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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
2 février 2021

Quatre-cents manifestants pour Boën-Thiers : la mobilisation contre la liquidation définitive et pour la réouverture se renforce

 Mobilisés pour la remise en service de la section centrale de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, neutralisée depuis 2016 par SNCF Réseau, ils étaient 400, selon les organisateurs, réunis le dimanche 31 à Boën accompagnés d’élus locaux et de parlementaires. Le Collectif Clermont-Ferrand-Thiers-Boën-Saint-Etienne-Lyon était l’organisateur de ce rassemblement soutenu par la puissante Fnaut, sur le thème « Une ligne pour trois métropoles ». Cette mobilisation, qui va croissant, avance deux objectifs : bloquer la fermeture définitive de la section Boën-Noirétable-Thiers (48 km) annoncée pour cet été par le « gestionnaire d’infrastructure » ; exiger l’inscription des travaux pour sa remise en service au Contrat de plan Etat-Région 2021-2027 de 1,2 milliards d’euros qui est en cours de négociation et ne mentionne pas Boën-Thiers à ce jour.

65 millions d’euros (évaluation controversée) pour réhabiliter ces 48 km, c’est le prix de 2,5 km de tramway urbain

 La réhabilitation des 48 km, dans un premier temps évaluée à une cinquantaine de millions d’euros, serait portée aujourd’hui à environ 65 millions d’euros selon certaines sources. Mais cette somme, si elle était confirmée, équivaudrait à seulement 2,5 km de tramway urbain matériel roulant compris. Le Collectif entend non seulement obtenir la reprise du trafic voyageurs, mais susciter un transfert sur rail d’une partie du fret routier.

Fichier_001Devant la gare de Boën, ils étaient 400 selon les organisateurs, 300 selon la police, le 31 janvier pour exiger la remise en service de l'axe Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, une mobiisation qui va croissant à cinq mois des élections régionales. Au fond et à droite, les bâtiments d'une usine métallurgique dont l'embranchement ferroviaire est... neutralisé. ©Collectif 

 Une fermeture formelle (sortie du catalogue du Réseau ferré national) impliquerait une quasi-impossibilité de réouverture. La région Auvergne-Rhône-Alpes aura déjà connu au cours de ce mandat la suspension de circulation sur Saint-Claude-Oyonnax (commune avec la région Bourgogne-Franche-Comté), les menaces de neutralisation du nord de la ligne Béziers-Neussargues, de la partie centrale de la ligne Nîmes-Clermont-Ferrand (mitoyennes d’Occitanie) et de la ligne Grenoble-Veynes (mitoyenne de PACA), ces trois dernières évitées de justesse grâce à des engagements soit tardifs soit minimalistes des conseils régionaux et des collectivités locales concernés, et une participation financière parfois nulle de SNCF Réseau (sur les Cévennes entre Langogne et Saint-Georges-d’Aurac).

Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, une ligne réduite à deux moignons d’extrémités privés du trafic de transit

 Actuellement, la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand en est réduite à deux moignons d’extrémités, reportant le trafic de transit sur la route, un comble en cette époque où les autorités tympanisent la population sur l’urgence d’un report modal et alors que les deux métropoles appartiennent désormais à la même région. La réouverture de cette ligne concerne aussi Lyon et sa métropole. Elle offrirait une multiplicité de relations ferroviaires depuis Lyon et les nombreuses agglomérations situées entre Lyon et Saint-Etienne, d’une part, les monts du Forez et le bassin clermontois de l’autre, ce que la relation Lyon-Clermont-Ferrand via Roanne ne permet qu’avec un allongement de la distance considérable et un effacement de multiples combinaisons d’origines-destinations.

Fichier_009Sur la voie neutralisée à la sortie de la gare de Boën en direction Sail-sous-Couzan, L'Hôpital-sous-Rochefort, Saint-Julien-la-Vêtre, Noirétable, Chabreloche, Thiers et Clermont-Ferrand, des manifestants brandissent la banderole résumant les exigences des populations rayées de la carte ferroviaire. ©Collectif 

 Signe de la dimension politique majeure du devenir de la section Boën-Thiers à cinq mois des élections régionales, des responsables politiques s’étaient mobilisés. Le député du Puy-de-Dôme André Chassaigne (PCF) a souligné que « cette suspension de la desserte ferroviaire la plus directe entre Clermont-Ferrand et Lyon est contradictoire avec la fusion des régions Auvergne et Rhône-Alpes». La conseillère régionale et tête de liste EELV pour les prochaines élections Fabienne Grébert a dénoncé les choix du président de la région, Laurent Wauquiez (LR), qui selon elle a « une attitude contraire au bon usage de l'argent public, en dépensant 200 millions d'euros dans une déviation de la RN88 en Haute-Loire ».

« Menacée d’être déclassée par la SNCF en juillet prochain », dénonce Karine Legrand, porte-parole du Collectif

 Karine Legrand, porte-parole du Collectif, a pour sa part alerté sur « l'urgence de la régénération de cette ligne où la végétation gagne du terrain ». « Cinq ans après la circulation des derniers trains, elle est menacée d'être déclassée par la SNCF en juillet prochain », ce qui signifierait une dégénérescence accélérée de la superstructure, de possibles aliénations qui ont déjà commencé aux passages à niveau avec dépose de la voie, suscitant une vive réaction des élus et populations concernés, et une longue, coûteuse et improbable procédure pour une éventuelle remise en service.

 Karine Legrand souligné que « dans le précédent contrat (de plan Etat-Région) 2015-2020, la régénération de ce tronçon avait été actée », sans être appliquée, et qu’il « n'y a aucune raison qu'elle ne le soit plus ».

DSCN2626Halle marchandises à l'état de ruine à Sail-sous-Couzan. Cette gare, à quelques kilomètres de Boën, sur la section neutralisée, voyait passer un important trafic d'eaux minérales jusqu'à la fermeture des usines d'embouteillages dans les années 1980, et au blocage de leur reprise par un grand groupe. Plus généralement, le report du fret régional de la route vers le rail est aussi une revendication des manifestants et du Collectif. ©RDS 

 Rapportés par l’hebdomadaire Le Pays, quelques propos de participants au rassemblement  témoignaient de l’exaspération et du sentiment d’abandon.

« On nous dit que cette ligne n’est pas rentable, mais multiplier les bus, c’est rentable ? »

 Patrick et Evelyne, venus de Montbrison, s’indignaient dans ses colonnes du « démantèlement généralisé des services publics » : « Certes, on nous dit que cette ligne n'est pas rentable, mais multiplier les bus, c'est rentable ? Il y a encore des marges de manoeuvre, les élus doivent prendre le problème à bras le corps. Quand on veut, on peut ». Rappelons que les travaux pharaoniques d’extension des réseaux ferroviaires régionaux en région Ile-de-France dépassent les 45 milliards d’euros sur la seule décennie.

CarAutocar Saint-Etienne-Clermont de passage à 13 h 23 à Boën le 31 janvier. Cet autocar de desserte fine de bout en bout est sous-traité par la Région et exige trois heures pour relier les deux métropoles distantes de 145km tout en desservant les localités intermédiaires. Trois autres services, directs par autoroute, exigent à peine moins de temps que les anciens trains mais sans desservir les localités intermédiaires. La "multimodalité" est ici synonyme de désintégration de l'offre. ©Collectif

 Après des années de surdité et un bilan en matière de lignes de dessertes fines intra-régionales ou bi-régionales qui est bien en-deçà la région voisine d’Occitanie, il semblerait que la région Auvergne-Rhône-Alpes prenne la dimension de ce nouvel acte de relégation territoriale, qui porte atteinte à la cohérence même de son territoire.

Laurent Wauquiez serait prêt à recevoir une délégation du Collectif, SNCF Réseau a sollicité un député LREM

 D'après le maire de Noirétable Denis Tamain (divers gauche), le président du conseil régional Laurent Wauquiez « serait prêt à recevoir une délégation du collectif ». Un échange en visioconférence est également prévu cette semaine entre le Collectif et Martine Guibert (groupe Les Démocrates, membre de la majorité), vice-présidente du Conseil régional chargée des transports et élue du Cantal.

 Du côté du « gestionnaire d’infrastructure » SNCF Réseau, pourtant prêt à liquider ces 48 km dès l’été prochain, on apprend qu’il a sollicité le député local Julien Borowczyk (LREM) « pour que soit organisée une réunion avec les représentants du Collectif et les élus concernés afin de dresser un état des lieux de la situation et connaître les besoins de la population ». Ledit député a demandé aux services régionaux du ministère des Transports des chiffres et études. Il affirme, selon ses propos rapportés par Le Pays : « L'objectif est de voir où on en est. Au delà du ‘’partisianisme’’ (sic), la Région doit inscrire ce tronçon au Contrat de plan Etat-Région, sinon on ne déclenchera rien. C'est un juste combat ».

Bus directs de bout en bout, bus de desserte fine, trains d’extrémités hors week-ends : une trame horaire illisible

 Les manifestants savent pour leur part parfaitement où ils en sont. Les services de trains du côté de Boën vers Saint-Etienne ne fonctionnent ni les samedis, ni les dimanches. Les services de bus de complément ou de remplacement exigent 20 mn de plus entre Boën et Saint-Etienne. Les services de bus directs Saint-Etienne-Clermont-Ferrand trois fois par jour ne desservent aucune agglomération intermédiaire mais mettent presque autant de temps que les trains supprimés qui effectuaient plusieurs arrêts. Les rares bus de desserte fine de bout en bout affichent des temps de parcours interminables : trois heures pour 145 km ! Une déstructuration de la trame horaire, des fiches illisibles et des fréquences dignes d’un pays du tiers-monde : bref, on déplore sur cet axe ce que la « multimodalité », cache-sexe du désengagement ferroviaire dans les territoires abandonnés avec transfert majoritaire sur route, peut faire de pire.

StE_Cfd_cadencement_projet_2007

Projet de cadencement élaboré par l'ancienne région Auvergne mais jamais mis en place par la SNCF. Trois rames seraient nécessaires pour assurer une fréquence d'un train toutes les deux heures de bout en bout, soit 145 kilomètres reliant le bassin de Saint-Etienne et la plaine du Forez avec le bassin de Clermont-Ferrand et la Limagne, tout en desservant les principales localités intermédiaires et en les mettant en communication entre elles: Montbrison, jadis préfecture de la Loire, Boën, Noirétable au sommet de la ligne, Thiers. (Cliquer sur le lien au-dessus pour visualiser les détails)

 Un responsable du Collectif nous a transmis des documents tendant à montrer qu’un service de qualité sur une voie rénovée pouvait constituer un outil de transport puissamment  valorisant pour cet axe et les populations concernées. Cette étude menée par l'ex-région Auvergne mais jamais appliquée par la SNCF estimait que sur une voie de qualité la relation Saint-Etienne-Clermont-Ferrand pouvait être proposée en 1 h 50 et Saint-Etienne-Boën en 46 mn. Elle proposait un service aux deux heures de bout en bout, soit huit trains par sens et par jour assurés par trois rames, complétés par des rotations Saint-Etienne-Montbrison et/ou Boën offrant un cadencement à l’heure sur cette partie orientale.

 Les élections approchent. La question de la justice à rétablir entre métropoles et territoires privés progressivement de leurs trains depuis des décennies est à l’évidence devenue centrale, illustrant une fois de plus l’élargissement de la fracture territoriale et la colère qu’elle suscite.

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En raison de l'actualité, la seconde partie de l'étude de Raildusud intitulée "Changement de dénominations, instabilité des livrées du matériel roulant : le règne de l'image frappe le transport public" sera mise en ligne le 5 février.

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Commentaires
D
Je n'avais pas eu connaissance de ce projet de cadencement en 2007, mais que c'est dommage qu'il n'ait pas été mis en place. Quand on connaît les virages de l'A89 et leur charme par temps de pluie ou la nuit , voire avec une petite couche de neige, on se sent quand même mieux dans le train. Et avec un train toutes les 2h on arrive quand même à trouver un horaire qui convient. Sans compter que côté Forez, aujourd'hui il n'y a que 3 trains (2 sens confondus) entre St Etienne et Montbrison entre 9h et 16h. Quant à Thiers, on y voit passer des trains dans la journée, mais il ne faut pas avoir l'idée saugrenue de vouloir venir y travailler ou étudier en train, le premier train en semaine arrive à 9h45.
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J
force et honneur à tous ces habitants de régions dites "déclassées" qui se battent pour maintenir un lien et une mobilité indispensable. On ne trouve pas 65 millions pour ce maillon ouest-est essentiel. Le sens de l'histoire c'est le train et les transports en commun, mais cela se heurte comme d'habitude à des vues court termistes et électoralistes. On rouvrira un jour ces tronçons sacrifiés, comme on l'a fait avec les tramways après les avoir massacrés il y 70 ans. Sauf que cela coutera 10 ou 20 fois plus...<br /> <br /> Et tous les jours on entend à la tv que le cout de la crise sanitaire se chiffre en centaines de milliards.... (rien que 500 millions par mois pour la fermeture des galeries commerciales décrété samedi dixit B.Le Maire...).
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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