Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
13 août 2021

Etape décisive pour le Lyon-Turin : les lots attribués côté français, soit 80 % du tunnel de base bitube de 57,5 km

Quarante-huit kilomètres de traversée ferroviaire souterraine des Alpes en territoire français : telle est la longueur de la section du tunnel bitube dont les travaux ont été adjugés à treize entreprises début juillet par TELT, le promoteur public binational franco-italien « Tunnel Euralpin Lyon-Turin ». Il s'agit d'une étape déterminante, rendant le projet de ce tunnel de base du Mont-Cenis désormais irréversible. Ce bloc de marchés dépasse les trois milliards d’euros financés par la France, l’Italie et l’Union européenne. Il vise à renverser la répartition modale du transport de fret alors que les poids-lourds étouffent les vallées alpines.

Ce tunnel de base est largement soutenu par l'UE et les deux Etats mitoyens, de même que par la Fédération nationale des associations d'usagers des Transports, la Fnaut. Côté français, il est en revanche dénoncé par certains élus métropolitains se revendiquant de « l'écologie politique », par exemple par le maire EELV de Lyon Grégory Doucet, à l'opposé des élus des territoires qui supportent la cauchmardesque réalité du trafic transalpin de poids-lourds.

Lyon-Turin RouteDans la vallée de l'Arve, aux abords de l'étroit tunnel routier monotube du Mont-Blanc, une congestion récurrente, une pollution atmosphérique et sonore permanente. (DR)

 La section transfrontalière de la future ligne ferroviaire mixte Lyon-Turin court sur 65 km dont 57,5 km dans le futur tunnel de base du Mont-Cenis, le solde étant constitué des voies d'accès. La partie italienne de ce souterrain qui débouche à proximité de Suse, soit 20 % du linéaire du tunnel de base, verra ses marchés attribués à l’automne, pour un budget d’environ un milliard d’euros. Le capital de TELT est détenu à 50 % par l’Etat français et à 50 % par les Ferrovie dello Stato, les chemins de fer de l’Etat italien. La construction de cette section centrale constitue le plus important chantier de construction en Europe de cette décennie.

Côté français, trois lots attribués à Eiffage, Vinci et Implenia, à la tête de groupements rassemblant français, italiens et suisses

 Le conseil d’administration de TELT a attribué ces marchés pour la partie française du tunnel le 7 juillet dernier, en trois lots.

 Le lot 1 est attribué au groupement qui réunit Eiffage Génie Civil (mandataire), Spie Batignolles, et les italiens Ghella et Cogeis. Ce groupement réalisera le tronçon de 22 km entre la descenderie déjà percée à Villarodin-Bourget/Modane et l’Italie. Ces tunnels seront creusés en 72 mois environ : vers Turin à l’aide de deux tunneliers, et vers Lyon en méthode traditionnelle (marteau-piqueur et/ou explosif). La valeur de ce lot est de 1,47 milliard d’euros. Il construira aussi le site de sécurité de Modane, les rameaux de communication positionnés tous les 333 mètres entre les deux tunnels, nécessaires à la maintenance et à la sécurité, et l’ensemble des niches et tunnels transversaux pour l’exploitation et la sécurité, indique TELT. Les territoires concernés sont les communes de Villarodin-Bourget, Modane, Avrieux et Aussois.

Transalp Résumé de la nature des lots attribués le 7 juillet par TELT aux trois groupements pour le percement du tunnel de base sur sa sectio française, soit environ 80% du linéaire.

Le lot 2 est attribué au groupement qui réunit Vinci Construction Grands Projets (mandataire), Dodin Campenon Bernard-Vinci Construction France TP Lyon et l’italien WeBuild (ex-Salini Impreglio).

 Ce groupement poursuivra  l’excavation à partir de la section de 10 kilomètres déjà réalisée à Saint-Martin-la-Porte, en direction de l’Italie. Les travaux prévoient l’excavation de 23 km du tunnel bitube entre Saint-Martin-la-Porte, La Praz et Modane, soit 46 km de galeries principales au total. Les travaux seront réalisés à l’aide de trois tunneliers (sur 26 km), tandis que, dans les sections géologiques les plus complexes, l’excavation sera effectuée en méthode traditionnelle, c’est-à-dire au marteau-piqueur et/ou aux explosifs (sur 20 km). Les travaux auront une durée d’environ 65 mois pour un montant de 1,43 milliard d’euros et l’emploi, selon Vinci, de 1.650 personnes.
Les territoires impactés sont les communes de Saint-Martin-la-Porte, Saint-Michel-de-Maurienne, Orelle, Saint André, Villargondran et Saint-Julien-Mont-Denis. Ce groupement réalisera aussi le site de sécurité de La Praz, les rameaux de communication tous les 333 mètres entre les galeries, les locaux techniques, les niches et les tunnels pour l’exploitation et la sécurité.

TransalpCarte générale de l'ouvrage binational et de ses lignes d'accès. C'est sur ce dernier point, qui concerne principalement la France, que l'avenir risque d'être compliqué en raison des investissements considérables nécessaires (tunnels intermédiaires, sections de lignes nouvelles), même si les projets d'origine ont été réduits. Or les lignes reliant le bassin chambérien à Lyon ou Dijon sont soit  en voie de saturation (ligne vers Culoz et Ambérieu) soit notoirement insuffisante, à voie unique et au profil difficile (vers Saint-André-le-Gaz). Notons que l'accès au sillon alpin sud à Montmélian permettra d'éviter le noeud lyonnais par le sud. (Doc. TELT)

Le lot 3 est attribué au groupement qui réunit l’helvétique Implenia Suisse (mandataire), Implenia France, le français NGE, les italiens Itinera et Rizzani de Eccher.

 Ce groupement percera la section de 3 km située entre le portail d’accès côté France à Saint-Julien-Montdenis, et Saint-Martin-la-Porte. L’excavation de cette section sera réalisée en méthode traditionnelle au marteau-piqueur ou à l’explosif. Des ouvrages sont également prévus sur la plateforme de Villard-Clément entre la tranchée couverte, déjà réalisée à l’ouest, et l’entrée naturelle du tunnel dans la montagne à l’est. De plus, ces entreprises réaliseront les rameaux de communication tous les 333 mètres entre les deux tunnels, les locaux techniques et les niches pour l’exploitation et la sécurité. Ce lot, d’une valeur de 228 millions d’euros, prévoit une durée de réalisation d’environ 70 mois.

Cinq tunneliers pour les sections permettant leur emploi, le reste au marteau piqueur et à l’explosif

Au total, ces trois lots impliqueront l’usage de cinq tunneliers dans les sections dont la géologie permet leur emploi, les autres étant creusées par des méthodes traditionnelles, marteaux piqueurs de grande puissance ou explosifs. Les roches des massifs centraux des Alpes n’ont pas la consistance de la craie bleue du sous-sol de la Manche...

 Au total, les deux tunnels de circulation (un par sens) du tunnel de base cumulent 115 km de linéaire (deux fois 57,5 km), formant l’un des tunnels les plus longs du monde. À ce jour, 30 km de galeries  ont déjà été creusés soit plus de 18 % des 162 km prévus pour l’ensemble du projet incluant, outre les 115 km des tunnels de circulation, quatre descenderies et 204 rameaux de sécurité. Notons aussi les 113 km de reconnaissances et carottages en Italie et en France.

Transalpine

Schémas de coupe du tunnel bitube et de l'un de ses rameaux d'intercirculation (en h.) et de l'un des deux tubes, avec dimensions, gabarits et divers équipements dont des bassins de rétention destinés aux eaux d'infiltration, avant pompage vers l'extérieur (en b.). (Doc. TELT)

 Le Lyon-Turin sera inclus dans le Corridor Méditerranéen défini par l’Union européenne, qui relie l’Espagne de l’Est à l’Europe centrale par l’Italie du nord. Il permettra de traverser les Alpes en faisant circuler les trains à une vitesse de 220 km/h pour les voyageurs et 120 km/h pour le fret. Son ambition est de permettre le retrait annuel d’un million de camions des autoroutes alpines, avec d’importants  avantages économiques et environnementaux.

Le Lyon-Turin, élément du corridor Espagne-Europe centrale… mais qui se heurtera à la disparition des lignes transversales au Massif central

 En revanche, le Lyon-Turin il se heurtera à Lyon à la barrière que constitue le Massif central dont le réseau ferroviaire transversal a été démantelé ces dernières décennies par l’Etat français. Cette situation imposera de longs détours par Narbonne au sud ou Vierzon au nord pour permettre aux trains d’atteindre les ports de la façade atlantique (La Rochelle, Saint-Nazaire…), ainsi que le déplore l’association Altro. Son responsable, Michel Caniaux, a publié un livre pour prôner la constitution d’une transversale centrale offrant un débouché atlantique au Lyon-Turin (1).

Corridor_Europe_V0-3_FR_1

Schéma des réseaux transeuropéens concernant la France. Le tunnel de base sous le Mont-Cenis débouchera sur le noeud ferroviaire lyonnais d'une part, sur le sillon alpin sud de l'autre. L'itinéraire vers le sud et l'Espagne sera grandement facilité. Vers Paris, la Manche et le Nord, en revanche, l'itinéraire depuis l'Italie du Nord sera concurrencé par l'itinéraire par la Suisse, plus court. Grand absents du réseau français: une liaison vers les ports de l'Atlantique, depuis la fermeture de lignes est-ouest à travers le Massif central. (Doc SNCF Réseau).

La commissaire européenne aux transports Adina Valean (Roumanie) s’est félicitée de la signature des trois contrats pour le percement du tunnel sur sa section française, soit 80 % de son linéaire : « La décision d’attribuer  trois contrats d’un montant de plus de 3 milliards d’euros est un pas décisif vers l’achèvement de la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Elle comblera le maillon manquant entre la France et l’Italie et contribueraà déplacer de gros volumes de trafic transfrontalier de la route vers le rail. Mais ce projet est plus qu’un projet binational car il deviendra le cœur qui relie la péninsule ibérique à la partie orientale de l’Union européenne. La liaison ferroviaire Lyon-Turin est un projet européen attendu depuis longtemps, bien conçue et emblématique qui contribue aux objectifs du Green Deal (« contrat vert ») européen. »

 Les corridors fret européens sont au nombre de  neuf, formés d’axes de transport transcontinentaux (par rail, route ou voie d’eau). Quatre d’entre eux concernent l’Italie, soit les corridors : Rhin-Alpes, Baltique-Adriatique, Scandinavie-Méditerranée, et Espagne-Europe-centrale. Ce dernier court en Italie de Turin à Trieste et croise les trois précédents. La section internationale Lyon-Turin constitue son maillon d’accès à la France méridionale et à l’Espagne.

57,2 km de tunnel bitube, 204 rameaux de sécurité et quatre descenderies

Les chantiers pour la réalisation du tunnel de base du Lyon-Turin et de ses accès proches sont en cours dans les deux pays. Le tunnel de base, le principal ouvrage de la section transfrontalière, est une infrastructure complexe composée de 2 tubes parallèles de 57,5 km, 204 rameaux de sécurité et quatre descenderies.

Outre les travaux souterrains, TELT gère et coordonne les chantiers à ciel ouvert, côté italien et côté français, qui assurent les liaisons avec les lignes nationales respectives à travers les nouvelles gares internationales. Les descenderies sont au nombre de trois côté français (Villarodin-Bourget/Modane, La Praz et Saint-Martin-la-Porte) et d’une, côté italien, à Chiomonte ; au total, les descenderies représentent environ 18 km de galeries fonctionnelles tant pour la construction et l’entretien du tunnel de base que comme issue de secours.

TELT St Jean MAménagements en cours de construction à la sortie ouest du futur tunnel de base. (Doc. TELT)

Plus spécifiquement, les descenderies ont constitué 4 axes de recherches différents et nécessaires pour évaluer les principaux obstacles géologiques et les solutions les plus efficaces pour la construction du tunnel de base : la valorisation des matériaux d’excavation sur le chantier de Villarodin-Bourget/Modane, la gestion des eaux dans les tunnels à La Praz, la convergence des roches à Saint-Martin-la-Porte et l’excavation mécanisée à Chiomonte.

TransalpSchéma de l'ouvrage souterrain binational avec, en exergue, les descenderies et leurs dates de creusement. (Doc. TELT)

À ce stade, elles servent de voies d’accès au chantier du tunnel de base. Lorsque le tunnel sera mis en service, elles serviront de galeries d’accès pour la maintenance et la sécurité.

Deux gares internationales, à Saint-Jean-de-Maurienne et Suse, en correspondance avec les réseaux des deux régions : Savoie et Val Susa

Le projet de la section transfrontalière Lyon-Turin comprend deux gares internationales, situées à quelques kilomètres du tunnel de base : à Saint-Jean-de-Maurienne (France) et à Suse (Italie), deux nouvelles structures permettront de gérer le pôle d’échanges multimodal, les différents flux de passagers avec les services correspondants de Savoie et Val Susa : TER Auvergne-Rhône-Alpes en France, trains régionaux piémontais en Italie, parcs à voitures, vélos et bus. Ces gares internationales placent les montagnes olympiques de la vallée de Suse et le domaine skiable des Alpes françaises à quelques heures de la plupart des capitales européennes.

Les projets sont conçus de façon à s’intégrer au mieux dans l’environnement naturel et urbanisé existant. Ces gares constituent également les plateformes d’échange entre la ligne internationale et les réseaux locaux.

Publicité
Publicité
Commentaires
D
La question n'est peut-être pas de savoir s'il faut construire le tunnel ou pas. Nos voisins Suisses en ont construit plusieurs du même calibre. La question est: que fait-on en France et en Italie pour le remplir? En Suisse et en Autriche les poids lourds en transit prennent le train. Mais leurs autoroutes ferroviaires proposent un train par heure quand en France on est plutôt sur du 1 train par jour (4 sous le Fréjus, mais on est encore loin de la cadence horaire)<br /> <br /> Je suis convaincu de la nécessité de moderniser et rouvrir les lignes du Massif Central mais si je devais faire transiter des marchandises longue distance selon un flux Est Ouest, je penserais d'abord à l'axe Bordeaux Narbonne puis Nevers Dijon. <br /> <br /> Entre les 2 axes précités, ça grimpe quand même un peu et à moins de construire un tunnel sous le Puy de Dôme et un autre sous les Monts du Cantal et de reprendre un paquet de tracés, il va falloir jouer de la traction en UM et de la pousse. Rien que pour faire Lyon Tours, le fret fait le détour par St Etienne pour éviter la rampe des Sauvages qui n'est qu'un apéritif de ce qu'on rencontre en poursuivant vers l'Ouest à travers le Massif Central.
Répondre
B
Peut-être êtes vous d' EELV ? Dans ce cas, allez sur le site de la FNAUT, et lisez pourquoi la FNAUT est favorable au Lyon - Turin.........avec les accès à construire rapidement aussi, en particulier en versant de Lyon (contournement du secteur Aix les Bains - Montmélian) . Vous verrez aussi pourquoi les surcoûts, que les opposants imputent au projet, sont faux.
Répondre
J
Quelles seront les solutions envisagées par les pouvoirs publics pour un report massif du trafic France Italie vers le rail: des autoroutes ferroviaires ? Jusqu'à présent, on a plutôt été habitué à l'inverse : suppression du wagon isolé et des triages qui vont avec, demaillage du réseau, suppression des ITE...<br /> <br /> <br /> <br /> Concernant le trafic Espagne Italie, le recours au sillon alpin sud nécessitera la mise à double voie intégrale de Moirans -Romans
Répondre
R
Il y a un peu de mauvaise foi dans l'article.<br /> <br /> Lyon Turin c'est un projet avec 10 ans de retard qui coûtera finalement 10 fois plus cher ... On aurait pu basculer tous les camions vers le rail de manière + économique. Je pense que c'est le point de vue du maire de Lyon et de Grenoble. L'écologie c'est rénover et réparer plutôt que construire. Quand on construit un aéroport ou une autoroute on trouve ça aberrant ben les projets pharaoniques comme ça désolé mais c'est pareil. C'est souvent un non sens.<br /> <br /> Cependant je ne suis pas sur place donc il y a surement de très bonnes raisons de réaliser ce projet pharaonique <br /> <br /> Eric Piolle et Doucet ont le même objectif que vous en réalité. Du coup ne dites pas qu'il propose pas des alternatives au routier c'est un mensonge.
Répondre
B
C' est bien la phrase : "se revendiquant de l' écologie politique" . Et ces élus là, Dousset et Piolle, qui refusent aux vallées alpines un moyen alternatif au tout routier . Quelle incohérence pitoyable, digne des tristes sirs d' EELV, et indigne de ce que revendique l' écologie !
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité
Newsletter
Publicité
Publicité