Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
12 juin 2020

La France dans la moyenne européenne pour la densité ferroviaire ? Ces chiffres masquent la fracture territoriale

 L’IRG-Rail, Groupe des régulateurs indépendants des réseaux ferroviaires européens, a entrepris de comparer les densités ferroviaires de 31 pays du continent européen, tant par rapport à leur surface qu’à leur population. L’exercice ne manque pas d’intérêt mais comporte des pièges statistiques qui cachent parfois l’essentiel. La France est ainsi située par l’IRG-Rail autour de la moyenne européenne suivant les deux critères retenus. L’Hexagone affiche 5,11 km de lignes pour 100 km2 de surface (moyenne européenne : 4,79 km) et 4,35 km de lignes pour 10.000 habitants (moyenne européenne : 4,38 km). Mais cela ne dit rien de la fracture territoriale.

 Notons que le rapport linéaire/population est à prendre avec précautions car les pays à très forte densité de population tels les Pays-Bas affichent un ratio km/10.000 habitants logiquement faible malgré le maillage très dense de leur territoire.

"Densité du réseau rapportée à la surface du territoire et à la population". Série supérieure : nombre de kilomètres de lignes ferroviaires par 100 km2. Série inférieure : nombre de kilomètres de lignes ferroviaires par 10.000 habitants. La France est représentée par FR, l'Allemagne par DE, la Suisse par CH, la moyenne européenne par AVG.

Les statistiques nationales masquent la distribution des densités sur le territoire

 La France partout dans la moyenne... De quoi satisfaire l’ego des responsables français ? Pas si sûr.

 Le drame de ce genre de statistiques est qu’elles masquent l’essentiel : la distribution des densités sur l’ensemble du territoire. On connaît ce biais avec le concept de salaire moyen, dont le même chiffre peut recouvrir une foule de petits salaires et quelques rares très hauts salaires… ou bien un ensemble harmonieux de salaires petits, moyens et gros. La France, plus vaste pays d’Europe hors Russie, présente la particularité d’être un pays ferroviairement ultra-centralisé.

- En premier lieu, le réseau est extrêmement dense dans sa région-capitale, l’Ile-de-France, qui ne représente que 2,16 % du territoire métropolitain.

 Cette région-capitale affiche 1.525 km de lignes assurant un trafic voyageurs régional (dont une partie grandes lignes), 233 km de lignes à grande vitesse et un peu plus de 55 km de lignes réservées au fret (ex-Grande ceinture), soit un total d’environ 1.815 km pour 12.011 km2.

La densité ferroviaire du seul réseau à grand gabarit est de 15,13 km/100 km2 en Ile-de-France, trois fois la densité nationale

 Ainsi, la densité ferroviaire pour le seul réseau ferré à grand gabarit (SNCF Réseau et RATP RER mais hors métro à petit gabarit et tramways) en Ile-de-France est d’environ 15,13 km par 100 km2, soit trois fois supérieure à la moyenne nationale.

 Si l’on ôte le linéaire francilien aux 28.183 km de lignes françaises et qu'on rapporte le résultat à la surface hors Ile-de-France, on obtient  26.368 km de lignes pour 543.940 km2 soit 4,84 km de lignes pour 100 km2 (contre 5,11 km/100 km2 dans la statistique globale). Le rapport avec l’Ile-de-France s’établit alors de 1 à 3,13. La densité pour 100 km2 hors Ile-de-France est du niveau de celles de la Serbie et de la Hongrie.

DSCN1336 (1)Gare Saint-Lazare, à Paris. L'Île-de-France, qui ne représente que 2,16% du territoire métropolitain, affiche une densité ferroviaire extrêmement élevée, trois fois supérieure à celle de l'ensemble du pays et cela sans compter métro urbain et tramways. La seule liaison Paris-Versailles n'offre pas moins de trois itinéraires différents dont un au depart de Paris-Saint-Lazare, long de 22,9 km. ©RDS

- En second lieu, les grandes radiales françaises sont désormais presque toutes doublées par des lignes à grande vitesse. Sur l’axe Lyon-Marseille, soit environ 320 km, on compte même trois lignes parallèles : jusqu’à hauteur d’Avignon celle de la Rive droite du Rhône, de la Rive gauche du Rhône et la LGV ; puis la ligne classique via Arles, Miramas et Rognac, la ligne classique via Cavaillon, Miramas et Martigues et la LGV. Pourtant, sur le même axe suréquipé, le département de l’Ardèche ne voit plus passer aucun train de voyageurs. Or la France présente, avec l’Espagne, le plus important linéaire européen de lignes à  grande vitesse.

Les lignes à grande vitesse, qui doublonnent avec les lignes classiques sur des corridors uniques, induisent un biais statistique

 Le biais statistique est évident puisque la densité moyenne ajoutée par les lignes à grande vitesse, qui cumulent en France 2.814 km soit 9,1 % du linéaire du réseau ferré national, ne bénéficie en fait qu’à des corridors déjà desservis, aux dépens des zones situées à l’écart.

- Notons enfin qu’une partie non négligeable du réseau français en exploitation est fermée au service voyageurs et réservée exclusivement au fret, ce qui est assez rare en Europe. C’est le cas de la ligne de la rive droite du Rhône Givors-Grézan (254,5 km), d’une partie de l’ancienne Grande ceinture en Ile-de-France (environ 55 km), de La Ferté-Millon-Fismes (50 km), Thionville-Béning (75 km), des lignes de Champagne Troyes-Vitry-le-François (80 km), Coolus-Charmont  (75 km), Oiry-Esternay (70 km), en Provence de Cheval-Blanc-Meyrargues (45 km) et d'une multitude d’antennes fret, reliquats de l’ancien maillage régional.

Rhône-Alpes affiche une densité ferroviaire deux à trois fois inférieure à celle de la Suisse

DSCN0700Autorail monocaisse thermique en gare de Tassin, sur les réseau de l'Ouest-Lyonnais, en provenance de Lozanne. Cette antenne, qui attend toujours son électrification, dessert des communes à fort potentiel dans une région prisée par les entreprises de technologies. Les navette routières remplacent de plus en plus la solution ferroviaire. Les grandes villes de "province" pâtissent elles aussi de la sur-centralisation des moyens sur le réseau francilien. ©RDS

 Raildusud a récemment comparé le réseau ferroviaire de l’ancienne région Rhône-Alpes à celui de la Suisse, deux territoires aux surfaces et à la géographie proches. L’étude démontrait que la densité ferroviaire du réseau voyageurs d’usage intra-régional est environ trois fois inférieure à celle de la Suisse.  La Confédération possède un réseau de 5.124 km de lignes soit, d’après nos calculs, un linéaire de 12,41 km/100 km2 (12,75 selon IRG-Rail), et une densité ferroviaire par rapport à la population de 5,958 km/10.000 habitants (6,16 selon IRG-Rail). En Suisse, toutes les lignes sont ouvertes au service voyageurs.

  Le réseau de 2.600 km de lignes pour l’ancienne région Rhône-Alpes, bien lotie par rapport à d’autres régions françaises, donne un linéaire de 5,9 km/100 km2, et une densité ferroviaire par rapport à la population de 3,95 km/10.000 habitants.  Mais si l’on ôte la ligne fret de la rive droite du Rhône (170 km sur la région), on tombe pour le réseau voyageurs à 5,5 km/100km2 et 3,69 km/10.000 habitants, soit un rapport du simple au double avec la Suisse voisine. Enfin, le réseau rhônalpin exploité par des trains de voyageurs à vocation régionale (donc hors des 270 km de lignes à grande vitesse) est, avec ses 2.120 km, d’une densité par rapport à la superficie trois fois inférieure à celle de la Suisse (5.124 km dont quasiment toutes les lignes sont exploitées par des circulations voyageurs à vocation régionale).

Provence-Alpes-Côte d’Azur n’affiche que 3,21 km de lignes voyant passer des TER pour 100 km2

 En Provence-Alpes-Côte d’Azur, le réseau TER affiche 1.008 km pour 31.400 km2 et 5.030.000 habitants. Cela donne une densité de lignes à exploitation régionale voyageurs  de 3,21 km pour 100 km2 (inférieur à celle de la Bulgarie) et de... 2 km pour 10.000 habitants. Pourtant, une série de lignes sous-exploitées ou neutralisées pourraient voire passer des trains de voyageurs : Rognac-Aix, (Aix) Gardanne-Carnoules (Nice), Cavaillon-Pertuis (Aix)…

DSCN1540Rame à deux niveaux assurant un TER Provence-Alpes-Côte d'Azur vers Cannes, en gare d'Antibes. A l'arrière-plan on distingue la gare routière d'où partent les bus vers Sophia-Antipolis, l'une principales zones françaises abritant des entreprises d'informatique et de technologies, qui n'est desservie par aucun mode ferroviaire. La région PACA affiche l'un des taux de lignes ferroviaires par 100 km2 et par 10.000 habitants parmi les plus bas de France, et probablement d'Europe. ©RDS

  La spécificité française de mono-centralité, qui contraste avec les polycentrismes suisse, italien, allemand ou espagnol, déshabille la « province » au bénéfice d’un réseau principalement radial et à forte densité dans la zone centrale. Or la disparition des services publics à haute valeur ajoutée, tel le chemin de fer, obère l'attractivité des territoires, enfermant des régions entières dans le cercle vicieux de la marginalisation.

 Cela, les statistiques de l’IRG-Rail ne le montrent pas. Pas plus que l’usage qui est fait du réseau, son intensité de circulation et l’importance de l’offre, parfois réduite à trois allers-retours voyageurs quotidiens sur des distances supérieures à 300 km (ligne des Cévennes)... Quand il n'y a pas de travaux ou de grèves. Mais cela est encore une autre histoire.

-----

Lien vers le site de l'IRG-Rail incluant les série statistiques évoquées :

2020

2020 - Position Papers -

https://www.irg-rail.eu

Lien vers l'article de raildusud incluant une comparaison entre Suisse et Rhône-Alpes :

L'Etat fédéral Suisse augmente de 9,10% son financement des infrastructures ferroviaires, y compris régionales, hors coronavirus - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Les chemins de fer suisses vont bénéficier d'une importante rallonge fédérale pour entretenir et moderniser leurs lignes, qui va s'ajouter au montant de la subvention quadriennale précédente. Cet argent public, versé par la Confédération aux gestionnaires d'infrastructures, s'élèvera pour la période 2021 à 2024 à 14,4 milliards de francs suisses (13,7 milliards d'euros), soit une hausse de 1,2 milliards de FS (11,42 MM€) par rapport à l'exercice 2017-2020, en augmentation de 9,10 %.

http://raildusud.canalblog.com

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité