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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
28 mars 2021

Les secondes périphéries urbaines, zones blanches grandes oubliées du transport lourd en «province» (étude)*

(* Avec précision au § 19 sur le déplacement à venir de la halte de Pont-de-Claix, en banlieue de Grenoble et complément sur les projets niçois au § 2 de la partie consacrée à Nice)

Lyon, Grenoble, Nice, Toulon, Avignon, Nîmes, Montpellier, Toulouse… Toutes ces grandes villes de nos régions sont en panne de projets de transport péri-urbain ferroviaire irriguant tout ou partie de leurs secondes périphéries, des « zones blanches », alors que les zones centrales sont déjà correctement desservies.

 Ce blocage trouve certes son origine dans l’insuffisance notoire de financements provenant de l’Etat central. Mais il illustre aussi une conception bien trop centraliste et unipolaire du fonctionnement  des agglomérations françaises. Enfin, il manifeste un évident égoïsme social de la part des populations qui ont pu demeurer ou s’installer dans les villes centre. Elles se débarrassent progressivement des automobiles provenant des grandes périphéries pour protéger leur confort acoustique et respiratoire… tout en s’appropriant trop souvent l’essentiel des investissements en matière de transport public lourd.

Entre les TER et hypothétiques SEM, et les réseaux urbains centraux, de grands vides

 Le sujet a été placé au centre du débat récemment avec le lancement d’appel à études pour les « Services express métropolitains » ou SEM (1). Ces hypothétiques trains express cadencés seront censés circuler sur le réseau ferré national en densifiant l’offre des TER de proximité. Ils exigeront, pour devenir attractifs, d’importants travaux d’extension des infrastructures, qui ont peu évolué depuis l’entre-deux guerres autour des grandes villes françaises hors Paris, à l’exception des aménagements liés à la grande vitesse.

 Pire, dans de nombreux cas, ces infrastructures ferroviaires ont été réduites, soit par suppression de certaines lignes du réseau ferré national rayonnant autour de la ville centre (Montpellier, Annecy, Lyon…) ou maillant l’espace péri-urbain (Marseille, Grenoble…) ; soit par démantèlement des réseaux départementaux qui assuraient une desserte fine et dont la nature se situait entre celle du tramway péri-urbain et celle de lignes régionales (Toulouse, Montpellier, Grenoble, Marseille, Lyon, Nîmes...).

1503 030Rame Alstom en ancienne livrée du train-tram de l'Ouest Lyonnais sur l'antenne de Sain-Bel, en gare de Charbonnières. Ce réseau typiquement péri-métropolitain est néanmoins géré par la région et son infrastructure dépend de SNCF Réseau. Construit à partir de lignes anciennes dont les finalités originelles n'étaient parfois pas celles d'une ligne de banlieue (antenne Tassin-Brignais), ce réseau quasi-autonome reste incomplet en raison d'un manque d'investissements. ©RDS

 A ce jour, alors que ne subsistent plus que des lignes du réseau ferré national autour des grandes villes (Nice faisant exception avec les CP), l’idée de Services express métropolitains (SEM) ne peut que satisfaire la demande de périphéries encore traversées par ces lignes, et relativement éloignées. Il existe donc une quantité de territoires péri-urbains « interstitiels » non desservis par le transport public lourd, au-delà des terminus éventuels des réseaux ferrés urbains (métros ou tramways) :

- ceux qui ne sont pas ou plus traversés par une ligne du réseau ferré national : hinterland de Montpellier, nord-ouest de Grenoble/Bièvre, rive gauche de la Saône ou Brevenne pour Lyon… ;

- ceux qui ne sont plus traversés par des lignes départementales : sud-est et ouest de Lyon, sud-est de Nîmes et Camargue, nord et ouest de Montpellier, sud-est de Grenoble et ouest-Grésivaudan, côte est de Toulon, périphérie de Toulouse et ses sept lignes départementales fermées… ;

- ceux qui sont traversés par des lignes du réseau ferré national mais dont la proximité de la ville centre excluent une desserte ferroviaire dense pour en pas péjorer les temps de parcours des voyageurs provenant de destinations plus éloignées : ouest de Marseille intra-muros...

 Les extensions de lignes ferrées du réseau urbain métropolitain, sous forme de métros ou de tramways accélérés et en complément des futurs SEM, paraissent donc indispensables pour combler ces hiatus qui entraînent des déperditions de temps, des accidents et une pollution sur les grands axes des couronnes urbaines.  Nous allons énumérer quelques-uns de ces manques, que les projets politiques des gouvernements métropolitains paraissent ignorer.

Lyon : un manque criant de transport lourd à l’ouest, malgré le train-tram

 Lyon a remarquablement développé son réseau urbain de tramway vers l’est en récupérant en particulier l’ancienne ligne du Chemin de fer de l’Est de Lyon (CFEL) pour le T3, sur lequel est superposé le tramway express RX jusqu’à la gare-aéroport de Saint-Exupéry. Les extensions du T2 jusqu’à Saint-Priest  et du T4 jusqu’aux abords de Feyzin desservent elles des zones péri-urbaines éloignées, avec de surcroît un centre multimodal TER-tramway-métro à la gare de Vénissieux.

 Les projets du Sytral pour le mandat qui commence poursuivent le maillage de la zone péri-centrale avec le bouclage de la rocade est T6 et sud T10 Gerland-Gare de Vénissieux.  L’axe est-ouest Part-Dieu-Vaise-Ecully (C6) s’opèrera par mode routier.  Un téléphérique est projeté entre Francheville et Gerland. La courte extension sud du métro B jusqu’à Saint-Genis-Laval est un coup parti, pour mise en service en 2023.

Effet du découpage des compétences entre Réseau ferré national (SNCF Réseau, région) et réseaux urbains (TCL, Sytral), délaissement de zones périphériques habitées par des populations expulsées du centre par les prix et les conditions de vie ? Les projets de la Métropole et du Sytral en matière de transport urbain lourd sont massivement concentrés sur la zone dense et centrale de la métropole lyonnaise. On note le blocage de l'extension des réseaux ferroviares (métros, trains ou tramways) sur le tiers ouest de l'agglomération, le train-tram de l'Ouest Lyonnais n'en desservant qu'une partie limitée, au nord et au sud. (Cliquer sur le plan pour obtenir une image détaillée)

 Le manque criant de transport lourd se manifeste à l’ouest, alors même que le nouveau gouvernement métropolitain, présidé par Bruno Bernard (EELV) qui préside aussi le Sytral, autorité organisatrice, vient de remettre en cause la création d’une ligne de métro « E » desservant le plateau du Ve arrondissement et Tassin-la-Demi-Lune.

 Cette remise en question a provoqué une levée de boucliers des anciens responsables du Sytral, son ancienne présidente Fouziya Bouzerda en tête. Cette ligne E aurait permis d’accélérer considérablement les échanges avec l’Ouest Lyonnais en reportant les correspondances vers la seconde périphérie métropolitaine, de Gorge-de-Loup (métro D) à Alaï. Il aurait réduit le nombre de lignes de bus circulant sur l’axe Gorge-de-Loup-Eglise-Demi-Lune, actuellement au nombre de douze. Le terminus projeté de la ligne E, à la Piscine d’Alaï, est desservi directement ou à proximité par six lignes de bus et la branche Brignais du TER train-tram de l’Ouest-Lyonnais.

 Il convient de préciser que ce dernier réseau, partiellement train-tram, Lyon-Saint-Paul-Brignais/Sain Bel/Lozanne fonctionne bien en-deçà de ses potentialités pour deux raisons : une section à voie unique sur son tronc commun, sous le tunnel des Deux-Amants entre Gorge-de-Loup et Ecully ; l’absence d’électrification sur sa branche Tassin-Lozanne. On relèvera par ailleurs que ce service, placé sous l’autorité de la région et exploité par la SNCF, ne figure qu’en pointillés sur le plan des transports publics lyonnais élaboré par la TCL alors qu’il constitue un élément important du maillage de la métropole. Enfin, il convient de souligner que ce train-tram de l’Ouest Lyonnais est loin de desservir l’ensemble de ce secteur collinaire en pleine expansion. Il ne dessert en fait que le sud-ouest et le nord-ouest. L’Ouest central est dépourvu de tout réseau lourd, alors que les communes s’étageant de Craponne à Saint-Symporien-sur-Coise, de Sain-Bel à Sainte-Foy l’Argentière, de Craponne à Mornant connaissent une expansion démographique rapide. (2)

 Rappelons enfin le manque criant de transports lourds et rapides vers la rive gauche de la Saône (ex ligne de tram du « train bleu », ex-ligne SNCF Lyon-Trévoux). Le projet de transformation par la région de cette dernière, à voie unique dotée d’un important viaduc, en bus à haut niveau de service, hésite entre le comique et l’affligeant.  Sur cette même zone nord, notons le blocage à Cuire d’une extension du métro C vers Caluire et au-delà, ainsi que celui du métro B au nord de Charpennes vers le même plateau.

Grenoble ignore ses secteurs sud-est (Vizille), nord-Grésivaudan (Crolles), nord-ouest (Bièvre)

 Grenoble est au centre d’une étoile de trois larges vallées entourées de hautes montagnes, ce qui concentre les flux autour des lignes ferroviaires existantes qui les parcourent (même si celle de Veynes, sous-exploitée, a été sauvée de justesse). Pour autant, la réduction de l’étoile ferroviaire prive des « zones blanches » désormais péri-urbaines situées dans l’arborescence des vallées et des plateaux de transport lourd.

 Antipathies politiques? Aucun projet n’est actuellement avancé, permettant de remédier à cet état de fait qui se traduit par un engorgement routier calamiteux, tant pour les autosolistes que pour les autocars.

 Nous citerons quatre axes manifestement sous-équipés alors qu’ils furent desservis par rail par le passé. Tout d’abord la basse vallée de la Romanche, sur laquelle se trouve Vizille. Jadis reliée au réseau à voie normale par l’antenne Jarrie-Vizille-Bourg d’Oisans du réseau des Voies ferrées du Dauphiné (VFD) et à Grenoble via Gières par un tramway à voie métrique de la même entreprise, Vizille, qui offre encore des tarifs de logement abordables, n’est plus reliée que par un service périurbain routier cadencé, régulièrement englué dans les embouteillages du cours Jean-Jaurès à sa sortie de la gare de Grenoble. Le projet de rétablir une liaison ferrée depuis Jarrie, permettant un service ferroviaire depuis Grenoble via la ligne de Veynes, est profondément enfoui dans les cartons.

 Rappelons encore que ladite ligne de Veynes tangente le terminus de la ligne A de L’Etoile à Pont-de-Claix, sans offrir la moindre correspondance. La métropole de Grenoble a préféré jusqu'ici investir dans un « téléphérique urbain » en rocade Fontaine-Saint-Martin-le-Vinoux desservant la presqu’île technologique pour le prix d’une ligne de tramway. Finalement, un déplacement de la halte de Pont-de-Claix de la ligne de Veynes au niveau du terminus de la ligne A devrait (3) voir le jour en 2023 pour 4 à 5 millions d'euros, soit quatre ans après l'extension de cette ligne de tramway à Pont-de-Claix l'Etoile (2019).

DSCN1707Rame de la ligne A du réseau TAG de Grenoble en approche de son terminus de Fontaine La Poya. L'extension vers Sassenage est indéfiniment reportée, malgré es demandes pressantes des communes concernées, qui appartiennent à cette deuxième périphérie contrainte au seul mode routier. ©RDS

 Le deuxième axe à moyenne distance en souffrance est celui de la rive droite de l’Isère en amont de Grenoble, dans la vallée du Grésivaudan. Jadis desservi par le tramway Grenoble-Chapareillan (GC) qui disposait même sur certaines sections d’une plate-forme propre, cet axe est privé de tout système lourd en site propre. Des lignes de bus, découplées entre desserte fine et desserte directes transversales, offrent un service à fréquence moyenne à réduite, à des prix à l’unité prohibitifs. Ces lignes ex-départementales devraient être intégrées au réseau urbain du SMAG, le syndicat mixte des transports, commun à la métropole et aux intercommunalités voisines. Mais la réforme administrative ne modifiera en rien le caractère routier du système. La création d’une antenne tramway à longues interstations dérivée de la ligne C à partir du boulevard Jean-Pain et courant vers Crolles par Meylan, Montbonnot, Saint-Ismier constituerait un investissement auquel les gestionnaires grenoblois préfèrent apparemment un bus « à haut niveau de service » de plus, dont la principale caractéristique est de rester un bus routier.

 Troisième axe péri-urbain privé de desserte lourde, la rive gauche de l’Isère en aval de Grenoble alors que la rive droite est desservie par la ligne E du tramway jusqu’au Fontanil et par les gares TER de Saint-Egrève, Voreppe et Moirans. Voici des années que la municipalité de Sassenage demande la prolongation de la ligne A du tramway au-delà de Fontaine-La Poya, en vain malgré pétitions et référendum. Pourtant, l’urbanisation (résidentielle et industrielle) jusqu’à Veurey-Voroise est intense. Cette « zone blanche » en matière de transport lourd mêle espaces péri-urbains proches et moyennement éloignés. Et ne vote probablement pas comme il faudrait.

 Dernière « zone blanche » péri-urbaine éloignée, l’ouest-voironnais, soit la plaine de la Bièvre depuis  Rives jusqu’à Beaurepaire voire la vallée du Rhône, via Beaucroissant, Izeaux, Saint-Etienne de Saint-Geoirs (aéroport), et la proximité de La Côte Saint-André. Jadis desservie par la ligne du réseau ferré national Izeaux-Saint-Rambert d’Albon, ses derniers trains de voyageurs furent supprimés en 1939, mais un autorail quotidien relia encore jusqu’en 1958 Grenoble à Annonay. Les collectivités locales – Beaurepaire en tête – demandent sa réouverture pour le fret. Cet axe pourrait aussi servir à la desserte voyageurs d’une plaine en croissance démographique et à l’activité soutenue. On ne connaît aucune initiative, ni de la métropole de Grenoble, ni de la région Auvergne-Rhône-Alpes, en faveur de sa réouverture.

Montpellier, privée de cinq des sept branches de son étoile ferroviaire, préfère… les voies vertes !

 Montpellier et sa métropole est un exemple criant de la destruction du patrimoine ferroviaire périurbain depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Située sur la magistrale languedocienne Tarascon-Sète (ex-PLM), Montpellier a perdu ses lignes du RFN vers Sommières et Alès, Paulhan,   Faugères, et ses lignes du réseau départemental à voie normale vers Palavas et la mer, Gignac et Rabieux (Lodève), Pignan et Montbazin (puis le nord de l’étang de Thau). Si le réseau de tramway moderne a récupéré une courte section (T2 vers Saint-Jean-de-Védas) et a rétabli un axe vers la mer (T3 jusqu’à Pérols mais… sans atteindre les plages !), les anciennes pénétrantes ferroviaires du RFN sont censées depuis peu être transformées en ces « voies vertes » qui masquent l’incapacité dramatique des responsables à penser le transport de masse.

 Ces « voies vertes » courront vers Castries et au-delà, vers Fabrègues, le long d’axe routiers sursaturés et accidentogènes au cœur de cette « seconde périphérie », de ces « zones blanches » peuplées de classes moyennes ou déclassées exclues du centre de la ville mondialisée et disruptive, devenue hors de prix.

  Pourtant, une extension de la ligne T3 au nord pour donner une correspondance aisée au faisceau de lignes de bus vers le Cœur d’Hérault – voire jusqu’à Gignac, parallèlement à l’autoroute A750 et à l’ancien axe ferroviaire local – paraît appropriée. De même, une extension de la ligne T2 jusqu’à Fabrègues et Poussan, pourtant étudiée sous des mandats précédents mais ensuite enterrée, permettrait, avec un tramway à vitesse maximale de 100 km/h, un saut qualitatif considérable sur un axe dont les dessertes bus (vitesse, tracé, fréquence) sont calamiteuses. Le pôle d’échange du futur terminus de la T5 à la limite de Lavérune ne saurait s’y substituer.

DSCN2872Amorce de l'ancienne ligne du Réseau ferré national vers Paulhan, au départ de la station Saint-Jean-le-Sec de la ligne du 2 réseau TaM de Montpellier. Les terrains ont été cédés à la métropole qui avait annoncé vouloir y installer une "voie verte", concept minimaliste à la mode pseudo-écologique qui consiste à liquider définitivement l'idée de chemin de fer. Pourtant, les voiries avoisinantes sont surchargées et un projet existe d'extension de la ligne 2 jusqu'à Poussan. ©RDS.

 Montpellier ayant choisi la gratuité du transport public, il y a fort à parier que la desserte de ces grandes périphéries restera en l’état. Les « bobos » de la ville-phare pourront venir y prendre l’air à vélo sur les anciennes voies ferrées.

Toulouse, des métros pour le centre, des TER efficaces mais de vastes « zones blanches »

 L’agglomération toulousaine bénéficie encore de tous ses axes ferroviaires du RFN, aucun n’ayant été supprimé comme ils l’ont été à Montpellier. On en compte six, si l’on inclut la ligne de l’Ariège amorcée au sud de Portet-Saint-Simon sur la ligne Toulouse-Bayonne.

 Plutôt bien desservis au regard des normes de la « province » française, ces axes sont l’objet de revendications de la part d’un collectif de citoyens et d’élus (« Rallumons l’Etoile ») pour les transformer en véritable réseau express régional (4). Un projet, financé, d’amélioration de l’axe vers Montauban avec répartition des trafics sur quatre voies jusqu’à Castelnau d’Estrétefonds (5) et intensification de la desserte ferroviaire de la seconde couronne péri-urbaine avance. Il n’inclut toutefois pas un saut-de-mouton qui permettrait, à Matabiau, d’assurer une desserte transversale de même densité entre la ligne de Narbonne et celle de Montauban.

 Enfin, l’axe à voie unique Toulouse-Auch est notoirement sous-équipé malgré de récentes améliorations. Une électrification économique pourrait être facilitée dans le cadre d’un basculement en 3.000 V du réseau ferroviaire électrifié en 1.500 V.

 Pour autant, des zones entières sont privées de toutes liaisons lourdes. Au sud-ouest, les axes vers Cugnaux et Villeneuve-Tolosane, Plaisance-du-Touch et Saint-Lys, étaient desservis par les voies locales métriques des Chemins de fer du Sud-Ouest. Le grand quart est était desservi par la ligne de la même compagnie vers Lanta et Caraman. Le quart nord était irrigué, outre les lignes du RFN vers Saint-Sulpice et Montauban, par les lignes métriques vers Vaquiers et Villemur, et vers Blagnac, Cornebarrieu, Lavignac/Grenade, Cadours. Cet ensemble d’une rare densité a entièrement disparu.

2015Rame de la ligne 1 du tramway de Toulouse à son terminus de l'aéroport de Blagnac. Des lignes de tramways et chemins de fer périphériques, toutes à voie métrique, irriguaient les vastes zones éloignées des lignes du réseau national. Aujourd'hui, malgré leur forte croissance démmographiques, elles ne sont desservies qu'en mode routier, tandis que les projets de développement en mode lourd (métro ligne 3) restent centrés sur la partie centrale de la métropole. ©RDS

 Ces localités de moyenne et grande périphérie sont en forte expansion démographique. A titre d’exemple, Plaisance-du-Touch, à une quinzaine kilomètres du centre de Toulouse, a vu sa population passer de 1.600 habitants en 1960 à 19.000 cette année, soit une multiplication par douze. Elle est desservie par la ligne de bus articulés « L3 », en terminus-correspondance à Arènes avec le métro, station atteinte en 25 minutes pour 12 km.

 Dans le même secteur, Saint-Lys, à 25 km de Toulouse, a vu sa population passer de 1.400 habitants en 1960 à 9.500 habitants de nos jours, soir une multiplication par presque sept. Elle est reliée par bus à Toulouse par la ligne 116 jusqu’à Plaisance en 35 mn pour 11 km, puis deux correspondances pour rejoindre le centre de la ville rose. Il est aussi possible de passer par la gare TER de Muret située à 16 km, via la ligne 315 en environ 55 minutes.

 Lanta, à 19 km du centre de Toulouse, a vu sa population passer de 874 habitants en 1968 à 2.200 de nos jours, soit une multiplication par 2,5. Un bus régional (LiO) de la ligne 356 relie Lanta à la gare Matabiau en un temps de parcours qui varie entre 40 mn et 1 h 08 mn en pointe…

 Le mode routier paraît incontournable pour ces zones en forte expansion démographique et en desserte par mode ferroviaire désormais inexistante. On ne connaît pas de projet d’extension de lignes ferrées au-delà de la zone centrale de Toulouse.

Nice, Toulon, Marseille, Avignon, Nîmes : des projets… et des vides

 Ces quatre cas de Lyon, Grenoble, Montpellier et Toulouse montrent l’état d’abandon de nombreuses zones périurbaines de la deuxième couronne. Pour cinq autres agglomérations des trois régions étudiées (Nice, Toulon, Marseille, Avignon et Nîmes), les situations sont assez semblables, à l’échelle de chacune d’elles.

 Nice met à l’étude en ce moment sa quatrième ligne de tramway, qui courra sur 7,1 km du quartier ouest de Saint-Augustin et de l’aéroport, le long de la côte vers l’ouest jusqu’à Saint-Laurent du Var et Cagnes-sur-Mer. Elle doublera sur les trois-quarts de son parcours l’axe du réseau ferré national sursaturé et dont le triplement a été abandonné entre Cagnes et Nice-Ville. Ce beau projet s’adresse précisément à une zone de deuxième périphérie.

 Par ailleurs, le projet de prolongation du réseau de tramway dans la vallée du Paillon vers Drap-Cantaron est acté et devrait se concrétiser par étapes au cours de la décennie. Là encore, la deuxième périphérie est visée, la desserte fine complétant la desserte par TER de la ligne de Breil. 

 En revanche, Nice pâtit de la sous-exploitation, du sous-équipement et de l’isolement de la partie urbaine et suburbaine de la ligne à voie métrique des CP Nice-Digne. Malgré un gros effort d’entretien et d’augmentation de la fréquence sur la partie suburbaine, cette ligne conserve un format « local » marqué : ni double voie, ni électrification, ni matériel de grande capacité, aucune intégration au réseau urbain structurant du centre de Nice. L'isolement est aggravé avec le recul du terminus depuis le grand boulevard Malausséna vers un quartier voisin improbable, avec remplacement de la gare monumentale historique par un petit bâtiment béton.

 La bonne administration du transport métropolitain voudrait que cette ligne soit prolongée en souterrain vers une correspondance avec la ligne 1 du tramway d’une part, et mise en souterrain en amont de la gare terminus actuelle, le tout avec création de sections à double voie et électrification. Mais à l’évidence on n’est pas d’ans l’esprit des élus des villes de Valence ou de Bilbao en Espagne, qui ont su transformer leurs lignes locales radiales en transversales de type métropolitain.

 Notons au passage que la ligne Digne-Nice ne rouvrira dans son intégralité qu’à l’été 2022 en raison de la réhabilitation du tunnel de Moriez.

 Toulon étudie l’adaptation de sa transversale du RFN à un trafic de type SEM avec mise en service d’une nouvelle halte à l’est. (6) En revanche, l’abandon de tout projet de tramway urbain interdit toute extension du mode ferroviaire autour de la rade d’une part, vers l’intérieur d’autre part, zones de fort développement urbain.

 La desserte vers Hyères, si elle a été remarquablement réactivée par TER via La Pauline, souffre de la liquidation de la ligne métrique Toulon-Saint-Raphaël via Le Pradel, Hyères, La Londe, et toute la côte des Maures. Ce fut une perte majeure d’un outil remarquable pour cette région touristique. Elle trahit le manque dramatique de vista de la part des élites françaises, locales comme nationales, en matière de transport public et d’aménagement du territoire.

DSCN3163En première périphérie de Toulon, une vue saisie depuis la ligne Marseille-Nice du quartier qui devrait être desservir pas la nouvelle station de Sainte-Musse. Un service cadencé métropolitain est prévu d'est en ouest mais la relativement faible capacité de cet axe chargé de trafics locaux, régionaux et à grande distance, en limitera le développement. ©RDS

 Marseille est caractérisée par la multipolarité exemplaire de sa zone d’influence. La non exploitation voyageurs de lignes de maillage du RFN ou du RDT13, en particulier Aix-Rognac ou Le Pas des Lanciers-Marignane, ainsi que l’extension abandonnée d’Aubagne vers La Barque ou la ligne de contournement nord de Gardanne à Carnoules, la non-électrification de Marseille-Aix-Pertuis sont autant d’occasions manquées de soulager un réseau routier et autoroutier au trafic cauchemardesque.

on applaudie néanmoins au projet, à moyen terme, d'extension de la ligne 2 du métro au sud, jusqu'à La Pomme, station TER. Ce beau maillage bénéficiera aux périphéries sud-est. Rappelons que l’aire Marseillaise comporte sept pôles principaux : Marseille, Aix, la côte est vers Toulon, le nord Berre (Rognac, Vitrolles…), le sud Berre (Marignane, Martigues), l’est-Berre (Fos, Istres, Miramas), la Crau (en fort développement) et Arles. Le défi principal consiste à mettre ces zones en relation par des axes lourds. Le réseau actuel n’y suffit pas, à l’évidence.

 Avignon, à cheval sur trois départements et deux régions, a courageusement amorcé la mise en service d’un réseau de tramway. Il relie efficacement les quartiers résidentiels du sud-est au centre-ville, tous deux séparés par les césures de voiries à grande circulation et des voies de chemin de fer. En revanche, son extension vers la première périphérie du Pontet a pour l’instant été abandonnée, maintenant l’isolement de cette commune à problèmes. Son extension vers l’ouest se limitera à une section entre Saint-Roch, actuel terminus central de la ligne 1, et l’île de la Bartelasse, où se trouve un important parc à voitures de dissuasion.

DSCN2197Tête est du pont Edouard Daladier sur le Rhône, à Avignon. L'extension du tramway l'emprutera, en voie unique, depuis l'actuel terminus Saint-Roch, le long des remparts sud. Mais la ligne ne franchira qu'un des deux bras du fleuve, jusqu'à l'île de la Bartelasse, et n'atteindra pas Villeneuve-lès-Avignon, sur la rive droite. Cette périphérie résidentielle et active ne bénéficiera pas d'un transport public ferré, pas plus qu'à l'opposé la commune populaire du Pontet. ©RDS 

 Une desserte compétitive de la seconde périphérie imposerait pourtant de rejoindre Villeneuve-lès-Avignon sur la rive gardoise du Rhône, et le Pontet au nord-est. Côté RFN, une intensification de l’offre TER vers L’Isle-sur-la Sorgue et vers Orange et une électrification de la section Sorgues-Carpentras remise en service durant la dernière décennie semblent s’imposer. La réouverture aux voyageurs de la section sud de la rive droite du Rhône (7) offrira une alternative efficace à la route vers le Gard rhodanien.

 Nîmes, enfin, ne peut compter que sur les lignes du réseau ferré national pour développer ses liaisons lourdes vers ses secondes périphéries. Le réseau métrique des Chemins de fer de Camargue qui desservait le sud-est vers Bouillargues, Arles/Saint-Gilles, électrifié, a été liquidé. Aucun projet de tramway n’a abouti, laissant la place à des bus « à hauts niveau de service » aux véhicules aussi « design » qu’ils sont moyennement capacitaires, circulant sur des voiries pas toujours protégées.

 Les perspectives d’amélioration des dessertes de la deuxième périphérie et de ses « zones blanches » sont portées par quatre possibilités. D’abord l’amélioration de la fréquence de la ligne du Grau-du-Roi (8) qui dessert en particulier Vauvert. Ensuite l’amélioration des dessertes TER de l’axe languedocien déchargé d’une large partie de son fret grâce au CNM, avec déplacement et mise en réseau de la gare de Nîmes-Saint Césaire (9). Puis la construction, depuis longtemps projetée et reportée, d’une station de périphérie sur la ligne d’Alès et des Cévennes, rendue d’autant plus jusifiée que le temps de parcours vers Nîmes Centre a été réduit par construction du viaduc de Courbessac, qui éviter le rebroussement historique des trains en amont de la gare centrale.

 Soulignons le rétablissement en vue du service voyageurs sur la ligne de la rive droite du Rhône, permettant de créer des stations de périphérie à Margueritte et Remoulins, au nord-est de Nîmes. Enfin, l’intercommunalité nîmoise a entrepris de mettre à l’étude préliminaire la possibilité d’une réouverture sous forme de train-tram de la ligne Saint-Césaire-Sommières, qui dessert un important chapelet de communes résidentielles (Caveirac, Calvisson, Congéniès…) reliées par une voirie surchargée et accidentogène.

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(1) Notre article sur le concept de SEM :

SNCF Réseau et les Services Express Métropolitains (SEM) : un siècle de stagnation ou de liquidation des lignes à rattraper - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Figée dans son centralisme parisien, la France n'a pas doté ses autres grandes agglomérations de services ferroviaires cadencés péri-urbains, de grande capacité, dotés de voies souvent dédiées, autrement dit des " RER ".

http://raildusud.canalblog.com

(2) Notre étude sur la zone centrale de l'Ouest Lyonnais :

Ouest Lyonnais ferroviaire : on oublie une zone essentielle, la partie centrale (Etude) - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Lyon-Gorge-de-Loup côté Train-tram de l'Ouest Lyonnais. Les branches ne desservent en fait que le nord et le sud de la zone de l'ouest de Lyon, laissant aux routes surencombrées la partie centrale.

http://raildusud.canalblog.com

(3) Article sur le projet de téléphérique grenoblois :

Grenoble : contrat voté pour le téléphérique Métrocâble à 65 millions d'euros sur 3,7 km avec 5.000 voyageurs/jour - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

La liaison par transport public d'une rive à l'autre de la presqu'île située au nord de la commune de Grenoble, soit entre Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux implique le franchissement du Drac, de l'Isère, de deux autoroutes et d'une voie de chemin de fer du réseau ferré national.

http://raildusud.canalblog.com

(4) Sur les demandes du collectif Rallumons l'Etoile :

La 3e ligne du métro de Toulouse reportée à 2025 en raison des pertes fiscales et commerciales du Covid19, pressions pour un RER - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Les finances du projet de troisième ligne du métro de Toulouse sont lestées par des pertes atteignant 154 millions d'euros pour la seule année 2020 en raison de la " crise sanitaire " du Covid19, entraînant un report de trois ans de la mise en service de la troisième ligne de métro, de 2025 à 2028.

http://raildusud.canalblog.com

(5) Sur les Aménagements ferroviaires du Nord de Toulouse (AFNT) :

Récemment validés, les aménagements ferroviaires au nord de Toulouse visent autant le périurbain que la grande vitesse - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

La déclaration d'utilité publique des aménagements ferroviaires du nord de Toulouse (AFNT) a été rétablie courant avril par la cour administrative d'appel de Bordeaux après avoir été annulée par le tribunal administratif de Toulouse en juin 2018 à la demande d'opposants à la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, élément central du Grand projet ferroviaire Sud-Ouest (GPSO) dont le coût est évalué à 7,5 milliards d'euros.

http://raildusud.canalblog.com

(6) Sur le projet d'axe SEM toulonnais :

Toulon : la future halte de Sainte-Musse, élément d'une transversale ferroviaire métropolitaine - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

La future halte ferroviaire de Sainte-Musse à Toulon sur la ligne Marseille-Nice aidera-t-elle à juguler la submersion automobile de la troisième métropole provençale en valorisant la transversale ferroviaire métropolitaine ? Toulon Provence Méditerranée, 435.000 habitants et 12 communes, est enserrée en son centre entre mer et montagne et s'étend de part et d'autre entre dépressions intérieures et presqu'îles autour de sa rade somptueuse.

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(7) Sur la réouverture aux voyageurs de la section sud de la ligne Givors-Grézan :

Rive droite du Rhône : l'Occitanie veut accélérer le projet de TER Pont-Saint-Esprit-Avignon-Nîmes et lance une concertation - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

La réouverture au service voyageurs de la partie méridionale de la ligne de la rive droite du Rhône (ligne Givors-Canal-Grézan) fait l'objet d'une concertation du 13 novembre au 14 décembre suite à la relance du projet par la région Occitanie avec SNCF Réseau.

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(8) Notre étude sur la ligne Nîmes-Le Grau-du-Roi :

Nîmes-le Grau-du-Roi : un fort potentiel, une offre sous-dimensionnée, des gares tiers-mondisées, un terminus malmené - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

La ligne Nîmes-Le Grau-du-Roi est le dernier reliquat de l'important réseau de la Camargue occidentale. Longue de 45 km depuis Nîmes-Centre (41 km depuis la bifurcation de Saint-Césaire), elle est l'exemple typique de la tiers-mondisation d'une ligne à fort potentiel péri-urbain, touristique et fret, classique dans cette " France des territoires " abandonnée par les élites nationales au monopole de la route.

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(9) Notre article sur la valorisation de la station TER de Nîmes Saint-Césaire :

La station TER de Nîmes Saint-Césaire, améliorée et déplacée, future porte d'entrée des quartiers rénovés de l'ouest nîmois ? - Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est

Située à la jonction de la ligne maîtresse Tarascon-Sète et de l'antenne Nîmes-Le Grau-du-Roi, la station TER de Nîmes Saint-Césaire, située dans les quartiers ouest de la commune de Nîmes, pourrait être promise à un bel avenir.

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Commentaires
L
Pour Nice, on peut également ajouter la future ligne de tramway confirmée ces derniers jours jusqu'à Drap
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E
Pour Grenoble, le déplacement de la halte ferroviaire de Pont-de-Claix au terminus de la ligne A semble bien parti:<br /> <br /> https://www.pontdeclaix.fr/actualites/deplacement-de-la-gare-sncf
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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