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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
19 décembre 2019

Bilan 2014-2020. A Nice deux nouvelles lignes de tramways, naissance d’un réseau ferré urbain multipolaire

 Nice et ses quelque 350.000 habitants, est le cœur de la Métropole Nice-Côte d’Azur qui en compte 540.000 pour 49 communes. Plus largement, Nice est le pôle principal d’une continuité urbaine longiligne qui se développe de Théoule à Menton le long de la mer et sur le premier arrière-pays, et atteint le million d’habitants. Le mandat 2014-2020 aura vu une efflorescence de deux nouvelles lignes de tramway, dont une section sous forme de « pré-métro », affirmant le rôle majeur d’un transport urbain ferré conçu sous une forme heureusement polycentrique. L'inauguration de la dernière section de la ligne 2 a eu lieu le 14 décembre, après celle de la ligne 3 le 13 novembre.

 La ville étouffe sous une circulation automobile qu’ont rendu omniprésente les voiries « los-angelesques » des années 1960-1970, en particulier l’autoroute urbaine Sud et ses bretelles qui surplombent le faisceau nord de la gare centrale, voirie qui se poursuit vers l’ouest par la voie Pierre Mathis à quelques mètres des façades, une atrocité urbanistique et humaine. Il n’est pas exagéré d’écrire que Nice est une ville sinistrée par l’automobile, d’autant qu’elle est enserrée dans - et traversée par - de forts reliefs.

NiceVue de la baie des Anges depuis la colline du Château. On aperçoit au fond les collines qui séparent le bassin central de Nice de la plaine du Var et de l'aéroport, dont les pistes sont gagnées sur la mer. (Wikipedia)

 La colline de Cimiez limite à l’est le vaste bassin urbain central baigné par le Paillon (recouvert) et dans lequel la colline du château s’interpose entre le port et le vieux Nice historique étendu vers l’ouest au XIXe siècle. A l’ouest, les collines de Saint-Philippe, Madeleine et autres, séparent le bassin urbain central de la rive gauche de la plaine du Var appartenant à la commune de Nice, en forte croissance urbaine avec l’aéroport en bord de mer à l’embouchure du fleuve. Ces collines forment un goulot d’étranglement avec la mer sur environ 2,5km d’est en ouest entre le quartier des Baumettes et les abords des pistes de l’aéroport, goulot le long duquel s’entassent voie ferrée, autoroute urbaine Sud, avenue de la Californie, promenade des Anglais. Et aujourd’hui soulagé par un tramway.

La particularité de la ligne 2 : sa section en souterrain de 3,2 km, quasi-pré-métro

 Jusqu’à ces dernières années, une seule ligne de tramway, la ligne 1 Henri-Sappia-Hôpital-Pasteur, mise en service en 2007 et prolongée d’une station en 2013 jusqu’à Hôpital-Pasteur, desservait le bassin urbain central par un tracé en U nord-sud-nord constituant en fait deux demi-lignes en une seule, typique d’une métropole côtière, affichant une longueur de 9,2km pour 22 stations et conçue sous le mandat de Jacques Peyrat.

NiceStation souterraine Alsace-Lorraine de la ligne 2, décorée sur le thème "double voie" par l'artiste Jean-Charles Blais. Des quais généreux de 60m de longueur pour préserver l'avenir. (Doc. Métropole Nice Côte d'Azur)

 Le mandat qui s’achève, avec Christian Estrosi pour maire de la ville et président de la Métropole, avait hérité d’un premier projet de ligne 2 est-ouest du mandat de Jacques Peyrat, entièrement en surface. La principale modification du nouvel édile fut de prôner un projet partiellement en souterrain, sur 3,2km et quatre vastes stations façon pré-métro (Garibaldi, Durandy, Jean-Médecin, Alsace-Lorraine), reliant le terminus Port-Lympia (port historique de Nice) à Grand-Arénas dans la basse vallée du Var au contact de la station TER Nice-Saint Augustin destinée à devenir un pôle d’échange majeur une fois réalisée la ligne nouvelle TGV-TER vers Cannes via Sophia Antipolis.

 De Grand-Arénas divergent deux antennes, l’une vers Aéroport-Terminal 1 et Aéroport Terminal 2, terminus, l’autre vers Cadam-Centre administratif, autre terminus (doté d’un centre de maintenance) via deux stations intermédiaires desservant des quartiers de grands ensembles. Au total, la ligne 2 affiche 11,3km et 20 stations, dont 1,9km depuis Grand-Arénas pour la branche Aéroport et 1,7km pour la branche Cadam.

Carte détaillée du tramway de Nice

Site consacré aux métros, tramways et RER (Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Strasbourg, Nantes, Clermont-Ferrand, Dijon, Marseille, Montpellier, Mulhouse, Nice, Orléans, Genève, Lausanne, Turin, Milan). Vous y trouverez des cartes très détaillées de ces différents réseaux.

http://carto.metro.free.fr

 Cette ligne 2 a été mise en service par tranches de l’ouest vers l’est, entre juin et décembre 2019, la dernière tranche permettant d'atteindre Port-Lympia. Si le tracé est proche de la côte le long de l’étranglement entre collines et mer à l’ouest, il rentre nettement vers l’intérieur pour desservir le cœur de Nice entre Gambetta et Garibaldi. A l’est, la partie souterraine permet de soulager des quartiers hyper-centraux très denses, en particulier la rue de France, le bas de l’avenue Jean-Médecin où elle croise en sous-sol à 90° la ligne 1 qui circule en surface, de passer sous le Paillon et, après la place Garibaldi où elle recroise la ligne 1 en souterrain, de passer le bec nord de la colline du Château.

Vingt-six minutes depuis l’Aéroport Terminal 2 jusqu’à Port-Lympia, un miracle

 Fait remarquable : le terminus Port-Lympia, tout près du bassin, est situé immédiatement à la sortie du tunnel dont la tête est ménagée dans le mur de soutènement du Quai Napoléon III, sous la place de l’Île-de-Beauté.

 La longueur moyenne des interstations étant de 594m et la partie souterraine étant libre de tout feu de voirie, le temps de parcours de bout en bout est de 26mn depuis Aéroport-Terminal 2 jusqu’à Port-Lympia, 27mn depuis Cadam, soit une vitesse commerciale de 25km/h. Un miracle qui explique la très forte affluence déjà enregistrée (80.000 voyageurs par jour avant même l’extension à Port-Lympia), signe d’une forte demande de basculement vers le transport public de grande capacité que les élus, dans ce cas, n’ont pas sous-estimée. En effet, les rames Citadis 405 Alstom, d’un gabarit généreux de 2,65m, standard du tramway de Nice depuis sa résurrection, affichent une longueur de 44m. Les stations souterraines ont même été conçues pour des rames de 60m. Toulouse, qui peine à allonger ses stations de son VAL au gabarit microscopique (2,06m) doit rêver.

 Le budget annoncé, infrastructure et matériel roulant, s’élève à 770,7 millions d’euros dont 270,9M€ pour la section en souterrain dont les stations sont soignées.

Avec la ligne 3 dans la plaine du Var et le pôle Grand-Arénas-Saint-Augustin, un réseau polycentrique

 Une troisième ligne a été mise en service à la fin de ce mandat, remontant la vallée du Var depuis Aéroport-Terminal 2, terminus commun avec la ligne 2, jusqu’à Saint-Isidore soit 7km, dont 3,7km en propre et 3,3km en commun avec la ligne 2, et 11 stations, dont 5 communes avec la ligne 2. Elle dessert des quartiers populaires et les pôles de l’Eco-vallée, vaste projet urbanistique de la plaine du Var : outre le Grand Arénas et la station Saint-Augustin, le stade Allianz Riviéra, le pôle commercial Nice-Valley et le quartier Saint-Isidore. Le budget annoncé s’élève à 56,82M€ HT. Elle est exploitée avec les mêmes rames que celles de la ligne 2.

 Le matériel roulant des lignes 2 et 3 est constitué de 34 rames Citadis 405 (nouvelle génération à portes à double vantaux aux extrémités). Ce mandat a vu par ailleurs  l’allongement de 15 des 28 rames Citadis 302 de la ligne 1 portées de 30 à 40m, les 13 autres étant destinées à être remplacées par une commande complémentaire de 13 Citadis 405 adaptées au mode d’alimentation de ce sous-réseau.

NicePlan général du réseau de tramway proposé par le site Métropole Nice Côte-d'Azur (tramway.nice.fr).

 Au total, ces deux lignes forment avec la ligne 1 un réseau remarquablement maillé et polycentrique. D’est en ouest, on trouve de fortes correspondances à Garbaldi (vers le nord côté vallée du Paillon), à Jean-Médecin (vers le nord côté Gare Thiers et au-delà) et de ces deux stations vers la place Masséna ; puis à Grand-Arénas, un triangle de voies donnant vers quatre destinations (les destinations Cadam et Saint-Isidore divergent un peu au nord à Digue-des-Français) sans compter la halte TER et bus de Saint-Augustin et ses développements futurs. Le nouveau réseau épouse remarquablement la réalité géographique et urbaine.

Limites et contraintes : interopérabilité ligne 1-lignes 2 et 3, techniques d’alimentation

 La première limite qu’on peut déceler dans le réseau niçois est la complète séparation physique entre la ligne 1 et les deux autres. Les deux points de contact commerciaux entre lignes 1 et 2 sont Jean-Médecin et Garibaldi, stations souterraines de la 2 avec la 1 en surface mais sans raccordement. Un contact ferroviaire pourrait être réalisé  côté nord-est si, comme le suggère le site transporturbain.canalblog.com, la 2 était prolongée vers le nord à partir de Port-Lympia partiellement en souterrain puis en surface jusqu’à Université-Saint-Jean d’Angély, station de la ligne 1.

Nice : la ligne 2 arrive à bon port - transporturbain - Le webmagazine des transports urbains

La dernière section souterraine de la ligne T2 du tramway de Nice est donc mise en service aujourd'hui, entre la station Jean Médecin et Port Lympia. L'axe est-ouest est donc pour l'instant achevé, sachant que le principe d'une troisième branche à l'ouest de la gare Saint Augustin vers Cagnes sur mer à horizon 2026 est déjà acté.

http://transporturbain.canalblog.com

 Deuxième limite, celle de la technique d’alimentation électrique des rames. Les Citadis 302 et 402 de la ligne 1 sont alimentées par ligne aérienne de contact et pantographes, mais dotées de batteries  de 1,5tonnes en toiture pour traverser les places Garibaldi et Masséna pantographes baissés (une vieille exigence car l’ancien réseau niçois, les TNL, était alimenté par goulotte centrale sur Masséna). En revanche, les Citadis  405 des lignes 2 et 3 sont  dotées du système SRS avec batteries Citadis Ecopack et biberonnage au sol à chaque station en section extérieure - sans ligne de contact aérienne -, et par ligne de contact rigide en section souterraine.

 On peut trouver que la Métropole Nice-Côte d’Azur a surjoué ici la sophistication. La présence de lignes aériennes sur la partie en surface n’aurait rien dépareillé le long d’immeubles années 1960 ou de voiries à grande circulation. L’interopérabilité avec la ligne 1 (dans l’hypothèse citée plus haut), est d’autant handicapée. Les missions de renfort d’une ligne à l’autre (avec transport routier d’une rame pour l’instant), impossibles.

NiceRame Citadis 405 Alstom des lignes 2 et 3. L'alimentation s'opère par biberonnage en station pour recharge des batteries, au contraire des rames de la ligne 1. (Document Métropole Nice-Côte-d'Azur)

Un vrai maillage reste à parfaire, entre tramway, TER et CP

 Restent deux grandes questions à régler pour parfaire le maillage du réseau.

 D’abord, la relation entre le tramway et le réseau ferré national. Déjà, le passage de la ligne 1 sur l’avenue Jean-Médecin ne touche pas directement la gare centrale « Thiers », imposant un cheminement piétonnier de quelque 200m depuis les quais jusqu’à la station de tramway. La liaison à Grand-Arénas avec la future gare ouest TER-TGV reste à finaliser. L’autre grande entrée ferroviaire de Nice, côté est, la halte de Nice-Riquier, n’est pas desservie par le tramway et seule l’extension de la ligne 2 par un coude côté nord à partir de Port-Lympia pour rejoindre la ligne 1, évoquée plus haut, pourrait augmenter la synergie entre les deux réseaux. Notons que les TER Nice-Monaco-Menton-Vintimille forment l’une des lignes les plus fréquentées de PACA.

 Enfin, l’extension envisagée de la ligne 1 nord-est jusqu’à La Trinité sur la rive droite du Paillon, parallèlement à la ligne de Breil située sur la rive gauche,  permettrait certes de créer un point de correspondance à La Trinité mais d’un effet modeste. De fait, le parcours en train jusqu’à Nice centre restera bien plus rapide qu’en tramway.  C’est à Pont-Michel que devrait être ménagée une station TER, sous la station tramway de la ligne 1.

 Ensuite, le rôle de la ligne des Chemins de fer de Provence Digne-Nice, ligne de 151km parmi les plus hardies d’Europe, gérée depuis 2014 par la Régie régionale des transports de PACA doit être affirmé. Cet axe à voie métrique aurait pu avoir son terminus au contact de la  ligne 1 avenue Malausséna (station Libération) si sa gare historique (et monumentale) n’avait été préemptée pour des raisons commerciales sans rapport avec le chemin de fer, rejetant la nouvelle gare terminus quelque 200m vers l’ouest, bien moins accessible.

 Or la partie inférieure de cette ligne court sur la rive gauche du Var et entre sur la commune de Nice avant de franchir les hauteurs des collines séparant le bassin central de Nice de la plaine du Var, entre Saint-Isidore et son terminus niçois. Cette liaison à vocation périurbaine et urbaine constitue un atout précieux évitant de transiter par la côte quand on vient de la plaine du Var au-delà de Saint-Isidore.

 Malheureusement, la ligne 3 du tramway ne permet pas une correspondance aisée à Saint-Isidore et seul son prolongement prévu à l’horizon 2030 jusqu’au centre commercial de Lingostière via la station du CP du même nom permettra des parcours depuis la haute et moyenne vallée du Var vers l’aéroport et l’ouest de la promenade des Anglais par correspondance CP-ligne 3 et, dans l’autre sens, des flux depuis les quartiers hauts desservis par la ligne 3 vers le centre de Nice via les CP et quatre stations dans les collines. La distance Lingostière-Nice-centre par les CP n’est que de 7,6km - et de 6,3km depuis Saint-Isidore avec 4 stations intermédiaires - quand la distance Saint-Isidore-Jean-Médecin s’élève à plus de 11km avec un changement et 18 stations intermédiaires.

 La mise en contact direct de la ligne 3 et du CP paraît s’imposer, de même que la prolongation du CP dans le centre de Nice au-delà de sa gare terminus fantôme, vieille histoire niçoise (une voie métrique exista jadis jusqu’à la gare centrale pour des wagons de marchandises). Le site transporturbain.canalblog.com propose une liaison souterraine  depuis Parc Impérial jusqu’à Gare-Thiers et Garibaldi. Une belle hypothèse que devrait conforter l’exemple de Valence d’Espagne qui a su transformer ses lignes métriques de périphéries en véritable métro urbain. La ligne du CP est exploitée en péri-urbain de Nice à Plan-du-Var (24km) avec 26AR en semaine jusqu’à Colomars dont 13 sont prolongés jusqu’à Plan-du-Var. Les samedis et dimanches, le service péri-urbain est très réduit.

CP

Fiche horaire des CP, section péri-urbaine de Nice. Le cadencement est approximatif mais la fréquence reste honorable pour une ligne en souffrance malgré les récentes améliorations portées à sa voie. On est toutefois encore bien loin d'un vrai service urbain.

 Une intégration de la section basse de la ligne Digne-Nice au réseau urbain (sans péjorer les relations avec Digne) passerait par  une vraie modernisation, électrification avec mise au gabarit des cinq tunnels des collines (le plus long, le tunnel du Bellet, mesure 950m). Le fait que la ligne, mise en service de 1892 à 1911, fût conçue pour un éventuel basculement en voie normale devrait aider.

 Terminons en évoquant le projet d’extension du tramway vers Cagnes-sur-Mer depuis Grand-Arénas. Le doublement tramway du TER sur cette section, moins performant en terme de vitesse maisà la desserte plus fine, ne peut qu’être bienvenu.

 

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Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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