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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
29 mai 2020

La ligne des Cévennes, 303 km entre Nîmes et Clermont-Ferrand, fête ses 150 ans malgré sa relégation par l’Etat (1/3)

 Le 16 mai dernier, à peine sortie du coma collectif dû au confinement, la « ligne des Cévennes » Nîmes-Clermont-Ferrand fêtait en silence son 150e anniversaire. En effet, le 16 mai 1870 était inaugurée sa longue section centrale Villefort-Langeac, longue de 106,25 km et dotée de 69 tunnels, ouverte à la circulation par le PLM. Une série de manifestations était prévue cette année de fin juin à fin août, avec divers trains commémoratifs. Elle a dû être reportée en 2021 pour cause de paralysie sanitaire. Les organisateurs réfléchissent cependant à l'organisation d'un événement d'une journée en extérieur sur l'ensemble de la ligne, dès cette année.

 Les associations d’usagers, de militants pour son maintien et sa modernisation, ainsi que les offices du tourisme de la région sont plus que jamais engagés, autour du site www.150anstraincevenol.info (lien en fin d'article).  Cette ligne, élément fort de l’identité et de l'activité régionales, est un outil essentiel pour les liaisons nord-sud entre quatre départements de montagne.

 La ligne des Cévennes reliant Clermont-Ferrand à Nîmes est une section de 303 km de la radiale Saint-Germain-des-Fossés-Nîmes-Courbessac, elle-même longue de 366 km et numérotée 790.000 au catalogue du réseau ferré national. Cette radiale se débranche à Saint-Germain-des-Fossés de la ligne Paris-Lyon par le Bourbonnais. Notons cette ligne 790.000 était tracée par Gannat, partie de la relation Paris-Clermont-Ferrand jusqu’au début des années 1930.

Un itinéraire Paris-Nîmes plus court de 69 km que celui via Lyon, et même de 80 km à une époque

 Ce statut de ligne radiale permet un itinéraire Paris-Nîmes long de 721,14 km, nettement plus court (de 70 km) que celui par Dijon et Lyon, qui affiche 790 km par la ligne classique. Ceci explique pour partie qu’elle fût longtemps parcourue par des trains de fret au départ du Languedoc vers Paris, alors que la taxation était exclusivement kilométrique, de même que Béziers-Neussargues, sa consoeur et concurrente pour le trafic de vins. Elle fut longtemps aussi parcourue par des trains de voyageurs, de jour et de nuit, assurant une desserte longue distance à moindre coût et de cabotage pour les régions de montagne traversées.

DSCN0985TER X73500 ex-Languedoc-Roussillon à l'approche de Villefort (Lozère). Les déclivités les plus fortes sont relevées au sud de La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, point culminant de la ligne des Cévennes à 1.024 mètres d'altitude. ©RDS

 Au nord de Clermont-Ferrand, à partir de 1931 une ligne nouvelle de 41 km reliant Vichy à Riom pour favoriser Vichy, entraîna le report du flux principal Paris-Clermont-Ferrand-Nîmes sur cette variante « est ». La section Saint-Germain-des-Fossés-Vichy de la ligne Saint-Germain-des-Fossés-Vichy-Sembadel-Darsac (Le Puy) remplaçait ainsi la section via Gannat de l’itinéraire initial *. Notons qu’un an plus tard, en 1932, le PLM ouvrit une ligne à double voie entre La Ferté-Hauterive, au nord de Saint-Germain-des-Fossés, et Gannat. Fermée aux voyageurs par le monopole public SNCF dès 1938, l’année même de sa création, elle raccourcissait pourtant le parcours Paris-Clermont de 11 km, faisant tomber la distance Paris-Nîmes par les Cévennes à 710 km, soit 80 km de moins que par Lyon. Le temps des compagnies fut jusqu’au bout un temps de lignes nouvelles et de projets.

Les premiers tronçons miniers ont ouvert au sud dès 1840… il y a 180 ans

 Au sud de Clermont-Ferrand, la ligne « des Cévennes » proprement dite est née de la mise bout à bout d’une succession de tronçons. De cette façon, certaines sections pourraient fêter cette année… leurs 180 ans. Au sud, les tronçons miniers ont relié Nîmes à Alès dès 1840, puis à La Grand-Combe un an plus tard. Ils faisaient partie des premières lignes de chemins de fer en France après Saint-Etienne-Andrézieux l’ancêtre (1828), Montpellier-Sète et Beaucaire-Nîmes (1839)…

 Il fallut toutefois attendre 1867 pour que la ligne atteignît Villefort, desservant d’autres bassins houillers étagés dans les Cévennes, ceux de La Levade et de Chamborigaud-La Vernarède. Ce dernier fut équipé d’une antenne ferroviaire de 3 km depuis la sortie de la gare de Chamborigaud avec projet (avorté) de poursuivre la voie de La Vernarède jusqu’à Bessèges afin de désengorger le nœud ferroviaire houiller d’Alès.

ChamborigaudLe viaduc de Chamborigaud vu depuis la fenêtre d'une voiture voyageurs dans le sens Clermont-Ferrand-Nîmes. Une longueur de 384 mètres pour 29 arches. (Doc. Wikipedia)

 La montée vers Villefort au flanc sud-est du mont Lozère, le long de l’antique voie Régordane, nécessita ensuite la construction d’une succession d’ouvrages d’arts impressionnants. Parmi eux, le célèbre viaduc en courbe et en pente de Chamborigaud, précédé de l’embranchement de la courte antenne minière vers La Vernarède. Affichant 384 m de longueur, 46,30 m de hauteur maximale, 12 arches de 14 m d’ouverture et 17 arches de 8 m, des rayons de courbure de 240 m et 200 m, il est classé monument historique. La voie qui l’équipe pourrait l’être aussi…

 Notons aussi le célèbre tunnel d’Albespeyre, entre Villefort et La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, qui affiche 1.521 m de longueur en pente de 25 ‰ et comporte quatre puits d’aération, indispensables au temps de la double traction vapeur. Une soufflerie mue par système à vapeur, avec voie de desserte, avait même dû être installée à son extrémité haute (nord) suite au  décès d’un cheminot par étouffement à l’hiver 1899. Le tunnel est situé sur une des sections les plus difficiles de la totalité de la ligne, en déclivité continue de 25 ‰ sur 7 km entre Villefort et Prévenchères. On compte deux autres sections affichant une pente aussi sévère, toutes à proximité : sur 4 km au nord de Prévenchères, et deux fois 1,5 km environ, à la sortie sud de Génolhac et à la sortie nord du viaduc de Chamborigaud.

Albespeyre

Extrait d'une carte postale du début du XXe siècle représentant l'usine de la soufflerie destinée à ventiler, depuis la partie haute, le tunnel d'Albespeyre, en forte déclivité de 25‰.

Au nord, la ligne avançait d’année en année de Clermont-Ferrand à Issoire (1855), puis Arvant, Langeac…

 Sur le flanc nord, la section de Clermont-Ferrand à Issoire et Brassac-les-Mines fut ouverte en 1855, permettant l’évacuation du charbon de cette dernière localité en lieu et place de la batellerie de l’Allier. En 1856 la ligne toucha Arvant, amorce de la voie suivant la vallée de l’Alagnon jusqu’à Neussargues, Aurillac et Toulouse. En 1857 elle atteignit Brioude. Il fallut attendre 1866 – le parcours se complexifiait - pour qu’elle touchât Langeac et ses exploitations forestières.

 Quatre ans plus tard, le 16 mai 1870, fut mise en service la section Villefort-Langeac par la haute vallée de l’Allier, véritable prouesse technique.  Cette haute vallée, entre Monistrol d’Allier et Langogne, est inaccessible par la route. La voie suit un parcours exceptionnel. C’est cette partie (Langogne-Saint Georges-d’Aurac, 74 km) que SNCF Réseau a menacé de fermer dès 2021 avant que la région Auvergne-Rhône-Alpes débloque des fonds pour une restauration à l’économie, moyennant une nouvelle série d’interruptions de trafic.

Le sommet de la ligne se situe à La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, à 1.024 m après de fortes pentes depuis le sud

 Le sommet de la ligne se situe à La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, à l’altitude 1.024 m. C’est là qu’après avoir gravi les plus fortes pentes de son parcours depuis Alès au sud, elle rejoint l’Allier. La rivière prend sa source à proximité, sur le même plateau que le Chassezac et le Lot, soit au point de rencontre des bassins versants de la Loire, du Rhône et de la Garonne.

DSCN1149Autorail X73500 de l'ex-région Auvergne sur un train Clermont-Ferrand-Nîmes à Villefort. Le seul train Intercités des 3 allers-retours quotidiens entre les deux villes (2 les samedis dans un sens, et 2 les dimanches dans les deux sens), est passé dans le giron des régions moyennant financement par l'Etat de rames Coradia d'Alstom. ©RDS

 On soulignera que la ligne des Cévennes est fortement dissymétrique. Son versant nord, qui court le long de l’Allier à partir de La Bastide jusqu’à proximité de Clermont-Ferrand (exactement au Cendre-Orcet), compte 187,34 km. Son versant sud, de La Bastide à Nîmes, ne compte que 114 km. Mieux : le plus gros de la pente sud est situé entre La Bastide (1.024 M d’altitude) et Alès (136 m d’altitude), soit 888 m de dénivelé pour 67,50 km seulement !

(A suivre)

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(*) La section Saint-Germain-des-Fossés-Gannat ne voit plus passer que du fret depuis la suppression des trains de voyageurs Lyon-Bordeaux. Gannat-Riom reste parcourue par les TER Clermont-Ferrand-Montluçon.

- Lien vers le site des organisateurs de la célébration du 150e anniversaire :

2020 : 150 ans du train Cévenol - Un été en fête de Marseille à Clermont !!

Au format pocket, quel bel ouvrage que voilà... préparé, rédigé et mis en page avec amour par les membres de l'association. Disponible depuis quelques jours chacun peut se le procurer, en ces temps de confinement, tout simplement par courrier en joignant une enveloppe timbrée et self adressée au format long (elle sera juste dimensionnée), car [...]

http://www.150anstraincevenol.info

 

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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