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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
17 juin 2023

Lentement, l’axe historique Paris-Toulouse reprend forme, sous la pression des populations desservies

 L’axe Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, ou « POLT », assure une triple fonction, nationale de Paris à Toulouse (713 km), inter-régionale entre Ile-de-France, Centre-Val-de-Loire, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, et de périphérie métropolitaine au sud de la mégapole parisienne. Après une période  de marginalisation due à la concurrence des liaisons Paris-Toulouse par ligne à grande vitesse via Bordeaux l’Etat, sous la pression des opinions régionales exaspérées par la dégradation des conditions de transport a accordé des sommes importantes pour la moderniser, de l’ordre de 2,3 milliards d’euros.

 Cette ligne à double voie est la résultante de l’addition de trois sections de lignes : de Paris à Orléans-Les Aubrais, section de l’axe historique Paris-Bordeaux de la compagnie du Paris-Orléans (PO) ; des Aubrais à Montauban, autre ligne de la compagnie du PO ; des Montauban à Toulouse, section de la ligne de Bordeaux à Sète de la compagnie du Midi. L’ensemble a été progressivement et tardivement mis en service de 1841 à 1893, la dernière section à être achevée étant celle située entre Limoges et Brive. 

 La ligne a été électrifiée entre 1926 et 1935 de Paris à Brive, par le PO, et en 1935  de Montauban à Toulouse, par le PO-Midi. C’est seulement en 1943 que la section Brive-Montauban sera électrifiée malgré les pénuries de matériaux, par la SNCF.

Des travaux menés depuis 2004 sur un axe délaissé par l’exclusivité accordé au TGV

  Depuis 2004, le gestionnaire d’infrastructure réalise des travaux destinés en particulier à renouveler intégralement les caténaires et des sections de voie. Des installations permanentes de contre-sens (IPCS) sont créées pour fluidifier ou maintenir le trafic en cas d’interruption d’une des deux voies. Plusieurs ouvrages d’art et la signalisation sont remplacés ou modernisés. Sur la section Orléans-Montauban (544,5 km), la ligne accepte des circulations à 220 km/h entre Orléans et Vierzon mais ses limites de vitesse tournent autour de 110 à 120 km/h dans la partie montagneuse de Limoges à Caussade (240 km).

2021-02Toulouse Matabiau côté voies et quais. Trois fois par jour des trains Intercités partent pour Paris via Limoges, 713 km parcourus en un peu moins de 7 heures avec desserte de onze gares intermédiaires. Le nombre de trains à grande vitesse vers Paris, quant à lui, est de sept par jour, Inoui et Ouigo confondus. On compte aussi un train de nuit Toulouse-Paris par la Limoges, mais sans desserte commerciale entre Montauban et Les Aubrais. ©RDS

 Le destin du POLT illustre à l’excès la dérive induite par la politique d’exclusivité en faveur de la grande vitesse : l’abandon des territoires intermédiaires au profit des relations TGV entre Paris et les quelques métropoles admises dans la cour des grands. Les trains Paris-Toulouse par  Orléans et Limoges se sont raréfiés à partir de la mise en service de la LGV Atlantique en 1990. Le train drapeau Le Capitole, qui relia Paris à Toulouse en 5 h 56 mn au meilleur temps entre l’été 1971 et l’hiver 1974/75, disparut en 1991. Notons qu’entre le service horaire 2001 et le service horaire 2002, un train était tracé en 5 h 51 avec les mêmes arrêts que le Capitole des meilleures années. Aujourd’hui les TGV Paris-Toulouse par Bordeaux, qui empruntent les lignes à grande vitesse, abattent le parcours en 4 h 17 mn. Ce temps devrait être réduit à 3 h 15 mn à la mise en service de la LGV Bordeaux-Toulouse du « Grand projet Sud-Ouest » (GPSO) pour les TGV ayant seulement un arrêt à Bordeaux.

 Mais parallèlement à la disparition du Capitole, c’est toute la trame des trains tracés de bout en bout qui a été progressivement asséchée, dans une logique de comptabilité à court terme délaissant les besoins des villes intermédiaires. Les trains Paris-Toulouse par le POLT offrent non seulement des relations entre les villes intermédiaires et la capitale ou la ville rose, mais aussi entre elles. Cette offre se contracta en une série de relations segmentées entre TER propres aux trois régions traversées et aux Transiliens d’Ile-de-France, et Intercités conçus principalement entre les villes intermédiaires et Paris.

Trois relations quotidiennes Intercités de bout en bout avec des compléments mais exclusivement vers Paris

A ce jour, les relations Intercités Paris-Toulouse se résument à trois rotations quotidiennes, - deux le dimanche – soit deux départs le matin de Paris (6 h 33, 8 h 22) et une en début d’après-midi (14 h 35) avec un temps de parcours compris entre 6 h 52 mn et 7 h 01 mn. Ces trains desservent onze gares intermédiaires : Les Aubrais, Vierzon, Châteauroux, La Souterraine, Limoges, Brive, Souillac, Gourdon, Cahors, Caussade, Montauban. Ils ne desservent pas Saint-Sulpice-Laurière et sa correspondance vers Guéret. Il convient d’ajouter à ce flux le train de nuit Intercités 3751/3 mais qui ne dessert aucune gare entre Les Aubrais et Montauban, pas même Limoges, et effectue le parcours Paris-Toulouse en 9 h 25 mn.

 Les relations directes les plus longues entre ces villes intermédiaires et les villes d’extrémités ne sont possibles que par ces Intercités et par des Intercités partiels qui permettent à la SNCF et à l’Etat, autorité organisatrice des Intercités, d’économiser des kilomètres-trains. Mais ces Intercités partiels ne relient ces villes intermédiaires (au départ de Cahors et Limoges) qu’avec Paris, pas avec Toulouse.

limoges_benedictins Nouvelle Aquitaine TourismeGare de Limoges Bénédictins, classée monument historique, inaugurée en juillet 1929 par la compagnie du Paris-Orléans réputée pour le soin qu'elle apportait à l'architecture de ses gares. Si la capitale de la porcelaine est reliée neuf fois par jour par Intercités avec Paris, elle ne l'est que trois fois par jour avec Toulouse. Et le train de nuit y passe sans s'arrêter. Une solution avec changement de train à Cahors (Intercités-TER) s'y ajoute. (Doc. Nouvelle-Aquitaine Tourisme)

 Dans le sens sud-nord, les trois Toulouse-Paris (3644, 3650 et 3694) sont complétés au départ de Cahors vers Paris par deux autres Intercités (3634 et 3654). Ils sont complétés au départ de Limoges vers Paris par quatre autres Intercités (3614, 3624, 3674 et 3684) portant la fréquence Limoges-Paris à neuf circulations.  Le bât blesse dans l’autre sens. L’offre de base Limoges-Toulouse   assurée par les trois Intercités Paris-Toulouse (3605, 3619 et 3645) n’est complétée par aucune autre circulation Intercités permettant un trajet direct. Seule une solution supplémentaire est proposée, avec correspondance TER Occitanie à Cahors, allongeant le temps de parcours d’environ une demi-heure (7 h 24 mn contre 6 h 52 mn) et exigeant une tarification hétérogène. Tout compris, le voyageur au départ de Limoges ne dispose que de quatre fréquences dont seulement trois directes avec Intercités et une Intercités-TER.

Avant le TGV, on a compté jusqu'à 5 allers-retours Paris-Toulouse diurnes plus deux allers-retours de nuit

 La stratégie de la SNCF consistant à remplir au maximum ses TGV, l’entreprise publique a réduit le nombre d’allers-retours Paris-Toulouse de cinq circulations diurnes à la fin des années 1970, auxquelles il fallait ajouter deux circulations nocturnes, à trois par jour (et une nocturne).

 A partir de l’apparition du TGV Atlantique fin 1990, la SNCF a privilégié le passage par Bordeaux avec une liaison à l’ouverture, 2 en septembre 1991, 3 à l’été 1992, 4 en septembre 1995, 5 en décembre 2003 et 7 à ce jour (Inoui et Ouigo). Le transit par Bordeaux est plus rapide de 50 minutes par rapport à celui par Limoges, mais il exige un allongement de parcours de 112 km, répercuté sur le plan tarifaire. Et, surtout, ces TGV ignorent toutes les agglomérations de l’ouest du Massif central.

Carte

Sur la carte de la France ferroviaire, les 713 km du POLT apparaissent comme un axe majeur du réseau. Pourtant, l'adaptation et l'entretien de ses installations ont longtemps été négligées, la SNCF optant pour un report de l'essentiel du trafic voyageurs sur l'itinéraire à grande vitesse Paris-Bordeaux et la ligne Bordeaux-Toulouse. Mais comme sur d'autres corridors (par exemple l'axe vallée du Rhône-Languedoc) l'offre a été concentrée sur la grande vitesse, laissant aux lignes classiques des services disloqués entre régions. (Doc. SNCF) 

 A cette situation, il convient d’ajouter la dégradation de la fiabilité des horaires, entre retards liés à la vétusté et interruptions liées aux travaux. Selon les statistiques de SNCF Voyageurs,  19 % des trains ont eu en 2022 plus de dix minutes de retard. Legrand, géant français du matériel électrique  installé à Limoges, a sonné l’alarme en décembre dernier, menaçant de déménager si la liaison avec Paris – en 3 heures 15, au mieux – ne s’améliorait pas. Tout au long du parcours, des associations et des élus se mobilisent depuis des années pour exiger que l’axe reste structurant et que le service prenne mieux en compte les besoins de ces territoires et de la dizaine de départements desservis.

 Le 3 mars, une réunion solennelle a été tenue à Limoges en présence du PDG du groupe SNCF Jean-Pierre Farandou et du ministre délégué Clément Beaune. Ce dernier a affirmé « qu’aucune autre ligne en France n’a fait l’objet d’un te plan d’investissement ». Toute la question est de savoir sur quelle période et sur quel kilométrage et à quelles conditions de réalisation des travaux. Ce printemps, tant pour l’Ascension que pour la Pentecôte, la ligne a subi des fermetures pour travaux de voies entre Caussade et Cahors, en gare de Cahors.

Vingt-huit rames « Oxygène » de CAF aptes à 200 km/h, pour 700 millions d’euros, sans compter les options

 Le gouvernement fait par ailleurs valoir que l’Etat a passé commande au constructeur espagnol CAF de 28 rames destinées à assurer les Intercités diurnes circulant sur la ligne POLT. Ces rames automotrices électriques « Oxygène » remplaceront les rames tractées. Elles offriront 420 places assises, soit une vingtaine de plus que les compositions Corail standard. Le marché passé avec CAF est évalué à 700 millions d’euros pour mise en service  des rames « Oxygène » fin 2025. Ces trains pourront circuler à 200 km/h sur les sections autorisées. Ils comprendront un espace pour une dizaine de vélos, signe de la prise en compte de la fonction régionale et de cabotage de ces services. Ces rames, d’un accès plus facile que les Corail, disposeront du même nombre de passagers par porte que ces dernières, ce qui facilitera les échanges et permettra de réduire les temps d’arrêt en gare.

 

 

Vidéo présentant la construction des rames Oxygène à l'usine CAF de Bagnères-de-Bigorre. (Doc. CAF, Ministère des Transports, SNCF)

 Ce n’est en effet qu’en cumulant les trafics que l’axe pourra retrouver toute sa légitimité, entamée par le dogme de la grande vitesse. Outre le fret qui y joue un rôle important, le trafic voyageurs peut être développé en promouvant :

- Les liaisons longue distance Paris-Toulouse en mode économique – prix attractif par rapport au TGV en jours de pointe – ou touristique – les paysages traversés souvent magnifiques dans les départements de la Creuse, de la Haute-Vienne, de la Corrèze et du Lot ;

- Les liaisons à moyenne distance vers l’Ile-de-France, mais aussi vers Toulouse et la transversale Grand Sud Bordeaux-Marseille que l’on espère bientôt équipée à nouveau d’Intercités tracés au-delà de Marseille de et vers Nice. Or la fonction Massif central-Toulouse du POLT est actuellement nettement sous-estimée ;

- Les liaisons de cabotage inter-régionales donc non ou mal assurées par TER, entre villes du chapelet desservi, soit 11 gares intermédiaires, par exemple Caussade-Limoges ou Châteauroux-Brive.

- Les correspondances TER vers les lignes embranchées : aux Aubrais vers   Tours ; à Vierzon vers Tours, Nevers, Montluçon ; à Limoges vers Ussel, Poitiers, Périgueux et Angoulême (sous réserve de réouverture pour cette dernière) et vers Guéret et Montluçon. Vers ces dernières villes, la correspondance à Limoges est logique depuis le sud mais impose un aller-retour Limoges-Saint-Sulpice-Laurière (33 km) depuis le nord en raison du passage des Intercités sans arrêt à Saint-Sulpice-Laurière ; à Brive vers Ussel, Périgueux, Figeac, Aurillac ; à Montauban vers Agen et les gares intermédiaires jusqu’à Toulouse.

Le rôle des correspondances avec les lignes affluentes a été réduit par de nombreuses fermetures

 On notera que le POLT, comme les trois autres grandes radiales du Massif central (Paris-Aurillac par Montluçon aujourd’hui limitée à Montluçon, Paris-Béziers et Paris-Nîmes) pâtit de la liquidation de nombreuses lignes affluentes. Outre la disparition des branches de l’étoile d’Orléans on notera les disparitions : à Châteauroux les lignes vers La Châtre-Lavaufranche/Montluçon et Buzançais-Loches-Tours ; à Argenton-sur-Creuse vers La Châtre et Le Blanc-Poitiers ; à Uzerche vers Tulle ; à Cazoulès et Gourdon vers Sarlat ; à Cahors vers Monsempron-Libos et Figeac ; à Montauban vers Lexos et Saint-Sulpice-Lavaur-Castres.

 On complètera en soulignant qu’au départ de Limoges, la ligne d’Angoulême est limitée à Saillat-Chassenon en attendant des travaux jusqu’à Angoulême, et que la ligne de Brive par Saint-Yriex soit neutralisée entre cette gare et Objat, là encore pour une rénovation qu’on ne voit pas venir. La suppression de lignes par trop déficitaires ne peut que péjorer le bilan des lignes sur lesquelles elles s’embranchent.

AAExtrait de la carte des réseaux ferroviaires français en 1930. Sur l'axe Paris-Toulouse par Limoges, figuré ici d'Issoudun à Toulouse, les gares figurées en rouge ont perdu toutes leurs lignes affluentes du réseau principal, celles figurées en vert en on perdu au moins une, celles figurées en jaune ont gardé leurs lignes affluentes. (Doc. RDS)

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Commentaires
P
J’avais entendu dire que la mise en service du TGV Atlantique allait assécher la ligne POLT et donc qu’on pourrait mettre le tronçon Cahors-Brive, section la plus « deficitaire » à voie unique . Seulement, à l’époque il y avait du fret… ce qui aurait posé problème… ! Et puis, il y a eu l'idée de trains pendulaires...C'est bien loin tout cela!
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M
On voit que cette ligne n'intéresse point la SNCF qui préfère remplir ses TGV. Si rien n'avais été fait, tous les trains au départ de Paris auraient été limités à Brive...
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B
Merci pour votre article . Heureusement que la LGV Poitiers - Limoges a été abandonée, même s' il existe encore quelques loulous qui voudraient la relancer..........démontrant ainsi leur totale déconnection avec les véritables intéressés, les USAGERS DES TRANSPORTS - n' est ce pas Mr Hollande !
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H
Avec cette carte de 1930, on se rend bien compte de toutes ces lignes qui ont disparus... Merci pour votre article.
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J
Excellente analyse, merci !
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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