviaire de la SNCF qui coiffe cinq sous-filiales parmi lesquelles Fret SNCF qui assure la traction. Rail Logistics Europe a été sélectionné dans le cadre d’un appel de l’Etat à manifestation d’intérêt.

Le trafic journalier moyen sur les autoroutes parallèles A9 et A709 à Montpellier : 15.000 poids lourds pour 126.000 véhicules

 La dimension politique et environnementale de cette relance partielle doit être soulignée. La suppression du « train des primeurs » en juillet 2019 avait soulevé un émoi légitime (1). La question de la pollution routière (atmosphérique, sonore), celles de l’accidentologie ou du gaspillage énergétique du camionnage étaient devenues des sujets de premier plan. L’autoroute A9 supportait en 2018 au Perthus, à la frontière espagnole, un trafic journalier annuel moyen de 10.363 poids-lourds, selon les données du ministère du Développement durable. Les jours de pleine activité, ce trafic atteint 16.000 poids-lourds quotidiens. S’ajoutent plus au nord tous ceux ayant pour origine ou destination les départements français  que traverse l’A9 : les Pyrénées-Orientales, l’Aude, l’Hérault et le Gard.

 Ce trafic journaliser moyen de poids-lourds à hauteur de Montpellier, les deux autoroutes parallèles A9 et A709 confondues, s’établissait à 15.000, soit des pointes d’au moins 25.000. Le trafic total moyen journaliser des deux autoroutes à hauteur de Montpellier atteint 126.700, constituant la première source de pollution de la métropole languedocienne (2). Le rétablissement du « train des primeurs » allègera ces flux d’environ 16.000 poids-lourds chaque année, soit une moyenne de 45 par jour. C’est peu mais c’est un commencement.

IMG_20210413_162428463_HDRAutoroute A709, ancienne A9 renommée après mise en service de son doublement. La nouvelle A9, destinée au transit, absorbe d'essentiel du trafic poids-lourds mais elle n'est située qu'à environ 500 mètres de l'ancienne sur environ 6 km, au droit de l'agglomération. Entre les deux, en surplomb de l'A709, sont construits le lycée Mendès-France et ses terrains de sport. ©RDS

 D’autant que la relance du « train des primeurs » est simultanée au lancement d’un nouveau service de transport de conteneurs sur l’autoroute ferroviaire Le Boulou-Gennevilliers avant la fin de l’année avec des wagons construits par Lohr Industrie. Rail Logistics Europe explique que chargeurs pourront y faire transporter « leurs semi-remorques chargés de produits de grande consommation sur des wagons qui circuleront à raison de 3 allers-retours par semaine puis 6 allers-retours à compter d’avril 2022 ». Deux autres autoroutes de fret ferroviaire seront favorisées par l’Etat, sur Sète-Calais et Cherbourg-Bayonne.

47 millions d’euros pour des voies ou lignes à dominante fret

 Pour montrer que l’Etat compte aller plus loin, le Premier ministre Jean Castex a signé au Boulou , avec le PDG de SNCF Réseau Luc Lallemand, en présence de Jean-Baptiste Djebarri, du PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou et le délégué de 4F (association qui réunit tous les acteurs du fret ferroviaire français), quatre conventions de financement d’une valeur totale d’un peu moins de 47 millions d’euros.

 Trente-sept millions seront destinés à accélérer la régénération de « voies de service », très souvent dans un état pitoyable et dangereux, à travers la France pour un total de 110 M€ à terme. Sept millions d’euros iront au développement d’un service digital d’automatisation de la commande de sillons de dernière minute, revendication des chargeurs en cette époque de flux tendus. Un million et demi d’euros seront investis dans  le développement du terminal rail-route du Boulou dans la perspective de l’expansion des autoroutes ferroviaires.

 La même somme de 1,5 M€ ira à l’aide à l’augmentation de capacité de la ligne de la Bresse Dijon-Bourg-Ambérieu, à dominante fret et dont l'importance croîtra après la mise en service du tunnel de base de l'axe Lyon-Turin.

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(1) Lien vers notre premier article sur le "train des primeurs":

" L'Affaire du train de primeurs " ou le traitement du fret ferroviaire en Absurdie - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

" L'Affaire du train de primeurs " Perpignan-Rungis pourrait être le titre d'un roman localisé en " Absurdie ", république bananière (c'est le cas de l'écrire) où tout fonctionnerait à l'envers.

http://raildusud.canalblog.com


(2) Lien (PDF) vers les statistiques ministérielles du trafic routier sur les axes du réseau national pour l'année 2018:

 

http://www.occitanie.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/recensement_des_trafics_routiers_sur_le_reseau_national_en_region_occitanie_en_2018-publication_2019.pdf

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Commentaires
T
2024, ça laisse juste le temps de lancer l'appel d'offres pour la flotte de remplacement.<br /> <br /> Avec de préférence une alimentation des groupes froid par ligne de train, pour améliorer encore le bilan carbone.
Répondre
J
Un emplâtre sur une jambe de bois...<br /> <br /> Pauvre France.
Répondre
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