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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
24 août 2023

Les Opérateurs ferroviaires de proximité publient un manifeste pour une puissante relance des dessertes fines et terminales

 Lorsqu’on sait que le transport ferroviaire consomme six fois moins d’énergie et émet huit fois moins de particules nocives que la route par tonne transportée et que les lignes de desserte fine du territoire apportent 40 % du tonnage du fret ferroviaire français malgré la liquidation massive de ces dernières décennies, on ne peut que s’alarmer des sombres prédictions de l’Autorité de régulation des transports (ART) sur l’avenir du réseau ferré hexagonal.

 C’est ce qui a motivé la publication par Objectif OFP d’un « Manifeste pour une logistique verte indispensable au projet de réindustrialisation de la France », appel solennel aux pouvoirs publics pour éviter que ne se démaille encore plus le réseau ferroviaire français. Rappelons que le réseau originel, hors lignes nouvelles à grande vitesse qui excluent toutes le fret à l’exception du Contournement de Nîmes et Montpellier (CNM, 80 km de LGV mixte et de raccordements), a été divisé par deux depuis 1938, année de création du monopole public SNCF.

Objectif OFP, treize années d’influence et une série d’opérateurs et de syndicats

 Citant les travaux du Comité d’orientation des infrastructures (COI), de l’ART, de l’alliance 4F (Fret ferroviaire français du futur qui rassemblent la plupart des acteurs du secteur), se réclamant « des élus,  des régions et des logisticiens », Objectif OFP (Opérateurs ferroviaires de proximité), énumère ses principales exigences à destination principalement de l’Etat qui, rappelons-le, est propriétaire quasi-exclusif du réseau.

IMG_20230614_081347Passage d'une circulation fret à Moirans (Isère) sur la voie paire qui rejoint Valence. Le Sillon alpin, récemment électrifié (2014), constitue un itinéraire qui permettra d'absorber une partie des flux Méditerranée-Italie après la mise en service du tunnel de base franco-italien du mont Ambin, évitant le noeud ferroviaire lyonnais. En revanche il ne demeure sur le parcours Moirans-Valence plus aucune gare fret et un seul embranchement industriel - à Poliénas pour des carrières.  ©RDS  

 Objectif OFP, syndicat professionnel, a été fondé en 2010 par cinq acteurs du secteur : SNCF Réseau, Europorte, Ports de France, la Fédération des industries ferroviaires (FIF),  TLF (Union des entreprises de transport et de logistique),  et l’organisme de formation AFPI créé par l’UIMM. Objectif OFP affiche depuis sa fondation treize autres adhérents de poids,  parmi lesquels plusieurs entreprises ferroviaires (Combirail, Railcoop, RDT13, RegioRail, Transdev CFTA), l’entreprise de travaux ferroviaires EGENIE, l’expert en transport et logistique Forwardis, les syndicats professionnels CPEM (PME), UNPG (transporteurs de granulats), le syndicat mixte portuaire rhodanien INSPIRA.

 Objectif OFP se présente comme le promoteur  du fret ferroviaire au service  des ports et des territoires. Son plaidoyer auprès du gouvernement, publié début août, prépare la rencontre professionnelle annuelle qu’il organise le 28 novembre à Paris, à « l’Espace Saint-Martin ». (1)

Investissement annuel en France dans le réseau ferré par habitant : 46 € contre 115 € en Italie, 450 € en Suisse

 Objectif OFP explique : « Notre association vient de rédiger une note volontairement synthétique, un manifeste qui croise les regards très divers d’Objectif OFP et ses contacts sur le fret ferroviaire, depuis maintenant 13 ans. Au-delà des bonnes intentions et des dernières annonces gouvernementales, notre association est inquiète sur la réelle volonté de mise en pratique d’un projet ambitieux pour le fret ferroviaire. » Objectif OFP « a décidé d’apporter (sa) contribution en diffusant ce document afin d’alerter le grand public et les décideurs régionaux et nationaux. Il détaille cinq propositions indispensables à nos yeux pour réussir cette grande ambition ».

 La première demande du manifeste est la finalisation et le vote d’une loi de programmation « portée par une majorité plurielle et engageant plusieurs quinquennats ». Cette loi devrait « être puissante » afin de « refonder et revaloriser le fret ferroviaire ». Elle viserait à le connecter à l’Europe et aux régions - allusion, à l’affaiblissement du maillage de lignes fret transfrontalières et régionales- ; à « inviter les logisticiens à redécouvrir le rail, ses intermodalités, son potentiel logistique au service d’une industrie verte ».

Miramas Open Modal Clésud

Pose de voies sur le futur chantier d'Open Modal à Miramas, d'une superficie de 14 hectares sur le domaine Clésud. L'entreprise présidée par Jean-Paul Brunier et basée à Saint-Jean-de-Védas en banlieue de Montpellier, organisera à partir de ce point de manutention des missions ferroviaires dans un premier temps vers Nancy, Lille et Paris, étendues ensuite vers Pays-Bas, Allemagne et Pologne. Le chantier permettra la manutention de 400 unités de transport par jour. Mise en ser vice prévue en 2024. (Doc. Open Modal)

La deuxième demande du manifeste est celle d’un contrat de performance du réseau qu’il qualifie de novateur, en opposition à celui signé voici un an et demi, unanimement qualifié de régressif. Objectif OFP exige que ce futur contrat porte « une vision systémique et intégrée du réseau, gérant sa complexité et la coexistence des services fret et voyageurs ». Sa rénovation et sa modernisation s’imposent afin d’en gérer et densifier l’utilisation. L’âge moyen du réseau ferroviaire est de 30 ans en France contre 15 ans en Allemagne.  Seize pourcent du réseau français est considéré comme étant en fin de vie et plus de la moitié des 27.500 km de lignes françaises ont 50 ans d’âge ou plus. Dans le classement des investissements publics dans le réseau ferroviaire, les Pays-Bas sont en tête, la France est dernière pour l’ensemble de son réseau avec 46 € par habitant et par an contre 115 € en Italie et 450 € en Suisse soit près de dix fois plus qu’en France. Le Royaume-Uni investit quant à lui trois fois plus que la France, alors qu’il est régulièrement brocardé par nombre de médias français.

Développer le combiné rail-route contre le  tout-routier européen

  La troisième demande  concerne le développement du combiné rail-route afin d’enrayer une dérive vers le tout-routier européen. Notons à ce sujet que la mise en service du tunnel franco-italien du mont Ambin – et tout autant de ses voies et tunnels d’accès tant côté français que côté italien – constituera une incitation forte à ce basculement de la route au rail sur les missions internationales, particulièrement sur le corridor européen Espagne-Italie du nord-Slovénie et au-delà. Le manifeste d’Objectif OFP  exige que « l’Etat revienne sur son refus de contrôler  la création de plateformes logistiques exclusivement routières qui vont rendre le tout-routier irréversible ».

IMG_20230617_093713Aperçu du chantier de conteneurs de Vénissieux. Objectif OFP s'interroge sur le refus du gouvernement de limiter la prolifération de chantiers route-route, qui écartent nombre de chargeurs de la solution ferroviaire. ©RDS  

Le développement du système rail-route permettra selon le manifeste de favoriser le développement d’un  pavillon routier français vert, puisque les relations transfrontalières basculeraient massivement sur le rail, la route assurant des missions de diffusion fine dans les régions de part et d’autre. Cette réorientation des missions routières, selon Objectif OFP, permettraient « un retour  de l’acceptabilité du métier de chauffeur », actuellement en manque de vocations côté français.

 Le quatrième chapitre du manifeste demande la réhabilitation de l’ancrage  régional et portuaire du fret ferroviaire. Objectif OFP rappelle que les lignes locales, les dessertes de ports et les embranchements particuliers (devenus Installations terminales embranchées, ITE) fournissent l’amorce ou la destination finale (ou les deux) de 40 % du fret ferroviaire. Le manifeste demande de « réévaluer ces lignes », souvent et état de déréliction avancée. « Les Régions, avec l’appui des acteurs locaux, des logisticiens doivent pouvoir s’emparer de cet atout territorial sous-exploité » ajoute-t-il, demandant « d’en régionaliser la gestion », et « d’enrayer une bureaucratisation numérique centralisatrice ».

 La cinquième demande prône le respect des domaines de pertinence à l’échelle de l’Europe pour renforcer  sa cohésion, les OFP jouant le rôle d’apporteurs de trafic aux grands flux ferroviaires transfrontaliers.

La longue liste des localités privées de desserte ferroviaire fret

 Le manifeste demande une réorientation de la gestion de ces lignes de desserte fine et embranchements vers des OFP, qui sont « des PME au personnel poly-compétent » et de mixer fret et voyageurs. On en vient à penser à l’interdiction par SNCF Réseau de toute circulation fret sur la ligne Béziers-Neussargues (277 km) au sud de  Marvejols alors que cette ligne est électrifiée et fut conçue principalement par la compagnie du Midi pour… le fret. Elle vit circuler ainsi tant des trains de citernes (vins, hydrocarbures…) que de messageries (productions fromagères de Roquefort), de bétails, de production agricoles et sylvicoles. Le manifeste propose que les services soient « connectées aux sentiers de randonnée, pour un tourisme vert de découverte des territoires ».

 Affirmant que pour les industriels et chargeurs, « il y a forcément une solution de logistique ferroviaire à proximité de vos installations » malgré la rétraction du réseau, Objectif OFP demande que sa réhabilitation permette au mode ferroviaire de participer plus intensément à l’intégration économique du continent. La logistique verte européenne, déjà bien plus avancée dans les pays voisins qu’en France, doit être « contributive à la cohésion et la souveraineté de l’Europe, pertinentes à l’échelle de ses distances et au-delà », conclut le manifeste.

DSC04940Magnifique gare de Saint-Pourçain-sur-Sioule, mise en service par le PLM en 1932, fermée aux voyageurs (offre résiduelle) en 1969 par la SNCF. Située sur la ligne La Ferté-Hauterive-Gannat à double voie, ouverte en 1932 pour accélérer la liaison Paris-Clermont-Ferrand tout en assurant une offre fret régionale, "de proximité", cet établissement a perdu son dernier trafic fret, vers La Ferté-Hauterive, en 2011. A l'arrière-plan,, au-delà de la gare, subsiste un important faisceau fret hors service et envahi par la végétation. ©RDS  

 Ce manifeste appelle à des mesures d’autant plus urgentes que les menaces se précisent pour nombre de lignes à faible trafic, un trafic d’autant plus faible que leurs capacités se dégradent.  Des gares naguère assurant un trafic fret notable ont perdu leur ligne, aujourd’hui fermée. En voici quelques exemples parmi tant d’autres sans le grand Sud-Est : Noirétable (produits forestiers et bétail) ou Sail-sous-Couzan (eaux) sur la section interrompue de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand (usine de roulements à bille à Boën, raccordement neutralisé) ; Digne sur l’ex-antenne Digne-Saint-Auban ; Saint-Eloi-les-Mines (siège d’une importante usine de matériau d’isolation) sur la ligne fermée Lapeyrouse-Volvic ; Souvigny (carrières, verrerie) sur la ligne fermée Commentry-Moulins ; Courzieu-Brussieu (produits de carrières po

IMG_20221220_131813Gare de Rives (Isère). On distingue l'usine métallurgique en arrière-plan d'une rame TER prête pour une mission diamétrale amorcée dans cette localité industrielle, à destination de Chambéry via Grenoble. L'usine est embranchée au réseau ferroviaire et lui fournit un trafic régulier. ©RDS  

ur… SNCF Réseau) ou Sainte-Foy-l’Argentière (tuilerie industrielle) sur la section fermée Sain-Bel-Sainte-Foy-l’Argentière ; Beaurepaire, Sillans, Izeaux (produits agricoles et industriels) sur l’ex-ligne Rives-Saint-Rambert d’Albon; Saint-Pourçain sur l'ex-ligne La Ferté-Hauterive-Gannat; Ambert, Arlanc (produits industriels, sylvicoles, agricoles) sur l'ex-ligne Vichy-Darsac; Evaux-les-Bains (produits agricoles) sur l'ex-ligne Montluçon-Eygurandes-Merline, etc…

Des solutions locales aux besoins territoriaux et portuaires

 Objectif OFP, qui reste une petite structure d’influence (2), souligne que les Opérateurs ferroviaires de proximité « ont pour objectif des solutions locales aux besoins ferroviaires territoriaux ou portuaires ». Ces solutions consistent en des services de transport avec mutualisation des flux par création de convois multi lots-multi clients, appellation choisie par Fret SNCF lorsque l’entreprise publique a restauré le service des « wagons isolés » qu’elle avait supprimé (et avec lui des centaines de gares fret et de nombreux triages) une décennie auparavant. Les OFP entendent assurer « la traction de trains complets sur des distances pertinentes ».

IMG_20220516_090813714A Boën-sur-Lignon (Loire), l'embranchement vers les ateliers de l'usine métallurgique SBS groupe Genoyer est inutilisé et envahi par les herbes (au second plan sur notre photo). Au-delà du nez de la rame TER en stationnement, la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand est neutralisée jusqu'à Thiers, soit 48 km, objet d'un bras de fer entre associations et nombre d'élus d'une part, autorités publiques et SNCF Réseau de l'autre. ©RDS  

 Ces OFP proposent aussi des fonctions de prestataire de gestionnaire d’infrastructure pour le compte de SNCF Réseau sur des lignes à faible trafic ou pour le compte d’une autorité portuaire avec entretien de la voie et éventuellement « gestion de la sécurité et gestion du trafic ».

 Ce concept renvoie à celui des réseaux de classe III en Amérique du Nord (59.811 km aux Etats-Uni, Canada et Mexique), définis par leur longueur (moins de 350 miles/563 km) et par leur chiffre d’affaire annuel (moins de 39,184 millions de US$/40 millions d’euros). Ces compagnies proposent aux chargeurs des transports ferroviaires pour « the first and last mile ». A titre de comparaison, les réseaux de classe I totalisent 153.313 km en Amérique du Nord, totalisant 13 compagnies (11 depuis l’absorption de KCS par CP Rail). Le seul Norfolk Southern (Est des Etats-Unis) est propriétaire d’un réseau de 34.400 km.

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(1) Espace Saint-Martin : centre de congrès et de séminaires, 199 Bis rue Saint-Martin, Paris IIIe.

(2) Lien vers le site d’Objectif OFP :

Objectif Ofp

Objectif OFP a donc pour vocation de faciliter et soutenir la mise en place d'OFP dans les ports et les territoires sur des bases économiques pérennes.

https://www.objectif-ofp.org

 

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Commentaires
D
Concernant St Pourçain, la desserte de la ZI a effectivement cessé vers 2011, mais une nouvelle ITE a été créée à la même époque pour la desserte de la tréfilerie Intersig à la sortie de St Pourçain.
Répondre
L
À qui appartiennent maintenant les ex-OFP? Petite devinette sur qui fait quoi, résultat du démantèlement de l'outil industriel ferroviaire national.
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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