Après une Annus Horribilis pour le multimodal ferroviaire, trois nouveautés témoignent d'une confiance maintenue

 Ouverture d’un nouveau terminal multimodal en Auvergne par Combronde, extension de l’activité de Colas Rail à l’ensemble des prestations fret ferroviaire outre les services des travaux de voie, création d’un service multimodal Barcelone-Toulouse sans changement de locomotive : malgré une année de fort repli pour le combiné ferroviaire, trois bonnes nouvelles font espérer une reprise. L’année 2023 aura été dramatique en France pour l’intermodal côté ferroviaire avec  le drame que constitue la fermeture de la ligne franco-italienne de la Maurienne, l’envol du prix de l’électricité, la fuite de clients suite aux grèves à répétition, la dégradation du réseau et ses travaux pénalisants pour le trafic, sans compter les fermetures de sections de desserte fine….

Combronde ouvre une septième plateforme multimodale

 L’entreprise familiale Combronde, fondée en 1945 et basée à Clermont-Ferrand était originellement dédiée au fret routier. Elle exploite à ce jour 650 camions. Mais Combronde joue le développement du ferroviaire, qui pèse déjà 20 % dans son chiffre d’affaire, en ouvrant un nouveau terminal multimodal à La Combaude, dans le Puy-de-Dôme. Elle va lancer une nouvelle ligne multimodale entre Clermont-Ferrand et Le Havre.

 Le nouveau terminal, qui s’ajoute aux six déjà existants, est construit à La Combaude sur une friche industrielle du groupe Michelin. Equipé des outils de dernière génération et d’un portique de manutention, il a été inauguré le 9 novembre dernier. Son exploitation sera assurée par une centaine de personnes. Sa construction a coûté 18 millions d’euros, dont 2,5 millions subventionnés par le Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes.

Locotracteur propriété de Combronde en action sur l'une des sept plateformes de l'entreprise. (Doc. Combronde)

 Le nouveau terminal est bien situé dans une perspective multimodale rail-route. Il est proche des autoroutes A75 (Béziers-Clermont-Ferrand), A89 (Bordeaux-Lyon) et A71 (Clermont-Ferrand-Orléans).  Il est  aussi proche d’usines, principalement Michelin. Le fabricant de pneus s’est engagé comme chargeur, de même que le distributeur britannique de produits à bas coût B&M European Retail Value au site voisin. L’industriel suédois Trelleborg, fabricant de tuyaux, pourrait les rejoindre alors qu’il a déjà transféré sur le rail ses expéditions vers l’Allemagne et le Bénélux, via une autre plateforme.

 Dans le cadre du plan France Relance, le gouvernement avait aidé pour 400.000 euros l’acquisition en 2022 par Combronde de wagons porte-conteneurs d’un coût total de 4,6 millions d’euros.  En 2020, la rénovation de l’embranchement ferroviaire de la plateforme de Combronde à Loire-sur-Rhône, depuis Givors avait coûté 2,6 millions d’euros, la région Auvergne-Rhône-Alpes en ayant subventionné la moitié.

Une nouvelle ligne multimodale Combronde Clermont-Ferrand-Le Havre, tractée par Captrain

 Parallèlement, Combronde mettra en service dès janvier  une nouvelle ligne multimodale Clermont-Ferrand-Le Havre, en coordination avec l’autorité portuaire Haropa, qui réunit les ports du Havre, de Rouen et de Paris. Cette liaison sera effecuée par deux allers-retours hebdomadaires entre le nouveau terminal de La Combaude et le Havre. Elle sera assurée par le tractionnaire Captrain France, du groupe SNCF.

 Combronde, rappelle le blog spécialisé Fret ferroviaire, exploite depuis plus de dix ans le terminal ferroviaire de Gerzat, proche de l’ancien triage de Clermont Gravanches, qui expédie et reçoit trois fois par semaine des trains multimodaux de et vers Fos-sur-Mer par Loire-sur-Rhône entre Lyon et Vienne, où Combronde exploite une autre base multimodale avec sa filiale Combirail.

A Vierzon depuis juillet 2015 Combronde et sa filiale Prestalog disposent d'une plateforme logistique ferroviaire sur la zone d’activité du Vieux Domaine, ici en pleine activité. Il s'agissait du premier raccordement multimodal en région Centre-Val-de-Loire. La pose d'une troisième voie ferroviaire a induit l'acquisition d'une parcelle de 17.000m2 en 2019. (Doc. Communauté de communes Vierzon-Sologne-Berry)

 Combronde exploitera donc sept plateformes multimodales embranchées desservies par une douzaine d’engins de traction ferroviaires à ses couleurs. L’entreprise exploite cinq lignes multimodales en France, à laquelle il faudra ajoute celle reliant Clermont-Ferrand au Havre dès janvier : Vergèze-Fos, assurant par six allers-retours hebdomadaires le transport de conteneurs de l’usine gardoise de Perrier, relation tractée par Régiorail après remise en service de la longue à voie unique desservant le site industriel avec un financement de la région Occitanie après une décennie d’abandon ; Clermont-Ferrand-Fos-sur-Mer mentionnée plus haut, tractée par sa filiale Combirail ; Chalon-Loire-sur-Rhône avec trois allers-retours hebdomadaires tractés par Combirail ; Vierzon-Le Havre avec trois allers-retours hebdomadaires tractés par Régiorail ; Le Havre-Vierzon-Bassens-Le Havre une fois par semaine tracté par Captrain.

 En 2019 Combronde a acquis une société ferroviaire, devenue sa filiale Combirail, chargée de louer les locomotives, réserver les sillons et tracter des convois. Combronde est également propriétaire de deux bateaux qui naviguent entre Lyon et Marseille. Grâce à ces investissements, 20 % de son trafic est désormais ferroviaire.

Colas revient au marché tous trafics avec une nouvelle entité : Colas Rail Traction

 La concurrence dans le ferroviaire semble avoir du mérite puisque Colas Rail, filiale de travaux ferroviaires du groupe Bouygues, qui a en particulier participé à la construction du Contournement de Nîmes et Montpellier dont le gestionnaire est Oc’Via, crée une filiale de traction destinée à tout trafic. Colas Rail Traction a obtenu sa licence ferroviaire le 14 novembre.

 Cette filiale, qui assurera bien sûr la traction des trains de travaux de Colas Rail, a pour autre but de faire gagner au fret ferroviaire de nouvelles parts de marché. Basée à Louveciennes, Elle est forte de 140 salariés.

Présent sur quasiment tout le continent européen, Colas Rail exploite des services de fret externe, hors traction de ses trains de travaux. Ici une rame de citernes tractée par un engin de Colas Rail Freight, filiale britannique de Colas Rail. (Doc. Colas Rail UK)

 Colas Rail n’est pas un nouvel entrant sur le marché libéralisé du fret ferroviaire. Née en 2008 de la fusion des entreprises Seco-Rail et Spie Rail l’entreprise, présente dans une vingtaine de pays, a pendant plusieurs années assuré la traction de trains de fret en France : trains d’automobiles, de céréales, de granulats, de minerais... avant de supprimer cette activité excepté les trains de granulats destinés aux activités de la maison mère.

 Son retour sur la marché national tous trafics sous l’étiquette Colas Rail traction est un signe positif pour l’ensemble de cette industrie.

L’homologation des Euro6000 de Stadler permet  des Barcelone-Toulouse sans relais traction

 Bonne nouvelle pour le tunnel franco-espagnol de 8,3 km du Perthus et la mixte fret-grande vitesse Perpignan-Figuères (44,4 km) dont le gestionnaire d’infrastructure est la société publique binationale LFP suite à la faillite de TP Ferro fin 2016 : une première liaison fret Barcelone-Toulouse est lancée, sans changement de locomotive. L’homologation en France des Euro6000 du constructeur suisse Stadler permet à ce flux d’être exploité de bout en bout par le même engin de traction.

Euro6000 photographiée pendant les exercices d'homologation sur la ligne de 44,4 km de LFP, le gestionnaire d'infrastructure du tunnel du Perthus et de ses voies d'accès entre Perpignan le Soler et les abords de Figueras. Désormais homologuée aussi sur le réseau français de SNCF Réseau, elle pourra tracter les trains de fret de la nouvelle liaison multimodale Barcelone-Toulouse, via Perpignan, le raccordement sud de Narbonne et Carcassonne. (Doc. LFP)

 Ces Euro6000, d’une puissance de 6MW et à écartement UIC (1,435 m) disposent des systèmes de signalisation et d’alimentation français et espagnols, incluant donc le 1,5 kV cc des lignes du Midi de la France, le 25 kV alternatif 50Hz des lignes nouvelles. De la famille Stadler EuroDual, d’autres, commandées par Renfe mercancias, disposent pour le réseau classique espagnol à voie à écartement ibérique, du 3 kV cc.

 Pour LFP dont le trafic fret ne pouvait être assuré que par une seule catégorie de locomotives, appartenant à Renfe Mercancias, impliquant un relais traction à Perpignan Le Soler. L’homologation des Euro6000 va considérablement ouvrir les perspectives de trafics binationaux, tout en renforcçant le rôle européen du port de Barcelone.