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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
26 septembre 2020

Un petit trafic fret, deux trains touristiques : les « résistants » du réseau du Livradois-Forez sont aussi des précurseurs

 Le déplacement le 25 mai dernier sur 1,40 m du tablier d’un pont-rail à Courpière, dans le Puy-de-Dôme, sur la ligne Pont-de-Dore-Darsac, par un transport d'engin qui n’avait pas respecté la limitation du gabarit routier, attire l’attention sur le devenir du réseau du Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez (SFLF). Les travaux de réfection du pont-rail à voie unique ont commencé le 9 septembre avec dépose du tablier métallique. Ils devaient durer une quinzaine de jours. Le tablier sera restauré avec remplacement d’une poutre avant repose dans l’alignement. Ainsi durant quatre mois le réseau de 148 km géré par le SFLF aura été isolé, à cause de cette interruption, du réseau national auquel il se branche à Pont-de-Dore.

 Pont-de-Dore est le seul point de contact de ce réseau hérité de la SNCF qui y a supprimé son trafic voyageur en 1969 de Bonson à Sembadel, en 1971 de Vichy à Courty et d’Arlanc à Darsac, en 1980 de Pont-de-Dore à Arlanc.  Le déclassement de ces voies a ensuite eu lieu par tranches, de 1992 à 2009.  Les 148 km de Peschadoires (Pont-de-Dore) à Darsac via Sembadel, et de Sembadel à Estivareilles (ex-ligne Bonson-Sembadel) ont été rachetés au gestionnaire du réseau national par les collectivités locales, dont les ressources sont pourtant modestes, réunies dans le SFLF.

CFHFEstivareilles, sur la section Bonson-Sembadel. Ces automoteurs entretenus par l'association du Chemin de fer du Haut-Forez, qui roulent en service touristique sur une voie appartenant au Syndicat ferroviaire du Livradois-Forez, ne peuvent avoir accès au réseau ferré national qu'à Pont-de-Dore, à 150 km de là. La section Estivareilles-Bonson donnant sur la ligne de Saint-Etienne en service est malheureusement déferrée. ©CFHF

 Mais deux des trois jonctions avec la SNCF sont neutralisées : la section d’Estivareilles à Bonson sur la ligne Saint-Etienne-Boën (ex-Clermont-Ferrand) est déposée ; la section Sembadel-Darsac sur la ligne Le Puy-Saint-Georges d’Aurac est neutralisée et la jonction à Darsac déposée. La jonction de Peschadoires (Pont-de-Dore), un temps supprimée, a été rétablie en 2013.

Un trafic fret sur 12 km au nord, des trains touristiques sur 41 km et 42 km au sud

 La section Courprière-Giroux (12 km) voit passer un trafic fret à hauteur de trois trains quotidien transportant des bobines de papier et de rognures de carton entre deux usines papetières. Il est assuré par l’entreprise CombRail basée à Volvic (1), du groupe CFD (Chemins de fer départementaux). Un trafic fret de pondéreux au-delà de Giroux jusqu’à Arlanc a disparu voici quelques années. Mais de nouvelles pistes sont envisagées. Guillaume Sournac, coordonnateur de projets pour le Syndicat mixte ferroviaire du Livradois-Forez, a estimé dans des propos rapportés par La Montagne que « le transport des déchets constitue un axe de réflexion, tout comme l’acheminement du bois en provenance du Livradois ».

 Deux études fouillées ont été lancées, une sur le potentiel touristique entre Le Puy-en-Velay, La Chaise-Dieu et Ambert avec embranchement sur le réseau ferré national à Darsac, dont les résultats devraient être connus en janvier prochain, une autre sur le développement global du transport voyageurs et fret.

 La section Ambert-La Chaise-Dieu (41 km) voit passer un trafic touristique de voyageurs exploité par l’association AGRIVAP sous la marque « Train de la découverte » (2). Cette association est animée par un collectif de bénévoles. Elle emploie quatre salariés. Elle possède une cavalerie d’engins moteurs, en particulier des autorails, issus du parc SNCF. Paralysée par l’ordre de confinement général en mars et avril, elle a néanmoins enregistré durant l’été un trafic en légère hausse par rapport à celui de l’été 2019, et ce malgré l’interdiction des groupes.

DSCN3241Gare d'Ambert, sur l'ancienne ligne radiale du réseau national Saint-Germain-des-Fossés-Vichy-Pont-de-Dore-Ambert-Sembadel-Darsac (Le Puy). Des remorques d'autorails, un autorail "Picasso" et des véhicules fret transformés en balladeuses font partie de la belle collection d'éléments soigneusement entretenus et rénovés par l'AGRIVAP. L'association organise des trains touristiques jusqu'à La Chaise-Dieu. ©RDS

 Entre La Chaise-Dieu et Estivareilles via Sembadel (40,5 km), l’offre touristique est assurée par l’association du Chemin de fer du Haut-Forez (CFHF), entièrement animée par des bénévoles (3). Son parc est essentiellement composé d’anciens automoteurs SNCF, autorails et RGP. Le CFHF a été fortement impacté par l’ordre de confinement en mars et avril. Il a repris ses circulations le 14 juillet, pour 22 journées jusqu’au 13 septembre inclus, avec de un à trois allers-retours par jour. Le 25 octobre, elle fera circuler un train restaurant pour la fête de la pomme de terre ou « Trifolà » à Craponne-sur-Arzon. Les 19 et 20 décembre, le CFHF organisera des « trains du Père Noël ».

 Entre Ambert et Giroux (25 km), la voie ne voit passer aucun trafic régulier mais sert d’accès aux engins moteurs et de travaux venus du réseau ferré national et  destinés aux sections exploitées plus au sud, d’où l’importance de la réfection du pont endommagé à Courpière. Sur quelques kilomètres au nord de la gare d’Ambert, l’AGRIVAP propose une activité de vélorails déclinée en trois modules de durée et de distance croissante. Le parcours est plaisant, particulièrement le long de la rivière Dore.

DSCN3300Sportifs en plein effort sur un vélorail, remontant le long de la Dore. A cet endroit, la déclivité n'est que de 5 pour mille. En aval, à l'arrière des cyclistes, les déclivités sont nettement plus sévères, atteignant 15 pour mille entre Courpière et Vertolaye. Mais les vélorails de l'AGRIVAP ne vont pas si loin... Les pentes des plus longs parcours proposés ne dépassent pas 5 pour mille. Les retournements des engins s'opèrent sur des platelages disposés entre les rails. Notons que les déclivités s'étagent entre 25 et 30 pour mille plus au sud, entre Arlanc et La Chaise-Dieu. ©RDS

Le sacrifice d’une ligne radiale structurante, irrigant un territoire actif mais isolé

 La liquidation, à partir de 1971, du trafic ferroviaire sur la ligne Vichy-Courty-Pont-de-Dore-Darsac, et à partir de 1969 entre Bonson et Sembadel a isolé un peu plus cette région du Livradois (vallée de la Dore) et des monts du Forez, d’autant que les services de transport publics routiers de substitution sont  exemplaires par leur médiocrité, pour ne pas dire leur inexistence.

 Côté fret, les emprises abandonnées des différentes gares atteste un trafic passé considérable. C’est particulièrement le cas à Ambert, sous-préfecture, capitale industrielle des fils et câbles (sécurité incendie, isolés…) et site d’une importante filière bois. Il ne reste rien de ce trafic ferroviaire de marchandises qui avait nécessité l’installation d’importants faisceaux fret de part et d’autre des voies principales.

DSCN3277Le bâtiment voyageurs d'Ambert est digne d'une sous-préfecture, réputée pour sa tradition industrielle. On distingue sur la gauche un vaste mail qui était autrefois la cour marchandises, dotée d'un faisceau de voies et d'un bâtiment avec quais de chargements. ©RDS

 Côté voyageurs, l’offre ferroviaire régionale mais honorable pour l’époque. A l'horaire 1956, deux allers-retours quotidiens par autorails reliaient Pont-de-Dore au Puy-en-Velay, l'un d'eux amorcé à Clermont-Ferrand, l'autre à Saint-Germain-des-Fossés via Vichy (relevant des correspondances de paris), et retour. Ils étaient complétés par deux AR Vichy-Arlanc dont un prolongé au Puy-en-Velay en été, par un AR Vichy-Pont-de-Dore en correspondance avec l'autorail Clermont-Le Puy, et par un AR Vichy-Ambert prolongé à Arlanc les samedis et veilles de fêtes.

 La ligne Bonson-Sembadel était desservie par un AR amorcé à Saint-Etienne et un AR amorcé à Lyon via Saint-Etienne, complétés par un AR Saint-Etienne-Bonson-Saint-Bonnet-le-Château (à 27 km de Bonson) en semaine. Les samedis d'été, un autre aller Saint-Etienne-Sembadel était proposé, avec retour le dimanche. De quoi allier, même modestement, desserte locale, liaisons régionales et voyages touristiques de fins de semaines et de vacances dans ces hautes terres parmi les plus vertes de France.

Aujourd’hui en semaine, quatre allers-retours cars Ambert-Vichy, trois avec correspondance à Pont-de-Dore Ambert-Clermont, des temps de parcours comparables aux trains de 1956

 A l’horaire 2020 (du 12 juillet au 12 décembre), le réseau bus TER ne propose que quatre allers-retours Ambert-Thiers-Vichy, dont un supprimé les samedis et dimanches et un autre les dimanches, le tout complété par une circulation les lundis et une autre les dimanches. La liaison Arlanc-Ambert n’est proposée qu’en correspondance routière et en transports à la demande avec réservation obligatoire. Une correspondance à Pont-de-Dore ou Thiers pour Clermont-Ferrand est proposée par trains ou cars TER trois fois par jour seulement en semaine.

DSCN3298Bel autocar TER en provenance de Vichy, à son terminus-départ d'Ambert. En ce début d'après-midi de septembre 2020, un seul voyageur est descendu du véhicule, un autre y est monté. Aucune desserte directe au sud de la sous-préfecture : il faut réserver à l'avance un transport à la demande, limité de plus à Arlanc. Depuis Ambert vers le nord, Clermont-Ferrand ou Vichy, les temps de parcours sont à peu près les mêmes (parfois supérieurs) à ceux des trains de l'horaire... 1956. ©RDS

 Si les cars Irizar sont flambant neufs, aux couleurs bleu layette de la région Auvergne-Rhône-Alpes, les temps de parcours restent dissuasifs et l’occupation des véhicules est plus que symbolique, limitée à des scolaires. On relève, par autocar, 1 h 25 mn, 1 h 41 mn ou 2 h 54 mn d’Ambert à Clermont-Ferrand  pour chacune des trois offres de semaine. Ces temps de parcours oscillaient en 1956 par train entre 1 h 51 mn (par un autorail Saint-Etienne-Clermont-Ferrand via Le Puy, Ambert, Pont-de-Dore) et 2 h 10 avec correspondance à Pont-de-Dore. Il est important de noter que ces trains desservaient toutes les gares intermédiaires et offraient une robustesse horaire supérieure à celle d’autocars circulant sur un réseau routier encombré aux abords des villes.

 D’Ambert à Vichy, les autocars affichent aujourd’hui un temps de parcours uniforme de 1 h 59 mn (histoire de ne pas dire 2 h 00 mn, correspondance vers Paris oblige…). Mais à l’horaire 1956, les liaisons ferroviaires Ambert-Vichy, qui desservaient par train autant de localités intermédiaires que les autocars actuels, affichaient des temps de parcours étagés entre 1 h 48 mn et 2 h 03 mn, trois liaisons directes sur quatre étant en-dessous de deux heures, avec de multiples correspondances à Vichy, et Saint-Germain-des-Fossés pour les trains qui poursuivaient au-delà de Vichy.

DSCN3260Sur une voie sauvegardée de l'ancien faisceau fret d'Ambert, un superbe exemplaire de l'autorail léger X5825, de 150 cv. Ces engins dits FNC ont été mis en service à partir de 1953. Les appels actuels en faveur d'engins légers n'ont rien d'original... L'AGRIVAP, fondée en 1979, est aussi un musée sauvegardant des engins ferroviaires, agricoles et à vapeur. ©RDS

 Il est important de noter que la plupart des autorails en service en 1956 desservaient le sud de la ligne depuis et jusqu’à Darsac et Le Puy, offrant des correspondances dans la gare intermédiaire de Sembadel, alors que de nos jours les autocars TER sont tous origine-terminus Ambert, avec une simple correspondance sous conditions amorcée à Arlanc.

  Le démaillage du territoire à l’amont du Livradois vers le Haut-Forez (La Chaise-Dieu, Sembadel…) est donc complet.  Les 28.000 habitants des 53 communes de la Communauté de communes du Livradois-Forez, ensemble économiquement fragile, sont priés de se déplacer avec leur propre véhicule le long de l’axe ferroviaire abandonné par le réseau ferré national. Les élus, entreprises, militants associatifs et salariés qui participent au maintien précaire de ces 148 km de lignes liquidées par le pouvoir central ne sont pas des nostalgiques mais des précurseurs.

DSCN3246 Rassemblement de matériel roulant géré par l'AGRIVAP sur les deux voies à quai d'Ambert. La locomotive diesel au premier plan est une nouvelle venue. ©RDS

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(1)

Combrail - transport ferroviaire | CFD

Combrail est née de la rencontre de Frédéric BROHAN et de la Compagnie de Chemins de Fer Départementaux. Passionné par les chemins fer industriels et secondaires, Frédéric BROHAN a passé l'essentiel de sa carrière professionnelle à la SNCF dans le domaine de la traction.

https://www.cfd.fr

(2)

Bienvenue sur AGRIVAP : Train Touristique et Musée

Les Trains de la Découverte et le Musée de la Machine Agricole et à Vapeur vous font découvrir les richesses du Parc Naturel régional Livradous-Forez.

https://agrivap.fr

(3)

Association soumise à des règles d'entreprise de transport public

Caractéristiques de la structure : Association Loi de 1901, déclarée auprès de la Préfecture de la Loire en 1986. Siége social : La Gare - 42380 ESTIVAREILLES But : Assurer une desserte ferroviaire touristique entre Estivareilles dans la Loire 42 et La Chaise-Dieu en Haute Loire 43 .

http://www.cheminferhautforez.com

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On pourra se reporter aussi à nos précédents articles concernant ce réseau du SFLF :

Les pré-ventes au secours du Chemin de fer du Haut-Forez, splendide train touristique menacé par le confinement - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Comme les trains du Vivarais et du Velay*, la ligne touristique Estivareilles-Sembadel-La Chaise-Dieu (40,5 km), exploitée depuis 2006 par le Chemin de fer du Haut-Forez (CFHF), est lourdement handicapée par les presque deux mois de confinement.

http://raildusud.canalblog.com

 

La communauté d'agglomération va tenter de rétablir un train touristique entre Le Puy-en-Velay et La Chaise-Dieu - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

La liaison en transport publics entre Le Puy et la localité culturelle et historique de La Chaise-Dieu, en Haute-Loire, n'est plus assurée par train depuis la fermeture en 1971 au service voyageurs de la section Arlanc-Darsac de la ligne de Saint-Germain-des-Fossés à Darsac.

http://raildusud.canalblog.com

 

 

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Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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