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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
6 janvier 2024

Un éboulement, puis des travaux de régénération sur 66,5 km : la ligne des Cévennes coupée en deux pour plus de cinq mois

 Un éboulement de 150 m3 de rochers sur la voie à Monistrol-d’Allier le 15 décembre, puis un renouvellement de voie sur sa section centrale Langeac-Langogne jusqu’au 25 mai : la ligne des Cévennes est de nouveau sectionnée en deux tronçons, cette fois-ci pour un total de cinq mois et dix jours.

 A Monistrol-d’Allier, le dégagement des rochers écroulées sur la voie unique, protégée par des fils d’alerte sur cette section de l’étroite gorge de l’Allier en Haute-Loire, devrait être achevé le 9 février 2024 indique SNCF Réseau.  Les 150 m3 de roches effondrées incluent un bloc unique d’un volume de quelque 20 m3, nécessitant un dynamitage. L’axe de la voie unique a ripé d’un mètre vers le lit de l’Allier sous l’effet dynamique du recouvrement, qui a couvert la superstructure sur environ 70 mètres linéaires.

La section avait été menacée de neutralisation en raison de l'obsolescence de la voie

 Si la zone était de longue date considérée comme dangereuse, avec installation de fils d’alerte sur poteaux type porte-caténaires, on est en droit de s’inquiéter de la qualité du suivi, antérieur au sinistre, de l’évolution de la falaise. A une moindre échelle, cet éboulement de Monistrol-d’Allier évoque celui de la falaise de La Praz, en Savoie, qui a recouvert le 27 août dernier une galerie et une section de voie de la ligne internationale Chambéry-Modane-Turin. Dans ce dernier cas, ce sont 15.000 m3 de roches qui s’étaient effondrés, soit cent fois plus qu’à Monistrol-d’Allier. Le délai de rétablissement des circulations en Savoie est désormais évalué à presque une année et demie, soit un retour des circulations fin 2024.

Monistrol Cévennes EboulementRails recouverts de blocs de roche, voie désaxée, installation d'alerte (fils et poteaux) détruits : SNCF Réseau a prévu deux mois d'interruption de trafic commercial pour travaux, avant d'entreprendre ceux destinés à régénérer l'ensemble de la section de 66,5 km entre Langeac et Langogne. (Doc. SNCF Réseau)

 En Haute-Loire, le Collectif  des usagers des transports du Haut-Allier, qui militetgo activement pour le maintien du service public ferroviaire, s’est une nouvelle fois ému d’une éventuelle suspension définitive du trafic suite au sinistre de Monistrol-d’Allier. La longueur de la suspension de trafic pour purge et réparation, d’une dizaine de semaine, ne traduit pas une particulière précipitation administrative.

 Par ailleurs, SNCF Réseau avait menacé, voici deux ans, de neutraliser la section Langogne - Saint-Georges-d’Aurac en raison de la dégradation de la superstructure, de la même façon que fut tronçonnée en 2016 la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand par neutralisation de sa section Boën-Thiers, ou Oyonnax-Saint-Claude sur Lyon-Saint-Claude. Dans les gorges de l’Allier, certaines déformations de la géométrie de la voie menaçaient le respect du gabarit.

 Finalement, une première salve de travaux ponctuels a été inscrite sur l’agenda de SNCF Réseau au deuxième trimestre 2023, concernant l’ensemble de la section Langogne-Brioude, pour un devis de 3,6 millions d’euros. En 2024, c’est la section Langogne-Langeac qui sera concernée avec régénération de la voie pour 10 millions d’euros cofinancés par SNCF Réseau, la région Auvergne-Rhône-Alpes et l’Etat. Cette intervention est inscrite au Contrat de plan Etat-région en cours et permettra d’éviter le tronçonnage de cette ligne interrégionale Nîmes-Clermont-Ferrand.

Des délais allongés pour raisons administratives

 Olivier Depalle, maire de Monistrol-d'Allier, a tenu à rassurer les usagers et défenseurs de la ligne lors d’un déplacement le 27 décembre sur les lieux de l’éboulement, déclarant : « Les travaux ont bien débuté, sur place, j'ai déjà pu remarquer des traces de peinture, des cordes, etc. qui montrent que du travail a été fait. On a également reçu en mairie des documents relatifs à l'utilisation d'explosifs. Donc c'est en cours, simplement les délais sont plus longs pour des raisons administratives. »

 Les responsables de SNCF Réseau avaient expliqué, dans des propos antérieurs rapportés le 23 décembre par le quotidien du Puy L’Eveil de la Haute-Loire : « Les procédures de contractualisation dans le respect du code des marchés publics sont en cours et nous espérons un début du chantier par l’entreprise retenue pour ces travaux dans les premiers jours de janvier ». Les blocs les plus importants nécessitent de recourir à des microminages. Une purge de certains éléments instables de la falaise sera peut-être nécessaire, avec les aléas temporels que cela pourrait comporter.

Monistrol Cévennes Eboulement 2Sur cet autre photographie aérienne, on distingue nettement le gauchissement de la voie causé par l'énergie latérale de l'éboulement. Ce dernier reste néanmoins cent fois moins important en volume que celui de La Praz, en Savoie. (Doc. SNCF Réseau) 

 Les travaux de dégagement et éventuellement de purge devraient durer trois à quatre semaines selon SNCF Réseau. Une semaine supplémentaire sera nécessaire pour la dépose des composants de la voie endommagés et gauchis, le renouvellement du ballast, des rails, des traverses, des caniveaux et des fils de télécommunication dans leur alignement originel. Suivra la réinstallation des fils de détection des chutes de rochers et leurs poteaux, ceux-là même qui ont permis le 15 décembre de déclencher la procédure d’urgence d’arrêt général des circulations.

Une section de 66,5 km tracée dans les profondes gorges de l’Allier

 La section Langeac-Langogne, longue de 66,5 km, court dans l’étroite gorge de l’Allier entre rivière et falaise. Elle comprend à 24 km au sud de Langeac la gare de Monistrol-d’Allier (km 544,519 origine Paris gare de Lyon), la gare d’Alleyras et celle de Chapeauroux, localité créée ors de la construction de la ligne et célèbre pour le viaduc qui la précède depuis le nord, long de 433 m et réhabilité voici trois ans. Trois autres gares intermédiaires sont fermées : depuis le nord, Chanteuges, Prades-Saint-Julien et Jonchères.  Sur les 66,5 km séparant les gares de Langeac et Langogne, la ligne affiche un dénivelé de 398 m. La voie ferrée est dans de nombreuses communes inaccessible par la route.

DSCN1393Rame Clermont-Ferrand - Nîmes au départ  de la gare de La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains, au sommet de la ligne des Cévennes. Le village de La Bastide est situé à la limite des départements de la Lozère et de l'Ardèche. Etape du chemin de Stevenson il est proche des sources quasi-communes de l'Allier (bassin versant de la Loire), du Chassezac (bassin du Rhône) et du Lot (bassin de la Garonne). ©RDS

 La section Langeac-Langogne ne compte pas moins de 48 tunnels et 31 ponts ou viaducs. Elle constitua pour ses constructeurs un véritable exploit qui nécessita huit années de travaux.  Elle est incluse dans le décret de concession à la compagnie du chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) de la section Saint-Georges-d’Aurac - La Levade (cette dernière gare minière est située au nord d’Alès), longue de 144,6 km, qui date d’avril 1862. La sous-section centrale de 106,25 km qui relie Langeac à Villefort via Langogne et La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains (1.024 m d’altitude, faîte de la ligne), ne fut mise en service qu’en mai 1870. C’était la plus complexe à construire en raison des tunnels susmentionnés dans les gorges de l’Allier, côté nord, et de 21 autres tunnels ou galeries sur les seuls 21 km séparant La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains de Villefort, côté sud. Parmi ces derniers, le célèbre tunnel d’Albespeyre, long de 1.521 m, nécessita la construction d’une usine de ventilation pour assurer l’extraction des fumées aux temps de la traction vapeur.

Trois  allers-retours TER quotidiens et deux allers-retours fret hebdomadaires

 Le trafic actuel de la section Langeac-Langogne est constitué en jour ouvrable de base de trois allers-retours TER Occitanie bi-régionaux Nîmes-Clermont-Ferrand, et de deux rotations hebdomadaires de trains de grumes Langeac-Tarascon destinés à fournir en matière première une importante usine de pâte à papier. Ce dernier trafic fret explique que la section en travaux de renouvellement à partir de février soit amorcée à Langeac et non à Saint-Georges-d’Aurac. Cela permet de dérouter les trains de grumes Langeac-Tarascon par le nord, via Clermont-Ferrand et Lyon. Mais cette solution fait plus que doubler le kilométrage par rapport à l’itinéraire via Alès et Nîmes : 583 km contre 230 km.

LangeacCi-dessus : Saisie à Langeac, gare de chargement, rame fret convoyant des grumes à destination de Tarascon. Un temps assuré par ECR (ci-dessous, à Villefort en 2016), ce service a été repris par le groupe SNCF. Il s'agit du seul flux fret sur la partie occitane de la ligne.

DSCN1022

La neutralisation suite à l’éboulement de Monistrol-d’Allier a été prévue pour coller au début de celle nécessitée par les travaux de régénération prévus. Ces derniers commenceront dès le lendemain de la fin des travaux de dégagement et rétablissement de la voie dans la zone du sinistre.

 L’éboulement de Monistrol-d’Allier est survenu au cœur de la section promise à des travaux de renouvellement cette année, ce qui ne fait qu’étendre d’environ deux mois la plage de suspension de trafic commercial pour travaux de régénération.

Les élus « se battent pour que cette ligne reste ouverte »

 La chute des rochers « est très certainement due à la sécheresse, suivie des dernières pluies », a jugé le maire de la commune interrogé par L’Eveil de la Haute-Loire, explication qui peut s’appliquer à la plupart des événements de ce type depuis la nuit des temps. Il réaffirme que les élus de cette région « se battent pour que cette ligne reste ouverte ». Olivier Depalle « ne comprend donc pas pourquoi les petites lignes ferroviaires comme celle-ci ferment ou sont délaissées », affirmant que de son côté « il ne le laisserait pas faire ».

LangognePendant les travaux, les TER de la partie sud de la ligne seront origine destination La Bastide-Saint-Laurent-les-Bains. La gare de Langogne sera desservie principalement par les autocars de substitution La Bastide-Langeac. L'importance du bâtiment de cet établissement était justifié par la jonction de la ligne vers Le Puy et par l'activité du faisceau fret (bois, élevage...).

 Pour les trois gares intermédiaires directement concernées par la suspension de la circulation des trains jusqu’au 25 mai (Monistrol-d’Allier, Alleyras et Chapauroux), un service de substitution de transport à la demande est proposé par SNCF Voyageurs avec réservation obligatoire la veille avant 19 h 00. On est loin de l’accès direct aux trois trains quotidiens par sens… Pour les liaisons en transit, des autocars de substitution sont assurés entre Langeac et La Bastide-Saint-Laurent-les Bains avec desserte de Langogne, en correspondance avec les trains TER sur les deux versants de la ligne. Quelques trains venant du sud toucheront tout de même Langogne.

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Commentaires
D
Bonne nouvelle quand même, la ligne des Causses a été remise en exploitation le 5 janvier dernier.
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S
Hé oui mon bon Monsieur, c'est ça la France ! On est toujours dans l'incantation sur le sujet chemin de fer, les beaux discours endorment les gens, et les promesses n'engagent que ceux qui y croient...Pendant ce temps, les lignes meurent à petit feu, quand elles n'ont pas la malchance de subir un accident naturel, jusqu'à ce qu'elles deviennent inexploitables car dangereuses. Et là, des élus en mal de reconnaisance, appuyés par des nymbistes possédant pavillon et SUV(ou 4x4)se précipitent pour demander leur conversion en "voie verte"(sic !). C'est la vision française de l'écologie...
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M
Bonjour,<br /> <br /> La ligne des Causses également fermée pour une longue durée suite à la crue de l'Orb au sud et le mauvais état de la voie au nord, les lignes de Briançon et Bourg St-Maurice neutralisées à cause d'inondations, travaux interminables en Maurienne après l'éboulement et sur Digne-Nice pour plusieurs années, voie ferrée moribonde sur Grenoble-Veynes... les lignes "secondaires" vont très mal en France. Je crains que les catastrophes naturelles et défauts (volontaires) de maintenance servent de prétexte à des fermetures, comme ce fut le cas sur Böen-Thiers et Pau-Canfranc, ligne jamais entièrement rouverte après l'accident de 1970. Et on nous parle de "développement durable", de lutte contre le réchauffement climatique, de limitation du trafic auto, alors que tout est fait pour renforcer ce dernier. Sans parler des tarifs SNCF qui augmentent sans cesse, rejetant beaucoup d'usagers sur la route (re)devenue plus attractive, comme je l'ai entendu aux infos ce matin... Hypocrisie, quand tu nous tiens !
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D
En fait Langogne verra quand même quelques trains. Côté Sud, le plan transport est apparemment similaire à ceux déjà précédemment appliqués lors des précédentes phases de travaux dans les gorges de l'Allier. Les trains du matin et de mi journée se croisant à La Bastide, côté Sud la rame fait le demi tour dans cette gare pour ces 2 trains. En revanche les trains du soir se croisent à Langogne et il est effectivement prévu que le demi tour de la rame Sud se fasse dans cette gare. En outre Langogne est touchée par un AR en provenance de Nîmes les lundis matins en période scolaire.<br /> <br /> NB: Le samedi matin, le Clermont Nîmes est retardé et croise son homologue pair à Langogne mais là effectivement la rame côté Sud fera demi tour à La Bastide également le samedi.
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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