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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
15 juin 2020

Le candidat à la mairie de Montpellier Michaël Delafosse maintient sa prétention à rendre gratuit le réseau de transport urbain

 Contre les mises en garde solennelles des professionnels de l’Union des Transports Publics (UTP), contre l’avis même de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), et malgré la crise économique qui frappe les réseaux de transport urbain, le candidat socialiste à la mairie de Montpellier Michaël Delafosse maintient son projet de rendre gratuit le vaste réseau de tramways et d’autobus de Montpellier. Il en coûterait selon lui 24 millions d’euros par an à la Métropole (soit 5% de son budget !), alors que les recettes commerciales ont rapporté en 2018 quelque 39 millions d’euros. Explication de la différence : cette gratuité serait réservée aux habitants de la métropole, les autres étant sommés de continuer de payer. Il restera à trouver le moyen de faire le tri…

 Michaël Delafosse, qui a été rallié par une partie des écologistes, tente de déloger le maire Philippe Saurel (divers gauche). Une autre partie des écologistes a rallié Mohed Altrad, troisième prétendant distancé au 1er tour, lequel résoud le problème en projetant de mettre fin à l’extension du réseau de tramways au profit des bus. Il est important de noter que, suite à une promesse du candidat Philippe Saurel en 2014, le prix de base du ticket a été abaissé à 1 euro pour 10 voyages achetés.

DSCN2959Rame Citadis 402 d'Asltom assurant un service de la ligne 2 vers Saint-Jean-de-Védas, entre le nouvel immeuble d'hôtels et appartements "Belaroïa" (à g.) et la gare Saint-Roch (sur la d.) ©RDS

 En matière de transport, l’un des arguments du concurrent le plus sérieux pour le sortant consiste donc à prôner la gratuité. M. Delafosse reprend ainsi l’antienne « libérale-libertaire bourgeoise-bohème » qui entend de cette manière « donner à chacun selon ses besoins ». Il affirme que les Montpellérains « paient trois fois leur transport en commun » : ticket, impôt local, versement transport. Mais oublie de relever qu’avec la gratuité, même ceux qui n’utilisent pas le transport public, par ce qu’ils ne le peuvent pas, paieront donc la totalité de la note par leur impôt.

Les pièges vicieux de la mode du « tout-gratuit » en matière de transport public

 Car cette mode du « tout-gratuit » recèle des pièges particulièrement vicieux. Si le transport est gratuit, c’est que la part jusqu’ici financée par l’usager sera financée par l’impôt. Cela signifie donc que la contribution d’un habitant de la périphérie desservi par une ligne d’autobus aux horaires squelettiques et donc difficilement utilisables sera équivalente à celle de l’habitant du centre-ville desservi par toutes les lignes de tramways à haute fréquence.

 Cela induit aussi un manque à gagner important – de l’ordre de 50 % des coûts d’exploitation pour plusieurs lignes à Montpellier – alors que l’impôt finance déjà largement l’investissement et le fonctionnement du réseau. Ce manque à gagner impactera nécessairement la capacité d’extension du réseau et d’amélioration des fréquences. Or l’enjeu pour Montpellier est aujourd’hui de prolonger les lignes de tramways vers la grande banlieue, zones de résidence de salariés de plus en plus nombreux. Ceci d’autant plus que l’Etat s’est largement désengagé du financement des réseaux de « province ».

 Cette gratuité est d’autant plus démagogique que les exemples français – Dunkerque en particulier – démontrent que la gratuité n’entraîne pas de report modal significatif. C’est la qualité de l’offre qui entraîne un basculement de l’usage de l’automobile vers celui du transport collectif.

Comment discriminer habitants de la métropole et habitants hors métropole ?

 La gratuité ouvre la porte (des bus et tramways) à toutes les dérives de la délinquance ! Un comble, alors que l’insécurité explose. Enfin, en limitant cette gratuité aux habitants de la métropole de Montpellier, Michaël Delafosse prive le futur système d’économies sur la billettique (qui serait maintenue pour les « étrangers »).

DSCN2654Une rame Citadis 402 d'Alstom arrive à la station Boirargues de la longue ligne 3, en aval de laquelle s'amorcent deux antennes, l'une vers Perols-Etang de l'Or, l'autre vers Lattes-Centre. L'investissement dans la desserte des communes résidentielles éloignées est le principal défi en matière de transport public pour les années à venir. ©RDS

Comment faire pour discriminer habitants de la métropole et habitants d’une commune extérieure ? Comment justifier qu’un habitant d’une commune hors métropole plus proche du centre-ville que celui d’une commune métropolitaine éloignée doive payer pour venir travailler alors que l’autre en est dispensé ? Comment reconnaître un touriste ? Or ce projet de gratuité est porté alors que la tarification actuelle comporte déjà d’importantes mesures sociales : Plans de déplacements d’entreprise, gratuité pour les chômeurs à faibles ressources, réductions pour les étudiants…

Par manque de ressources, Montpellier a déjà dû retarder la construction de la ligne 5

 Le maintien de cette proposition par Michaël Delafosse est d’autant plus surprenant que la Métropole de Montpellier a dû retarder et phaser la construction de sa 5e ligne de tramways pour opérer un assainissement budgétaire promis par Philippe Saurel, qui est son président, durant la dernière campagne électorale. Cette ligne 5, qui sera longue de 17 km, est en cours de construction, avec priorité sur sa partie nord qui dessert un ensemble universitaire considérable. Sa partie ouest sera amorcée à Lavérune, permettant de drainer une région résidentielle en plein développement.

 « L’argent investi par l’Etat dans les transports urbains diminue alors qu’il a augmenté la TVA de 5,5 % à 10 % », rappelait Frédéric Baverez, président de la commission Economie et mobilité de l'Union des Transports publics (UTP). Il relevait en outre que l’Etat a « raboté une partie de la compensation du Versement transport », dû par les entreprises aux collectivités locales pour cofinancer les réseaux de transport public.

DSCN2352Une rame Citadis 401 d'Alstom vers la station Saint-Eloi de la ligne 1, franchit la zone sur laquelle seront posées les futures aiguilles menant à la section nord de la ligne 5 en  direction du futur terminus Clapiers. ©RDS

Les réseaux de « province » sont déjà étranglés par le rabotage du Versement transports mal compensé par l’Etat

 Le seuil de déclenchement de ce Versement transports, qui rapporte 8,5 milliards d’euros par an dont 50 % pour les réseaux de « province », a été porté de 9 à 11 salariés, moyennant un engagement de compensation par l’Etat. Or,  selon le Groupement des autorités responsables des transports (GART), la loi de finances 2020 a fixé cette compensation à quelque 30 millions d’euros alors qu’elle devrait se monter à 91 millions d’euros.

 Pour Frédéric Baverez, par ailleurs directeur exécutif de Keolis France, « la gratuité constitue la principale menace qui pèse actuellement sur le transport public urbain, c’est une manifestation de démagogie qui nie la valeur de l’argent public ». Il souligne ainsi que la hausse de fréquentation du réseau de Dunkerque après passage à la gratuité (+ 60 % en semaine à partir d’un taux d’usage antérieur notoirement faible) vient principalement de la marche et du vélo. La Fnaut a relevé de son côté que cette mesure coûtait à l’intercommunalité de Dunkerque quelque 15 millions d’euros par an, entraînant le gel du développement de l’offre.

 Le fort développement des communes périphériques de Montpellier - membres ou non d'une Métropole aux frontières très tortueuses - imposera rapidement une extension des moyens de transport à forte capacité vers Castries, Fabrègues et Poussan, Carnon et Palavas. Les 24 millions d'euros annuels rapportés par les recettes commerciales du réseau ne seront pas de trop : cela correspond environ à deux kilomètres de ligne de tramway urbain, matériel compris. Et plus s'il s'agit d'une ligne hors milieu urbain. Ou encore à l'achat de 7 à 10 rames de tramway... chaque année.

Une tarification déjà réformée dans un sens social, et avec un carnet à un euro le voyage pour 10 achetés

 Notons enfin que la réforme, en 2014, de la tarification avec voyage à un euro pour carnet de 10 acheté fut un succès, sans entamer les ressources de l'exploitant. Philippe Saurel expliquait ainsi dans Le Vie du Rail que la baisse du prix avait été faite « pour le carnet de 10 voyages, tout en augmentant le prix du ticket acheté à l’unité. Résultat, nous allions ce prix d’appel à  une première incitation à la fidélité ».

Le résultat avait été une hausse de 6 % sur les titres à voyage (hors abonnements) et de +36% sur les carnets de 10. Parallèlement, la métropole avait entrepris « un gros effort sur les forfaits pour les jeunes – et pas seulement les étudiants – de 16 à 25 ans (en se) basant sur l’échelle d’âge de la Mission locale d’insertion, avec une baisse de 245 euros à 196 euros par an soit une réduction de 20% et une économie de 150 euros pour une famille de trois enfants ». Résultat : 10.000 abonnements supplémentaires, soit +30%.

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Lien vers notre précédent article sur la prise de position du président de l'UTP :

Le patron de Keolis France vent debout contre les propositions de gratuité, " principale menace " sur les transports urbains - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

L'un des principaux exploitants de réseaux de transports publics de France monte au créneau contre les projets de gratuité qui fleurissent avant les élections municipales et intercommunales de mars prochain. Frédéric Baverez, directeur exécutif de Keolis France, filiale à 70% du groupe SNCF, dénonce dans la gratuité " la principale menace qui pèse actuellement sur le transport publics urbain ", étranglé par les restrictions budgétaires.

http://raildusud.canalblog.com

 

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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