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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
21 avril 2022

Envol du coût de l’énergie : fret ferroviaire et transport public demandent une aide au gouvernement, en vain

 Envolée des prix du gazole pour les locomotives diesel, tension à venir sur les prix de l’électricité pour le réseau électrifié : le secteur du fret ferroviaire français est frappé de plein fouet par la cherté de l’énergie et demande à être traité sur un pied d’égalité avec le transport routier, dont les entreprise de transport de marchandises viennent de recevoir 400 millions d’euros d’aides gouvernementales. Or le gouvernement vient d’opposer une fin de non-recevoir à cette demande, risquant ainsi de pénaliser gravement le rail par rapport à la route. Le transport urbain, laissé lui aussi à l’écart des aides, pressent l’Etat de faire un geste dans le même sens. De plus, devant le blocage des électrifications de lignes qui permettraient d'économiser du pétrole, les industriels (Altsom, Engie) tentent de promouvoir l'alternative de l'hydrogène.

L’Etat aide la route (fret et particuliers) pour alléger sa facture énergétique

 Non seulement le dernier gouvernement du mandat Macron 2017-2021 a décidé d’aider le transport routier de fret, mais il a aussi accordé une prime pour le ravitaillement en carburant à la pompe, véritable « plan de résilience » qui touche autant les particuliers que les professionnels. Les entreprises ferroviaires, pour leur part, sont laissées sur la touche. Le prétexte de la frugalité énergétique du rail par rapport à la route justifie difficilement ce double traitement : les entreprises ferroviaires en France sont lestées des prix des sillons parmi les plus élevés d’Europe – près du double du tarif en Allemagne. Les aides ponctuelles de l’Etat ne  compensent qu’une partie de ce handicap.

DSC04592Rame de fret intermodal en transit à Avignon Centre. Si l'Etat a accepté de prendre à sa charge une partie du paiement des sillons, le prix de ces derniers restent parmi les plus élevé d'Europe. Le prix de l'énergie augmente (hydrocarbures) ou va augmenter (électricité), rognant les marges bénéficiaires des entreprises ferroviaires. ©RDS

 Or avec l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes et les mesures de rétorsions prises par les pays d’Europe occidentale, les prix de l’énergie vont afficher une augmentation moyenne pondérée du prix du kilowatt/heure de 70 % cette année. Le secteur du fret ferroviaire a calculé que le coût supplémentaire pour 2022 peut déjà être évalué à 55 millions d’euros, soit le tiers du montant annuel des aides aux opérateurs pour la relance du fret ferroviaire, de 170 M€. Le 7 avril, cette demande exposée aux représentants des ministères concernés par les représentants de l’alliance Fret Ferroviaire Français du Futur (Alliance 4F), qui rassemble les acteurs de la filière du fret ferroviaire et du transport combiné rail-route en France 4F a été sèchement refusée, sans justification.

La crise énergétique dévore les efforts financiers du gouvernement en faveur du fret ferroviaire

 Franck Tuffereau, coordinateur de l’Alliance 4F, ne décolère pas : « Le gouvernement accompagne massivement le transport routier : il est inconcevable que le fret ferroviaire ne bénéficie pas de mesures comparables ». Il ajoute : « Le transport ferroviaire a montré à quel point il était utile à tous et à tous les territoires : il ne faudrait pas que la crise énergétique vienne effacer tous les récents efforts. Le gouvernement remet en cause les chances de parvenir à l’objectif de doublement de la part modale du fret ferroviaire d’ici 2030. »

 Le 8 avril, l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) et l’Association française du rail (Afra) ont elles aussi demandé que les aides gouvernementales à l’énergie soient étendues aux secteurs qu’elles représentent : transport collectif urbain et péri-urbain, entreprises ferroviaires de tous secteurs, fret comme voyageurs. L’UTP demande ainsi que les autobus des réseaux urbains puissent bénéficier, comme c’est déjà le cas pour les autocars à longue distance (parmi lesquels les « cars Macron »), de l’enveloppe de 400 millions d’euros destinée au transport routier, ce qui n’est étrangement pas le cas pour l’instant.

Chez SNCF Réseau, on rappelle qu’un train de fret c’est 40 camions de moins sur les routes

 Du côté de SNCF Réseau, on préfère insister sur la rentabilité énergétique du chemin de fer. « Le transport de marchandises par le rail est un véritable levier de la transition écologique : un train fret c'est 14 fois moins de CO2/km qu'un poids lourd et 40 camions de moins sur les routes ! », rappelle l’entreprise publique gestionnaire du réseau ferré national lors du salon de la Semaine de l’Innovation Transport et Logistique (SITL) qui réunissait les professionnel du secteur début avril.

MVIMG_20210413_161451620Poids-lourds en transit sur l'autoroute A9, le long de la gare de Montpellier Sud-de-France, sur le Contournement de Nîmes et Montpellier mixte fret-grande vitesse (CNM). Circulant sur cette section autoroutière sans sortie vers Montpellier, ces poids-lourds effectuent pour la plupart des parcours à longue distance, souvent internationaux... tout indiqués pour le rail voisin. Notons que l'un des atouts principaux du CNM - sinon le principal - réside dans sa capacité à accueilllir des convois fret. ©RDS

 Le 6 avril, journée du fret ferroviaire, les partenaires du secteur ont rappelé l’ambition de doubler la part du ferroviaire dans le transport de marchandises d’ici 2030, qui plafonne en France à environ 9 % contre plus du double en Allemagne. SNCF Réseau ambitionne « d’améliorer toujours davantage l'offre de solution de transport intermodal et l'accompagnement des projets logistiques de chacun de nos clients », et de « développer sur les territoires des partenariats innovants avec nos clients pour augmenter la part du rail dans leur transport de marchandises. »

Le manque de financements publics limite l’extension de l’électrification qui émancipe le rail du pétrole

 Côté nature de l’énergie et mode de transmission, la France semble avoir renoncé à étendre l’électrification classique de son réseau en raison des limites du financement public alors qu'il s'agit de la meilleure solution à long terme pour s'émanciper des importations d'hydrocarbures.

Du coup, l’industrie recherche des solutions plus acrobatiques, telles que les « électrifications frugales » avec biberonnage aux stations pour recharger de lourdes batteries embarquées, ce qui permet d’économiser sur la caténaire… mais pas sur le matériel roulant (Marseille-Aix-en-Provence), ou encore la nouvelle tendance des piles à combustibles qui  permet de fournir de l’électricité à partir d’hydrogène embarqué, ce dont Alstom veut se faire une spécialité.

 L’un des acteurs du géant français du ferroviaire explique : « Aujourd’hui, en Europe, on estime à 3.000 le nombre de locomotives de fret qui roulent au diesel. Certains opérateurs brûlent chaque année plusieurs centaines de millions de litres de diesel. » Le pire, poursuit-il, « c’est que si l’itinéraire du train de marchandises inclut des portions électrifiées et d’autres non-électrifiées, certains utilisateurs préfèrent affréter des locomotives diesel sur la totalité du parcours pour éviter les ruptures de charge. Il y a donc des locomotives de fret diesel qui roulent sur des portions électrifiées (sous caténaires) », une « non-sens absolu ».

DSC04588Rame AGC saisie lors d'un croisement à Monteux, sur l'antenne reliant Sorgues-Châteauneuf-du-Pape à Carpentras. Cette courte section de 16,5 km, remise en service en avril 2015 pour le trafic TER après rénovation de fond en comble, n'a pourtant pas été électrifiée, contre toute logique de réseau puisqu'elle constitue un isolat dans un environnement entièrement électrifié. Les TER qui la desservent, tous amorcés à Avignon-TGV, doivent donc être équipés de moteurs diesel et de moteurs électriques. L'économie initiale induit des coûts subséquents (un matériel complexe) et récurrents (un pétrole cher). ©RDS

Alstom et Engie ensemble pour la filière hydrogène, malgré son faible rendement actuel

 Alstom et Engie ont annoncé courant avril un partenariat qui ambitionne de « décarboner » des lignes de fret ferroviaire, pour lesquelles l’unique solution reste le diesel, vorace en pétrole importé. Alstom apporte la solution ferroviaire alimentée à l’hydrogène et Engie apporte la solution de production et de distribution d’un hydrogène 100 % issu d’énergies renouvelables. L’application sur des locomotives de fret pourrait être disponible dès 2025. Cette solution  permettrait d’utiliser le moteur électrique de la locomotive en alimentation directe pour les sections sous caténaires et en alimentation via la pile à combustible nourrie par l’hydrogène embarqué pour les sections non électrifiées telles que de longues installations terminales embranchées, des lignes de desserte fine, des sections classiques non électrifiées.

 Cette option doit encore améliorer le rendement global de la propulsion via l’hydrogène. Elle reste décevante à ce jour, puisque l’énergie de propulsion se limite à 25 % à 30 % de l’énergie mise en œuvre pour produire l’hydrogène. Reste que ces avancées militent aussi pour encourager financièrement le basculement du fret de la route au rail.

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Commentaires
B
Oui Sybic 070, un journal de la région Grand-Est (de L' Aube sans doute (photo de Vendreuve sur Barse)) avait évoqué ça, fin 2018/début 2019 . Pas d' info depuis - il est vrai que la région doit surtout penser, actuellement, à la 2ème phase Nogent-Troyes ; le reste viendra après.
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B
Pour Paris - Troyes, c' est avant tout les usagers qui le demandent depuis longtemps !!!!!!!! En 1995, manifestation à Vesoul pour réclamer l' électrification intégrale de la Ligne 4 !!!!!!!!!<br /> <br /> <br /> <br /> Puis les élus de l' Aube, pour leur participation à la LGV Est . Enfin, Grand-Est a étudier la possibilité d' électrifier jusqu'à Culmont..........ce qui offrirait un itinéraire électrifié bis pour le trafic fret (Haut de France/Benelux/Angleterre) Paris - Dijon (Italie/Espagne (via Cerbère)).
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H
Sait-on qui a décidé d'électrifier Paris - Troyes ? Un ministre peut-être ? Et dans quelle mesure cette investissement a-t-il été déclenché ?
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H
"Un train fret c'est 14 fois moins de CO2/km qu'un poids lourd et 40 camions de moins sur les routes"<br /> <br /> Donc , in fine, c'est 560 fois MOINS que le transport routier !!!
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S
Que l' Etat aide la route (fret et particuliers), cela ne me choque pas - je suis un un particulier, qui ne peut faire sans la voiture, pour le travail (!) - mais l' Etat ne peux laisser le ferroviaire sur la touche, s' il veut se la jouer "écologie" et (soit disant) réduire la place de la voiture.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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