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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
26 novembre 2019

41 projets de réouvertures de lignes aux voyageurs en Bade-Wurtemberg. Des idées pour la France dans le Sud-Est (Etude - 1/2)

 L’Allemagne tend à rétablir des services voyageurs sur des lignes régionales qui furent fermées aux temps du tout-automobile de l’après-guerre et de la fin du XXe siècle. La volonté d'une relance par l'investissement public, devant l'échec de la politique monétaire des banques centrales, est perceptible. En France, au contraire, l’Etat-SNCF continue  de fermer des lignes par centaines de kilomètres avec très peu de réactivations (dans notre zone, Sorgues-Carpentras, Cannes-Grasse ou L'Arbresle-Sain-Bel font exception). Dernières fermetures en date dans le grand Sud-Est, celles de Saint-Claude-Oyonnax (Lyon), (Saint-Etienne) Boën-Thiers (Clermont-Ferrand), (Millau) Séverac-le-Château-Rodez, (Carcassonne) Limoux-Quillan, Alès-Bessèges, etc... 

 En France, notre zone d’étude recèle pourtant une multitude d’opportunités de réouvertures ou de créations de lignes nouvelles régionales qui, correctement menées, répondraient à de réels besoins de déplacements locaux mais aussi au rétablissement d'un maillage territorial multipliant les combinaisons de déplacements et porteur de plus-values pour les lignes existantes. Nous allons en énumérer quelques-unes dans cette étude en deux volets. Elles participeraient à une réduction de la fracture territoriale massive qui déchire notre pays, valoriseraient des régions et leurs populations au bénéfice de l'économie et du bien-être général, formeraient un élément clef de la transition écologique.

DSCN2269Gare d'Alès. L'ampleur du plateau de voies (jadis 5 voies à quai plus une voie passante entre les deux premiers quais) témoigne de l'activité passée de ce noeud ferroviaire aujourd'hui tiers-mondisé. Le quai de gauche servait aux circulations vers Robiac-Bessèges/Le Teil. L'Occitanie étudie le rétablissement du service voyageurs jusqu'à Bessèges. © Raildusud

 Comme nous l’indiquions dans un précédent article (27 octobre 2019), l’Allemagne et ses Länder multiplient les réouvertures.  L’excellente revue de l’Afac Chemins de Fer (n° 576, juin 2019) nous apprenait pour sa part que le seul Land du Bade-Wurtemberg, qui a une longue frontière commune avec l’Alsace française, « étudie la réouverture de 41 petites lignes dont deux vers l’Alsace ». Parmi elles, 21 n’offrent à ce jour plus aucun service voyageurs, 14 offrent un service voyageur très limité, deux ont vu leur réouverture décidée et trois relèvent d’un maillage à étudier ultérieurement.

Comparaison des surfaces et populations avec Occitanie, AURA et PACA

 Rappelons que ce Land fédéré allemand, capitale Stuttgart, compte 10,8 millions d’habitants sur 35.751km2. L’Occitanie compte 5,8 millions d’habitants sur 72.724km2, Auvergne-Rhône-Alpes (AURA) 8 millions d’habitants sur  69.700km2 et Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) 5 millions d’habitants sur 31.400km2. Le Bade-Wurtemberg compte donc un peu plus d’habitants qu’Auvergne-Rhône-Alpes pour une surface deux fois moindre, ce qui induit une densité bien supérieure et donc une situation plus favorable au chemin de fer. Pour autant, nos trois régions françaises citées comptent d’importantes zones de montagnes et donc par contraste des zones de fortes densités de population sur les parties basses de leurs territoires : Bas-Languedoc, axe Saône-Rhône, sillon alpin, arc méditerranéen provençal, Durance, Forez, Limagne, vallées pyrénéennes… Autant de situations qui favorisent, elles aussi, le transport de masse par chemin de fer.

 Le Bade-Wurtemberg étudie ainsi la réouverture aux voyageurs de 41 lignes de chemin de fer sur une surface inférieure de moitié à celle d’Auvergne-Rhône-Alpes et équivalente à celle de PACA.  Mieux, cet Etat fédéré a déjà rouvert 144km de lignes aux voyageurs depuis 1994. La clé de financement étudiée par les autorités engagerait les municipalités desservies pour les travaux de réhabilitation et l’équilibre d’exploitation, « le Land prenant à son compte d’éventuelles améliorations apportées à l’infrastructure (prolongements, électrification…) », explique Chemins de Fer. Le Land pourrait aussi financer l’exploitation sur les cent premiers kilomètres à rouvrir comme mesure d’incitation.

Contrairement à l’Allemagne, la France a aussi fermé au fret ses lignes privées de voyageurs

 Ces lignes – 75 ont été l’objet d’une enquête initiale - sont généralement préservées grâce à une exploitation fret maintenue. En France du grand Sud-Est, à l’inverse, la plupart des lignes fermées aux voyageurs sont aussi fermées au fret, à l’exception notable de la ligne de la Rive droite du Rhône Givors-Nîmes. Cette dernière est au demeurant l’objet d’interminables études de rétablissement de services voyageurs par sections (Pont-Saint-Esprit-Avignon-Remoulins-Nîmes, Le Teil-Livron), qui traînent depuis une décennie (notre article du 15 novembre 2019). Citons aussi Cheval-Blanc-Pertuis, une courte section des Arcs-Draguignan ou Saint-Germain des Fossés-Gannat.

DSCN2278Aperçu du réseau des années 1920 représenté sur une carte Taride. Lignes PLM en bleu, lignes Midi en jaune, lignes P-O en orange.

 La situation dans nos trois régions françaises étudiées (Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie) présente aussi d’autres spécificités, en particulier en matière de ressources des collectivités locales, incomparablement inférieures à celles de leurs homologues d’Allemagne, pays fédéral et fortement décentralisé. Pour autant, les besoins de transfert sur rail de flux actuellement exclusivement routiers y sont légion, ainsi que les besoins de remaillage d’un réseau réduit pour l’essentiel à sa fonction structurante et radiale. Ce serait à l’Etat d’intervenir en premier ressort, ou de transférer la pleine propriété aux régions (ce qui est déjà possible) mais avec les ressources y afférant.

 Parmi les liaisons dont le rétablissement mériterait d’être étudié dans nos trois régions, nous citerons les suivantes, qui nous paraissent les plus intéressantes, sans viser à l’exhaustivité ni préjuger de la pertinence d’une remise en service, elle-même fortement dépendante de la conjoncture économique, démographique, politique et environnementale. Mais nous rappellerons  ce mot du Pr Guy Charmantier, à propos de la toute-puissance de la route acquise au XXe siècle aux dépens du chemin de fer : « Le moderne est souvent l’obsolète du lendemain ».

En Auvergne-Rhône-Alpes (ex-Auvergne et ex-Rhône-Alpes) :

-          Boën-Thiers (48km) pour rétablir la liaison la plus courte entre Saint-Etienne et Clermont-Ferrand, stupidement supprimée voici quatre ans au moment même où leurs deux régions fusionnaient.

-          Saint-Claude-Oyonnax (33km), maillon de la liaison bi-régionale vers Lyon (147km) alors que Saint-Claude reste relié par une liaison exclusivement ferroviaire, avec correspondance, à… Paris, distante de 498km.

-          (Lyon) Sathonay-Trévoux (18,5km), ligne à voie unique dotée de deux viaducs sur laquelle est projetée un BHNS contre toute logique de gabarit, desservant une région de grande banlieue.

-          (Lyon) Sain-Bel-Sainte-Foy-l’Argentière (16,5km) pour compléter le réseau de l’Ouest-lyonnais (nos articles des 27 octobre et 22 octobre, notre étude du 22 octobre 2019).

-          (Lyon) Brignais-Givors (9,4km) pour compléter le réseau de l'Ouest-Lyonnais en l'ouvrant sur une correspondance aec la ligne de Saint-Etienne à Givors.

2013Brignais (Rhône) terminus du Train-tram de l'Ouest-Lyonnais en provenance de Lyon-Saint-Paul. Il manque moins de 10km pour offrir une correspondance à Givors avec la ligne Lyon-Saint-Etienne et permettre des liaison Ouest de Lyon-Métropole de Saint-Etienne sans transiter par le centre de Lyon. © Raildusud

-          Jarrie-Vizille-Vizille (3km), à intégrer dans un RER grenoblois (en projet).

-          Annecy-Albertville (45,3km, partie sud exploitée en fret), splendide ligne du bord du lac qui serait un succès en Suisse (pourtant proche).

-          Izeaux-Saint-Rambert d’Albon (51,8km) pour rétablir une liaison entre Grenoble, la plaine de la Bièvre en plein développement, l’aérodrome de Saint-Etienne de Saint-Geoirs, Beaurepaire, la moyenne vallée du Rhône et Vienne (sans avoir à transiter par Lyon). Cette ligne voyait passer jadis, jusqu’en 1958, des autorails Grenoble-Annonay. Vienne-Grenoble via Lyon : 154km ; via St-Rambert d'Albon : 112km.

FVienne : les très vastes emprises de la gare et le rétablissement de la voie Saint-Rambert d'Albon-Izeaux permettraient de relier le bassin de Grenoble via Beaurepaire à la sous-préfecture de l'Isère sans subir le long transit par Lyon. © Raildusud

-          (Lyon, Genève) Evian-Saint-Gingolph (18km), fermée aux voyageurs en 1938, maillon-clé qui mettrait en liaison le Valais et la Haute-Savoie lémanique et à plus longue distance Genève et le Valais par le sud du lac. La Suisse, qui a rouvert la section Saint-Maurice-Saint-Gingolph, se dit prête à cofinancer.

-          (Le Puy) Darsac-Sembadel-La Chaise-Dieu-Ambert-Pont-de-Dore-Vichy (149km) exploitée par l’Agrivap sur sa partie centrale Sembadel-Pont-de-Dore (94km) en fret et touristique.

-          Sembadel-Bonson (66,7km), liaison du Haut Forez vers Saint-Etienne.

-          Le Puy-Langogne (53,3km), permettant de valoriser la ligne des Cévennes avec accès rapide depuis le Languedoc (Nîmes) à la Haute-Loire orientale (Le Puy) et à la Loire (Firminy, Saint-Etienne) par les lignes existantes, valorisées d’autant.

-          Sur l’étoile de Montluçon (notre étude en trois volets des 9, 11 et 13 octobre 2019) : Montluçon-Eygurandes (Ussel) ouvrant la Corrèze sur le centre et le nord du pays (94km) ; Commentry-Moulins (67km) entre les deux seules grandes villes de l’Allier ; Lapeyrouse-Volvic (56,7km), permettant un doublement de la liaison Clermont-Montluçon par des villes en souffrance économique ; Gannat-Saint-Germain des Fossés (24km) pour rétablir des liaisons inter-régionales Lyon-Montluçon-Bordeaux.

DSCN1903Ancienne gare de Budelière-Chambon, dont le bâtiment a été rasé, sur la ligne Montluçon-Eygurande-Merlines (Ussel) fermée en 2008, à quelques kilomètres du viaduc métallique "Eiffel" de la Tardes (91m de hauteur, 250m de long), vers Evaux-les-Bains. Allier, Creuse, Corrèze, parmi les innombrables territoires sacrifiés. © Raildusud

-          La ligne des Puys Ussel-Volvic (Clermont-Ferrand) bi-régionale (84km) pour rétablir une liaison Limousin-Auvergne et, au-delà, Bordeaux-Lyon par l’itinéraire le plus court. On y ajoutera la courte antenne Laqueuille-Le Mont-Dore, toujours ouverte au fret.

Nous étudierons les sections de lignes susceptibles d’être rétablies en Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Occitanie dans la prochaine publication de Raildusud.

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Commentaires
P
Merci à vous,<br /> <br /> <br /> <br /> Nous sommes en effet nombreux à trouver cette coupure entre Sainté et Clermont vraiment idiote, à contre courant de notre époque. Nombreux aussi à réclamer sa remise en service. <br /> <br /> <br /> <br /> Personnellement j'habite à Lyon et travaille très fréquemment à Saint-Étienne. Je voudrais à terme habiter aux Salles car j'y ai des attaches.<br /> <br /> <br /> <br /> Un ami des Salles, décédé en 2010, devait se rendre plusieurs fois par semaine à Saint-Étienne pour une surveillance très resserrée des suites d'un cancer. <br /> <br /> <br /> <br /> Des années durant il a pu s'y rendre en train car la voiture le fatiguait trop et sa compagne travaillait.<br /> <br /> <br /> <br /> Comment ferons-nous, nous qui auront bien certainement aussi des soins à suivre au vieil âge ?<br /> <br /> <br /> <br /> Je soutiens vraiment le combat du rail, qui plus est bien moins nocif que la voiture du point de vue de l'environnement : collisions avec la faune bien moindre, bilan carbone bien meilleur, moindre emprise au sol, utilisation plus rationnelle de l'énergie ... <br /> <br /> <br /> <br /> Comment peut-on rester aussi sourd à ces arguments ?<br /> <br /> <br /> <br /> Bien à vous,<br /> <br /> <br /> <br /> Pierre Treille
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P
Bonjour, je voudrais savoir svp combien de temps on mettait avant la fermeture de la ligne lyon clermont via sainté pour faire clermont-lyon, pour faire Noiretable-lyon, pour faire Montbrison-lyon ? Auriez-vous d’anciennes fiches horaires en archives ? Merci a vous !
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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