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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
26 mai 2020

L’Etat fédéral Suisse augmente de 9,10% son financement des infrastructures ferroviaires, y compris régionales, hors coronavirus

  Les chemins de fer suisses vont bénéficier d’une importante rallonge fédérale pour entretenir et moderniser leurs lignes, qui va s’ajouter au montant de la subvention quadriennale précédente. Cet argent public, versé par la Confédération aux gestionnaires d’infrastructures, s’élèvera pour la période 2021 à 2024 à 14,4 milliards de francs suisses (13,7 milliards d’euros), soit une hausse de 1,2 milliards de FS (11,42 MM€) par rapport à l’exercice 2017-2020, en augmentation de 9,10 %. Cette subvention s’ajoute à l’autofinancement des gestionnaires d’infrastructure et aux financements des cantons. Ces chiffres ont de quoi faire rêver la France des régions, et en particulier Auvergne-Rhône-Alpes voisine dont la densité ferroviaire du réseau voyageurs d’usage intra-régional est environ trois fois inférieure à celle de la Suisse.

swissCi-dessus, une carte du réseau suisse, sur une surface à peine inférieure à celle de l'ancienne région Rhône-Alpes en France voisine. Les lignes ferroviaires, toutes entreprises confondues, sont figurées en rouge. Les lignes d'autocars sont figurées en jaune. On remarque qu'elles sont presque systématiquement complémentaires du réseau ferré et non superposées à lui.

Ci-dessus, une carte des années 2000 du réseau ferroviaire de l'ancienne région Rhône-Alpes. Les lignes ferroviaires régionales sont figurées en filets bleus, la grande vitesse en orange, l'intercités en violet. Ce réseau a été amputé depuis de la section Boën-Thiers (au nord-ouest) et Oyonnax-Saint-Claude (au nord). La ligne classique Bellegarde-La Cluse, en revanche, a été rouverte mais n'est parcourue que... par quelques TGV Paris-Genève, le service régional restant assuré par la route. Les filets verts signalent les lignes d'autocars régionaux, qui ici se superposent - de façon assez surprenante - à plusieurs lignes ferroviaires. 

1200px-TER_Rhône-Alpes,_carte_du_réseau

 Si raildusud tient à donner cette information, c’est d'abord qu’elle concerne sa zone d’étude du Grand Sud-Est français. Le réseau suisse est intimement lié au monde ferroviaire français des régions voisines. Le lancement du RER franco-genevois Léman Express le démontre, de même que la réouverture de Belfort-Delle, malheureusement organisée de façon commercialement inepte. Notons les services TER express relativement fréquents reliant Lyon à Genève, ou les trop rares relations TER Genève-Sillon alpin-Valence. Citons encore la magnifique ligne, ranimée par des accords interrégionaux, Saint-Gervais-Martigny, ou la demande pressante des associations d’usagers de réouverture d’Evian-Saint Gingolph et, tout à fait au nord, l’intense service transfrontalier Mulhouse-Saint-Louis-Bâle.

 Ensuite, cette information illustre l'engagement financier de l'Etat central, ici fédéral, en faveur de l'infrastructure ferroviaire, tous réseaux confondus, y compris à vocation régionale.

5.124 km de lignes gérés par une soixantaine d’entreprises presque toutes publiques

 Les chemins de fer suisses totalisent 5.124 km de lignes, détenues par une soixantaine de gestionnaires d’infrastructures. La société publique fédérale CFF en détient 3.011 km, soit  58,7 % du réseau. Elle est suivie par la société du BLS dont le capital est détenu majoritairement par le canton de Berne (et pour  une part minoritaire par la Confédération), qui en gère 449 km soit 8,76 % du réseau. La presque totalité de la soixantaine de chemins de fer qualifiés de « privés » est en fait constituée de société à capitaux publics cantonaux ou locaux.

DSCN0632Un service régional stationne en gare de Montreux avant de poursuivre vers Lausanne. Outre sa densité ferroviaire élevée par rapport à sa surface et à sa population, la Suisse dispose d'un réseau ferroviaire voyageurs exploité selon un cadencement élevé et systématique, avec des correspondances optimales : la "Conception globale suisse des transports". ©RDS

 Si l’on rapproche cette forte décentralisation des gestionnaires-exploitants de l’intensité des trafics et de la très faible contraction du linéaire par rapport à sa plus forte extension (quelques rares sections de lignes locales, principalement en zone romande) malgré l’importance du réseau local à voie étroite (1.390 km, soit 27 % du linéaire total), on ne peut que constater la supériorité du modèle suisse par rapport au modèle centralisé français. Rappelons que la France a vu disparaître plus de la moitié de ses réseaux de chemins de fer depuis les années 1930, si l’on cumule les réseaux départementaux et les lignes des anciennes compagnies.

La subvention de 14,4 milliards de francs suisses  n’inclut pas les futures mesures « coronavirus »

 La subvention fédérale de 14,4 milliards de francs suisses équivaut à 38 du montant de l’investissement français pour le métro du Grand Paris express (200 km de lignes). Elle est issue du Fonds d’infrastructures ferroviaires et n’inclut pas les futures mesures qui seront prises pour compenser les effets de l’épidémie de coronavirus en faveur des exploitants. Ces derniers « seront traitées séparément », indique le Conseil fédéral, dénomination de l’exécutif helvétique.

 L’abondement pour la période à venir vise à couvrir la maintenance et l’amélioration de l’infrastructure, avec pour objectif une amélioration de la fluidité de ce réseau extrêmement maillé. Plus de la moitié des 14,4 milliards de FS iront aux CFF (7,6 milliards, soit 52 %) et 41 % aux autres réseaux (5,9 milliards). Le reliquat est consacré aux dépenses d’urgence imprévisibles (300 millions) et aux systèmes communs à tous les gestionnaires d’infrastructures (500 millions).

Parmi les travaux à venir, notons côté romand l’amélioration de l’arc lémanique avec de nouvelles voies sur des sections de l’axe stratégique Genève-Lausanne et un remodelage ambitieux de la gare de Lausanne, noeud ferroviaire essentiel de la Suisse du sud-ouest.

Un nouveau crédit-cadre de 300 millions de francs suisses pour le fret ferroviaire

 Le Conseil fédéral propose de même, pour cette période 2021-2024, un nouveau crédit-cadre de 300 millions de FS pour cofinancer l’amélioration des outils destinés au fret ferroviaire, tels que les chantiers multimodaux ou le matériel spécifique au ferroutage… Ce crédit-cadre est financé par les taxes sur les produits pétroliers et sur les transports routier et aérien. Les poids-lourds qui circulent en Suisse, nationaux ou étrangers, doivent payer la RPLP, ou « redevance sur les trafics poids-lourds liée aux prestations ». Les véhicules lourds tels que les autocars, camping-cars, tracteurs… sont soumis à la RPLF ou « redevance sur les trafics de poids-lourds forfaitaire ».

DSCN0631Manoeuvre autour d'une rame de desserte de l'usine Alcan, sur le faisceau fret de Sierre, dans le Valais. Le réseau ferroviaire suisse est pour partie alimenté par une taxe sur les poids-lourds, qui favorise le report du trafic fret sur le rail. ©RDS

 Il est intéressant de comparer la Suisse à sa voisine l’ancienne région Rhône-Alpes.  La Suisse compte 8,6 millions d’habitants répartis sur 41.285 km2. Sa région de forts reliefs alpins couvre presque les deux-tiers de son territoire (62 %). Le territoire de l’ancienne région Rhône-Alpes compte 6,6 millions d’habitants sur 43.698 km2. Les deux espaces sont donc toute à fait comparables, avec une surface de forts reliefs à peine plus réduite en Rhône-Alpes (50 %) qu’en Suisse.

Une densité de lignes ferroviaires deux à trois fois supérieure en Suisse, selon les critères retenus

 Si l’on compare la longueur des lignes de chemin de fer, le contraste est en revanche frappant avec une densité deux voire trois fois supérieure en Suisse par rapport à Rhône-Alpes, suivant les critères de comparaison. Et nous renverrons la comparaison avec la densité de l’offre – cadencement, amplitude horaire… - à un prochain article.

 Le réseau de 5.124 km de lignes en Suisse donne un linéaire de 12,41 km/100 km2, et une densité ferroviaire par rapport à la population de 59,58 km/100.000 habitants. En Suisse, toutes les lignes sont ouvertes au service voyageurs.

DSCN0634Desserte régionale CFF au départ de Montreux sur le ligne Lausanne-Brigue. La rame Stadler vient de donner correspondance avec la ligne à voie métrique du Montreux-Oberland Bernois (MOB), connue des touristes du monde entier... et très appréciée des populations locales. La Suisse compte 5.124km de lignes, affichant ainsi une densité de près de 60km pour 100.00 habitants et de 12,41km pour 100km2. ©RDS

 Le réseau de 2.600 km de lignes pour l’ancienne région Rhône-Alpes donne un linéaire de 5,9 km/100 km2, et une densité ferroviaire par rapport à la population de 39,5 km/100.000 habitants. Il est à noter que Rhône-Alpes est doté d’un réseau ferroviaire relativement fourni par rapport à d’autres régions françaises.

 Mais il convient de relativiser ces derniers chiffres car les 170 km de la ligne de la rive droite du Rhône sont fermés aux voyageurs. Si on les retranche pour une comparaison plus crédible, on tombe pour le réseau voyageurs à 5,5 km/100km2 et 36,9 km/100.000 habitants, soit un rapport du simple au double avec la Suisse voisine.

Si l’on compare les réseaux voyageurs à desserte intérieure, la Suisse affiche plus du double de Rhône-Alpes

 Rhône-Alpes bénéficie par ailleurs des 270 km de lignes à grande vitesse qui la traversent et dont l’usage intra-régional est très réduit puisque exclusivement limité aux parcours de pendulaires entre Valence-TGV et Lyon-Part-Dieu par la LN4. Or si l’on compare les réseaux parcourus par des circulations intra-régionales voyageurs, le contraste avec la Suisse est encore plus saisissant.

DSCN1667Dépassement d'un TGV Montpellier-Strasbourg par une circulation sans arrêt sur le plateau des voies grande vitesse de la gare mixte TER-TGV officiellement étiquetée "Valence-TGV-Rhône-Alpes-Sud". L'axe des lignes nouvelles traversant l'ancienne région Rhône-Alpes du nord au sud sur 270km n'assure qu'une fonction marginale de transport intra-régional, sur le seul parcours à grande vitesse Valence-Lyon. La région a renoncé à financer des TER à grande vitesse depuis le Sillon alpin vers le sud malgré un raccordement qui a coûté 40 millions d'euros. ©RDS

 Le réseau TER de Rhône-Alpes (lignes classiques exploitées voyageurs, aucune circulation TER accélérée  n’empruntant les lignes à grande vitesse) est évalué à environ 2.120 km. Cela correspond à 41,4 % du linéaire du réseau suisse, lequel est dans sa quasi-totalité parcouru par des circulations voyageurs intérieures, qu’elles soient rapides, péri-urbaines ou locales. Sur ce critère des lignes ouvertes aux services intérieurs de voyageurs, on obtient en Rhône-Alpes les densités ferroviaires suivantes : 4,85 km/100 km2 et 32,2 km/100.000 habitants, à comparer aux 12,41 km/100 km2 et 59,58 km/100.000 habitants en Suisse. Le rapport passe à presque un à trois.

La nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a subi mi-2016 la fermeture de la ligne reliant deux de ses principales villes, Saint-Etienne et Clermont-Ferrand, ne peut que regarder avec envie ce qui se passe au-delà du lac Léman. La seule somme de 1,2 milliards de francs suisse, hausse de l’allocation fédérale pour les quatre années à venir, convertie en 1,14 milliards d’euros financés par l’Etat français, ferait du réseau voisin, étendu à la « nouvelle » région Auvergne-Rhône-Alpes, un modèle de modernité et de maillage territorial.

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Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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