Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
11 février 2021

Béziers-Neussargues : au nord de Saint-Chély la voie est toujours fermée... alors que les besoins d’ArcelorMittal augmentent

 Interrompue le 3 décembre 2020, la section de 55,9 km de la ligne Béziers-Neussargues qui court au nord de Saint-Chély-d’Apcher n’a toujours pas été remise en service en ce mois de février sans qu’on voie se dessiner une issue positive hormis une annonce de travaux du 17 au 21 mai 2021.

 Cette neutralisation, qui dure donc depuis plus de deux mois, empêche la circulation sur la section concernée de l’unique aller-retour voyageurs quotidien de bout en bout, « l’Aubrac », et transfère sur route les convois de matériaux lourds pour l’usine ArcelorMittal de Saint-Chély-d’Apcher. S’il fallait illustrer jusqu’à la caricature la vacuité des déclarations solennelles pour un report modal en faveur du rail et la réactivation des lignes de desserte fine, SNCF Réseau et l’Etat, qui dicte sa conduite, ne s’y prendraient pas autrement.

Quinze millions d’euros investis sur le site d'ArcelorMittal (dont 10 par l’Etat) plus que le coût de la remise en état de la section neutralisée

 La caricature est d’autant plus cruelle que l’usine ArcelorMittal de Saint-Chély-d’Apcher va bénéficier d’un investissement important qui va lui permettre d’augmenter sa production. Dans sa nouvelle ligne de production, ArcelorMittal va fabriquer des aciers magnétiques, qui vont donc pour l’instant tous être transportés par camions. Et pas question de faire transiter les trains par le sud. Les nouvelles installations d’ArcelorMittal ont nécessité un investissement de 15 millions d’euros, dont 10 M€ investis par l’Etat. Peu ou prou le coût d’une remise en état, au moins provisoire, des 55,9 km de ligne neutralisés.

 Interrogé par le quotidien régional Midi Libre, Yves Béral, membre du « Comité pluraliste de défense et de promotion de la ligne Béziers-Neussargues-Paris » dénonce le fait qu’il n’y ait « pas de calendrier pour effectuer les travaux » alors même que le site métallurgique renforce ses capacités. (1)

 Cité par le même quotidien Frédéric Laur, syndicaliste (CGT) insiste sur le fait qu’avec ArcelorMittal « nous avons la chance d’avoir une industrie qui se développe ». Il ajoute : « Il y a la mobilisation des élus locaux, de la Région, des motions. 80 communes ont par exemple délibéré en conseil municipal. Des initiatives de particuliers, des manifestations. Nous sommes dans une dynamique positive. Tous demandent que les trains fonctionnent. Mais la voie se dégrade ». Selon lui la rénovation, pour SNCF Réseau, « n’est pas à l’ordre du jour ». Pourtant, insiste-t-il, il s’agit d’une « ligne d’équilibre du territoire » et « c’est à l’État qu’incombe sa rénovation ». Mieux, « elle est aussi classée au schéma fret européen, c’est un paradoxe, on reconnaît son utilité, mais vingt ans après, on ne voit toujours rien venir ».

Frédéric Laur : « C’est l’Etat qui détient la clé de toutes ces petites lignes »

Frédéric Laur espère la venue, annoncée depuis mi-janvier, du ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire et d’Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Industrie, à  Saint-Chély-d’Apcher pour les interpeler sur le sujet car « le dernier voyant, c’est l’État, c’est lui qui détient la clé de toutes ces petites lignes. »

15617904046_c9ce8031cf_kLe train desservant l'usine de Saint-Chély-d'Apcher, vu ici à sa gare terminus lozérienne, est amorcé au triage des Gravanches à Clermont-Ferrand. Il transporte des coils et, en fonction de la masse transportée, il doit parfois être dédoublé. Notons la traction diesel sur les 55,9km électrifiés en 1.500V depuis Neussargues. (Doc. Rémi Lapeyre)

 Du côté de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Martine Guibert, vice-président chargée des Transports et élue de Saint-Flour, avait déclaré le 19 novembre que des travaux de sauvegarde entre Saint-Chély-d’Apcher et Neussargues, section classée parmi les neuf lignes prioritaires de cette région, étaient confirmés pour un montant de 11,47 M€ avec cofinancement des deux régions mitoyennes et de l’Etat. Mais de la sauvegarde (travaux de maintien des circulations à court terme) à la pérennisation (rénovation lourde), il y a un pas qui est loin d’être franchi : on passe alors de 11,47 M€ à 54 M€, soit un multiple de 4,7... 

 Quinze jours plus tard, plus aucun train ne pouvait plus circuler entre Saint-Chély-d’Apcher et Neussargues. Cette interruption charge un peu plus la gestion chaotique de cette ligne de 283 km qui dessert de nord de l’Hérault, l’est de l’Aveyron, l’ouest de la Lozère (où se trouve Saint-Chély-d’Apcher) et le Cantal. La section de 55,9 km actuellement neutralisée pour défauts de la géométrie d’une voie parfois vieille de quelque 80 ans est située pour 45,09 km dans le cantal, donc en région Auvergne-Rhône-Alpes, le reste de la ligne étant en Occitanie.

Castex et Djebbari avaient inclus en octobre Béziers-Neussargues dans leur plan de relance ferroviaire

 Dans une étude particulièrement fouillée publiée par la revue Chemins de Fer éditée par l’Afac (2),  le Pr Guy Charmantier, l’un des meilleurs spécialistes de la ligne, rappelle que lors d’une visite de 5 octobre 2020 à Clermont-Ferrand, le Premier ministre Jean Castex et le ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari avaient annoncé « que neuf petites lignes » seraient « intégrés à l’accord Etat-Région pour le plan de relance du ferroviaire pour un montant de 130 M€ » financés à part égales par l’Etat et la région Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi celles-ci, rappelle-t-il, figuraient les sections Brioude-Langogne (partie centrale de la ligne des Cévennes Nîmes-Clermont-Ferrand) et la ligne dite de l’Aubrac, soit Béziers-Neussargues.

 Le même jour, la Fnaut Auvergne exigeait « la régénération de la voie Clermont-Béziers entre Neussargues et Loubaresse, permettant de pérenniser la liaison assurée par le train l’Aubrac ainsi que la desserte fret de Saint-Chély-d’Apcher (ArcelorMittal) (…) ainsi que l’accélération du train Intercités l’Aubrac Clermont-Béziers  et son doublement  par un train de nuit à destination de Millau et Aurillac ». La section Neussargues-Loubaresse, longue de 40,5 km, située au nord de Saint-Chély et qui comprend la traversée de la Truyère par le viaduc de Garabit, est celle, précisément, sur laquelle les déformations de la voie ont été détectées.

La maintenance a minima condamne le retour de trains de nuit

 Au sujet des trains de nuit, quatre collectifs de défense d’usagers des lignes Nîmes-Clermont-Ferrand et Béziers-Neussargues ont dénoncé dans un communiqué commun l’absence de projet de trains de nuit pour le Massif Central dans le plan de l’Etat  de réactivation de ces services présenté en janvier : « Faute de travaux de modernisation complète, les lignes du Cévenol (Paris-Clermont-Ferrand-Nîmes) et de l’Aubrac (Paris Clermont-Ferrand-Béziers) resteront sur le bord du chemin à cause d’une maintenance a minima depuis des décennies ».

DSCN0177Réunion d'autorails à Neussargues, saisie en 2013. Cette gare cantalienne était au centre d'une étoile à quatre branches: vers Aurillac par le Lioran, vers Arvant (et Clermont-Ferrand) par la vallée de l'Alagnon, vers Béziers par la ligne des Causses et vers Bort-les-Orgues. En ce début 2021, seul l'axe Clermont-Ferrand-Arvant-Aurillac fonctionne encore. La ligne vers Bort-les-Orgues a été fermée à tout trafic en 1991. La section Neussargues-Saint-Chély-d'Apcher est neutralisée depuis le 3 décembre 2020. ©RDS

 Au chapitre des déclarations politiques, mais côté Occitanie, on rappellera celles de Carole Delga, présidente de cette région, et de Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, à Montpellier le 15 octobre 2020. Mme Delga s’engageait à ce que le conseil régional d’Occitanie finance la moitié des 1,6 milliards d’euros sur dix ans d’un plan de régénération de douze lignes de desserte fine, demandant que l’autre moitié soit financée par l’Etat. La SNCF ne participerait pas à ce financement mais, rappelle Guy Charmantier, s’engageait à réaliser les travaux et à créer en Occitanie une agence dédiée aux travaux de rénovation. Parmi les sections concernées, Béziers-Neussargues, le Monastier-Mende-La Bastide, Nîmes-Langogne. La région Occitanie demande elle aussi la remise en service de trains de nuit sur les deux radiales des Causses (Millau-Paris) et des Cévennes (Nîmes-Paris).

- - - - -

(1) Lien vers l'article de Midi Libre (Lozère) consacré à l'interruption de trafic au nord de Saint-Chély :

Lozère : faute de maintenance, pas de train pour l'usine ArceloMittal de Saint-Chély

Les cheminots réclament des travaux urgents pour rétablir la liaison. Explications. Le paradoxe est édifiant. L'usine ArcelorMittal de Saint-Chély-d'Apcher va bénéficier d'un investissement conséquent dans les mois à venir, et va donc augmenter sa production. Mais elle ne va pas pouvoir être livrée par le rail, à cause du mauvais état de la ligne SNCF qui l'achemine.

https://www.midilibre.fr

(2) Chemins de Fer, n°585, revue de l’Association française des amis des chemins de fer. Le numéro : 12 €. Abonnement (avec ou sans adhésion, à préciser) : 66 €. AFAC, BP 70296, 75464 Paris Cedex 10. Tél. : 01.40.38.20.92.

 Lien vers le site de l'Afac :

AFAC - Chemins de Fer - Accueil

Les dernières mesures sanitaires annoncées font que les locaux de l'association restent fermés à toute personne étrangère à l'AFAC, ce jusqu'à nouvel avis. De ce fait a ucune visite n'est autorisée et la possibilité d'accueillir un groupe est suspendue. Le secrétariat continue de fonctionner "à distance".

http://www.afac.asso.fr



Publicité
Publicité
Commentaires
L
Bonsoir.<br /> <br /> J'ai écrit un long commentaire hier soir sur ce sujet. Toujours pas publié. Merci de m'en indiquer la, ou les, raisons...<br /> <br /> Cordialement
Répondre
L
Bonsoir. Même si vos arguments sont en partie recevables en ce qui concerne la compétitivité de l'autocar, vous oubliez que ce moyen de transport a connu de nombreux accidents, et que pour ma part je ne mettrai jamais les pieds dans cet engin par temps de neige ou verglas. Le train est infiniment plus sur, peu me contrediront, et vous passez totalement sous silence l'impact en rejet de CO2, puisque cette ligne est électrifiée, et les bagnoles sont loin de l'être toutes!. Ensuite il y a le plaisir de contempler de magnifiques paysage que l'on n'image pas de l'autoroute, l'usage des randonneurs pas toujours véhiculés, ou du troisième âge qui a le temps de voyager à un rythme différent de celui imposé par le tout TGV. Quant au temps du trajet Clermont Béziers, il chuterait et deviendrait comparable, voire meilleur que la route si la voie était régénérée afin qu'un train puisse y rouler a une vitesse simplement décente.<br /> <br /> A ce sujet, le cout de ladite régénération n'est pas neutre: le devis est effectivement énorme, mais chacun sait - les exemples sont nombreux-que notre chère ste nationale a une fâcheuse tendance à gonfler la note quand cela l'arrange! Et je suis bien certain qu'un appel d'offres sous forme de "dialogue compétitif" ferait largement baisser celle ci!<br /> <br /> Enfin, le maintien de cette ligne s'inscrit dans un débat plus large qui est la sauvegarde des lignes touristiques ; a quand la création d'une filiale ou d'un département de la SNCF baptisé " SNCF Tourisme" ou " Tourisme et chemin de fer" ou encore " Train et tourisme", dans laquelle seraient gérées les lignes touristiques ( ligne des Alpes,de la vallée de Chamonix, de Cerdagne, des lignes du Jura, la transversale Bordeaux Lyon, la ligne des Cévennes, des Causses, du pourtour Méditerranéen, de Bretagne, et bien d'autres ) et qui en ferait une promotion agressive, comme elle le fait pour la grande vitesse! Des emplois saisonniers et pérennes seraient crées ainsi que saisonniers, et cela donnerait un coup de fouet aux régions en question qui en ont bien besoin!. <br /> <br /> Mais pour cela il faut à la tête de cette entreprise autres chose que des X, ou des technocrates comme Pépy et Farandou! Il faut un COMMERCIAL, avec le sens client chevillé au corps, convaincu du potentiel du chemin de fer, et qui sache être une vraie force de propositions au lieu d'être docilement aux ordres du gouvernement.<br /> <br /> Et subsidiairement, il faudrait aussi des salariés responsables, qui pensent client et non pas usager, et surtout qui ne décrètent pas une grève, pour un oui ou pour un non!
Répondre
O
Soyons un brin factuel quand même : la ligne des Causses est une patate qui se réchauffe d'années en années que se refilent tous les gouvernements et toutes les majorités régionales.<br /> <br /> <br /> <br /> On a le sujet de l'usine de Saint Chély. OK, c'est un invariant à préserver sinon le 1er employeur privé de Lozère est en difficultés avec les conséquences que l'on sait.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais ensuite ? On se focalise peut-être un peu trop vite sur le caractère symbolique du train L'Aubrac, mais c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Peut-on décemment envisager de mettre 350 M€ pour sauver une ligne qui accueille entre 1 et 2 AR de bout en bout selon les jours et qui ne dépasse nullement les 10 AR, même si on ajoute le trafic potentiel des Rodez - Millau et le complément sur Béziers - Millau ?<br /> <br /> <br /> <br /> Donc la question élémentaire, c'est quel projet d'usage de la ligne ? Objectivement, on peut douter qu'on instaure en claquant des doigts une cadence aux 2 heures sur Clermont - Béziers. Malheureusement, sur le bout en bout, un service d'autocars reste intéressant car il permet d'aller directement et avec un bon temps de parcours à Montpellier. Il est impossible de ne pas l'avoir en tête. Par rapport au meilleur temps de L'Aubrac, un autocar sans arrêt fait Clermont - Béziers en 4h30 contre 6 heures en train. Mais dans ce cas, est-ce qu'on a intérêt à faire du Clermont - Béziers ou à partager la desserte ? <br /> <br /> <br /> <br /> Là où le train peut revenir intéressant, c'est sur le cabotage, parce que chaque sortie de l'autoroute, ce sont des dizaines de minutes perdues... et de toute façon, l'A75 ne permet pas d'aligner les villes de Saint Flour, Mende et Millau sur un même axe. Donc une desserte en arêtes de poisson... en autocar comme en train.<br /> <br /> <br /> <br /> Il n'y a pas de réponse évidente, comme c'est le cas pour la ligne des Cévennes... C'est ce qui fait toute la complexité de cette ligne.
Répondre
J
Quand les politiques vont ils se réveiller ? il est temps de pérenniser et de rouvrir TOUTES les lignes du massif central ! Aubrac, ussel-eyfurandes, le mont d'or, Thiers-Boen, le Cevenol ....etc...<br /> <br /> Le cout pour sécuriser ces lignes, c'est une goutte d'eau dans la crise sanitaire !
Répondre
L
Bonjour.<br /> <br /> Cette situation est un véritable scandale d'état, au moment même ou Macron et Pompili nous servent de pieuses considérations écologiques... Il faut que le député pose une question au gouvernement en séance, écrire à Pompili, au premier ministre, monter une pétition, que sais je! Mais on ne peut pas en rester la et attendre sans broncher le bon vouloir des fossoyeurs du chemin de fer que sont les décideurs SNCF;
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité