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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
10 février 2024

Financement in extremis de l’avant-projet détaillé d’accès au Lyon-Turin, espoir après une année noire pour le fret ferroviaire

 Le bouclage du budget français destiné à financer les études d’avant-projet détaillé de la ligne Lyon-Saint-Jean-de-Maurienne d’approche du futur tunnel ferroviaire international du mont Ambin a enfin été finalisé, permettant à Paris de remettre ce document à la Commission européenne et donc de bénéficier de son propre appui financier. Cette nouvelle constitue une avancée importante pour la promotion à long terme du fret ferroviaire et du report modal de la route au rail sur ce corridor international et au-delà, alors que cette activité se relève à peine d’une année noire.

 Car le fret ferroviaire a pâti en 2023 de l’envolée des prix de l’électricité, des grèves contre la réforme des retraites qui a lourdement concerné les agents régulateurs de SNCF Réseau et de l’interruption de la ligne de la Maurienne qui jette des norias de poids-lourds sur les routes des Alpes. Le dernier trimestre 2023 a signalé un redressement malgré ces avatars, soulignant au passage toute la légitimité d’une mise en service sans délais supplémentaires du futur axe Lyon-Turin autour de 2030.

Geste décisif du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, moyennant contrepartie de l’Etat sur le CPER

 A la veille du 31 janvier, la date limite du dépôt auprès de la Commission européenne du dossier crucial de cofinancement des études d’avant-projet détaillé de la section française du Lyon-Turin, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), a été le principal acteur du déblocage du dossier en annonçant un engagement supplémentaire de 20 millions d’euros, en plus des 13 M€ déjà promis, permettant de boucler le plan de financement du reste à charge pour la France. Le président de la Région a toutefois conditionné cet effort à un geste de 100 M€ supplémentaires de l'Etat dans le cadre du volet mobilité du Contrat de Plan Etat-Région, auquel Auvergne-Rhône-Alpes s'engage également à contribuer d'une somme supplémentaire équivalente. Le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes démontre ainsi une nouvelle fibre ferroviaire après des mois de bras de fer avec l’Etat central au sujet des infrastructures ferroviaires.

Lyon-Turin Ligne d'accès France 2La ligne française d'accès au tunnel de base du mont Ambin et son antenne de Chambéry, de même que le CFAL, constituent des clés décisives pour l'utilisation optimale du futur tunnel long de 57,5 km : coutournement du noeud ferroviaire lyonnais notoirement engorgé, déchargement de la section historique Lyon-Grenoble/Chambéry et du noeud de Chambéry au bénéfice des trains régionaux, raccourcissement des distances... (Carte La Transalpine)

 Le dépôt du dossier de demande de subvention auprès de l'Union européenne au titre du Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe (MIE), constitue « une étape historique et très importante dans le projet de nouvelle liaison ferroviaire transalpine », a fait savoir la députée de la Savoie Marina Ferrari (MoDem) qui « félicite l’engagement décisif des ministres Clément Beaune et Christophe Béchu », respectivement ancien ministre délégué aux Transports et actuel ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.

 Cet accord est d’autant plus intéressant qu’il va plus loin que l’APD de la seule ligne française d’accès au tunnel de base et son antenne vers Chambéry. Il inclut en effet, à la demande de la région Auvergne-Rhône-Alpes, celui de la partie nord du Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise (CFAL), ligne à double voie électrifiée qui reliera la plaine du nord-est lyonnais en aval d’Ambérieu à la future ligne d’accès au tunnel de base et à la ligne historique reliant Grenoble et Chambéry à Lyon (laquelle devrait être portée à quatre voies entre Grenay et Vénissieux). L’addition des devis d’études et de construction – Lyon-Turin et CFAL Nord – est estimée à environ 25 milliards d’euros, valeur 2012.

85 millions d’euros de l’Etat, 45 millions d’euros des autorités territoriales

 Dans le détail, pour l’APD des deux projets (ligne française d’accès et CFAL Nord) l'État central engagera la somme de 85 millions d’euros. Les autorités territoriales s’engageront pour leur part à hauteur de près de 45 millions d’euros : 33 M€ pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, 5 M€ pour la métropole du Grand Lyon, 3 M€ pour le Conseil départemental de la Savoie, 1,5 M€ pour le Conseil départemental du Nouveau Rhône, 1 M€ pour la communauté d’agglomération du Grand Annecy, 1 M€ pour Grenoble Alpes Métropoles, 0,45 M€ pour la communauté d’agglomération du Grand Chambéry, et 0,3 M€ pour la communauté d’agglomération du Grand Lac (Aix-les-Bains). On soulignera l’engagement financier de collectivités qui n’ont légalement pas de compétence en matière d’infrastructures ferroviaires, a fortiori internationales.

 On peut donc espérer que l’ensemble des infrastructures nouvelles de la future liaison Lyon-Turin sera livré à temps, soit autour de 2030, date avancée pour la mise en service de la section binationale. Dans son ensemble, cette liaison affiche 271 km, dont : 140 km en France hors tunnel de base ; 84,10 km de section commune franco-italienne incluant le tunnel tritube du mont Ambin long de 57,5 km et en cours de percement ; 46,7 km de  section italienne dont le dossier d’APD est bouclé depuis plusieurs mois.

wauquiez aura

Marina Ferrari Wikipedia

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Laurent Wauquiez, président (LR) du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes (g.) et Marina Ferrari, députrée (MoDem) de Savoie (d.) se sont félicités de l'accord de financement de l'APD. Les élus de la région auront joué un rôle décisif dans la genèse du Lyon-Turin, depuis que dans les années 1980 Louis Besson, maire de Chambéry, secrétaire d'Etat aux Transports, lança l'idée d'un désengorgement des Alpes par le ferroviaire. (Doc. Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes et Wikipedia commons)

 Le dépôt de ce dossier était essentiel pour sécuriser la déclaration d'utilité́ publique (DUP) des accès français et pour prétendre au cofinancement à hauteur de 50 % de l’Europe sur l’étude APD, dont le montant total est estimé à 260 million d’euros. L’avant-projet détaillé, suit l’avant-projet sommaire. Réalisé par le maître d’œuvre, chargé de la conception et de la coordination des travaux, il vise à définir les besoins du projet, il détermine les surfaces détaillées de tous les éléments du programme, les dimensions de l’ouvrage, son aspect, il arrête les plans et les coupes.

Une excellente nouvelle après une année noire pour le fret ferroviaire

 Cet accord de financement, qui ne présage toutefois pas encore la date exacte de mise en chantier des deux infrastructures françaises concernées, est une excellente nouvelle tant pour les vallées des Alpes du nord que pour l’agglomération lyonnaise. Les premières sont étouffées par les flux de fret routier qui pourra basculer sur l’axe Lyon-Turin. La seconde voit son nœud ferroviaire, et en particulier Lyon Part-Dieu première gare de correspondance de France, traversé par d’importants flux fret dont une partie sera opportunément détournée par le CFAL. Globalement, le fret ferroviaire national et international en bénéficiera grandement.

 Or il se trouve que malgré une année riche en obstacles de toutes natures parmi lesquels l’interruption de toute circulation sur la ligne historique de la Maurienne, le fret ferroviaire démontre sa résilience et l’intérêt que lui portent les chargeurs. Les dernières statistiques  disponibles publiées par le ministère des Transports montrent que le troisième trimestre 2023 a été positif. Il s'agit certes d'un phénomène de rebond car l’activité du fret ferroviaire a été lourdement impactée par les mouvements sociaux consécutifs à la réforme des retraites et par la hausse des prix de l'énergie. Le transport combiné, par exemple, n’est pas encore revenu au niveau d'avant-crise.

Lyon-Turin Percement 1Vue d'un lancement de travaux de percement d'une des trois galeries du tunnel de base du mont Ambin : deux souterrains ferroviaires  (un par sens) et un souterrain de service, avec de multiples rameaux de communication et des installations de communication. (Doc. La Transalpine)

 Mais alors que le transport routier continue à baisser, ces statistiques semblent confirmer l'appétence des industriels et des chargeurs pour le ferroviaire. Il s’agit d’un indicateur positif qui, indique le Groupement national du transport combiné (GNTC) « ne peut que nous encourager à la réussite du doublement de la part modale du fret ferroviaire à horizon 2030 ».

 Globalement le fret terrestre intérieur, exprimé en tonnes-kilomètres, a légèrement augmenté au troisième trimestre 2023, de 0,4 %, après avoir diminué les deux trimestres précédents. Le fret national, qui représente 89,4 % du trafic intérieur ce trimestre, rebondit (+ 0,6 %), après avoir baissé de 1,9 % au deuxième trimestre. À l’inverse, le fret international diminue de 1,2 %, après une hausse sensible au deuxième trimestre (+ 4,0 %).

Rebond au 3e trimestre 2023 avec un fret ferroviaire à + 4,5 %... mais 11 % de moins qu’en 2022

 La légère croissance du fret terrestre au troisième trimestre est notamment due à la poursuite du rebond de l’activité dans le transport ferroviaire, qui avait été fortement impactée par les grèves contre la réforme des retraites au premier semestre. De fait, l’activité du fret ferroviaire augmente de nouveau au 3e trimestre 2023, de + 4,5 %, après +11,3 % au 2e trimestre. Il s’établit fin septembre à 7,9 milliards de tonnes-kilomètres, en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables, indique le ministère.

IMG_20231222_112554Rame de desserte terminale fret en provenance de la zone industrielle de Pont-de-Claix et Jarrie-Vizille, au sud de Grenoble. L'appétance des chargeurs pour le fret ne se dément pas mais a été contrecarrée par grèves, prix de l'énergie et par l'interruption pour plus d'un an de la ligne internationale historique de la Maurienne. ©RDS 

 Comme au trimestre précédent, l’augmentation du trafic a été plus forte sur les trajets nationaux (+ 6,2 %, après + 14 %) que sur les trajets internationaux y compris transit (+ 2 %, après + 7,7 %), grevés par l’interruption de la ligne de la Maurienne. L’activité ferroviaire reste toutefois près de 11 % en dessous de son niveau trimestriel moyen de 2022. Le prix toujours élevé de l’électricité reste un frein à l’activité des entreprises électro-intensives, qui sont parmi les clients importants du fret ferroviaire.

 

 Avec 1,4 milliard de t-k, l’activité de transport routier intérieur de marchandises des véhicules immatriculés en France est en revanche en légère diminution (- 0,4 %) au 3e trimestre 2023 en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables. Il s’agit de la troisième baisse trimestrielle consécutive après celles, plus marquées, des premier et deuxième trimestres 2023 qui s’étaient établies respectivement à - 2,9 % et à - 3,4 % (données révisées).

Le transport combiné tousse malgré trois nouveautés

 Du côté du transport combiné, l’année 2024 commence avec quelques nouveautés mais aussi avec quelques disparitions de lignes. Du côté des nouveautés, Combronde met en service une ligne Clermont-Ferrand-Le Havre, CargoBeamer envisage de relancer Domodossola-Calais, et Naviland  effectue une étape de « prend-laisse » à Tours sur sa liaison Le Havre-Bordeaux.

Cargobeamer

L'entreprise allemande CargoBeamer, qui exploite des trains équipés de wagons porte-remorques à chassis glissants, de sa conception (ici une rame tractée par l'entreprise ferroviaire suisse BLS Cargo) , envisage de relancer Domodossola-Calais mais suspend Neuss-Perpignan. (Doc. CargoBeamer)

 En revanche, on note de plus nombreuses suppressions ou réductions de services : CargoBeamer suspend sa liaison Neuss-Perpignan ; DeltaRail son Duisbourg/Worms-Chalon/Mâcon ; Novatrans-Greenmodal son Marseille-Lyon ; VIIA son Bettembourg-Barcelone. Bien sûr, l’interruption de la ligne de la Maurienne en août a induit des suppressions telles que l’Autoroute ferroviaire alpine. T3M réduit ses rotations France-Italie, flux qui doit être détourné via Vintimille ou la Suisse… ou basculé sur route.

 Le bilan « permet de constater à quel point l’année 2023 a été catastrophique pour les acteurs du combiné ferroviaire (augmentation des coûts de l’électricité, grève, inflation,…) mais démontre tout de même une certaine résilience de ses acteurs », analyse le GNTC (1).

 Pour terminer sur une autre note positive, relevons que le cimentier LafargeHolcim a lancé fin janvier une nouvelle liaison ferroviaire entre Fos-sur-Mer et Martres-Tolosane, « projet réalisé en un temps record et qui permet de basculer sur rail l’équivalent de 1.500 camions en moins chaque année », indique Christophe Seng, responsable  du développement logistique chez LafargeHolcim France.

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(1) Parmi les membres du GNTC, on relève les opérateurs suivants : Ambrogio Intermodal, Be Modal, CargoBeamer, Combronde, Delta Rail, FluvioFeeder, Froidcombi, Greenmodal, Logi Ports Shuttle, Naviland Cargo, Novatrans, T3M, TPNova Rail, VIIA.

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Commentaires
B
Une bonne nouvelle . Par contre, tout prêts pour 2030 ? Trop optimiste, à mon avis : le grand tunnel et les accès Italiens devraient l' être, mais les accès Français se sera par phasage désormais, et même "Satolas - Chambéry" risque de ne pas l' être à cette date.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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