Production de lithium par Imerys dans l’Allier : le ferroviaire, atout majeur pour un projet intégré extraction-raffinage
Imerys, grande entreprise française d’extraction et de traitement des minéraux de spécialité industrielle, vient de révéler quels seront ses sites pour extraire, concentrer, charger et raffiner le minéral de la mine qu’elle compte mettre en service dans l’Allier sur le site de Beauvoir à Echassières, pour produire de l’hydroxyde de lithium. Le projet est baptisé Emili. La raffinerie sera installée à La Loue, près de Montluçon, ville jadis industrielle et qui retrouvera ainsi une activité importante. L’ensemble du projet permettra de créer 500 à 600 emplois sur l’ensemble des sites et un millier d’emplois indirects.
Objectif : 35.000 tonnes par an pour les batteries de 700.000 véhicules électriques
Imerys compte commencer sa production de lithium français en 2028 avec un objectif de 35.000 tonnes par an, quantité suffisante pour satisfaire les besoins des batteries de quelque 700.000 véhicules électriques.
Le minerai, des kaolins de Beauvoir, sera d’abord épuré en concentré de mica sur place. Ensuite, sur le site de La Loue, il sera transformé en hydroxyde de lithium. La zone industrielle de La Loue, traversée par la ligne de Montluçon à Bourges, a tous les atouts pour accueillir une usine de transformation embranchée.
Carte générale de l'enchaînement des quatre sites prévus par Imerys afin de produire le lithium pour batteries sur une zone compacte couvrant le sud du département de l'Allier. Le lien ferroviaire prendra le relais, sur environ 70 km, d'un tuyau d'une quinzaine de kilomètres entre le site de premier traitement et l'usine de fabrication. (Doc. Imerys)
Le concentré sera acheminé jusqu’à l’usine de raffinage par canalisation puis par train, empruntant une section de la ligne Gannat-Montluçon, à double voie de Lapeyrouse à Montluçon, puis une courte section de celle de Montluçon à Bourges.
Sans camions, de la mine de Beauvoir d'Echassières jusqu'à l’usine de La Loue à Saint-Victor
Emili est l’acronyme « d’Exploitation de Mica LIthinifère par Imerys ». La mine de lithium sera située sur le site de Beauvoir à Échassières, dans l’Allier, en région Auvergne-Rhône-Alpes. Échassières, au sud du département de l’Allier, est limitrophe du Puy-de-Dôme et se trouve à 16 km à vol d’oiseau de Saint-Bonnet-de-Rochefort et Naves, qui sera la gare de chargement du minerai située sur la ligne Gannat-Montluçon à 65,9 km à l’est de Montluçon.
L’usine de conversion du mica lithinifère concentré en hydroxyde de lithium sera située sur la zone industrielle de La Loue qui s’étend sur 45 ha entre Saint-Victor et Domérat, à 7 km au nord de Montluçon. Cette situation « devrait permettre l’usage d’infrastructures ferroviaires existantes et une logistique sans camions », explique Imerys.
Dans le détail, le concentré de mica lithinifère sera acheminé par une canalisation de 15 km depuis Echassières jusqu’à Saint-Bonnet-de-Rochefort et Naves où sera installé l’atelier de chargement sur wagons au lieu-dit de la Fontchambert. Les wagons chargés de minerai transiteront par la ligne reliant Gannat à Montluçon, puis jusqu’à Saint-Victor sur une courte section de la ligne de Bourges.
« Outre la constitution, à terme, d'un pôle local d'excellence sur les savoir-faire du lithium et de la batterie, cela témoigne de la volonté du Groupe de produire le lithium le plus décarboné possible », a déclaré Guillaume Delacroix, vice-président "minéraux de performance" chez Imerys. « Cette nouvelle étape confirme l’ensemble de l'implantation (d'Imerys) en Allier-Bourbonnais : c’est une bonne nouvelle », s'est félicité devant lui le président du conseil départemental, Claude Riboulet. Le bassin montluçonnais, privé de ses mines de charbon, de sa sidérurgie et de plusieurs autres industrie dont le pneu, voit dans ce projet un puissant moteur pour son rebond.
Des lignes ferroviaires à moderniser
Selon les observateurs, ce nouveau trafic pourrait contraindre SNCF Réseau à moderniser l’itinéraire ferroviaire, outre les installations terminales embranchées à créer. « Il va encore falloir attendre le BAPR (block automatique à permissivité restreinte, NDLR) de voie unique et la commande centralisée pour pouvoir faire circuler les trains de minerai la nuit », relève l’un d’eux. Même si la partie nord (vers Bourges, à voie unique) est fermée pour rénovation jusqu’en novembre prochain, les travaux en cours ne prévoient aucune modernisation au niveau de l’exploitation, relève-t-il. Les pas de croisement y restent assez longs avec 23 km par exemple entre Montluçon et Vallon-en-Sully.
Extrait de la carte du réseau ferré national pour les départements de l'Allier, de la Creuse et partiellement de l'Indre et du Puy-de-Dôme. Bien que située à un carrefour ferroviaire, Montluçon n'est plus qu'une gare terminus pour les trop peu fréquents services voyageurs venus du nord, de l'est et de l'ouest. (Doc. SNCF Réseau)
Sur la partie à voie unique (Gannat-Lapeyrouse) de la ligne Gannat-Montluçon concernée, les distances entre croisements sont en revanche plus faibles, de l’ordre de 10 km, et les gares de Louroux-de-Boubles et Bellenaves sont ouvertes. L’exploitation s’y opère toujours avec du block manuel de voie unique et, à l’ouest de Lapeyrouse, de double voie, type compagnie du Paris-Orléans. Les déclivités sont au maximum de 15 ‰ sur la partie Saint-Bonnet-de-Rochefort-Montluçon, de 5 ‰ au nord de Montluçon.
Selon certaines informations à confirmer, Imerys participerait à l’entretien de la ligne et des viaducs. Ces derniers sont importants et au nombre de quatre à partir de Saint-Bonnet-de-Rochefort vers Montluçon : viaduc de la Perrière, long de 135 m, du Bellon (231 m), de la Bouble (300 m), de l’Œil (190 m). Le plus long, le viaduc de la Bouble, a été conçu par l’ingénieur d’origine allemande mais formé en France (X-Ponts) Wilhem Nördling, réputé pour la qualité de ses ouvrages. Il fut mis en service en 1871. D’une hauteur maximale de 62 m, il est inscrit au titre des monuments historiques depuis 2009.
Bâtiment de l'ancienne gare de Saint-Bonnet-de-Rochefort (Allier) vue côté voie unique (derrière la haie), désormais modeste point d'arrêt non géré (PANG). Desservie par la quatre des cinq à six trains TER Clermont-Ferrand-Montluçon (mais par aucun des autocars de complément), cette commune va connaître une importante activité nouvelle avec l'installation du site ferroviaire de chargement des produits de carrière d'Imerys. (Doc. Patrocle, fr.wikipedia.org/wiki/Gare_de_Saint-Bonnet-de-Rochefort#/media/Fichier:Saint-Bonnet03800_ancienne_gare2.jpg
Notons que des trains de transport de felspath, minéral servant à la fabrication de verre, de céramique et même de peintures, sont chargés depuis la carrière Imerys de Montebras à Soumans, au départ d’un embranchement proche de Lavaufranche (Creuse), sur la ligne Montluçon-Guéret. Ils sont expédiés vers Modène en Italie en transitant habituellement par Bourges mais, le temps des travaux de la ligne Bourges-Montluçon, ils sont détournés par Gannat… et le temps de l’interruption de la ligne de la Maurienne, franchissent la frontière non plus à Modane mais à Vintimille. Le trafic est de l’ordre de 120.000 tonnes par an à raison de trois trains par semaine après une interruption de 2011 à 2015. Le trafic avait été repris par Fret SNCF. Dans ce cas déjà, Imerys donnait la priorité au ferroviaire.
On notera qu'avec la création de plus de 1.600 emplois directs ou indirect sur ce territoire, le projet Imerys justifiera une relance de l'offre voyageurs sur une étoile de Montluçon dont la gare est réduite aujourd'hui à trois terminus et à une offre dérisoire : aucun train direct vers Lyon, Bordeaux ou Paris, cette dernière destination imposant une changement de train à Vierzon ou Bourges depuis quelques années. Plus aucune liaison vers le sud, depuis la suppression de la ligne Montluçon-Evaux-les-Bains-Eugurande-Merlines en décembre 2004. Le projet de rétablissement d'un service voyageurs transversal Lyon-Bordeaux, difficilement porté par Railcoop, en paraît un peu plus légitimé.
La production de premières quantités d'un lithium venu « d'un site exceptionnel »
En concentrant l’ensemble des sites du projet Emili dans l’Allier, Imerys entend « créer un véritable pôle d’expertise en production de lithium pour batteries, contribuant ainsi au dynamisme économique du département », explique l’entreprise. Cette proximité géographique, associée à l’utilisation du réseau ferré existant, devrait permettre en outre de minimiser l’empreinte carbone de l’exploitation du lithium de Beauvoir.
Les dernières décisions d’Imerys interviennent, indique le communiqué de l’entreprise, « après une campagne de tests en laboratoire qui ont abouti à la production des premiers échantillons d'hydroxyde de lithium de qualité batterie en juin 2023». Les prochaines étapes « incluent des essais en usine pilote, ainsi que l’ouverture en mars 2024 d’un débat public organisé par la Commission nationale du débat public ». Imerys explique mener ce projet en concertation avec l’ensemble des parties prenantes afin de garantir « une exploitation minière responsable ».
Tubes contenant les premiers échantillons expérimentaux de lithium pour batteries automobiles, mis au point par les spécialistes des laboratoires d'Imerys. L'objectif consiste à devenir un fournisseur majeur pour ce marché en expansion, avec une production 100 % française. (Doc. Imerys)
Les études environnementales, en particulier sur l’eau et la biodiversité, se poursuivent. Imerys veut créer une « mine responsable ». Elle sera souterraine, ce qui évitera d’impacter entre 30 ha et 50 ha. La consiommation en eau sera réduite de 90 % par rapport aux besoins classique grâce à son recyclage, « approchant zéro effluent liquide ». Le transport par canalisation puis par rail permettra d’éviter la circulation d’une centaine de camions chaque jour sur les routes de la région.
Imerys, leader mondial des spécialités minérales pour l’industrie, entend ainsi renforcer la filière des batteries en Europe. La durée de vie de la mine est estimée à au moins 25 ans, évaluation basée sur les résultats des campagnes de sondages réalisés récemment. « Nous avons à Beauvoir un site exceptionnel que ce soit par sa taille, sa structure, et sa concentration en lithium », indique Imerys. L’industriel « a produit avec succès les premières centaines de kilos de lithium de qualité batterie en laboratoire » grâce au procédé qu’il développe. A fin 2023, 42 millions d’euros ont déjà été investis dans le projet.
Imerys emploie au total 14.000 personnes dans 42 pays et sur quelque 200 sites dans le monde. En France, l’entreprise opère sur une trentaine de sites avec 2.000 employés, qui produisent de la diatomée, du kaolin, du talc ou de l’andalousite, tous minéraux utilisés dans des produits de grand consommation, des peintures aux sanitaires, à a vaisselle, à la filtration, à l’automobile. Son chiffre d’affaire annuel s’élève à quelque 4,3 milliards d’euros.
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(1) On pourra consulter les informations délivrées par Imerys sur son site à partir de ce lien :
Imerys vient d'annoncer le choix de deux sites clés dans l'Allier pour son projet d'extraction et de transformation de lithium EMILI. Cette avancée s'inscrit dans une démarche ambitieuse visant à renforcer la filière européenne des batteries pour véhicules électriques et à contribuer à la transition énergétique.
https://www.imerys.com