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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
12 décembre 2023

Exploitation déplorable, rénovation inachevée : Grenoble-Veynes, ligne exceptionnelle aux multiples fonctions, reste menacée

La « ligne des Alpes » Grenoble-Veynes paraît à nouveau en danger. Non seulement les travaux de réfection sur sa partie sommitale, très dégradée après plus d’une année de fermeture pour réhabilitation côté nord, sont pris en otage par le bras de fer financier entre la région Auvergne-Rhône-Alpes et l'Etat, mais la piètre qualité de l’exploitation depuis la réouverture scandalise les usagers. Appuyés par les élus, les militants des associations du Collectif de l’Etoile ferroviaire de Veynes (CEFV) se sont rassemblés en gare de Grenoble pour un « Train de la colère » le 1er décembre dernier, une « action de désobéissance civile afin que la SNCF et la région réagissent en urgence ».

 Les 1er décembre les manifestants, mobilisés malgré un temps exécrable, étaient invités à monter dans le train de 17 h 09 au départ de Grenoble en achetant leur billet à la caisse du CEFV ou à ne pas montrer leur abonnement lors d’un éventuel contrôle. Les recettes devaient être remises à la SNCF lors du Comité de mobilité Alpes du Sud le lundi 5 décembre à Grenoble pour l’achat d’essuie-glaces… suite à la récente suppression de trains en raison d’avaries sur cet équipement. Ont pris la parole le président de la métropole de Grenoble Christophe Ferrari, le sénateur de l’Isère Guillaume Gontard, la députée de la Drôme Marie Pochon,  la députée de l’Isère Marie-Noëlle Battistel, le président de la communauté de communes du Diois Alain Matheron et les deux conseillers régionaux Olivier Royer et Fabienne Greber.

Quarante suppressions de train en 52 journées : la planification d’une fermeture ?

 Evoquant des dysfonctionnements quotidiens qu’il estime « planifiés » - supposément pour dégrader volontairement le bilan de la ligne et en justifier la fermeture, au moins dans sa partie centrale  -, le Collectif de l’Etoile ferroviaire de Veynes (CEFV) a établi un bilan de la qualité de service depuis la réouverture de la ligne Grenoble-Veynes et le rétablissement de trains Grenoble-Gap le 11 décembre 2022.

DSCN2301Autorail X73500 (g.) au départ pour Veynes sur la voie E de la gare centrale de Grenoble, au côté d'un TER à destination de Valence Ville (d.). Ce type d'engin monocaisse diesel a été construit en 318 exemplaires par Alstom et De Dietrich Ferroviaires, livrés entre 1999 et 2004. Très confortable, robuste, d'une capacité de quelque 78 places assises (strapontins compris), il est désormais victime de son âge, aggravé par une maintenance à l'évidence défectueuse.  ©RDS 

 Le CEFV avait invité les usagers à lui communiquer le détail quotidien des dysfonctionnements d’exploitation par SNCF Voyageurs pour le compte de l’activité TER de la région. Le collectif a ainsi pu établir que sur la seule période du 28 septembre au 18 novembre 2023, soit 52 journées, soixante-dix-neuf dysfonctionnements avaient été recensés ! Soit 1,5 par jour en moyenne. Il s’est agi de retards supérieurs à la dizaine de minutes mais surtout, pour la moitié d’entre eux, de suppressions pures et simples de trains. Soit quelque 40 suppressions en 52 journées, probablement un record national…

« La semaine du 13 novembre, le train de 5h39 au départ de Veynes à destination de Grenoble est supprimé 4 fois sur 5 », pointe le CEFV, qui estime qu’on n’en est plus au stade des incidents mais d’une « véritable planification par la SNCF ! ». Le collectif ajoute : « Lorsque le train a du retard, celui-ci s’étale entre une dizaine de minutes et jusqu’à deux heures vingt. Les rares correspondances sont ensuite manquées ». (1)

Fuites d’eau, essuie-glace en panne…

 Les usagers, gentils et polis, font part pour certains de leur abandon progressif du train. Au vu de cette situation calamiteuse, le CEFV « se demande comment des trains peuvent encore être bondés notamment les trains de Grenoble vers Gap de 16 h 10 et 17 h 10 ». La cause : « Une seule rame proposée à des usagers pas prêts d’abandonner leur train ».

 Parmi les causes des dysfonctionnements recensés par le CEFV sur cette même période de 52 journées : problème de matériel (26 fois), présence d’une seule rame (7 fois), problèmes ou un manque de personnel (4 fois). A l’évidence, le matériel subit un manque d’entretien.

 Le CEFV donne ainsi quelques exemples affligeants : « Le train au départ de Grenoble du 3 octobre 19 h 00 est annulé en raison d’une fuite d’eau dans la cabine du conducteur. Le 25 octobre, même cause même effet pour le train de 17 h 10. La SNCF fait donc circuler des trains qui prennent l’eau sans prendre soin de les réparer ; gare à l’électrocution pour le conducteur et les usagers si la pluie se mettait à tomber au cours du trajet ! Le train du 20 octobre à 10 h 26 part avec une heure de retard car les essuie-glaces ne fonctionnent pas... ».

DSCN2451Autorail X73500 assurant un TER en direction de Gap au passage au droit du terminus de la ligne A du tramway de Grenoble, à Pont-de-Claix L'Etoile. Un projet de halte TER à cet endroit précis attend toujours d'être réalisé. ©RDS

 Le Collectif de l’Etoile ferroviaire de Veynes a tiré la sonnette d’alarme auprès de la région Auvergne-Rhône-Alpes lors d’une rencontre avec son vice-président chargé des transports, Frédéric Aguillera, le lundi 6 novembre. « La Région, pourtant Autorité Organisatrice des Transports pour les TER, semblait découvrir ces dysfonctionnements », écrit le CEFV. Il estime que cette alerte du 6 novembre « n’a eu pour l’instant aucun effet », ce qui a entraîné la mobilisation autour de ce « Train de la Colère ». « Tandis que la Région AURA annonce un investissement record de 3 milliards d’euros pour l’achat de matériel neuf, les usagers de la ligne Grenoble-Gap apprécieraient déjà l’achat d’essuie-glace » ironise le CEFV…

Une ligne spectaculaire aux fonctions péri-urbaine, régionale, touristique en voie de tronçonnage ?

 Cette colère est d’autant plus compréhensible que la ligne Grenoble-Veynes cumule trois fonctions qui pourraient être prometteuses au plan commercial si son exploitation était correcte, son offre encore améliorée et la rénovation de sa voie finalisée. Elle assure une fonction périurbaine pour des trajets pendulaires quotidiens entre Grenoble et Clelles ; une fonction de liaison régionale entre Grenoble et Gap (Gap est situé en Provence-Alpes-Côte d’Azur mais historiquement en Dauphiné) en particulier pour des trajets pendulaires hebdomadaires ; une fonction touristique puisque cette ligne se développe parmi les paysages les plus impressionnants des Alpes.

 Une quatrième fonction, jadis exploitée, devrait être celle de relations inter-régionales, entre Alpes du Nord et Provence voire Marseille. Aujourd’hui ce type de relation par train est quasiment impossible en raison de correspondances dissuasives à Veynes ou Gap. Il est en particulier presque  impossible à un Marseillais ou Aixois de venir par train à Lus-la-Croix-Haute, pourtant station d’altitude très appréciée des Provençaux.

IMG_20230929_184848Une circulation vespérale TER Auvergne-Rhône-Alpes Gap-Grenoble entre (au pas) en gare de Lus-la-Croix-Haute sur des voies indignes d'un pays développé. La commune d'altitude de Lus-la-Croix-Haute donne accès à une station de ski - La Jarjasse - et à de multiples parcours de haute montagne dans et autour du vaste massif de l'Obiou lui-même à cheval entre Trièves (Isère) et Dévoluy (Hautes-Alpes). ©RDS 

 La dégradation de l’exploitation prépare-t-elle une liquidation de la section sommitale de la ligne, la réduisant à une antenne Grenoble-Clelles, à l’image du bradage de la section centrale de Saint-Etienne-Clermont-Ferrand entre Boën et Thiers, de celle de Clermont-Ferrand-Brive/Limoges entre Volvic et Ussel, de Andelot-Bourg entre Saint-Claude et Oyonnax, ou de ce qui a failli advenir à la ligne des Cévennes entre Langogne et Saint-Georges d’Aurac ? Cette technique de liquidation du service public ferroviaire dans les territoires « périphérique » de la république jacobine est devenue classique depuis quelques années. Elle a pris le relais de la multiplication des « exceptions de circulation » pratiquée dans les années 1970 qui, rendant les horaires illisibles ont épuisé la fréquentation et « justifié » la liquidation de lignes entières telles Montluçon-Eygurande-Merlines ou  Lapeyrouse-Volvic en Auvergne-Rhône-Alpes.

  Si les travaux de 2021 et 2022 ont permis le rétablissement des liaisons Grenoble-Gap, ils n’apportent aucune garantie pour sa pérennité. Pourtant, leur montant total a atteint quelque 35 millions d’euros. Mais ils n’ont pas permis de lever les limitations temporaires de vitesse,  en particulier sur la partie sommitale. Pour assurer l’avenir, il faudra encore réaliser des travaux pour plusieurs dizaines de millions d’investissement. A Lus-la-Croix-Haute, gare la plus haute de la ligne à 1.014 m de d’altitude et à proximité côté col éponyme (1.167 m d’altitude, à 6,5 km au nord de Lus), un renouvellement complet semble impératif au simple regard de l’état des voies, revenues au niveau de celles d’une ligne du tiers-monde. Pourtant après-guerre circulèrent sur cette ligne des Lyon-Marseille puis des Genève-Digne…

Au printemps dernier, une manifestation côté PACA

 Le 27 mai, côté Provence-Alpes-Côte-d’Azur, une manifestation de désobéissance en présence du maire de la cité cheminote Christian Gilardeau avait été organisée à partir de Veynes pour dénoncer la fermeture des guichets, la hausse des tarifs pour les usagers fréquents (avec en particulier la suppression de la validité en PACA des cartes nationales Avantage), les horaires squelettiques…

 Ce 21 décembre, doit se tenir un comité de pilotage de l’étoile ferroviaire de Veynes est annoncé pour le 21 décembre 2023. Il se tiendra en visioconférence, probablement pour éviter quelques éclats de voix venant de manifestants. A l’ordre du jour : le financement de l’infrastructure des lignes de l’étoile.

 Parallèlement, le dénouement des négociations du Contrat de Plan Etat Région est pressenti pour cette fin d’année. Par son vice-président Philippe Aguillera, la région  prévient que si l’État ne subventionne pas la rénovation des « petites » lignes, qui lui appartiennent via son gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau, elle refuser de signer. Le réseau ferroviaire français est certes victime de l'impasse budgétaire de l'Etat mais aussi - et peut-être surtout - des choix délibérément centralisateurs de la puissance publique en matière d'investissements pour la rénovation. 

- - - - -

(1) Bilan détaillé des retards et annulations, établi par le Collectif de l'Etoile ferroviaire de Veynes sur témoignages quotidiens d’usagers :

 

 

 

https://etoileferroviairedeveynes.info/wp-content/uploads/2023/11/Analyse_dysfonctionnement_18112023.pdf

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Commentaires
M
Bonjour et bravo pour ce blog très instructif sur la réalité du ferroviaire français... Il y a quelques semaines, j'ai utilisé un Grenoble-Gap arrivé avec 1H de retard, visiblement je ne suis pas le plus mal loti...<br /> <br /> La ligne des Alpes (que j'ai longtemps fréquentée) dans un état déplorable, la ligne des Causses à l'agonie (partie nord HS pour état de la voie, partie sud HS pour crue), la ligne des Cévennes menacée aussi, les lignes auvergnates fermées aux 2/3... C'est l'illustration parfaite de la "volonté" affichée de l'Etat de sauver les petites lignes qui se traduit par son refus d'en financer les infrastructures... Comme chantait Bertignac en 1990, "tout le monde ment".
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B
Quant à me présenter aux élections, bonne idée...........à condition d' avoir les médias, tout comme vous je présume.
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B
Inconcevable une telle situation, dans un pays où on ne nous parle que "d' écologie".............pour faire exactement l' inverse . Et, bien sur, on va nous parler prochainement de "restriction de circulations, de ZFE, de voitures électriques" . Mais de qui se moque nos "zélitards", qu' ils soient régionaux ou nationaux (?) !<br /> <br /> <br /> <br /> En Franche-Comté, normalement la 2ème phase des travaux des Horlogers devrait se faire durant l' année 2024 (de mars à octobre logiquement) . 35 millions d' euros ont été votés par le Conseil Régional Bourgogne Franche-Comté . Mais rien d' annoncé sur Frasne - Les Verrières (Neuchâtel), ni Andelot - Saint-Claude (antennes de La Bosse (Dole - Vallorbe)) . Par contre, des "zélitards" Jurassiens veulent relancer leur projet "serpent de mer" d' antenne autoroutière Poligny - Vallorbe, antenne à l' A39 . Et certains de la majorité municipale Bisontine rêvent d' une ZFE, alors qu' ils sont incapables de réaliser (avec la région) la halte des Hauts du Chazal qui connecterait le réseau ferroviaire Ouest Bisontin (Dole et Lons le Saunier) au tramway Bisontin - Et je ne parle même pas de l' ancien projet "D' Etoile Ferroviaire Bisontine" de tram-train, un beau projet de 2012 pour desservir correctement la majorité des communes du Grand Besançon Métropole...................disparu on ne sait où !
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P
L’état des voies est pas trop mal jusqu’à Clelles, ensuite ça se gâte. Du col jusqu’à la limite de région c’est VL40.<br /> <br /> <br /> <br /> Depuis cet été la double voie entre Aspres et Veynes et toute la zone de la gare de Veynes a été mise à VL60 (auparavant il y avait un 80Z sur la double voie et la VL aux RT était de 120, la voie A de Veynes était à 90). <br /> <br /> <br /> <br /> Donc maintenant c’est VL40 du pk 205,2 au pk 215, puis VL60 du 215 au 240,5. Avant 2016 c’était VL80 du 205,2 à la gare de Veynes. 13’ de perdues sur cette section de voie.
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J
Si TER = tarification TER AURA + TER PACA<br /> <br /> Les cartes de réduction de la sncf ne sont valables que dans les TET et TGV, il me semble, pas dans la tarification régionale...<br /> <br /> A vérifier<br /> <br /> La France le pays du train à plusieurs vitesses...
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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