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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
2 novembre 2023

Fret ferroviaire et multimodal : la France tousse, l’Espagne investit

Si plusieurs signes démontrent que le fret ferroviaire a de beaux jours devant lui en Europe, d’autres indiquent que sa situation en France est obérée par trois facteurs principaux : le manque d’investissement dans les infrastructures, l’augmentation des plages travaux et la rétraction du réseau capillaire ; une culture de la grève paralysante, l’arrêt de travail étant trop souvent considéré comme un préalable et non comme un moyen ultime ; l’envolée des prix de l’électricité, déterminés par une réglementation européenne surréaliste au détriment de la production nucléaire française. Après une expansion, le trafic multimodal rail-route a régressé en France en 2022. En Espagne, une mobilisation de capitaux et d’initiatives annonce au contraire une nouvelle expansion du fret ferroviaire.

Grèves, prix de l’électricité, travaux : l’allemand Cargobeamer réduit fortement la voilure en France

 A chapitre des mauvaises nouvelles, la société allemande Cargobeamer, qui conçoit et exploite des wagons porte-camions à châssis mobiles, vient de stopper fin septembre la ligne reliant Neuss, face à Dusseldorf en Rhénanie-du-Nord-Wesphalie, à Perpignan « pour une durée indéterminée », nous apprend le webmagazine Fret ferroviaire. Au plus fort de sa fréquence, cette ligne avait atteint six rotations par semaine. Elle avait été réduite à quatre rotations depuis juin.

 Les grèves à répétition contre la réforme des retraites avaient entraîné la suppression pure et simple de trains Cargobeamer, comme de beaucoup d’autres. Rappelons que pendant ces grèves, les syndicats grévistes avaient particulièrement ciblé les postes d’aiguillages, réduisant drastiquement le trafic quelle qu’eût été le taux de grévistes chez les entreprises tractionnaires.

 Par ailleurs la hausse considérable des coûts de l’électricité, malgré la production nucléaire française, a fortement entamé la marge bénéficiaire de l’exploitant.

CargobeamerRame de wagons porteant des remorques d'ensembles routiers sur wagons à chassis glissants conçus par Cargobeamer, tractée par la compagnie helvétique BLS sur la route Kaldenkirchen-Domodossola via le tunnel de base du Lötschberg et le tunnel du Simplon. Le bilan de cette liaison est très satisfaisant, à l'opposé de celui des liaisons avec la France. (Doc. Cargobeamer)

 Ailleurs, Cargobeamer connaît pourtant de bons résultats. Sa ligne la plus performante est celle reliant Kaldenkirchen en Rhénanie-du-Nord-Wesphalie, à la frontière néerlandaise, à Domodossola en Lombardie, à la frontière suisse. Depuis la fin août, cette relation a été portée à la fréquence de 17 rotations par semaine, soit environ trois allers-retours quotidiens. « Empruntant le corridor du Simplon et du tunnel de base du Lötschberg, Cargobeamer est en mesure de proposer des services sans restrictions  alors que l’accident dans le tunnel de base du Gothard a marqué l’actualité du secteur », détaille Cargobeamer. Ces nouveaux horaires constituent « la plus forte fréquence jamais exploitée par Cargobeamer sur cette relation » et « la plus forte fréquence sur une relation transalpine en trafic intermodale entre deux terminaux équipés pour des semi-remorques préhensibles ou non-préhensibles ».

En 2022, le combiné rail-route connaît un repli en France

 La suspension de la relation intermodale Neuss-Perpignan est particulièrement inquiétante puisqu’il ne demeure plus qu’une seule ligne Cargobeamer desservant son nouveau terminal : la relation Calais-Perpignan. Or, pour les mêmes raisons, cette relation a été réduite de quatre à deux rotations hebdomadaires.

 Globalement, même si l’on enregistre de meilleures nouvelles sur d’autres relations en matière de fret ferroviaire, le combiné rail-route connaît un trafic en repli en France cette  année par rapport à 2022, principalement en raison d’un premier semestre catastrophique en raison de grèves à répétition et en raison de l’envolée du prix de l’électricité. Le reste de l’année risque d’être pour sa part obéré par l’interruption totale de la ligne franco-italienne de la Maurienne en raison de l’effondrement d’une falaise. L’autoroute roulant Savoie-Orbassano est suspendue.

 Au chapitre des nouvelles encourageantes, en revanche, l’annonce par Captrain, filiale du groupe SNCF, du lancement début novembre de quatre rotations hebdomadaires entre Barcelone d’une part, Toulouse et Lyon d’autre part. Cette relation sera assurée pour l’armateur danois A.P Moller-Maersk.

Captrain, filiale de la SNCF, participe à l’élargissement de l’hinterland du port de Barcelone

 Ces nouveaux services, entièrement assurés à l’écartement standard de 1,435 m par des rames de 750 m, transitera par la ligne Figueras-Perpignan et son tunnel du Perthus. Il sera tracté par des Euro600 de Captrain, une première en France pour cette locomotive construite par le suisse Stadler. La relation Barcelone-Toulouse sera assurée trois fois par semaine, la relation Barcelone-Lyon une fois par semaine.

CaptrainSur une voie allemande, rame de citernes tractée par Captrain, filiale de SNCF Logistics. Captrain exploite des liaisons hors de France ou transfrontalières. Son nouveau contrat entre le port de Barcelone d'une part, Toulouse et Lyon d'autre part, via le tunnel de base du Perthus illustre l'ambition de la métropole portuaire espagnole pour étendre son hinterland français. (Doc. Captrain)

 Maersk, qui détient une filiale ferroviaire en Espagne (APM Spain Railways) estime que cette nouvelle offre réduira de sept jours les délais de transit import et export depuis Toulouse, Bordeaux et Lyon par rapport aux itinéraires des ports du nord de l’Europe. Elle augmentera l’attractivité du port de Barcelone qui augmente ainsi notablement son hinterland dans sa concurrence avec Marseille. Outre l’ouverture de ces deux nouvelles lignes, Bordeaux sera connecté depuis Toulouse via le réseau Naviland afin d’assurer la continuité du transport, complète le magazine Fret ferroviaire.

 Notons par ailleurs que le gouvernement espagnol a décidé de mobiliser dans un plan dénommé Mercancias 30, avec l’aide de l’UE quelque 8,4 milliards d’euros pour favoriser le report modal de la route au rail. Ce dernier n’assure que 10 % du trafic fret en Espagne, soit à peu près aussi peu qu’en France.  Les corridors atlantique et méditerranéen, les connexions avec les ports, les autoroutes ferroviaires figurent au catalogue des priorités.

L’italo-helvétique MSC s’impose au capital de Renfe Mercancias après avoir avalé le fret des CP portugais, le français CMA CGM a pris Continental Rail

 Tandis que la France peine à réaliser un transfert modal d’ampleur, l’Espagne se pose comme un modèle de volontarisme. En témoigne l’intérêt porté à la péninsule ibérique par les investisseurs qui n’hésitent pas à s’impliquer dans le secteur ferroviaire. Le géant italo-helvétique MSC (Mediterranean Shipping Company) vient de reporter l’appel d’offres pour entrer au capital de Renfe Mercancias, la filiale fret de l’opérateur historique espagnol. Il en détiendra 50% des parts une fois le choix validé par le gouvernement de Madrid.

Continental-Rail-minSur voie ibérique, rame de conteneurs tractée par l'entreprise ferroviaire espagnole Continental Rail, acquise par CMA CGM voici deux ans. Face à lui, la participation de MSC de 50% dans le capital de l'opérateur historique Renfe Mercancias... et de 100% dans le capital du voisin portugais Medway pourra lui tenir la dragée haute. (Doc. Continental Rail)

 L’investissement s’est opéré par l’intermédiaire de la filiale de MSC Medlog. Fondé en 1988, Medlog est une filiale logistique de MSC, spécialiste du transport multimodal sur route, rail, fleuves et canaux et services maritimes. Par son intermédiaire, MSC s’est imposée face aux géants danois basé à Copenhague Maersk et français basé à Marseille CMA-CGM. En revanche, CMA-CGM est depuis 2021 propriétaire du nouvel opérateur fret ferroviaire espagnol Continental Rail.

 L’ouverture de 50 % du capital de Renfe Mercancias à un investisseur privé est destinée à sélectionner un partenaire industriel stratégique afin de contribuer à financer et conseiller Renfe Mercancias dans son développement en Espagne mais aussi à l’étranger. Et l’étranger le plus proche et quasi-incontournable pour l’Espagne est la France.  Dans l’autre sens, cette participation permettra à MSC de développer de nouveaux trafics au départ des ports espagnols et d’accélérer le report modal vers le ferroviaire tout en développant l’hinterland des ports espagnols, en particulier de celui de Barcelone, tout proche de la France du sud.

MedwayRame tractée par une locomotive électrique, joliment baptisée Joana, de l'entreprise Medway, ancienne branche fret des Chemins de fer portugais (CP) rachetée par MSC. Medway opère au Portugal, mais aussi sur le réseau du voisin espagnol. Entre son acquisition en Espagne et celle au Portugal, MSC détiendra donc une position dominante dans le fret ferroviaire sur l'ensemble de la péninsule ibérique. L'extension vers la France devrait suivre. (Doc. Medway)

 MSC n’en est pas à son premier coup de maître dans le ferroviaire. Depuis 2016, l’armateur italo-helvétique est déjà propriétaire de la filiale fret des CP, entreprise ferroviaire historique du Portugal. Cette ancienne filiale est baptisée depuis Medway. MSC détient donc une position stratégique forte dans le fret ferroviaire ibérique, parallèlement aux français Captrain-SNCF et CMA CGM. Or la péninsule ibérique, outre ses importants flux internes, va constituer une porte d’entrée majeure vers le reste de l’Europe des flux en provenance du Maroc, du reste de l’Afrique et des Amériques.

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Commentaires
J
Retour sur l'un de vos articles de 2020<br /> <br /> http://raildusud.canalblog.com/archives/2020/12/24/38673353.html<br /> <br /> Tout est dit sur la volonté de certains de développer le fret ferroviaire.<br /> <br /> En France, on réfléchit...
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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