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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
7 mai 2024

Rétablir des trains entre Volvic et Ussel (et donc entre Bordeaux et Lyon) : le mouvement d’opinion prend de l’ampleur

La longue transversale centrale du Massif central, qui relie Lyon à Bordeaux par Clermont-Ferrand, Ussel, Tulle, Brive, Périgueux, est interrompue en son centre depuis 2014 et saucissonnée de part et d’autre, exploitée à l’est par les TER Auvergne-Rhône-Alpes et à l’ouest par les TER Nouvelle-Aquitaine. Un mouvement d’opinion croissant exige le rétablissement de sa continuité avec de récentes manifestations et création d’un important collectif.

629 km, sept départements traversés

 En son centre, cet axe Lyon-Bordeaux long de 629 km qui traverse sept départements, est totalement neutralisé (d’ouest en est) entre Laqueuille et Ussel, soit 40 km. Entre Laqueuille et Volvic, soit 44,2 km, la voie, dégradée, ne voit passer que de lents trains de fret, qui assurent l’expédition d’eaux minérales depuis l’antenne du Mont-Dore. Longue de 14 km, cette dernière est seulement parcourue sur les 11 km séparant l’installation terminale embranchée de l’usine des eaux SMDA de la bifurcation de Laqueuille. Les trois kilomètres jusqu’à la gare terminus du Mont-Dore sont totalement neutralisés.

 L’interruption est donc de 84,3 km pour le trafic voyageurs (Ussel-Volvic) et de 40 km pour le trafic fret (Ussel-Laqueuille). Le trafic voyageurs est maintenu sur le mode de TER à moyenne et longue distance à l’ouest d’Ussel vers Le Palais (à 104 km) gare de jonction avec la ligne Paris-Toulouse vers Limoges, d’une part ; Tulle (à 67,3 km), Brive et Périgueux d’autre part. Les deux lignes se séparent à Meymac, gare de jonction située à 13 km à l’ouest d’Ussel. Le trafic voyageurs est maintenu sur le mode d’autorails péri-urbains à l’est de Volvic vers Clermont-Ferrand (à 20,1 km).

Entre Laqueuille et Ussel, vue de la voie, neutralisée depuis 2014. Plus aucun train ne traverse ces paysages somptueux le long des volcans d'Auvergne, ni pour la desserte régionale, ni pour la relation à grande distance entre Lyon, Saint-Etienne et Clermont-Ferrand à l'est, Tulle, Brive, Périgueux, Libourne et Bordeaux à l'ouest. (Doc. Christian Jobst, www.railwalker.de)

 Plus aucune circulation à longue distance avec desserte accélérée ou de cabotage n’est permise de bout en bout de Bordeaux à Clermont-Ferrand, voire Lyon. Notons que des deux itinéraires originels Clermont-Ferrand-Lyon, seul reste actif celui transitant par Saint-Germain-des-Fossés et Roanne (229 km), le plus court des deux, qui transitait par  Noirétable et Saint-Etienne (204 km), étant interrompu entre Thiers et Boën (47 km) depuis 2016 en raison de la dégradation de la voie sans volonté de rénovation des pouvoirs publics.

Les deux axes Bordeaux-Lyon interrompus

 L’interruption physique de l’axe ferroviaire Bordeaux-Lyon par le centre du Massif central est d’autant plus pénalisante que l’axe Bordeaux-Lyon par le nord, qui transite par Gannat, Montluçon, Guéret et Limoges, n’est plus exploité de bout en bout et que la coopérative Railcoop, qui envisageait de l’exploiter en service librement organisé, vient d’être mise en liquidation.

 La région Auvergne-Rhône-Alpes n’assure aucun TER Montluçon-Lyon malgré l’existence d’une section de ligne (Gannat-Saint-Germain-des-Fossés) en service mais parcourue par le seul fret. Les correspondances à Montluçon entre les TER des deux régions mitoyennes (TER Montluçon-Clermont-Ferrand et TER Montluçon-Guéret-Limoges) sont par ailleurs déficientes et la fréquence côté Nouvelle-Aquitaine relève de l’anecdotique avec 2 TER par jour et pas sens. Côté Auvergne-Rhône-Alpes,  la fréquence est de 6 TER par jour entre Montluçon et Clermont-Ferrand, et d’aucun entre Montluçon et Lyon.

Indignés par cet abandon flagrant d’un service structurant, les collectivités, associations et entreprises situées entre Clermont-Ferrand et Ussel se sont réunies le 24 avril à Merlines (Corrèze) pour lancer un collectif intitulé « Agir pour la ligne Clermont, Le Mont Dore, Ussel, Tulle ». Notons que le choix de Merlines est hautement symbolique puisque la gare d’Eygurande-Merlines, qui dessert cette commune et sa voisine, fut jadis un nœud ferroviaire de première importance à quatre branches (vers Montluçon, Bort, Ussel et Clermont-Ferrand), situé sur la radiale la plus courte reliant Paris à Aurillac et sur la longue transversale Lyon-Bordeaux. Il n’en reste rien.

Illustration de l'entreprise de démaillage ferroviaire du territoire par l'Etat français:

En haut - Gare d'Eygurande-Merlines en pleine activité dans les années 1900, noeud ferroviaire d'importance entre les axes Lyon-Bordeaux et Paris-Aurillac.

En bas - Gare d'Eygurande-Merlines après suppression des derniers trafics, ceux de la transversale (Lyon) Clermont-Ferrand-Bordeaux.

 Pascal Montigny, maire de Merlines, a exhorté le parterre de responsables et de militants : « Nous voyons des entreprises qui peinent à recruter parce qu'il n'y a pas de moyens de se déplacer pour les employés. Il y a aussi le problème de l’accès aux soins. Ici il faut aller à Clermont-Ferrand et c'est compliqué de s’y rendre en voiture pour les personnes âgées. Il y a aussi les étudiants... »

Un bassin de desserte de quelque 500.000 personnes, sans compter le transit

 « La ligne a largement de quoi remplir des trains » a affirmé sur France3 Christian Roy, président de l'association Retour du Train des Volcans, cofondatrice du collectif susmentionné : « Le bassin c'est à peu près 500.000 personnes, dont 300.000 personnes sur Clermont-Ferrand. Donc il y a vraiment un potentiel d'utilisation. Si elle était rouverte, elle serait fréquentée, oui ». D’autant que le transit à longue distance type Intercités devrait s’y ajouter. La ligne d’autocars régionaux (ex-départementaux) P46, hors tarification TER Auvergne-Rhône-Alpes, qui relie Ussel à Clermont-Ferrand offre 4 allers-retours de bout en bout en jour ouvrable de base. Le temps de parcours par ces autocars Ussel-Clermont-Ferrand est de 1 h 45 mn pour 105 km. Il était de 1 h 51 mn par train Corail en 1994, sur une voie aux vitesses déjà souvent limitées, mais cette circulation était ralliait Bordeaux et Lyon.

Christian Roy, président de l'association Retour du Train des Volcans, lors de son entretien diffusé par France3. La demande des élus et militants associatifs rejoint tout à la fois l'intérêt des populations des départements voisins et celui, bien plus large, des habitants de l'axe Lyon-Bordeaux. (Doc. France3/RTV) 

 Pierre Chevalier, président de la communauté d’agglomération de Haute-Corrèze qui regroupe 70 communes et 32.100 habitants et dont le chef-lieu est Ussel (9.200 habitants) juge de même, dans les médias régionaux, qu’il y a « un bassin de vie important sur la Haute-Corrèze, avec des salariés qui ont besoin de faire 30, 40 voire 50 kilomètres tous les jours pour aller travailler ». Il calcule que « le coût du transport pour une personne qui fait 40 km, c'est 640 euros par mois sur des salaires de 1.300 € ou 1.400 € » ce qui « n'est plus tenable ». Il juge que « nous ne construirons pas une politique économique dynamique si nous ne prenons pas en compte les préoccupations des entreprises en matière de mobilité. »

Christian Roy estime le devis qui permettrait de restaurer les 40 km fermés à tout trafic à quelque 50 millions d’euros. Cette somme apparemment faible ne concernerait selon lui que les travaux de restauration entre Eygurande-Merlines et Laqueuille soit entre environ 22 km, la partie Ussel-Eygurande-Merlines ayant été restaurées… peu de temps avant la neutralisation.

Eygurande-Merlines-Ussel (18 km), refaite à neuf deux ans avant la neutralisation

 Cette évaluation, qui équivaut au prix de 3 km d’autoroute, ne tient toutefois pas compte de deux éléments : le confortement d’Ussel-Eygurande-Merlines, dont la superstructure même en bon état à la neutralisation, a très certainement été dégradée par une décennie d’abandon (végétation, ravinement, oxydation des systèmes électriques…) ; le confortement de la section Laqueuille/Le Mont-Dore-Volvic, qui n’est qu’entretenue (et a été récemment sauvée) a minima pour un trafic fret avec des limitations de vitesse contraignantes ; enfin, la restauration des trois derniers kilomètres totalement abandonnés entre l’usine d’embouteillage et la gare du Mont-Dore.

Au chapitre de la gestion erratique du réseau ferroviaire, on soulignera que la section Eygurande-Merlines Ussel (18 km) avait été refaite à neuf en 2012 et n’a donc servi que deux ans. Un technicien ferroviaire de la région explique par ailleurs : « Concernant Eygurande-Merlines-Ussel, s'il ne s'agit que de changer les rails et quelques traverses, c'est la partie superficielle. Mais dans quel état sont la plateforme, les ouvrages, les installations de signalisation et de télécommunication ? »

Gare du Mont-Dore. Terminus de l'antenne amorcée à Laqueuille, ce beau bâtiment témoin de la gloire passée de cette station thermale et touristique est desservi depuis une décennie par des autocars que les voyageurs attendent dans la cour.

 Selon un cadre des services centraux de SNCF Réseau, « la signalisation est à reprendre sur Volvic-Laqueuille-Le Mont Dore et tout est à refaire sur 3 km au Mont Dore et sur une vingtaine de kilomètres entre Laqueuille et le km 514 un peu après Eygurandes-Merlines, y compris le plateau de la gare. Concernant les ouvrages, il me semble qu'il y a un tunnel à revoir et un petit morceau de voie qui a été emporté par une crue ».

 Il poursuit : « De ce fait, le programme est finalement assez consistant, allant probablement bien au-delà des 50 M€ évoqués. Il manque aujourd'hui une perspective sur le potentiel service commercial qui emprunterait ces lignes. L'enjeu réside évidemment dans les liaisons entre Clermont - Brive / Limoges / Le Mont-Dore, mais il faudrait accorder deux Régions, qui n'ont pas réussi à la faire lorsque Nouvelle Aquitaine a fait un pas en avant avec son Bordeaux-Montluçon. »

50 à 100 millions d’euros pour rétablir la voie, à comparer au demi-milliard pour rénover le centre Pompidou

 Reste que, même à une centaine de millions d’euros, cette somme paraît raisonnable pour un axe à la triple utilité, même s’il traverse une zone peu peuplée : utilités régionale (Corrèze-Puy-de-Dôme), inter-régionale (Nouvelle-Aquitaine-Auvergne) et nationale (Bordeaux-Lyon). Notons pour fixer un ordre de grandeur en matière de dépenses publiques, que le devis de la nouvelle rénovation du Centre Pompidou à Paris, dont les travaux sont programmés de 2025 à 2030, est fixé à ce jour à 527 millions d’euros, soit plus d’un demi-milliard (358 M€ sont d’ores et déjà promis par l’Etat). De quoi remettre à neuf quelques centaines de kilomètres de lignes ferroviaires dans le Massif central, par exemple.

Le nouveau collectif se veut un moyen de pression sur l’Etat, son gestionnaire SNCF Réseau et, devant la défausse des deux premiers, les deux Régions concernées par le financement de la ligne : Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes. C'est surtout la seconde qui bloque, insistent les militants. Seul un avenant « infrastructures » au volet transports du Contrat de plan Etat-Région qui vient d’être élaboré, dont il est aujourd’hui question à Lyon, pourrait éventuellement faire avancer ce projet.

Gare de Gannat, sur la ligne TER Clermont-Ferrand-Montluçon. Aucun TER direct n'est proposé entre Lyon et Montluçon malgré existence d'une double voie Gannat-Saint-Germain-des-Fossés, privée de services voyageurs. Le voyageur doit jongler avec des services d'autocars en correspondance, ou transiter par Riom. La perspective d'une liaison Lyon-Bordeaux par TER biregionaux ou au moins par correspondance aisée à Montluçon reste à l'état de fiction, malgré son évidence. ©RDS 

 Fermée aux voyageurs en 2014, la section Ussel-Volvic (ouverte en 1881) de la transversale (Lyon)-Clermont-Brive-(Bordeaux) semble attirer depuis longtemps l’attention de la partie aquitaine. Alain Rousset, président du Conseil régional de la région Nouvelle-Aquitaine, avait manifesté dès août 2019, lors d’une réunion à Felletin (Creuse), son souhait d’une remise en service : « Je rêve de rouvrir la ligne de train entre Brive et Clermont. Les relations avec Clermont sont importantes pour les entreprises, les étudiants. Pour l’instant je n’ai pas de réponse de Laurent Wauquiez », président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il n’en a toujours pas cinq ans plus tard. Alain Rousset estimait que « le paradoxe c’est que depuis 30 voire 50 ans, les progrès de la mobilité, du numérique ont plutôt isolé les gens » habitant hors des métropoles. Et même certaines métropoles entre elles, telles Lyon et Bordeaux.

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(1) L’association Trains des Volcans propose un site : https://www.traindesvolcans.fr/

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Commentaires
B
Volvic - Ussel et Boën - Thiers : le symbole du "désert Français", de l' abandon scandaleux de larges pans de nos territoires.
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M
Merci pour ce nouvel article. De toute façon le Massif centrai est devenu le paria du ferroviaire français. On sait que la région AURA ne veut rien savoir en matière de rail, sauf autour des grandes métropoles telles Lyon et Grenoble (et encore...), elle se défausse sur l'Etat qui n'en a strictement rien à cirer. Avant, la région Auvergne a littéralement sabré ses petites lignes, dont celle-ci, en refusant catégoriquement de financer leur entretien et en rejetant le trafic sur la route (bien modernisée quant à elle à grand renfort d'argent public!) au mépris du service public et de l'urgence climatique résultat fin de Thiers-Boën, Montluçon-Ussel, Volvic-Lapeyrouse, Volvic-Le Mont Dore... en attendant Neussargues-St Chély, St Georges d'Aurac-Le Puy, Arvant-La Bastide, voire Arvant-Aurillac ?... <br /> <br /> J'ai souvenir de voyages fabuleux au Mont Dore, entre Brive et Clermont, entre Bordeaux et Lyon avec le Ventadour, j'ai toujours les billets via ces itinéraires (en format IATA bien sûr) dans ma collection. A présent je ne m'aventure guère dans le Massif central faute de transport, sauf sur les rares lignes encore existantes aux fréquences squelettiques. La France est un des seuls pays européens (le seul?) à pratiquer une politique ferroviaire aussi régressive sur tous les plans (dessertes, billettique, maintien des lignes) en plein réchauffement cilimatique, alors que d'autres pays tels Espagne, Italie, Allemagne développent leurs réseaux régional, national et à grande vitesse, voire en simplifient l'accès, notamment avec le pass à 49 € outre-Rhin.<br /> <br /> J'avais un petit espoir avec Railcoop, cette formidable aventure fut tuée dans l'oeuf par le coût exorbitant exigé, par l'absence totale de soutien politique, par l'indifférence des décideurs... Quand il s'agit de relancer un service ferroviaire en France, c'est le blocus. Quand il s'agit de construire de nouvelles infrastructures routières inutiles, par contre, c'est le consensus, y compris de la part d'une région "ferroviphile", cf l'A69.
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J
Pour changer cet état, il faudrait changer d'élus locaux et régionaux confortablement installer dans la gomme locale...<br /> Beaucoup de gesticulations, surtout la veille d'élections, puis, pschitt...plus rien !<br /> Railcoop (des doux rêveurs, hélas) "a été "torpillé" d'entré de jeu par SNCF Réseau et Systra (les conseilleurs ne sont pas les payeurs, air connu).<br /> Je pense que le plus gros problème vient d'AURA qui a toujours refusé toutes solutions hors TET (idem déjà du temps de la région Auvergne) même celle proposée par la région Nouvelle Aquitaine qui faisait le plus gros du parcours, soit Bordeaux Clermont par Montluçon, cette dernière ville étant "détestée" depuis très longtemps par les élites Clermontoises vexées du passage des RTG par la transversale nord et non par le "centre de la terre".<br /> Bref, cela n'est pas politiquement correct...
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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