Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
17 septembre 2020

Urgence de la ligne binationale Lyon-Turin : 92,2 % du fret sur route entre France et Italie, 29,8 % entre Suisse et Italie

 Les travaux préparatoires à l’excavation des 162 km des galeries du tunnel de base bitube de la future liaison ferroviaire Lyon-Turin avancent.  En juin, l’importante base travaux de Chaumont (Chiomonte), en Italie, a été étendue. Elle est située sous le double pont  de l’autoroute du Val Suza. De là partiront des engins tunneliers destinés à forer les ouvrages en direction de l’est, sous le flanc sud du Val Suza. Le 10 juillet, le marché des quatre puits d'Avrieux, (à 6 km de Modane) a été attribué à Vinci (220 millions d'euros) avec démarrage au cours de l'été pour 36 mois. Ces quatre puits de 500m de profondeur et 5,20 m de diamètre assureront la ventilation des tunnels. Le marché comprend en outre l'excavation de sept cavernes de 22 m de hauteur et 23 m de largeur destinées à monter des tunneliers qui foreront vers l'Italie la partie est de la section internationale.

 Le projet Lyon-Turin prend forme, annonçant un basculement du fret France-Italie de la route au rail, alors que le camionnage est aujourd'hui le mode de transport archi-dominant. 

Entretien avec le responsable des travaux côté italien, publié par le promoteur public binational TELT (Tunnel euralpin Lyon-Turin).

 La Commission européenne a publié les chiffres du trafic de fret dans les Alpes pour l’année 2019. Il ressort ainsi qu’entre la France et l’Italie :

-          46 millions de tonnes de marchandises ont transité à la frontière franco-italienne (+ 1,7% par rapport à 2018).

-          Seulement 7,8 % de ces marchandises ont été transportés par la voie ferrée contre 92,2 % par la route, avec plus de trois 3 millions de poids-lourds au cours de l’année »).

En revanche, entre la Suisse et l’Italie, la situation est radicalement différente :

-          40 millions de tonnes ont été échangées au cours de l’année 2019.

-          70,2 % de ce volume a été transporté par les voies ferrées et seulement 29,8 % par la route.

 En moins de 30 ans, les Suisses auront percé trois grands tunnels ferroviaires alpins de nouvelle génération, sur le même principe que celui du Lyon-Turin : de longs tunnels « de base », évitant les fortes déclivités encadrant les tunnels anciens percés en altitude, dits tunnels « de faîte ». Au total, 107 km de liaisons souterraines ont été percées, la dernière mise en service, le 4 septembre, étant le tunnel du Ceneri (16,4 km), en prolongement du Gothard (57 km en 2016). Le Lötschberg (34,6 km) avait été mis en service en 2007.

 Ces nouveaux ouvrages bitubes entièrement financés par la Confédération, alliés à une politique ambitieuse en faveur du rail et à une taxation du trafic routier, ont connu un succès considérable qui a contribué à faire des Suisses les champions du ferroutage. On soulignera qu'aux votations populaires, les écologistes suisses avaient appelé à voter - en vain - contre le percement de ces tunnels de base. Les Verts français tels Grégory Doucet, nouveau maire EELV de Lyon, demeurent sur la même ligne...

Au moins la moitié des marchandises pourra transiter par la nouvelle ligne Lyon-Turin

 On estime qu’au moins la moitié de ces marchandises pourra transiter par la nouvelle ligne Lyon-Turin. La transformation de la ligne de montagne en chemin de fer de plaine permettra d’économiser 40 % de l’énergie, ce qui rendra le transport ferroviaire plus compétitif, avec un bénéfice significatif pour l’environnement et l’économie.

 Il est important de noter qu’en ajoutant aux bassins de Lyon et de Turin ceux de Milan et de Paris, ces quatre agglomérations représentent plus de 20 millions d’habitants. On pourrait y ajouter les régions Occitanie et Catalogne à l’ouest,  l’Emilie-Romagne et ses au-delà vers l’Europe centrale à l’est.

 TELT, « Tunnel Euralpin Lyon Turin », est le promoteur public en charge de la réalisation puis de la gestion de la section transfrontalière de la future liaison Lyon Turin. L'Etat est, pour la France, l'unique actionnaire, à hauteur de 50 %. L'Italie pour sa part est représentée par FS (chemins de fer italiens) également à hauteur de 50 %. La section transfrontalière de la nouvelle liaison Lyon-Turin a une longueur d'environ 65 km entre Saint-Jean-de-Maurienne et Susa/Bussoleno. L'ouvrage principal de cette section est le nouveau tunnel de base bi-tube de 57 km.

La ligne Lyon-Turin, partie essentielle du corridor méditerranéen, mais le maillon faible restera Grenoble-Valence

 La ligne Lyon-Turin avec, côté français, ses lignes d’accès comportant plusieurs tunnels de moindre longueur (Chartreuse, Belledonne…), constitue une partie essentielle du corridor méditerranéen, l’un des 9 axes ferroviaires du réseau RTE-T, le « réseau métropolitain » des pays membres de l’UE. La ligne ferroviaire entre la France et l’Italie est l’anneau central du corridor méditerranéen qui reliera Algésiras (Espagne) à Budapest (Hongrie), desservant 18 % de la population européenne et alimentant 17 % du PIB communautaire. Cet axe unira l’est et l’ouest du continent, traversant 7 des 9 corridors.

 Côté français, le maillon faible de la liaison Sud-Ouest/Espagne-Italie est la ligne Grenoble-Valence, qui reste à voie unique entre Saint-Marcellin et Romans-Bourg-de-Péage, malgré une modernisation-électrification récente et le rétablissement de la double voie entre Moirans et Saint-Marcellin. Or la désaturation du noeud ferroviaire lyonnais pourrait imposer, entre autres, l'usage de l'axe du sillon alpin pour les flux ne desservant pas Lyon, moyennant une jonction entre la Transalpine et le sillon alpin.

Lyon-TurinCarte des corridors ferroviaires européens. La liaison  entre l'Europe centrale et la péninsule ibérique via l'Italie du Nord et la France du Sud figure en vert. Le passage par Lyon pourrait être évité par un transit via le sillon alpin modernisé Chambéry-Grenoble-Valence, ligne qui ne figure pas sur cette carte. Or il demeure une section à voie unique entre Saint-Marcellin et Romans-Bourg-de-Péage.

 L’utilité de la liaison Lyon-Turin est documentée par sept études socio-économiques menées entre 2000 et aujourd’hui par des organismes qualifiés qui ont pris en considération le volume des échanges commerciaux le long du corridor méditerranéen, les prévisions du trafic et l’impact environnemental dans un écosystème fragile comme celui des Alpes, indiquent ses promoteurs.

Le soutien ferme du commissaire européen aux Transports, Adina Valean

  Adina Valean, commissaire européen pour les Transports, a déclaré le 11 mai dernier que la ligne Lyon-Turin « est un projet indispensable à notre réseau et nous la considérons une des valeurs ajoutées des corridors européens, qui ne peut manquer car, comme certains le demandent, nous avons l’exigence de nous déplacer le plus possible en train ; nous devons donc réaliser ces interconnexions ».
Selon une étude publié par la Translpine et Sia Partners, la réalisation du projet Lyon-Turin impactera le budget de l’Etat français dans une fourchette comprise entre 3,9 et 6,6 milliards d’euros étalés sur 20 à 30 ans. Rappelons que la construction du métro du Grand Paris Express (60 stations) est budgété pour 38 milliards d’euros…

DSCN2065Train de fret sur la ligne du sillon alpin Grenoble-Valence, à Valence-TGV. Récemment électrifié, cet axe permettra un évitement du noeud ferroviaire lyonnais par les flux Espagne/France du Sud-Ouest-Italie du Nord. ©RDS

 Le 8 juillet, la nouvelle 4F, qui rassemble l’ensemble des opérateurs et acteurs du fret ferroviaire français, était auditionnée par la commission Développement Durable de l’Assemblée nationale française pour présenter son ambitieux plan de relance de la filière. Interrogé sur le Lyon-Turin, Franck Tuffereau, délégué général de l’Association Française du Rail et coordinateur de l’alliance 4F, a estimé que « le Lyon-Turin nous semble une infrastructure essentielle ». Soulignant les fortes pentes (33 ‰) et le profil de la ligne existante « qui limitent les flux et les valeurs de charges », il rappelait la nécessité de recourir à « des pousses obligatoires qui nécessitent une logistique technique impressionnante pour pouvoir passer ces flux ».

  Les pentes de la ligne d’accès au tunnel de faîte exigent deux voire trois locomotives pour tracter à vitesse réduite des trains de faibles volumes. Les surcoûts d’exploitation dissuasifs sont de l’ordre de 40 % par rapport à une ligne en profil de plaine comme le sera la future liaison Lyon-Turin.

Le coordinateur de l’alliance 4F poursuivait : « Je dis simplement que sur le Lyon-Turin, on a 20 ans de retard. Il y a plus de 20 ans, les Suisses ont dit ‘’on ne veut plus de camions dans nos montagnes mais en contrepartie on creuse sous les montagnes pour faire passer des trains’’. »

Le maire « écologiste » de Lyon est contre le Lyon-Turin alors qu’il y a quinze ans les Verts étaient pour

Désormais le projet Lyon-Turin a atteint un point de non-retour, n’en déplaise au maire « écologiste » de Lyon Grégory Doucet dont l’une des premières prises de position après son élection en juin a consisté à condamner ce projet international. Pourtant, avant de s’y opposer à partir de 2012 pour prendre leur distance avec les socialistes et récupérer leur électorat, les écologistes français, au contraire de leurs homologues italiens, avaient soutenu le Lyon-Turin pendant plus de 20 ans.

Lyon-Turin RouteScène de transport de fret transalpin entre la France et l'Italie. Le basculement de la route vers le rail était considéré comme une priorité par les Verts rhônalpins en 2005. En 2020 le nouveau maire de Lyon, l'écologiste Grégory Doucet, dénonce le Lyon-Turin... (DR)

 En décembre 2005, Gérard Leras, président du groupe des Verts au Conseil régional Rhône-Alpes, avait dénoncé à Chambéry « un déficit d’informations terrible ». Il précisait : « Vus les tonnages qui circulent entre la France et l'Italie, le transfert du fret sur le rail, via cette future ligne, pour laquelle il ne faut plus parler de train à grande vitesse, est incontournable et il n'y a pas d'alternative ».

 Rappelons que l’UE a misé sur la réalisation du réseau RTE-T, qui prévoit depuis les années 1990 neuf corridors pour connecter rapidement, efficacement et durablement le continent à travers 17.500 km de voies ferrées reliant ports, aéroports, plateformes multimodales et grandes agglomérations. Les Réseaux TransEuropéens de Transport forment, indique les services de la Commission européenne, « un ensemble d’infrastructures de transport intégrées conçues pour soutenir le marché unique, assurer la libre circulation des personnes et des marchandises et renforcer la croissance, l’emploi et la compétitivité dans l’Union européenne ».

 

Publicité
Publicité
Commentaires
V
En Autriche, la part du fret interalpin est de 30 % pour le rail, sans tunnel récent, mais en passant par le Brenner, qui date de 1867...
Répondre
D
Transférer des camions sur les rails nécessite d'avoir des infrastructures adaptées, mais il y aurait sans doute besoin de proposer de la fréquence sur les trains de route roulante. Avec 1 train par jour on n'est guère attractif. En plus le volume transporté est de facto limité au nombre de wagons du train soit une quantité négligeable par rapport à ce qui empreinte les autoroutes parallèles.
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité