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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
18 avril 2023

Lyon-Turin : après le Sénat et 37 anciens élus régionaux, 57 parlementaires demandent à Macron de lancer la ligne d'accès

Après l’interpellation des représentants du Comité d’orientation des infrastructures (COI) par les sénateurs, puis la lettre ouverte signée par 37 anciens élus de tous bords des régions du Sud-Est concernées par le Lyon-Turin, la pression monte : 57 parlementaires en activité viennent d’interpeller le président Macron au sujet du report au-delà de 2045, proposé par le COI, de la mise en service des voies d’accès françaises au tunnel de base dit du mont Ambin. Cela, alors que l’Italie vient de débloquer le financement de sa propre voie d’accès et s’apprête à en commencer la construction, et que l’Europe menace de retirer sa subvention en raison du retard français.

 Les signataires de la lettre au président de la république appartiennent à l’ensemble du spectre politique. On y dénombre  22 élus Les Républicains (dont les présidents des deux groupes parlementaires Olivier Marleix et Bruno Retailleau), 16 élus Union centriste (dont le président du groupe sénatorial Hervé Marseille), six élus issus de la gauche parmi lesquels quatre socialistes (dont André Vallini) et un communiste, André Chassaigne. Un seul parlementaire macroniste s’est joint à cette adresse, Joël Giraud (« Renaissance », ex-PRG), réputé pour sa défense du mode ferroviaire. Le groupe Renaissance est pourtant le plus important des groupes de l’Assemblée nationale, même s’il ne dispose que d’une majorité relative.

Ni écologistes, ni LFI, ni RN

On soulignera qu’aucun parlementaire « écologistes » EELV ni « insoumis » LFI ne s’est joint à cette protestation, pas plus que les centristes macronistes du MoDem ou que les députés RN, peut-être tenus à l’écart. Les écologistes dénoncent très majoritairement la construction de voies d’accès au Lyon-Turin, le maire de Lyon Grégory Doucet en tête. L’engorgement des abords et des vallées alpines par des hordes de poids-lourds les laisse apparemment indifférents, à moins que leur décroissantisme ne les pousse à pratiquer la politique du pire.

Lyon-Turin RouteMur de camions dans une vallée alpine côté France. Dans le Val Susa, entre la frontière et Turin, le spectacle est similaire, les émanations, les nuisances sonores et les risques physiques identiques. (DR)

 Le tunnel de base du mont Ambin, long de 57,5 km et composé de trois tubes (un par sens et un tunnel de service), d’accès et de rameaux d’intercirculation, est en cours de creusement par le consortium d’entreprises dirigé par le maitre d’ouvrage TELT. Sur le total de 162 km de galeries, plu d’une trentaine sont déjà forés. Selon TELT, vers 2024-2025 « sept tunneliers creuseront en même temps ».

 En revanche le sort des 150 km de voie d’accès entre l’est de Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne, ainsi que de son antenne vers Chambéry, n'est toujours pas tranché par Paris.

Au-delà de 2028, la DUP tombera

 Les députés et sénateurs de gauche comme de droite réclament à Emmanuel Macron de « lancer au plus vite les études d'avant-projet détaillé (APD) de la section française ». Au-delà de 2028, le projet perdra sa déclaration d’utilité publique et donc toute base légale, rendant constructible des pans entiers de l'itinéraire côté français, sauf déclaration d’un projet d’intérêt général (PIG). Cette hypothèse verrait le projet repoussé au-delà de 2045, comme le préconise le COI alors que le tunnel de base binational doit être livré en 2032.

 Il en résulterait, pendant une quinzaine d’année, une sous-utilisation du tunnel en raison des goulots d’étranglement que constitueraient les lignes historiques, même si leur signalisation et leur alimentation électrique étaient modernisées. D’ores et déjà les sections Culoz-Maurienne et Lyon-Chambéry sont proche de la saturation. Ce retard côté français  « anéantirait les objectifs d'un report modal massif sur le rail des trafics de voyageurs et de marchandises dans les Alpes », alertent les parlementaires. Or « l'Italie a pris les décisions pour livrer ses voies d'accès à l'ouvrage en même temps », soulignent-ils.

« Le COI met en péril le succès de la plus grande infrastructure européenne de mobilité bas carbone »

 En repoussant le projet français au-delà de 2045 pour privilégier la ligne historique Dijon-Modane, qui ne concerne au demeurant que les flux issus de l’Ile-de-France et du Nord, « le COI met sérieusement en péril le succès de la plus grande infrastructure européenne de mobilité bas carbone pour les voyageurs et les marchandises », s'inquiètent députés et sénateurs. « La France ne peut se permettre de rater ce rendez-vous historique », préviennent-ils, appelant Emmanuel Macron à donner « une puissante impulsion politique afin de lever les pesanteurs politico administratives qui freinent ce programme phare ».

 Côté italien, la construction de la ligne mixte fret-grande vitesse reliant Turin au tunnel de base à Suse, avec un tunnel de flanc de montagne, débuteront en juin. Rome a déjà débloqué 750 millions d'euros de financement. En France en revanche le tracé des 150 km de nouvelles voies entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne, qui passeront par des tunnels sous  la Chartreuse, le massif de l’Epine (antenne vers Chambéry) et Belledonne est au point mort. Il s'est heurté à l'hostilité des écologistes français et italiens, qui le considèrent comme trop onéreux et, paradoxalement, nuisible à l'environnement.

Dijon-TurinEn bleu, le tracé de l'avant-projet sommaire de la ligne d'accès au tunnel de base du mont Ambin côté français. En jaune, le tracé de la ligne historique jugée suffisante par le COI. On remarque pourtant son tracé sinueux et son passage par le noeud ferroviaire de Chambéry, Aix-les-Bains et Montmélian, déjà très chargé. 

 La Transalpine, comité qui fédère des collectivités publiques et des acteurs économiques favorables à la ligne grande vitesse, marquait des signes d'impatience en début d'année : « Dix ans après la déclaration d'utilité publique, il n'y a toujours pas de calendrier décisionnel pris sur les accès français. Or un tunnel sans les voies d'accès de même performance, cela n'a pas de sens », regrette Stéphane Guggino, son délégué général, ancien responsable de la communication de la Chambre de commerce et l’industrie de Rhône-Alpes. La Transalpine est présidée par Jacques Gounon, PDG de Getlink le concessionnaire du tunnel sous la Manche et la maison mère du tractionnaire fret Europorte.

 La Transalpine attend « une décision sur la phase prioritaire à réaliser, un engagement des études de finalisation technique préalables à l'engagement des travaux, faire les demandes de subventions à l'Union européenne et fixer un calendrier clair ».

Le sénateur Etienne Blanc (LR) avait sèchement interpellé les représentants du COI

 Aux lettre ouvertes signées par 37 ancien élus régionaux et désormais par 57 parlementaires, il convient d’ajouter l’audition en début d’année par le Sénat des représentants du COI suite à leur rapport explosif au sujet des voies d’accès au tunnel de base côté français. Ils furent alors interpellés par le sénateur du Rhône Etienne Blanc (LR), membre de la commission d’Aménagement du territoire et du développement durable qui a en particulier dénoncé le fait que leur rapport « puisse envisager laisser tomber la DUP (des voies d’accès françaises) avec toutes les conséquences que cela emportera ». Il a par ailleurs dénoncé la dimension étroitement « franco-française » du rapport : « Vous n’avez pas cité l’Italie. On a le sentiment que le COI a établi un rapport franco-français alors même que le Lyon-Turin fait l’objet d’un accord avec l’Italie (…) et que l’Italie a surfinancé le tunnel de base de 10 % par rapport à la France parce que l’Italie avait moins de voies d’accès ». « Aujourd’hui l’Italie financera et respectera ses engagements et la France ne respectera pas ses engagements sur les voies d’accès », ajoutait Etienne Blanc, soulignant que « nous sommes dans un accord international » et que « c’est un manquement  de la parole français » : « Est-ce que le COI a mesuré les conséquences que cela aura dans nos rapports avec l’Italie ? ».

IMG_20230204_142442Vue générale de la gare de Chambéry-Challes-les-Eaux, située en zone urbaine dense. On y voit déjà transiter les TGV vers la Savoie et l'Italie, les Frecciarossa vers l'Italie, les TER du Sillon alpin Genève/Annecy-Valence, les TER vers Lyon par Saint-André-le-Gaz ou Ambérieu, les TER vers la Tarentaise, les TER vers la Maurienne et Modane ainsi que les TER de proximité des diverses branches de l'étoile. Côté fret, on relève principalement les flux vers l'Italie. Le trafic du futur tunnel de base sera inévitablement bridé par ce goulot d'étranglement... de même que le développement des trafics intérieurs du réseau alpin. ©RDS  

Etienne Blanc a aussi souligné que « l’Europe a clairement manifesté le fait qu’elle n’acceptait pas que le Lyon-Turin devienne un Dijon-Turin ». L’UE tient à ce que le Lyon-Turin s’inscrive dans le corridor transeuropéen Espagne-Europe centrale et orientale, qui n’a rien à voir avec le système radial autour de Paris typique du réseau français. « Pendant des années on nous a expliqué que la modernisation de la voie Dijon-Modane ne pourrait en aucun cas se substituer aux voies d’accès au Lyon-Turin », avait enfin raillé Etienne Blanc, alors « qu’aujourd’hui on nous écrit noir sur blanc que ça permettra de reporter la réalisation des voies d’accès après 2045 ». Or la région de Chambéry « explique que ça va créer une véritable thrombose dans le bassin chambérien, que ça va gêner considérablement les projets de développement des RER ».

 Ces questions « capitales pour la réussite de ce grand programme européen », explique la Transalpine, « n’ont hélas reçu aucunes réponses précises du haut fonctionnaire rapporteur du COI » auditionné par le Sénat.

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Commentaires
E
Je me méfie de ces grands travaux qui doivent tour ressoudre.Pendant ce temps le réseau capillaire fret est en piteux état...
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E
On se calme on boit frais...si c est pour faire un tunnel du Perthus bis ce n est pas la peine...
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E
On se calme on boit frais...
Répondre
B
Voilà ce qui arrive lorsqu' on met des technocrates, totalement incompétents, sur des dossiers sensibles dont les attentes des populations sont pourtant évidentes . Ces individus là ne regardent "que le fric/le pognon de dingue" que cela va couter, jamais ce que cela va apporter aux populations concernées - et encore moins à l' écologie, ce qui est pourtant le but initial de ce projet.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est pourtant évident que, dans un pays nommé "UE", cette infrastructure est primordiale en "Nord - Sud" (Grande-Bretagne/Benelux/ports de Dunkerque et Le Havre - Italie) et Est - Ouest (Espagne - Italie/Balkans) . Mais, pour des technocrates incompétents, c' est trop compliqué à analyser ainsi.<br /> <br /> <br /> <br /> Il est évident qu' il aurait d' abord fallu faire toute l' infrastructure d' accès (le tunnel des Bauges était plus logique que celui de la Chartreuse), et seulement après "le" grand tunnel - j' en profite pour regretter la non-étude d' une ancienne proposition FNAUT (années 90) qui proposait un grand tunnel plus court, mais surtout systématiquement proche de la ligne classique, ce qui aurait permis des phasages pour sa réalisation . La situation actuelle est tout simplement la preuve de l' incompétence et l' irresponsabilité des élites Françaises dans les transports - le cas, en Occitanie, de l' autoroute Toulouse - Castres est un autre exemple frappant de cette catastrophe nationale ! Mais, "pas de souci", on va emmerder les automobilistes (donc le peuple) avec les ZFE, et toute autre mesure à venir anti-voitures, au nom de l' écologie !
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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