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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
3 janvier 2021

Nos voeux : après 2020, annus horribilis, l’urgent retour au ferroviaire pour 2021 (Editorial)

 L’année 2020 aura été une année noire pour tous les secteurs économiques hormis deux grands bénéficiaires de la « crise sanitaire » mondialisée : les géants des GAFAM qui ont accru leur emprise sur le monde marchand ; le secteur de la santé, avec la course précipitée aux vaccins ou aux thérapies géniques entreprise par les mastodontes pharmaceutiques. Le secteur des transports a été en revanche massivement impacté en France par les deux mois de confinement total du printemps suivis par le mois d’interdiction de déplacements à plus de 100 km du domicile (à vol d’oiseau) : SNCF, réseaux urbains, lignes aériennes, autoroutes. Les opérateurs ferroviaires ont fait état d'une baisse de recette atteignant 90%.

 Pour noircir un peu plus le tableau de cet annus horribilis, un nouveau mois de confinement en novembre a entraîné un nouvel affaissement de l’offre ferroviaire grandes lignes, les services régionaux et urbains étant moins affectés grâce au maintien de l’ouverture des entreprises et des établissements scolaires.

En France, les investissements publics dans le chemin de fer bien loin de leurs homologues allemands

 Alors qu’il avait immédiatement subventionné le transport aérien et la construction automobile dès mai, le gouvernement français a tardé à apporter son aide à la SNCF et aux réseaux urbains.

 Pour la première, l’Etat vient d’accorder une recapitalisation de 4,05 milliards d’euros, sur une aide globale de 4,7 milliards prévue dans le plan de relance alors que la SNCF chiffre sa perte due à la « crise sanitaire » à environ 5 milliards d’euros. Les 650 millions de reliquat iront aux « petites lignes », au fret et à ces trains de nuit que la France, à la remorque de ses voisins d’Europe centrale, entend soudain relancer après les avoir obstinément liquidés. A titre de mesure provisoire, le prix de sillons a été réduit à zéro pour le fret, puis divisé par deux pour l’année à venir. Notons qu’une partie de ce plan de relance français est constituée de subventions antérieures non consommées.

DSCN3688 Aperçu de l'impact du second confinement en France, courant novembre : l'autoroute A9 (g.) au droit de la gare de Montpellier Sud-de-France sur le CNM (d.). En pleine journée de semaine, les chaussées routières exploitées par Vinci Autoroutes sont fort peu chargées et les voies du Contournement de Nîmes et Montpellier (CNM) sont privées de toute circulation voyageurs. La gare, exploitée par Gares & Connexions, filiale de SNCF Réseau, est fermée à double tour. ©RDS

 En comparaison desdits voisins, la France ferroviaire reste largement à la traîne. Songeons que dès janvier 2020, avant même la « crise sanitaire », le gouvernement fédéral allemand avait décidé d’investir 62 milliards d’euros pour le seul réseau géré par DB Netz, le gestionnaire public fédéral d’infrastructures (plus 24 Mds€ apportés par DB Netz). La TVA sur les transports publics était abaissée à 7 %. En juin, l’Etat fédéral proposait un plan de relance de 5 milliards d’euros, parmi lesquels 350 millions d’euros pour baisser le prix des sillons et une baisse de la fiscalité sur le secteur, via son allègement sur le prix de l’électricité, très élevé en raison du subventionnement massif des « énergies renouvelables » (mais dramatiquement intermittentes) outre-Rhin.

 On pourra dire que le plan de relance ferroviaire de la France équivaut peu ou prou à celui de l’Allemagne. A la différence que cette dernière avait déjà entrepris le plan de relance de l’infrastructure de 62 milliards d’euros deux mois avant l’éclatement soudain de la « crise sanitaire ». Notons qu’outre-Rhin, DB Netz continue d’électrifier des lignes exploitées en traction thermique et qu’en 25 ans, 827 kilomètres de lignes réservées au transport de passagers et 359 km de lignes destinées au fret ont été réactivées.

 Pendant ce temps, la France continuait de fermer des lignes à tours de bras. Ces dernières décennies, dans le grand Sud-Est : Boën-Thiers,  Alès-Bessèges, Séverac-Rodez, Montréjeau-Luchon, Limoux-Quillan, Laqueuille-Ussel, Commentry-Moulins, Lapeyrouse-Volvic, Saint-Claude-Oyonnax, etc… Le plan d’investissement de 6,2 milliards d’euros pour la seule année 2020 annoncé dès 2019 par SNCF Réseau ne permettait pas, en tout état de cause, de combler le retard pris depuis des décennies, d’autant que SNCF Réseau refuse d’investir le moindre centime pour des restaurations d’urgence sur les « petites lignes » classées UIC 7 à 9. Songeons que même la radiale Paris-Orléans-Limoges-Toulouse nécessite une nouvelle salve de travaux massifs pour assurer sa pérennité, à hauteur de 385 millions d’euros.

 Au Sénat le 9 décembre, Isabelle Delon, directrice générale adjointe Clients et Services de SNCF Réseau expliquait qu’annuellement il « manque à peu près un milliard d'euros par rapport aux besoins d’investissements sur le réseau si on prend la totalité du réseau, y compris les lignes capillaires et ce milliard d’euros pour l’instant n’existe pas ».

Une « relance » des réseaux lourds de transport urbain concentrée sur Paris

 Dans le domaine des transports collectifs urbains, le gouvernement français a accordé, au titre de son plan de relance,  1,03 milliard d’euros pour le développement des réseaux « lourds » (métros, tramways). Outre la faiblesse de la somme au regard du choc financier et des nouvelles ambitions affichées de transfert modal depuis la route, la clé de répartition entre l’Ile-de-France (68 %) et les autres métropoles françaises (32 %)  relève d’un jacobinisme caricatural.

DSCN3649Rame Stadler au départ de Lyon Part-Dieu pour Aéroport Saint-Exupéry. Cette ligne désignée RX (Rhône Express) a vu sa fréquentation s'effondrer en raison de la quasi-paralysie du transport aérien durant les trois mois du printemps puis de la rechute de fin octobre. En fin d'année 2020, sa fréquence remontait péniblement en pointes à une rame toutes les ving minutes. ©RDS

 Rappelons qu’avant même les confinements autoritaires des populations, dans les trois régions étudiées par Raildusud (Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie), seuls deux chantiers d’extension des lignes de transport urbain lourd étaient en cours : l’extension sur deux stations sur la ligne B du métro de Lyon (TCL) et le début des travaux de la line 5 du tramway de Montpellier. Nice, Toulon, Marseille, Avignon, Clermont-Ferrand, Nîmes, Toulouse, ne connaissent – quand ils en ont - que des projets, fussent-ils ambitieux (Aerospace Express de Toulouse, extension ouest du tramway de Nice), ou modestes (courtes extensions du tramway d’Avignon). Trop souvent, les collectivités locales, exsangues, choisissent la solution faussement économique (matériel à courte durée de vie) mais véritablement sous-capacitaire du bus à haut niveau de service, dont ledit véritable niveau est fortement lié à celui de l’investissement.

Des souhaits pour 2021 : passer des paroles aux actes

 Cette annus horribilis 2020 sera-t-elle un déclencheur ? On pourrait penser qu’une conjonction des éléments suivants pourrait hâter le processus de rebasculement vers le ferroviaire, après 90 années de soutien ostensible de l’Etat français à l’industrie automobile et à la route. Parmi eux, citons d’abord la « développement durable » qui impose une limitation de la circulation automobile dont le bilan spatial et environnemental, que le moteur soit thermique ou électrique, est accablant (et pas seulement en terme de CO2). Vient ensuite le patriotisme industriel dans lequel l’industrie ferroviaire, avec Alstom, constitue un fer de lance. Citons enfin la déconcentration territoriale par la remise en réseau (ferroviaire) des villes moyennes et des périphéries des métropoles hors Ile-de-France, antidotes incontournables au monde concentrationnaire de la métropole parisienne.

 Il s’agit désormais de passer des paroles aux actes.

DSCN2624Gare de Boën, sur la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, interrompue depuis quatre ans entre Boën et Thiers. Réduite à deux moignons d'extrémités, cette supposée "petite" ligne relie deux métropoles distantes de seulement 145 km, et un chapelet de communes actives entre les deux. La région comme l'Etat ont choisi de l'euthanasier avec pour conséquence  un éclatement des services entre trains sur sections ferroviaires maintenues, autocars directs, autocars de desserte fine, autocars doublant les sections ferroviaires maintenues. Un désastre commercial, qui n'émeut apparemment en rien un Etat central omnubilé par sa "région capitale". Si relance ferroviaire il y a, il faudra qu'elle passe d'abord par ces territoires invisibles. ©RDS

 En matière de réseau ferré national, souhaitons un doublement de l’engagement financier en faveur du renouvellement du réseau classique, avec en particulier un plan « petites lignes » qui ne soit pas un simple saupoudrage. Ce plan concernerait la totalité des lignes régionales existantes ou fermées ces dernières décennies. Rappelons que le coût du Grand Paris Express, ces lignes de métro circulaires autour de la capitale, est passé de 20 à 38 milliards d’euros. Ce surcoût de 18 milliards d’euros permettrait de mettre au niveau helvétique la totalité des lignes régionales françaises. Une reclassification des lignes, non plus en fonction du tonnage circulé (système UIC) mais en fonction de leur utilité socio-économique réelle (nombre de TER circulé, potentiel fret…) est indispensable.

Rénovations ou réouverture de lignes pour rétablir un maillage décent

 Dans le Grand Sud-Est, les axes du Massif Central, qu’ils soient nord-sud (Béziers-Neussargues, Nîmes-Clermont-Ferrand) ou est-ouest (Saint-Germain-des-Fossés-Limoges, Clermont-Ferrand-Brive, Le Puy-Rodez) devraient être classés en priorité. Côté Alpes, le raccordement de Digne à Saint-Auban, le rétablissement voyageurs d’Annecy à Albertville, d’Evian à Saint-Gingolph, paraissent être des priorités de rénovations ou de réouvertures.

 En Provence, la rénovation de l’étoile de Breil, le rétablissement voyageurs sur Aix-Rognac, Pertuis-Cavaillon, Gardanne-Carnoules, Les Arcs-Draguignan semblent pertinents. Côté Languedoc, citons Alès-Bessèges (en projet de réouverture), Séverac-Rodez, Limoux-Quillan et plus à l’ouest Auch-Agen sans oublier l’indispensable rénovation de Nîmes-Le Grau-du-Roi, au fort potentiel.

 Notons que l’innovation technique supposément « environnementaliste » (hydrogène, batteries…), ne saurait faire oublier que l’électrification classique recèle les avantages incomparables de l’intégration (effet réseau), de la continuité (matériel déjà existant et éprouvé) et de la durabilité.

DSCN3249Ambert, sur la ligne radiale historique (Paris) Saint-Germain-des-Fossés-Darsac (Le Puy), abandonnée par la SNCF au sud de Vichy. Désormais propriété du Syndicat ferroviairie du Livradois-Forez, cette section en est réduite à un trafic touristique saisonnier au sud d'Ambert et... à du vélorail (au premier plan), au nord. Un reliquat de fret persiste sur une courte section au nord. Le syndicat travaille à obtenir de nouveaux marché fret, côté sud. Une relance du fret ne pourra se passer d'un remaillage d'un réseau ferré français réduit des deux tiers depuis les décrets de coordination de 1934 (tous réseaux confondus, national et départementaux). ©RDS

 Ces rénovations ou réouvertures sont la condition indispensable au rétablissement d’un maillage ferroviaire digne d’un pays développé (1). Ce maillage est la condition sine qua non d’une réintégration des territoires, délibérément marginalisés depuis un demi-siècle, dans le concert économique et démographique, grâce aux capacités propres chemin de fer (rentabilité croissante, site propre intégral, homogénéité modale…).

Etablir un véritable cadencement, avec une fréquence minimale aux deux heures

 Second vœu pour 2021, le passage à un véritable et systématique cadencement. Celui entrepris par SNCF Réseau depuis les années 2010 est malheureusement lesté de deux graves défauts : il ne peut y avoir de cadencement que s’il y a fréquence ; il ne peut y avoir de fréquence que si l’infrastructure est mise à niveau. Aujourd’hui, nombre de lignes régionales ne connaissent que quelques circulations TER par jour, ce qui exclut toute idée de cadencement, la faiblesse du nombre de circulation imposant à l’exploitant de se caler sur les seules périodes d’affluence.

DSCN2008Gare de Rives, terminus de navettes de et vers la métropole de Grenoble. Les TER semi-directs Lyon-Grenoble ne s'y arrêtent pas, imposant un dissuasif aller-retour par Voiron ou une correspondance à Saint-André-le-Gaz pour les voyageurs souhaitant rallier Lyon depuis Rives. L'ex-région Rhône-Alpes fut en pointe dans le cadencement des services TER, au moins sur ses principales lignes. Car tout cadencement implique une fréquence au moins égale à un train toutes les deux heures, sinon toutes les heures. ©RDS

 Un véritable cadencement voyageurs impose au moins huit circulations par jour et par sens, soit un pas de desserte aux deux heures. Un pas de desserte à l’heure impose une quinzaine de circulations. C’est à cette seule condition (simplicité de l’horaire, fréquence des circulations) que le chemin de fer peut prétendre à  capter une part du marché de la route. Les fiches horaires sont actuellement bien trop complexes... lorsqu'elles existent.

 On ajoutera, en matière de simplification, qu'elle devrait concerner aussi les tarifs et les supports billetiques. La situation à l'intérieur de chaque produit est trop complexe : TGV Inoui et Ouigo aux tarifs et conditions aléatoires ; TER aux grilles et conditions de tarification propres à chaque région, y compris pour les cartes nationales (Avantage...). Le chemin de fer est d'abord un réseau cohérent dans lequel on entre. Le concept de produit, favorisé par la préparation à l'arrivée de la concurrence, heurte frontalement ce principe de l'unité du réseau. C'est le réseau ferroviaire national qui est le produit. Quel que soit le mode technique ou l'identité du tractionnaire, le voyageur prend le train et doit pour cela disposer d'un système tarifaire homogène concrétisé par un support billetique standardisé.

Doubler les investissements dans le ferroviaire, national, régional, urbain,

 Enfin, notre troisième vœu sera celui d’un doublement de l’investissement public dans le ferroviaire (réseau ferré national et réseaux urbains et péri-urbains), par rapport aux sommes promises avant et après la « crise sanitaire ».

 Pour cela, des budgets d’Etat doivent être réorientés et les ressources des métropoles et régions doivent être augmentées. En d’autres termes, l’Etat centralisateur doit retrouver le souci des territoires qu’il a abandonnést, tout en se dessaisissant de ressources au profit des gouvernements locaux plus  attentifs aux besoins des populations. Les symptômes de la crise du réseau ferroviaire (comme de celle du réseau de La Poste et de sa « banque ») sont les symptômes de la crise de l’Etat hydrocéphale et jacobin.

 Les grands défis peuvent annoncer de grandes avancées. Raildusud adresse ses meilleurs voeux à ses fidèles lecteurs.

DSCN3510Exemple de liaison permettant un excellent maillage territorial : saisi à Valence-Ville, ce TER reliant Romans-Bourg-de-Péage, sur la ligne Chambéry-Grenoble-Valence, à Briançon. Cette relation, réactivée en TER voici une vingtaine d'années, dessert Valence-TGV, Valence-Ville, le chapelet de localités de la vallée de la Drôme (Crest, Saillans, Die, Luc...), Veynes (et ses correspondances vers Grenoble, vers la moyenne Durance Sisteron, Aix et Marseille), et la haute vallée de la Durance, de Gap jusqu'à Briançon, aux confins de l'Italie. Toutes lignes tantôt radiales, tantôt transversales, longtemps laissées à l'abandon et désormais en cours de (lente) rénovation après d'épiques tractations financières. Les territoires desservis constituent pourtant un considérable capital de développement de qualité et recèlent un gisement de marché évidemment sous-exploité. L'année 2021 sera-t-elle celle de la prise de conscience et de l'action ? ©RDS

- - - - -

(1) On pourra se reporter à notre étude en deux volets parue en novembre 2019, consacrée aux sections susceptibles de réactivation :

41 projets de réouvertures de lignes aux voyageurs en Bade-Wurtemberg. Des idées pour la France dans le Sud-Est (Etude - 1/2) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

L'Allemagne tend à rétablir des services voyageurs sur des lignes régionales qui furent fermées aux temps du tout-automobile de l'après-guerre et de la fin du XXe siècle. La volonté d'une relance par l'investissement public, devant l'échec de la politique monétaire des banques centrales, est perceptible.

http://raildusud.canalblog.com

et

41 projets de réouvertures de lignes aux voyageurs en Bade-Wurtemberg. Des idées pour la France dans le Sud-Est (Etude - 2/2) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

L'Allemagne tend à rétablir des services voyageurs sur des lignes régionales qui furent fermées aux temps du tout-automobile de l'après-guerre et de la fin du XXe siècle (lire le premier volet de notre étude, paru le 26 novembre). En France au contraire, l'Etat-SNCF continue de fermer des lignes par centaines de kilomètres avec très peu de réactivations, accentuant l'abandon des territoires.

http://raildusud.canalblog.com

 

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Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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