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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
23 septembre 2020

Ligne de la Côte Bleue, ligne d’Aix : le réseau ferroviaire périurbain de Marseille remonte un peu la pente

 Accusant un retard flagrant en matière de lignes ferroviaires périurbaines par rapport aux agglomérations de même taille en Europe, l’aire urbaine de Marseille voit deux chantiers en cours destinés à redorer quelque peu le blason de son réseau. La magnifique ligne de la Côte Bleue, qui court de l’Estaque à Miramas via Martigues, au sud de l’étang de Berre, subit une rénovation de fond sur sa partie orientale. Au nord, la ligne Marseille-Aix-en-Provence subit quatre année de travaux avec une refonte totale du plan de voies d’Aix-en-Provence avec extension, et poursuite du doublement progressif mais partiel de cette voie unique entrepris depuis le début du XXIe siècle.

La partie orientale de la ligne de la Côte Bleue, à vocation de grande banlieue et touristique, était délabrée

 La ligne de L’Estaque à Miramas, longue de 61 km, fut mise en service en 1882 de Miramas à Port-de-Bouc mais seulement en 1915 de Port-de-Bouc à l’Estaque, offrant ainsi un itinéraire alternatif (70 km) à la ligne Miramas-Marseille par le nord de l’étang de Berre (52 km) et le long tunnel de la Nerthe (4.640 m), longtemps le plus long tunnel de France en territoire national. Electrifiée en 1.500 volts cc de Miramas à Lavalduc sur 18 km pour desserte des embranchements du port de Fos, elle est restée en traction thermique de Lavalduc à L’Estaque (43 km) en raison du coût jugé « trop élevé » d’un équipement caténaires dû au grand nombre d’ouvrages d’art sur cette partie la plus accidentée, et ce malgré le moindre gabarit électrique exigé par le courant continu dans les dix-neuf tunnels parsemés le long de la Côte Bleue.

Situation du réseau ferré national dans l'aire marseillaise. Extrait de la carte officielle du catalogue SNCF Réseau 2019.

 Cette partie orientale de la ligne a une vocation de ligne périurbaine (desserte de Martigues et Port-de-Bouc en particulier) et bien sûr touristique, avec les nombreuses haltes donnant sur des plages et des villages résidentiels : Sausset-les-Pins, Carry-le-Rouet, La Redonne, Niolon… Si elle ne supporte pas de trafic fret significatif, elle a donc un rôle d’aménagement notable. Pourtant, elle a été laissée en déshérence par le gestionnaire d’infrastructure. Depuis plusieurs années, des limitations de vitesse faisaient perdre un quart d’heure aux voyageurs pour un parcours déjà proposé avant les limitations en  1 h 08 mn pour… 41 km. En l’absence de travaux, c’est même un ralentissement généralisé à 40 km/h qui se profilait, avec une nouvelle perte de 20 minutes, rendant le temps de parcours un peu plus dissuasif, pour ne pas dire impraticable.

Renouvellement voie-ballast sur 22 km, confortement de nombreux ouvrages sur la Côte Bleue : 46 millions d’euros

 Les travaux de renouvellement de voie et de ballast sur 22 km sont accompagnés de confortement de 16 souterrains, de parois rocheuses et de remblais sur cette section acrobatique de la Côte Bleue. Ils se déroulent sur onze mois, avec fermeture totale du 31 août au 25 avril 2021 et substitution routière. Le coût de l’ensemble s’élève à 46 millions d’euros, cofinancés par SNCF Réseau, l’Etat, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (actuellement improprement surnommée Sud) le département des Bouches-du-Rhône et la métropole Aix-Marseille-Provence.

 Les travaux de régénération et de confortement sont confiés en totalité au groupement NGE (historiquement issu de Guintoli), par ses mandataires TSO (ferroviaire), NGE Fondations et NGE Génie civil. L’entreprise souligne utilise la cribleuse DRLC dont elle a l’exclusivité en France et qui permet d’intervenir dans des tunnels de gabarit restreint. NGE souligne le défi que va représenter le confortement du tunnel Rio Tinto, à 2,5 km de l’Estaque. « Situé sous d’anciennes exploitations minières, l’ouvrage porte les traces d’une forte pollution aux métaux lourd qui détériore sa structure », indique-t-elle. Il s’agit de conforter quatre sections du tunnel, soit 130 mètres linéaires, « par coque béton armé avec aménagement d’un système de drainage des eaux de ruissellement à l’arrière des coques ». L’intervention en site pollué nécessitera la mise en œuvre « de mesures très spécifiques : sécurité des ouvriers, impact environnemental, gestion des déchets pollués… »

Côte Bleue WikiViaduc d'Ensuès-La Redonne. Les travaux ferroviaires et de génie civil menés par le groupe NGE et sa filiale TSO entre L'Estaque et Martigues se déroulent dans un environnement somptueux... mais particulièrement contraignant. (Doc. Wikipedia)

 Le confortement du Rio Tinto voisin a va par ailleurs exiger des travaux en accès difficile, dans cette zone de barres rocheuses calcaires. Les équipes de NGE « vont intervenir notamment dans cette falaise de vaste étendue en héliportage pour la mise en place de filets protecteurs, appelés écrans pare-blocs développés par la filiale NGE Fondations et éprouvés sur de nombreuses opérations ». D’autres techniques seront également utilisées comme le clouage de blocs rocheux, le confinement par filets plaqués sur la paroi ou encore la mise en place de canevas de câbles.

Pendant la fermeture de la Côte Bleue, Aix-Marseille est aussi fermée jusqu’en décembre

La fermeture jusqu’au printemps de la ligne de la Côte Bleue intervient simultanément à celle de la ligne d’Aix à Marseille, qui ne rouvrira qu’en décembre 2020 avant une dernière fermeture pour achever les travaux durant l'été 2021. Cette ligne de 37 km est fortement concurrencée par les lignes d’autocars cadencées utilisant l’autoroute (A7 et A51) pour un parcours réduit à 31,6 km. La ligne ferroviaire, ouverte en 1877, desserte en effet Gardanne, ville industrielle et ouvrière située sensiblement à l’est de l’axe autoroutier.

DSCN2018Marseille-Saint-Charles : AGC bimode ici en mode thermique à destination d'Aix-en-Provence aux couleurs de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur version début des années 2000. ©RDS

 D’une vitesse de fond limitée à 110 km/h voire 90 km/h sur certaines sections, dotée d’une multitude d’ouvrages parmi lesquels dix tunnels ou tranchées couvertes, et dix ponts rails ou viaducs notables, dont le célèbre viaduc de l’Arc de Meyran, long de 560 m, à voie unique, jadis peint par Cézanne (à ne pas confondre avec son homologue de la LGV Méditerranée), cette ligne a une double vocation. Elle est susceptible d’offrit un transport de masse structurant la métropole tout en assurant un trafic à longue distance sur l’axe de la Durance, de Marseille à Briançon, soit 315 km.

La campagne actuelle de rénovation et d’amélioration de la capacité de la ligne Marseille-Aix s’étale sur quatre années pour mise en service complète à l'automne 2021. Elle succède à une précédente campagne qui avait été menée au milieu des années 2000 et avait permis de sortir cet axe du statut d’une ligne quasi-rurale. Actuellement, en période normale, la relation Marseille-Aix transporte, malgré une desserte cadencée depuis 2008,  quelque 7.500 voyageurs quotidiens deux sens confondus, ce qui est hors de proportion avec les potentiels de deux villes comptant à chaque extrémité 880.000 et 145.000 habitants, sans compter les communes intermédiaires. Gardanne compte par exemple 21.000 habitants.

Allongements des quais à 220 mètres, doublement supplémentaire sur 3,5 m, rénovation totale du faisceau de la gare d’Aix

 La modernisation en cours comporte plusieurs volets, pour un montant de 180 millions d’euros. Il s’agit d’abord de porter à 220 m la longueur des quais des stations de Saint-Antoine (15e arrondissement de Marseille) et de Simiane afin de permettre le stationnement de rames doubles. La voie sera doublée sur 3,5 km supplémentaires entre le nord de Gardanne et Luynes. Un passage à niveau sera supprimé au sud d’Aix. Plus encore, morceau de choix, le plan de voies de la gare d’Aix-en-Provence est totalement refondu, avec pour objectif de passer de trois à cinq voies à quais, eux-mêmes allongés à 220 mètres.

 A Aix, le groupe NGE et sa filiale TSO (comme sur la Côte Bleue) sont en charge de la reconstruction de la totalité du faisceau, avec dépose des voies et appareils de voies et du ballast anciens. Il s’agit bien d’une reprise à zéro de ces installations, donnant in fine une apparence de totale nouveauté aux installations ferroviaires de cette gare située en plein cœur de la cité aixoise. Deux ponts ont dû être élargis pour permettre l’extension du faisceau.

marseille-aix

Carte des aménagements effectués sur la ligne Marseille-Aix-en-Provence, éditée par SNCF Réseau. L'augmentation de capacité a été décidée dès 2003 pour de premiers aménagements mis en service en 2008.Les travaux actuels constituent une nouvelle phase étalée sur quatre années.

 L’objectif du doublement au sud de Luynes et surtout de l’extension du faisceau d’Aix est de passer d’un flux de 75 trains quotidiens à une centaine à la rentrée 2021. Il restera à créer enfin une halte à Plan de Campagne, à proximité d’un des centres commerciaux les plus importants de France au nord de Marseille, côté Pennes-Mirabeau. Attendu depuis trente ans, sa mise en service semble reportée à 2024.

Première modernisation au milieu des années 2000 : trois doublements partiels, trois nouvelles haltes, une signalisation modernisée

 On rappellera que la ligne Marseille-Aix avait subi voici une quinzaine d’années une première « mise à niveau péri-urbain ». Il est vrai que jusqu’en 1948, la relation Aix-Marseille était assurée par une ligne de tramway électrique interurbain, ce qui n’avait pas conduit le PLM puis la SNCF à envisager une exploitation de leur ligne sur un mode particulièrement intensif. Aux tramways succédèrent des lignes de bus, certaines basculées ensuite sur l’autoroute A7 mise en service à partir de 1951, puis l’autoroute A51 ouverte à partir de 1953.

Il fallut attendre une décision ministérielle de 2003 pour que puisse être entamée une modernisation de la ligne Marseille-Aix. La ligne fut fermée pendant deux années à partir de 2006. Une première série de doublements partiels furent réalisés, pour mise en service en septembre 2008 : entre la bifurcation dite « de Grenoble » au nord de Saint-Charles et le sud de Saint-Antoine (6 km) ;  au nord de Septèmes-les-Vallons (4 km) ; au nord de Gardanne (3 km). La voie avait été rénovée et la signalisation à commande centralisée avait été installée. Trois nouvelles haltes avaient été créées sur le territoire de la ville de Marseille : Picon-Busserine, Saint-Joseph et Saint-Antoine.

Pour l’avenir, une électrification prévue à l’économie… et une voie unique qui restera majoritaire

 Quant à l’avenir, il reste contraint par des finances restreintes. Malgré l’incongruité de voir une ligne ferroviaire structurant une métropole bicéphale demeurer en traction thermique, l’idée d’une électrification complète reste exclue. Ses dix souterrains exigeraient une mise au gabarit coûteuse, qu’une métropole de « province » ne parviendrait pas à cofinancer. D’autant que la rénovation de la voie voici une quinzaine d’années n’a pas intégré un abaissement du radier de ces tunnels qui aurait permis de ménager l’avenir, ce qui constitue un beau raté.

DSCN3209AGC électrique Provence-Côte d'Azur à Marseille-Saint-Charles, aux couleurs de la région version fin des années 2000 (qui sera suivie par une nouvelle version imposée en 2019 avec la mention publicitaire "Région Sud"). La version bimode pourrait être transformée en version électrique à batteries pour système de biberonnage sur la ligne d'Aix, une électrification dite frugale. ©RDS

 Mais comme la « décarbonation » est devenu le nec plus ultra de la pensée politique, un compromis pourrait avoir été trouvé avec une « électrification frugale ». Elle consisterait en un biberonnage de l’électricité, sous des caténaires installées en station, des engins moteurs pour alimenter de lourdes batteries. Celles-ci seraient installées en lieu et place des moteurs diesel des AGC bimodes actuellement en service. Ce projet pose la question de l’équipement de telles installations au-delà d’Aix, au moins jusqu’à Meyrargues et éventuellement Pertuis, ainsi que celle de la durée de vie résiduelle de ces engins Bombardier déjà bien amortis. Sans parler de la surconsommation d’électricité due à la masse des batteries par rapport à des engins électriques classiques.

 Enfin, on notera que la voie unique restera largement majoritaire, soit 16,5 km sur 36 km, ou encore 54 % du parcours. Il est vrai que son doublement complet impliquerait des travaux considérables, tant sur les souterrains que sur les viaducs. Il s’agirait alors d’une véritable reconstruction. Une réponse pourrait résider dans le rétablissement du service voyageurs entre Rognac et Aix, ligne actuellement fret susceptible de relier la cité de Mirabeau au bassin de Berre, à l’aéroport de Marignane et d’offrir une correspondance à Rognac sur les flux TER vers Avignon, Lyon et le Languedoc. Mais ceci est une autre histoire.

 

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Commentaires
J
Au risque de me répéter, il existe dans le monde des trains électriques sans caténaire qui pour certains roulent à plus de 140km/h.<br /> <br /> En courant continu, il n'y a pas plus de personnes "électrisées" (sans décès) par troisième rail que par la caténaire.<br /> <br /> De plus le matériel peut-être Bi-mode au sens électrique du terme.<br /> <br /> Un matériel Tri-mode, le rêve de tout exploitant ferroviaire...<br /> <br /> Une solution pour permettre de réaliser des électrifications à moindre coût.<br /> <br /> La France est le pays des règlements abscons qui bloquent toutes les modernisations économiquement viables...
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D
Vous n'en parlez pas dans le premier chapitre sur la ligne de la côte bleue, car on l'a bien compris l'urgence c'est déjà comme sur beaucoup d'autres "petites lignes" de rénover la voie (et les ouvrages d'art) pour que les trains puissent continuer de rouler. Mais quand on aura le retour d'expérience de l'électrification frugale de Marseille Aix, ça serait a priori une ligne qui s'y prêterait bien également car les 2 extrémités sont déjà sous caténaires (Marseille l'Estaque et Miramas à Rassuen. Et vu la densité de tunnels (+ un pont mobile à Caronte) une électrification totale ne serait peut-être pas simple.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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