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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
31 janvier 2024

Paris-Clermont-Ferrand puis Paris-Briançon : des retards abyssaux pour des Intercités en déroute

 Près de huit heures de retard soit une durée totale du voyage de onze heures, des secours d’urgence avec couvertures de survie dépêchés par les pompiers et la Croix Rouge : la défaillance, dans la nuit de du vendredi 19 au samedi 20 janvier, de la locomotive d’un Intercités Clermont-Ferrand-Paris avec 700 voyageurs à bord a fait scandale. Deux jours plus tard,  dans la nuit du 21 au 22 janvier, l’Intercités de nuit Paris-Briançon était bloqué à Lyon en raison d’un problème de télécommunications au sud de Valence et ses voyageurs se voyaient absurdement conseillé de continuer via Marseille au lieu de Grenoble, soit un itinéraire deux fois plus long et un retard de plus de onze heures à l’arrivée.

Paris-Clermont-Ferrand, un retard de près de huit heures le 19 janvier

 Pour le Paris-Clermont-Ferrand, la locomotive est tombée en panne vendredi 19 janvier au soir à proximité de Montargis, après la section de séparation des deux courants d’alimentation 1.500 Vcc (au nord)/25 kV alternatif (au sud).  « Le train est tombé en panne à Nogent-sur-Vernisson (Loiret, au sud de Montargis). Le conducteur a tenté de résoudre la panne mais sans succès. Une locomotive de secours a donc été envoyée de Paris », a indiqué la SNCF dans un communiqué.

 Le train Intercités 5983 était parti de Paris gare de Lyon à 18 h 57. Il n’est arrivé à Clermont-Ferrand qu’après 6 h 00 du matin, soit un temps de parcours total de quelque onze heures pour 420 km, ou  une vitesse moyenne commerciale de 38 km/h. Le temps de parcours normal est d’environ 3 h 30 mn.

Hôtel gare de Clermont-ferrand : Hôtel Clermont-Ferrand

Gare de Clermont-Ferrand. Jadis noeud ferroviaire important, elle n'est plus desservie qu'en cul-de-sac depuis Paris puisqu'elle a perdu les continuations de trains radiaux vers Béziers ou Nîmes et Marseille. Ses dessertes radiales ont fondu comme neige au soleil après la perte des Lyon-Bordeaux par Brive et de toute relation vers l'ouest hormis le court moignon péri-urbain desservant Volvic et les TER rejoignant Montluçon. Reste vers le sud une desserte régionale relativement abondante (Broude) avec prolongations vers Aurillac, Le Puy, et une fois par jour vers Béziers (avec changement à Neussargues) et trois TER quotidiens jusqu'à Nîmes. Vers l'est, sept rotations la relient à Lyon mais la liaison avec Saint-Etienne a été interrompue en 2016, suscitant l'indignation des élus et des populations. (Doc. https://www.lescommercants.fr/hotel-gare-clermont.html)

 Le train, tombé en détresse à Nogent-sur-Vernisson, a été refoulé avec un notable retard jusqu’à Montargis par une locomotive de secours dépêchée depuis Paris. Le secours est parvenu après un long délai. A Montargis est survenue une nouvelle longue halte, qui a permis l’intervention de secours.

 Un cheminot expérimenté, contacté par Raildusud, commente l'incident en ces termes : « Je ne sais pas, mais depuis de nombreuses années les pannes de locomotives surviennent souvent après le sectionnement 1.500 Vcc/25.000 V alternatif. Soit c'est un hasard, soit les machines ne supportent pas le courant délivré par la sous-station (de transformation) 63.000V/25.000 V... Il ne faut pas oublier que ces sous-stations fonctionnent un peu comme un auto-transfo ». Il poursuit : « Je me souviens que lors d'incendies sur la Côte d'Azur,  RTE se servait de nos feeders pour distribuer le courant vers les villes. Étant au PC de Marseille, nous nous en étions aperçu car les conducteurs n'arrivaient pas à faire l'heure. L'intensité n'y était pas... Du coup les machines étaient à la peine. » Il remarque enfin que « les 26000 sont de bonnes machines (universelles) mais plus délicates (que les 22200, NDLR) avec des exigences ; il faut que les mécaniciens soient très bien formés à leurs caprices de princesses du rail. »

 Depuis des années, le collectif des Usagers du train Clermont-Paris s’indigne des conditions de transport déplorables et des retards à répétition. Concernant l’incident du 19 janvier, son porte-parole Stéphanie Picard a dénoncé auprès du quotidien La Montagne « des conditions très difficiles : il y avait le froid, l'électricité en panne, plusieurs toilettes inutilisables et même l'impossibilité de diffuser des informations sonores ».

Le ministre Béchu convoque d’urgence le PDG Farandou alors que le problème est déjà ancien

 Signe de l’ampleur qu’a prise la défaillance du service public sur cet axe pourtant radial, une pétition en ligne lancée avant ce nouvel incident par le collectif comptait la semaine dernière près de 12.000 signatures.

 Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a annoncé mardi 23 janvier avoir convoqué pour le vendredi 26 janvier le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou en ces termes : « Il devra me proposer un plan de mesures concrètes et immédiates ». Le ministre, qui chapeaute les transports alors que le successeur du ministre délégué aux Transports Clément Beaune n’était pas nommé, a précisé qu’il partagerait le contenu de ce plan « d’ici quinze jours avec les élus et les acteurs du terrain ».

 Le plus comique dans cette situation est que l’alarme a été sonnée par les associations depuis des années auprès de l’Etat, qui est l’autorité organisatrice de cette ligne Intercités conventionnée au titre des Trains d’équilibre du territoire (TET). L’Etat a promis un programme d’investissement massif sur la ligne – infrastructure et matériel roulant – mais la maintenance reste aujourd’hui dramatiquement en-dessous des nécessités.

Clermont Fd Intercités wikimedia commons FIntercités pour Paris en attente de départ en gare de Clermont-Ferrand. On distingue (à g.) l'arrière d'une rame en provenance de Paris. Ce sont les trains du matin qui semblent les plus impactés par les annulations. Les Intercités de cet axe peuvent atteindre 200 km/h sur deux sections, mais seulement en cas de retard. (Doc. Wikimedia commons/F. Pépellin)

 Le collectif des Usagers du train Clermont-Paris a créé une cellule de veille pour collationner les incidents et établir ses propres statistiques de régularité, établies par l’universitaire clermontois Didier Valette. Le nombre d’allers-retours entre les deux villes est de huit en jour ouvrable de base (seize trains). Il apparaît ainsi que pour la seule semaine du 15 au 21 janvier, seulement 69,8 % des Intercités Clermont-Paris ou retour étaient parvenus à leur destination à l’heure.  Sur  106 trains programmés sur la semaine, quatorze ont été purement et simplement annulés, soit un taux extravagant de 13,20 %. Dix-huit de ces Intercités sont arrivés en retard, cumulant 748 mn de retard soit un total de 12 heures ¾ et une moyenne de 41,55 mn de retard par circulation désheurée.

 Pour la seule journée du 22 janvier, ces statistiques font ressortir que seuls 56 % des 16 Intercités quotidiens sont arrivés à l’heure, deux ont été annulés et cinq sont arrivés en retard. Sur une relation qui ne permet aucune alternative ferroviaire sauf transiter par Lyon moyennant un temps de parcours et des prix hors de proportion, il s’agit d’un bilan digne d’un pays en voie de sous-développement, d’autant qu’aucune des innombrables grèves du secteur n’était en cours.

Les retards et annulations sont concentrés le matin, le manque de locomotives en cause

 Didier Valette commente : « Les retards ont plutôt lieu sur les trains du matin », ce qui pénalise prioritairement les professionnels. Il poursuit : « Cette semaine (03), sur les 18 trains qui sont arrivés en retard, 13 étaient des trains programmés avant midi. Les plus affectés sont le 5954 (Clermont-Ferrand-Paris de 5 h 56) et le 5955 (Paris-Clermont-Ferrand de 9 h 01) : six retards sur 13 trains, étant précisé que deux autres 5955 sont partis en retard mais arrivés à l'heure ».

 Sur ce dernier point, l’explication réside dans le fait que la ligne Clermont-Ferrand-Paris inclut deux sections à vitesse maximale portée à 200 km/h depuis 2015 (au lieu de 160 km/h), vitesse de pointe désormais destinée à la compensation des retards mais non prévues au graphique de base. Ces sections sont longues de 15,8 km entre le sud de Saincaize et le nord de Saint-Pierre-le-Moutier, et de 37 km entre le sud de Moulins et le nord de Saint-Germain-des-Fossés.

saint germain des fossés carte postaleGare de Saint-Germain-des-Fossés à l'époque de sa grande activité, entre correspondances et manoeuvres de rebroussement. Cette gare, qui ne dessert qu'une petite commune de 3.640 habitants, revêtit en effet une importance ferroviaire capitale. Elle était au croisement des transversales Lyon-Bordeaux avec rebroussement, et des radiales Paris-Clermont-Ferrand (naguère prolongées à Marseille et Béziers) et Paris-Le Puy. La disparition des transversales Lyon-Bordeaux, de la ligne du Puy et la création d'un raccordement direct sud-est évitant le rebroussement des mouvements Lyon-Clermont-Ferrand l'a reléguée au simple rang d'arrêt TER. (Carte postale ancienne)

 Le manque de locomotives est l'une des causes des multiples dysfonctionnements sur cette ligne. La SNCF privilégie depuis des années systématiquement la commande de rames automotrices au lieu de rames tractées par des locomotives. Ce n'est pas un problème nouveau et Stéphanie Picard soulignait récemment que de ce fait « depuis novembre, il y a au moins un aller-retour supprimé chaque jour, et on nous a annoncé que ce serait le cas jusqu'au 8 février ».

 La convocation toutes affaires cessantes de Jean-Paul Farandou, PDG du groupe SNCF par le ministre Christophe Béchu suscite l’ironie de nombreux observateurs. La situation catastrophique de la ligne Clermont-Ferrand-Paris est dénoncée depuis des années par les usagers, leurs diverses associations et les élus d’Auvergne.  Le collectif des Usagers du Clermont-Paris explique : « Il y a un an, aux côtés de sept autres associations et collectifs, nous adressions un courrier au Président Emmanuel Macron afin de solliciter un entretien pour évoquer un Clermont-Paris en 2 h 30 mn. Pour mémoire, nous n’avons pas encore reçu de réponse. C’est certainement que le Président prend le temps de construire une réponse à la hauteur de l’exaspération croissante des usagers ».

 Les associations cosignataires de cette lettre publique étaient : Vive le Train Cévenol, l’Association des Usagers des Transports d'Auvergne - AUTA Fnaut, Le Train 634269 (qui milite pour la réouverture de Clermont-Ferrand-Saint-Etienne), Usagers du haut Allier, l’association Objectif capitales, Nous voyageurs Massif central et le collectif pour la réouverture de la ligne Clermont-Le Mont-Dore.

Paris-Briançon : 11 heures de retard, itinéraire de secours conseillé par la SNCF au départ de Lyon via Marseille (660 km) au lieu de Grenoble (341 km) !

 Si le retard du Clermont-Paris de vendredi 19 janvier était dû à une défaillance de  locomotive, le retard de onze heures du Paris-Briançon de nuit de la nuit du dimanche 21 au lundi 22 janvier était pour sa part dû à une défaillance massive de signalisation sur la section de ligne située au sud de Valence jusqu’à Montélimar. Cette section est brièvement empruntée sur 18 km par cet Intercités de nuit entre Valence et Livron, gare d’embranchement de la ligne Livron-Veynes et au-delà vers Briançon.

 Parti de Paris Austerlitz à 20 h 51 dimanche 21 janvier, le train devait parvenir en gare de Briançon à 8 h 21. Bloqué en amont à Lyon Part-Dieu, le train a été annulé et les voyageurs invités à passer par Marseille Saint-Charles, soit un détour considérable, via un TER (à 7 h 30) ou  un TGV (à 10 h 30) le lundi matin. SNCF Voyageurs s’est engagé à rembourser le double du prix du billet.

Les voyageurs ayant suivi les conseils qui leur avaient été dispensés sont parvenus à Briançon à 19 h 24, soit un retard d’environ onze heures. Pour autant, quelques malins ont préféré passer par Grenoble et Veynes, itinéraire logique car infiniment plus court que celui via Marseille.  Ils sont parvenus à Briançon à 12 h 30, soit avec sept heures d’avance sur ceux ayant suivi les conseils de SNCF Voyageurs.

IMG_20230929_094555Autorail X73500 des TER Auvergne-Rhône-Alpes en gare de Lus-la-Croix-Haute, sur une voie notablement dégradée. Il ne semble pas venu à l'esprit des cellules de crise de SNCF Voyageurs que l'interruption à Lyon du parcours de l'Intercités de nuit Paris-Briançon pouvait être compensée par un itinéraire via la ligne des Alpes, soit par Grenoble et Veynes. L'itinéraire de substitution suggéré, via Marseille, fût-il assuré par TGV, paraît inconcevable pour qui se dote d'une simple carte de géographie. ©RDS 

 Cette différence en dit long sur la connaissance du réseau des cadres en fonction à Lyon Part-Dieu, voire plutôt à la cellule de crise parisienne. Il s’agit là d’un grave échec commercial qui double l’échec technique initial. Il est stupéfiant qu’une cellule décisionnaire prône un  itinéraire de secours Lyon-Briançon par Marseille, long de 660 km, au lieu d’un itinéraire alternatif par Grenoble et Veynes,  long de 341 km, soit près de deux fois plus court. La convocation de cadres à des séances de formation permanente à la géographie ferroviaire semble devoir s’imposer.

 Durant la semaine du 22 janvier les trains de nuit Paris-Briançon étaient supprimés, remplacés par des autocars, « pour des raison techniques ». Onze heures de nuit par autocar au lieu d’un temps équivalent allongé sur une couchette ferroviaire, nul doute que la clientèle a dû apprécier.

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Commentaires
J
Proposition à envoyer à Mr Farandou.<br /> <br /> Il ferait bien de remettre la "géographie ferroviaire" au "menu" des examens et concours internes...<br /> <br /> Quant à la mise en place des personnels d'encadrement, vérifier les compétences de ceux ci et ne pas se contenter de sélectionner ceux qui acceptent de remplacer les grévistes...
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M
Rebonjour,<br /> <br /> Pour en revenir au Paris-Briançon, puisque l'itinéraire via Valence était impraticable, pourquoi ne pas l'avoir détourné par Grenoble ? La ligne est électrifiée jusqu'à cette ville. Ce qui aurait permis aux voyageurs 1) de dormir plus longtemps au lieu d'être jetés hors du train à Lyon en pleine nuit aux mains de technocrates ignares et 2) si impossibilité de poursuivre vers Briançon si absence de loco diesel à Grenoble, report sur les premiers TER vers Gap. Avec toutefois le risque que les modestes X 73500 n'absorbent pas toute l'affluence inhabituelle.
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N
L'hypocrisie visant à fermer le plus de lignes possibles continue de plus belle au niveau de la direction de la SNCF !
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S
Il ne faut pas oublier les réformes du transport ferroviaire depuis plusieurs décennies. Ces réformes ont, en autre, diviser le transport ferroviaire en activité. Les conducteurs de train étaient affectés à telle ou telle activité suivant leur résidence d’emploi. Un conducteur de fret ne conduit que du fret, un conducteur TER ne conduit que des TER, un conducteur Intercité ne conduit que des Intercités, et de même pour les TGV. Pour Briançon, par exemple, les conducteurs du dépôt de Veynes ne peuvent plus conduire l’Intercité de nui. Ils ne peuvent plus remplacer le conducteur de Valence en cas de retard important pour effectuer la fin du parcours. Et c’est la même chose pour les locomotives, et ainsi de suite. Pour rappel, tous ces choix ont été validés par différents scrutins électoraux. Il est trop tard pour venir pleurer des conséquences qui découlent des ces réformes.
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J
Pourtant l'électrification Moret Clermont n'est pas la plus ancienne loin s'en faut, la ligne n'est pas la plus chargée non plus. Pourquoi tant de pannes sur cet axe ?
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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