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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
27 décembre 2023

Renfe se veut conquérant en France, misant sur l'axe Paris-Lyon-Marseille et sur les relations inter-régionales délaissées

 Cinq mois seulement après avoir lancé en solo ses services voyageurs à grande vitesse en France, de Lyon à Barcelone et de Marseille à Madrid par Barcelone, Renfe enregistre un bilan remarquable avec un taux d’occupation de ces deux allers-retours quotidiens internationaux et inter-régionaux de quelque 80 %. S’il est vrai que ce brillant résultat a été obtenu par des prix de lancement particulièrement abordables, surtout sur les trajets inter-régionaux intérieurs à la France, il paraît suffisamment solide au groupe public espagnol pour décider de lancer des circulations au départ de Paris vers Lyon, Marseille et Barcelone, si possible à l’horizon des Jeux olympiques de l’été 2024 qui se dérouleront dans la capitale française.

DSCN3847Rame AVE S100 Renfe en stationnement sur la voie 4 de la gare de Valence TGV, assurant la circulation de fin de matinée entre Barcelone Sants et Lyon Part-Dieu. La correspondance entre les trains à grande vitesse et les services TER du Sillon alpin connaît un flux souvent important. ©RDS 

 Ce premier bilan et la stratégie offensive de Renfe lui a valu d’être reconnu comme « Entreprise espagnole de l’année » par la Chambre de commerce espagnole en France, la COCEF. Le président de Renfe, Raul Blanco, a reçu ce prix mercredi 13 décembre à Paris, occasion pour lui de confirmer son objectif : connecter les services voyageurs à grande vitesse Renfe à Paris afin de faire croître sa présence « de manière exponentielle » sur le marché français. « Nous sommes là pour rester », a-t-il déclaré. La SNCF, qui a unilatéralement rompu l’accord d’exploitation en commun des services Lyon/Marseille-Espagne voici deux ans, est prévenue.

Deux-cent-cinquante-mille passagers en cinq mois de service sur deux allers-retours quotidiens

 En cinq mois d’exploitation de ses services Lyon/Marseille-Espagne lancés le 13 juillet, Renfe a transporté plus de 250.000 passagers avec un taux d’occupation record de 80 %, comme indiqué plus haut. Ces services avaient pourtant été exploités seulement un jour sur deux pendant les premières semaines. Le marché Lyon/Marseille (et Toulouse en son temps)-Espagne avait été légué par la SNCF à Renfe du temps de leur coopération. Les dirigeants parisiens de l’entreprise publique française, aveuglés par leur tropisme centraliste, étaient comme toujours persuadés que seules les origines-destinations Paris pouvaient être ferroviairement porteuses.

AVE S100 Doc RenfeRame AVE S100 dans la campagne espagnole. Ce matériel Alsthom, actuellement affecté aux relations Lyon/Marseille-Barcelone/Madrid, sera complété par des rames Avril de Talgo pour assurer la deuxième phase de l'expansion des services Renfe en France. (Doc. Renfe) 

 Renfe, indique le communiqué  de l’exploitant ibérique, « a réussi à démarrer seul ses opérations AVE (appellation des trains à grande vitesse espagnols, NDLR) sur le marché français en un temps record en menant à bien toutes les procédures techniques, opérationnelles et administratives avec son propre personnel ». Contrairement aux procédures en vigueur du temps de l’exploitation en coopération avec la SNCF, ce sont désormais les agents de conduites espagnols qui pilotent les trains Renfe de bout en bout. Antérieurement existait un relais conduite à Perpignan, tant pour les TGV SNCF Paris-Barcelone que pour les AVE Renfe Lyon/Marseille/Toulouse-Espagne. Les conducteurs espagnols pilotaient les rames des deux exploitants en Espagne, les conducteurs français en France.

 Le déploiement opérationnel s'est fait progressivement au cours de l'été pour garantir la stabilité du service jusqu'à ce qu'il atteigne 28 circulations hebdomadaires, soit 14 Lyon-Barcelone (un aller-retour quotidien sept jours sur sept aux mêmes horaires) et 14 Marseille-Barcelone-Saragosse-Madrid (idem).

Au départ de Paris, cinq missions Lyon, deux prolongées Marseille d’autres Barcelone

 L’objectif est désormais de tracer des circulations au départ de Paris sur la LGV Sud-Est parallèlement aux TGV Inoui, Ouigo et aux Frecciarossa de Trenitalia. Selon Les Echos, Renfe proposerait « cinq allers-retours quotidiens sur Paris-Lyon, dont deux en prolongation sur Lyon-Marseille » et probablement d’autres en prolongation sur Barcelone.

 Les AVE Paris-Barcelone pourraient utiliser la totalité des lignes nouvelles à disposition, Contournement de Nîmes et Montpellier (CNM) compris. Les services Renfe Lyon/Marseille-Espagne utilisent actuellement entre ces deux villes la ligne classique, leur permettant de capter la clientèle des importantes gares centrales, Montpellier Saint-Roch et Nîmes Pont-du-Gard, comme du temps de l’exploitation en coopération. Les flux inter-régionaux intérieurs à la France, de moyenne distance (Montpellier-Lyon par exemple), sont importants pour ces missions d’autant que la SNCF a dispersé son offre TGV, y compris inter-régionale (Lyon-Toulouse par exemple), entre les deux lignes (classique et CNM) rendant l’usage de ces services souvent peu lisible pour les clients.

DSCN3668Rame AVE Renfe dans la tranchée de la Citadelle à quelques mètres de la salle de concert du Corum (à g.), à l'approche de la gare de Montpellier Saint-Roch en provenance de Lyon et en direction de Barcelone. Une seule rame assure l'aller-retour dans la journée. Une deuxième rame permettrait d'assurer une rotation du matin et une autre de fin d'après-midi, ouvrant enfin la possibilité aux Languedociens de passer une simple journée en Catalogne sans avoir à réserver un hôtel.  ©RDS 

 Sur Paris-Barcelone, Renfe compte exploiter plusieurs allers-retours quotidiens, quand la SNCF en exploite trois en période estivale et deux en service de base. Au total l’exploitant public espagnol, explique le quotidien espagnol La Razon, passerait de quatre à seize circulations  voyageurs quotidiennes à grande vitesse soit de deux à huit allers-retours. La nature des missions n’est pas encore détaillée précisément. On peut toutefois pronostiquer : cinq Paris-Lyon dont deux prolongés Marseille et éventuellement trois prolongés Barcelone, deux Lyon-Barcelone de début et fin de service, un Marseille-Madrid.

Deux Lyon-Barcelone positionnés en début et fin de journée pour créer enfin des relations inter-régionales ?

 L’ajout d’un Lyon-Barcelone stricto sensu permettrait à Renfe de proposer deux circulations de début et fin de service. Les Lyonnais, Savoyards, Dauphinois et plus bas Languedociens disposeraient ainsi d’un premier départ vers l’Espagne tôt le matin et retour tard le soir. Un départ de Lyon à 6 h 00 atteindrait Montpellier Saint-Roch à 7 h 55 environ, soit bien plus tôt que le premier départ de train à grande vitesse vers Barcelone qui est actuellement le Marseille-Madrid, expédié de Montpellier Saint-Roch à 9 h 33. Le premier TGV Paris-Barcelone quitte la préfecture de l’Hérault à… 13 h 17.

IMG_20230702_132054Faisceau de la gare de Montpellier Saint-Roch, côté sud, et rame TGV Inoui en stationnement sur la voie F. Le premier départ de cette ville vers l'Espagne est proposé par la SNCF à 13h17...  ©RDS

 Cette situation interdit aux Languedociens, pourtant voisins de la Catalogne, de programmer un aller-retour dans la journée permettant un séjour crédible dans les villes catalanes desservies. SNCF Voyageurs considère à l’évidence que le marché de voyages de proximité Occitanie-Catalogne ne présente pas d’intérêt, (dé)raisonnement classique chez ses dirigeants.

 Un opérateur privé espagnol, filiale d’Air Nostrum, avait envisagé de profiter de ce travers des dirigeants ferroviaires de la France jacobine en envisageant des circulations de proximité en début et fin de journée, projet resté sans suite. Renfe, dont la culture hispanique repose sur une vision multipolaire du territoire, à l’opposé du centralisme parisien, y remédiera-t-il ?

 Renfe desservirait pour certaines de ces missions – probablement des Paris-Barcelone - les gares sur ligne nouvelle CNM de Nîmes-Pont-du-Gard (connectée aux TER) et Montpellier Sud-de-France (sans aucune connexion TER), perdant l’avantage des gares centrales mais gagnant, au moins pour Montpellier, la proximité relative du littoral touristique.

L’emprunt du CNM et ses gares exurbanisées, avantages et inconvénients

 En empruntant le CNM pour certaines de ces missions, l’exploitant espagnol gagne un peu en kilométrage (62,5 km contre 70 km entre la jonction LGV de Manduel et celle de Lattes soit un modeste gain de 7,5 km) ; en vitesse (la ligne classique est limitée à 160 km/h contre 220 km/h sur le CNM dans un premier temps) ; mais surtout en disponibilité de sillons et en robustesse de graphique. La ligne classique est chargée de missions hétérogènes rendant la ponctualité plus aléatoire : TER omnibus, TER  express, Intercités Grand Sud directs, une moitié du flux TGV, des circulations fret incompatibles à certaines heures avec le trafic TGV sur le CNM, ou d’origine locale (embranchement Perrier à Vestric, trains de travaux…).

IMG_20230706_191803Rame TGV Inoui en stationnement sur la voie 3 de la gare de Valence TGV. L'augmentation de l'offre globale induite par l'arrivée de Renfe sur le marché français profitera à l'ensemble des populations du Sud-Est, que ce soit celles du bassin lyonnais ou celles du Sillon alpin (voire de Suisse) dans leurs déplacements vers la Méditerranée, qu'elle soit française ou espagnole.  ©RDS 

 L’emprunt du CNM plutôt que de la ligne classique permet d’économiser au plus une dizaine de minutes sur le trajet Paris-Barcelone, si l’on en croit les horaires des services TGV de la SNCF. Au service 2024, les deux allers de base (semaine) Paris-Barcelone empruntent la ligne classique entre Nîmes et Montpellier et affichent un temps de parcours de 6 h 49 mn et 6 h 45 mn, ce qui ne permet pas de comparaison. En revanche au retour, le premier Barcelone-Paris est tracé par la ligne classique avec un temps de parcours de 6 h 53 mn (1 h 41 mn entre Sète et Valence-TGV), le second par le CNM avec un temps de parcours de 6 h 44 mn (1 h 31 mn entre Sète et Valence-TGV). Notons que ce dernier temps de parcours équivaut au meilleur des deux dans l’autre sens… via la ligne classique.

 La desserte des gares ex-urbanisées se conçoit mieux sur les très longues distances telles que Paris-Barcelone, itinéraire de plus de 1.200 km. La priorité doit logiquement y être donnée à la vitesse. Pour autant, dans ce cas précis la dizaine de minutes gagnées peine à justifier le handicap commercial : absence ou insuffisance de correspondances TER (aléatoires à Nîmes Pont-du-Gard), connexions aux réseaux urbains faibles (Montpellier Sud-de-France) ou nulles (Nîmes Pont-du-Gard), localisation en zones peu denses, surtout à Nîmes.

Une amélioration au sud de Lyon sur un axe Rhône-Alpes-Languedoc assez mal desservi

 Paris gare de Lyon sera l’origine-destination des Paris-Barcelone. Renfe ajoute que certains de ses services desserviront Lyon Perrache, ce qui laisse entendre que ses Lyon-Barcelone, très courus, ne seraient plus amorcés à Part-Dieu mais à Perrache et que leur fréquence pourrait être augmentée au-delà d’un aller-retour quotidien. Ce serait un avantage important pour les clients voyageant entre le Languedoc et Rhône-Alpes, axe notoirement mal desservi par SNCF Voyageurs bien qu’il recèle un potentiel de marché insuffisamment exploité.

Ci-dessus et ci-dessous - Rames de la série "Avril" à grande vitesse du constructeur espagnol Talgo. Ce type de matériel, en attente d'homologation sur le réseau ferroviaire national français, assurera les nouvelles prestations de Renfe prévues au cours de l'année 2024. (Doc. Talgo)

Au total, les trois lignes Renfe (Lyon-Barcelone, Paris-Barcelone, Marseille-Madrid) devraient desservir une vingtaine de gares, indique Renfe, soit : Paris Gare de Lyon, Lyon Part-Dieu, Lyon Perrache, Valence TGV, Avignon TGV, Aix-en-Provence TGV, Marseille Saint-Charles, Nîmes Centre, Nîmes Pont-du-Gard, Montpellier Saint-Roch, Montpellier Sud-de-France, Narbonne, Perpignan, Figueras Vilafant, Gérone, Barcelone Sants, Camp de Tarragona, Saragosse Delicias, Madrid Puerta de Atocha, voire une autre non précisée.

 Les services Paris-Barcelone impliqueront le recours à de nouvelles rames, rompant avec les « antiques » - quoique remarquablement entretenues – AVE S100 Alsthom des missions Lyon/Marseille-Espagne. Les nouvelles rames Talgo S106 dites « Avril », dotées de plus de 500 sièges par unité, seront mises en service une fois la phase d’homologation en cours achevée. Cette dernière est menée par les équipes de Talgo, accompagnées de techniciens de Renfe. L’objectif est d’obtenir  leur autorisation de circulation pour l’été et les Jeux olympiques. L’offre cumulée atteindra 2,7 millions de sièges par an. Un taux d’occupation moyen de 80 % induirait une demande annuelle de 2,1 millions de billets AVE cumulés sur les trois axes desservis.

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Commentaires
E
À quand le retour du Talgo Catalan (Genève-Barcelone par le sillon alpin)? À défaut, de bonnes correspondances à Valence-TGV, ça le ferait aussi.<br /> <br /> <br /> <br /> Dans les commentaires sur la gare souterraine de Genève, un contributeur fournissait un lien vers un document à propos de la liaison Genève-Lyon. Dedans, il était entre autre mentionné la disparition des TGV Genève-Montpellier via Lyon dans les années 2010. Peut-être une opportunité aussi.<br /> <br /> <br /> <br /> Je remets le lien : <br /> <br /> <br /> <br /> https://www.ate-ge.ch/fileadmin/user_upload_sektion_genf/Geneve_-_Lyon_web.pdf
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J
On ne peut que se féliciter du succès de la RENFE et l'encourager à assurer des services Saragosse Pau si le tronçon Bedous Canfranc est rouvert et Toulouse Barcelone par Puigcerda. Si cela pouvait donner des idées aux régions pour des liaisons internationales de proximité....
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J
Il serait amusant que la Renfe reprenne la transversale Lyon Bordeaux en la prolongeant vers le Pays Basque...<br /> <br /> Chiche !
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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