L’Europe attribue 64,6 M€ à l’avant-projet détaillé de la section française du Lyon-Turin, qui est enfin lancé
Nonobstant l’opposition d’élus d’un parti dit « d’écologie politique » au tunnel de base du mont Ambin Lyon-Turin (en particulier le maire de Lyon Grégory Doucet) et à ses accès, puis la passivité volontaire d’une administration française à bout de ressources pour les grands projets ferroviaires (hors Ile-de-France), l’avant-projet détaillé de la ligne nouvelle Lyon-Saint-Jean-de-Maurienne connaît un coup d’accélérateur. Il vient de recevoir un important financement européen : 64,6 millions d’euros. La France avait présenté son avant-projet sommaire juste à temps pour ne pas perdre l’aide européenne… et ne pas voir tomber la déclaration d’utilité publique.
Grenay, jonction complexe avec la LGV, le CFAL, la ligne historique
Cette ligne nouvelle sera embranchée à Grenay (proche de l’aéroport Lyon Saint-Exupéry) à la ligne à grande vitesse du contournement est de Lyon et à la future section nord de la ligne fret dite du Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL), avec possibilité d’accès depuis la ligne historique Lyon-Grenoble/Chambéry. La longueur totale de cette ligne nouvelle et de son embranchement vers Chambéry (en seconde phase), s’établit à quelque 140 km. La section internationale, constituée essentiellement du tunnel de base du mont Ambin, est longue de 65 km. La ligne d’accès côté italien est longue de 65 km.
Le 18 juillet, la Commission Européenne a dévoilé la liste des projets d’infrastructure de transport sélectionnés pour bénéficier de cofinancements au titre du Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe. Les études d’Avant-Projet Détaillé (APD) du tracé de la section française de la liaison Lyon-Turin se sont vu attribuer 64,6 millions d’euros, soit la quasi-totalité de la subvention sollicitée par la France.
Carte de la section française d'accès au tunnel de base du mont Ambin, dans le cadre de la ligne nouvelle mixte fret-grande vitesse "Lyon-Turin". (Doc. Transalpine)
Le dossier de demande de subvention avait été déposé à Bruxelles fin janvier après qu’un accord a été conclu sur le fil entre l’Etat et les autorités locales pour le cofinancement des 100 millions d’euros de la partie française. Le président du Comité pour la Transalpine, Vincent de Rivaz, s’est félicité de la décision de la Commission européenne : « Après dix ans d’attente depuis la Déclaration d’Utilité Publique de la section française, le projet reprend de l’élan. « Il aura fallu plusieurs années d’une forte mobilisation des acteurs politiques et économiques des territoires concernés pour franchir ce nouveau cap majeur. Avec cette décision, l’Europe démontre la constance de son engagement pour le Lyon-Turin et confirme l’importance stratégique de la liaison dans son ensemble. »
Le COI voulait renvoyer cette section aux calendes grecques
Rappelons que l’administration française avait produit un rapport renvoyant aux calendes grecques la construction de cette ligne d’accès, ne prônant qu’un renforcement des capacités du réseau historique, en particulier de l’axe Dijon-Bourg-Chambéry. Cette « solution » préconisée par le Comité d’Orientation des Infrastructures (COI) eût mathématiquement limité le trafic dans le tunnel de base en raison de la saturation du nœud ferroviaire de Chambéry, de la lenteur des trajets sur des lignes historiques contraintes par les reliefs et eût été un handicap pour l’installation de services ferroviaires métropolitains.
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Photographiée avant l'électrification, passage de la ligne historique Culoz-Modane à Colombière, le long du lac du Bourget, entre Culoz et Aix-les-Bains. Le transit par cette section d'un flux de fret considérablement augmenté après l'ouverture du tunnel du mont Ambin poserait un évident problème de saturation et de risques.
Le programme d’APD devrait être lancé début 2025 sous le pilotage de SNCF Réseau pour une durée de trois ans avant les premiers travaux de reconnaissance souterrains (2028). Il portera sur le tracé du scénario dit « Grand Gabarit », le plus favorable au fret ferroviaire, choisi par une majorité des collectivités locales concernées.
Devant l’assemblée générale de la Transalpine le 4 juillet à Lyon, le PDG de SNCF Réseau Matthieu Chabanel, a expliqué que ces études d’ingénierie pré-opérationnelles permettront de définir avec une grande précision le tracé des voies d’accès depuis Lyon jusqu’à l’entrée du tunnel sous les Alpes en cours de creusement en Savoie. L’antenne amorcée à Avressieux vers Chambéry, avec long tunnel sous le massif de l’Epine, est prévue dans une seconde phase.
Sondages géotechniques, études sur les tunnels et viaducs, assise de la voie…
Les études d’APD constituent la dernière étape avant la phase travaux. Elles impliquent des sondages géotechniques pour en particulier déterminer les techniques de percement des tunnels et la constitution de l’assise des voies, des études pour la conception des infrastructures et des ouvrages d’art, l’optimisation de l’insertion technico-environnementale ainsi que l’obtention de toutes les autorisations nécessaires.
S’agissant du tunnel transfrontalier sous les Alpes, la Commission européenne a attribué 700 M€ au maître d’ouvrage TELT pour poursuivre la réalisation de l’ouvrage dans la mise en service est programmée en 2032. Rappelons que ce tunnel binational sera long de 57,5 km, soit le plus long tunnel ferroviaire, juste devant le tunnel de base du Gothard (57 km). Il sera principalement constitué de trois tubes : deux de circulation, de rayon interne de 4,35 m, et un de secours et maintenance. Quatre descenderies sont déjà percées.
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Sur le chantier du percement d'une des deux galeries de circulation du tunnel du mont Ambin (57,5 km). (Doc. TELT)
Quant à l’année de mise en service de la ligne française d’accès au tunnel de base, il est difficile de la fixer avant 2036 si les travaux sont lancés peu après les reconnaissances géotechniques souterraines. Cela mènera à un retard d‘au moins quatre ans par rapport à la mise en service du tunnel de base. Sans compter le retard plus important encore de l’antenne Avressieux-Chambéry, condition de l’optimisation régionale de l’offre voyageurs binationale.
La section italienne d’accès, quant à elle, devrait être prête à la mise en service du tunnel de base. La mise en service quasi-totale de la liaison nouvelle Lyon-Turin et sa productivité optimale est liée à l’ouverture de son maillon le plus tardif, soit la section française.
Le retard d‘une décennie côté français paraît irrattrappable
Le retard d‘une décennie dans les procédures paraît évidemment irrattrapable. Rappelons que la section française, hors antenne de Chambéry, sera dotée de six tunnels cumulant quelque 74,4 km, soit plus de la moitié du parcours. Par ailleurs, les jonctions à Grenay impliqueront des antennes et ouvrages complexes pour à la fois s’embrancher sur la LGV, sur la ligne historique et sur la future ligne CFAL, dans un environnement d’infrastructures ferroviaires déjà chargé.
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Il est désormais évident que pendant plusieurs années après la mise en service du tunnel de base du mont Ambin la gare de Chambéry (ci-dessus) verra allonger ses périodes de saturation, avant l'ouverture - retardée - de la ligne nouvelle d'accès côté français. ©RDS
Au 30 juin 2024, indique TELT, 37,3 km de galeries avaient été percés sur un total final de 164 km toutes galeries comprises, soit : 13,7 km de tubes pair et impair du tunnel proprement dit, 11,4 km de descenderies côté français (Saint-Martin de la Porte, La Praz et Villarodon-Modane), 7 km de galerie de reconnaissance de la Magdalena (Italie) et 5,2 km d’autres ouvrages souterrains.
TELT est le promoteur public maitre d’ouvrage en charge de la réalisation puis de la gestion de la section transfrontalière de la future liaison Lyon Turin. Ses actionnaires sont, pour la France, l’Etat (50 %) et, pour l’Italie, les Ferrovie dello Stato, société publique détenue à 100 % par l’Etat italien (50 %). La section transfrontalière de la nouvelle liaison Lyon-Turin a une longueur d'environ 65 km entre Saint-Jean-de-Maurienne et Susa/Bussoleno. L'ouvrage principal de cette section est le nouveau tunnel de base bitube de 57,5 km, dont les têtes se situent à Saint-Jean-de-Maurienne à l’ouest, à Venaus à l’est.