Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
Publicité
5 février 2024

Jeux olympiques d’hiver 2030 dans les Alpes françaises: entre Nice, Briançon et Savoie, des services ferroviaires à reconstruire

 Les Alpes françaises sont sur le point d’obtenir l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de l’année 2030. La Suisse et la Suède ont vu leurs candidatures écartées par le Comité international olympique (CIO), ce qui laisse le projet français seul en piste. Le CIO arrêtera définitivement sa position lors des Jeux Olympiques de Paris, en juillet prochain. L’organisation de jeux olympiques d’hiver comportant des sites de compétition et d’hébergement d’un bout à l’autre de l’arc alpin français se posera la question de l’acheminement des spectateurs entre les sites, ceux qui souhaitent assister à plusieurs compétitions ou profiter de leur séjour pour découvrir les régions alpines. L’état du réseau ferroviaire doit être interrogé en ce sens, en particulier sur les liaisons entre Nice, les Hautes-Alpes et les Alpes de Savoie.

 La France a organisé les jeux olympiques d’hiver en 1924 à Chamonix, en 1968 à Grenoble et en 1992 à Albertville et en Haute-Savoie. La candidature pour les JO d’hiver de 2030, la seule désormais en lice, est portée par les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d’Azur. « Nous avons aussi le soutien du président de la République jusqu’aux municipalités, en passant par les régions et toutes les fédérations », a précisé le 28 janvier Karl Stoss, président de la commission dédiée au futur hôte des JO d’hiver au sein du CIO.

Quatre sites sur un arc alpin long de quelque 500 km

 L’argument de la France : 95 % des sites dédiés aux futures épreuves existent déjà. Le contre-argument : ils s’étagent entre Nice et le Grand-Bornand, soit sur quelque 500 km. Si les patinoires et le centre de presse sont situés à Nice, les épreuves de ski alpin seront par exemple localisées à Courchevel-Méribel (Savoie) et Val-d’Isère (Savoie), le ski de fond à La Clusaz (Haute-Savoie), le ski-cross et le snowboard-cross à Isola 2000 (Alpes-Maritimes), une partie du snow-board et du ski freestyle à Serre-Chevalier (Hautes-Alpes), le ski et le snow-half pipe à Montgenèvre (Hautes-Alpes)…

 Quatre départements sont donc concernés, du sud au nord : Alpes-Maritimes, Hautes-Alpes, Savoie et Haute-Savoie. Quatre pôles sont prévus : Nice-Côte-d’Azur, Briançonnais, Savoie et Haute-Savoie. Chacun sera doté d’un village olympique et de sites « paralympiques ». Cet ensemble disparate a la particularité d’être fortement dissocié puisque les départements intermédiaires des Alpes-de-Haute-Provence entre Alpes-Maritimes et Hautes-Alpes, et de l’Isère, entre Hautes-Alpes et Savoie, ne sont pas inclus dans la distribution des sites. Cela impliquera des distances considérables d’un site à l’autre. Le réseau de transports en sera d’autant plus sollicité.

JO Hiver 2030

 

Carte officielle des sites prévus par la candidature de la France pour les Jeux olympiques d'hiver 2030. S'ils paraissent pouvoir être aisément atteints depuis le reste de la France, ce sont les liaisons ferroviaires internes à l'arc alpin, en particulier entre Nord et Sud du massif, qui pose problème... alors qu'existent des lignes (sous-exploitées voire neutralisée) du plus haut intérêt touristique et inter-régional entre Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

  Certes au départ de Paris et d'autres régions françaises, l’accès vers les sites des JO d’hiver 2030 sera possible comme en temps normal : par les services TGV radiaux depuis Paris et ses au-delà, par les services TGV transversaux et Intercités Grand Sud depuis l’Est ou le Sud-Ouest. En revanche, les liaisons ferroviaires intérieures à l’arc alpin français présentent à ce jour de grandes difficultés en particulier sur l'axe nord-sud. Or des liaisons entre sites olympiques seront incontournables.

 On peut aisément imaginer, au regard des distances et des temps de transport par voie terrestre au départ de Nice vers les trois sites situés au nord, que le transport aérien sera fortement sollicité. De quoi faire tousser les défenseurs des modes de transport réputés « vertueux » que sont les trains et les automobiles électriques.

 Coté ferroviaire, dans l’état actuel du réseau et de l’offre, les liaisons transversales périphériques Nice-Alpes du Nord sont démotivantes ou laissées à l’abandon.

Nice-Briançon : toutes les solutions ferroviaires passent par Marseille, au prix d’un détour considérable

 Côté réseau, la liaison Nice et Briançon la plus courte par les Chemins de fer de Provence est interrompue sur 27 km entre Digne et Saint-Auban, la SNCF ayant neutralisé cette courte antenne depuis 1989. Cet itinéraire affiche pourtant 353 km alors que l’itinéraire par Marseille Saint-Charles affiche 542 km, soit un allongement de 189 km.

Briançon WAutomoteur X72500 en gare de Briançon. Les relations ferroviaires entre la cité dauphinoise fortifiée par Vauban et la Côte d'Azur sont tout simplement dissuasives par rapport aux relations routières. La neutralisation de la section Digne-Saint-Auban, avec transfert sur route et multiples correspondances, péjore grandement les temps de parcours "ferroviaires". (Doc. Wikipedia/Nuno Morao)

 Le temps de parcours proposé par SNCF Voyageurs s’étage entre 8 h 10 mn et 9 h 15 mn de Nice Ville à Briançon via Marseille. Il pourrait être ramené à environ 6 h 20 mn par la ligne des Chemins de fer de Provence : 3 h 10 mn de Nice à Digne, 30 mn de Digne à Saint-Auban, 2 h 40 mn de Saint-Auban à Briançon. Il faudrait rouvrir la section Digne-Saint-Auban et pouvoir y faire circuler des trains directs Digne-Briançon, au moins pour les Jeux, ce qui exclurait une solution « expérimentale » de navettes légères inaptes à circuler sur le réseau ferré national, actuellement étudiée.

Les temps de parcours ferroviaires Nice-Savoie sont aujourd’hui démotivants

 Entre Nice et la Savoie, les temps de parcours ferroviaires sont aujourd’hui tout aussi décourageants, dans l’état actuel de l’offre et après disparition de tous trains directs malgré le raccordement ligne classique-LGV à Valence-TGV, inutilisé.

 De Nice à Moutiers-Salins-Brides-les-Bains, gare d’accès à Courchevel, SNCF Voyageurs propose des temps de parcours s’étageant entre 8 h 28 mn avec correspondances à Marseille, Lyon Part-Dieu et Chambéry ; 8 h 45 mn avec correspondances à Marseille, Lyon Part-Dieu et Aix-les-Bains ; 9 h 05 mn avec correspondances à Valence-TGV et Montmélian… Aucun itinéraire via la ligne de la Durance, Veynes, Grenoble et le sillon alpin nord n’est proposé malgré l’économie de distance par rapport à l’itinéraire via Lyon. Nice-Moûtiers-Salins par Marseille et Lyon affiche quelque 735 km. Nice-Moutiers-Salins par Marseille et Veynes affiche quelque 654 km, soit 81 km de moins. Nice-Moutiers-Salins par Digne et Veynes affiche quelque 457 km, soit 268 km de moins que par Marseille et Lyon.

IMG_20220909_082048Croisement de trains à grande vitesse sur la partie nord du faisceau de voies inférieures de la gare de Valence TGV. A droite, la voie 5 relie la ligne à grande vitesse à celle du Sillon alpin vers Moirans, Grenoble et Chambéry... mais elle demeure inutilisée malgré un investissement de quelque 40 millions d'euros pour sa construction. Or elle permettrait de créer des relations directes par TGV depuis la Méditerranée vers les Alpes du Nord, évitant le détour par Lyon et la correspondance ou le rebroussement qu'il impose pour rejoindre la ligne de Chambéry par Saint-André-le-Gaz. ©RDS

 Il ne fait pas de doute que la différence de longueur de l’itinéraire ne présage pas d’une différence de temps de parcours proportionnelle en raison de l’utilisation de lignes à grande vitesse sur l’itinéraire le plus long via Lyon entre Marseille et Lyon (LGV 5 et 4). L’organisation de TGV directs Nice-Moûtiers-Salins permettrait des temps de parcours inférieurs à ceux proposés aujourd’hui avec plusieurs correspondances, probablement réduits d’une demi-heure au moins. Les horairistes pourraient envisager des circulations exceptionnelles par TGV Nice-Moûtiers-Salins en environ 7 h 40 mn, soit une bonne heure d’économisée. Un rebroussement à Lyon Saint-Exupéry, nécessaire en raison de l’absence de liaison directe depuis le sud de la LGV Rhône-Alpes vers Chambéry ou Grenoble, permettrait d’économiser un rebroussement à Part-Dieu et ses parcours d’approche depuis la jonction de Grenay (une quinzaine de minutes par sens).

 Il en irait de même sur les itinéraires plus courts (via Grenoble ou via Digne et Veynes) si les horaires étaient optimisés pour des relations accélérées. Le rétablissement d’une circulation directe Digne-Grenoble-Chambéry en correspondance avec les Chemins de fer de Provence offrirait des temps de parcours compétitifs. Et surtout des parcours aux paysages bien plus éblouissants que par la vallée du Rhône.

 Les liaisons entre les quatre grands sites olympiques de l’hiver 2030 pourraient être le prétexte à une vaste valorisation des lignes internes à l’arc alpin. Elle pourraient non seulement contribuer à servir les déplacements durant les Jeux d’hiver, mais aussi à présenter aux visiteurs parfois venus de fort loin à l’étranger les joyaux des Alpes françaises et l’audace des lignes qui les desservent.

Quatre lignes à haute valeur touristique ajoutée, à promouvoir pour les Jeux olympiques

 Peuvent être citées comme lignes à haute valeur touristique ajoutée l’axe Valence-Briançon, la ligne des Alpes Grenoble-Veynes, le Sillon alpin Valence-Chambéry et au-delà et bien sûr la ligne Nice-Digne, dont l’utilité serait démultipliée si sa connexion ferroviaire de seulement 27 km avec l’axe Marseille-Veynes-Briançon était enfin rétablie.

 L’axe Valence-Briançon permet de remonter la vallée de la Drôme, de découvrir les flancs méridionaux du Vercors, de franchir le spectaculaire Saut de la Drôme (ou « Claps »), de franchir le long tunnel sous le col de Cabre, puis de rejoindre, après avoir longé le Champsaur, Gap et la haute vallée de la Durance jusqu’à Briançon, dont la gare terminus est située à 1.203 m d’altitude.

 La ligne des Alpes Grenoble-Veynes s’élève en serpentant au flanc oriental du Vercors, permettant de découvrir des paysages saisissants : outre les hautes barres rocheuses du Vercors, le haut bassin du Trièves, le massif de l’Obiou et, à l’est, le massif des Ecrins. Au col de la Croix-Haute cette ligne, sauvée de justesse voici deux ans mais qui nécessite encore des travaux de régénération sur sa partie haute, atteint l’altitude 1.167 m.

IMG_20230908_120022L'état des voies en gare de Lus-la-Croix-Haute, station d'altitude de grand intérêt touristique et sportif, en dit long sur la considération portée à l'axe alpin nord-sud par les décideurs nationaux. Jadis y circulèrent des Genève-Digne (Nice) ou des Lyon-Marseille par Grenoble. La ligne Grenoble-Veynes constitue le seul lien ferroviaire entre Alpes du Nord et Alpes du Sud. Or les futurs Jeux olympiques d'hiver concerneront précisément ces deux parties de l'arc alpin français... ©RDS 

 Le Sillon alpin Valence-Chambéry par Grenoble permet de longer la face occidentale du Vercors, de surplomber la basse vallée de l’Isère, d’entrer dans la bassin grenoblois par la magnifique Cluse de Voreppe entre pointe nord du Vercors (bec de l’Echaillon) et flanc sud de la Chartreuse, puis de remonter le cours de l’Isère par le Grésivaudan, entre Chartreuse et imposante chaîne de Belledonne. Le parcours Marseille-Savoie par cet itinéraire est touristiquement plus intéressant que par Lyon.

 La ligne Nice-Digne, à voie métrique, longe la vallée du Var, y compris dans d’impressionnants défilés, avant de s’élever jusqu’à 1.015 m d’altitude dans le tunnel de la Colle-Saint-Michel, long de 3.455 m qui lui permet de passer du bassin versant du Var à celui du Verdon et de la Durance. La section sommitale entre Annot et Thorame-Haute offre des points de vue saisissants sur les massifs. La réouverture du tunnel de Moriez, victime d’un effondrement voici trois ans, permettra en 2025 de rétablir la continuité ferroviaire de la liaison, actuellement basculée sur route entre Saint-André-des-Alpes et Digne. On notera l’absurdité de la neutralisation de la section Digne-Saint-Auban du réseau ferré national à voie normale, faisant de Digne un cul-de-sac ferroviaire avec obligation d’emprunter des autocars circulant sur des routes encombrées dans la vallée de la Bléone, affluent de la Durance.

DSC04762Cavalerie d'automoteurs des Chemins de fer de Provence en gare de Nice CP, certains destinés à des fonctions suburbaines, d'autres à des relations à longue distance. L'année prochaine, quand le tunnel de Moriez à la sortie nord de Saint-André-des-Alpes sera enfin restauré, les trains des CP pourront enfin parcourir la totalité de la ligne, jusqu'à Digne. Mais ils n'auront toujours pas de correspondances avec les trains du réseau ferré national en raison de l'absurde neutralisation des 27 km séparant Digne de Saint-Auban, gare de jonction avec la ligne Marseille-Briançon/Grenoble. ©RDS  

 On notera qu’à ce jour, les liaisons entre Grenoble, la moyenne vallée de la Durance et Marseille par Veynes sont extrêmement dégradées : aucun train direct ne circule plus depuis Grenoble au-delà de Veynes vers Marseille et les correspondances sont de très mauvaise qualité, alternant TER et autocars. Le temps est loin des Genève-Nice via Grenoble et Digne, autorails dénommés Alpazur, ou des trains de liaison interrégionale Lyon-Marseille par Grenoble, Veynes et Sisteron.

 Les Jeux olympiques d’hiver 2030 réveilleront-ils l’intérêt des décideurs de l’Etat français pour ces lignes intra-alpines d’une haute valeur patrimoniale, touristique et sociale ? Faute d'un saut qualitatif (relations directes) et quantitatif (rétablissement ou rénovation de lignes) majeur, l'autoroute et l'avion se tailleront la part belle pour le transport des personnes d'un site olympique à un autre. L'occasion, si rien n'est fait, d'exposer à la face du monde et aux journalistes internationaux l'état désastreux du réseau ferroviaire régional français dans une bonne moitié des Alpes.

Publicité
Commentaires
J
La distance ferroviaire entre Nice et Albertville ne serait-elle pas la plus courte via Tende, Cuneo. Turin et Modane?
Répondre
B
Probablement juste votre supposition !
D
En 1992, la SNCF avait réussi à irriguer toutes les stations alpines en train régionaux depuis la gare de St Exupéry. Mais une fois les jeux finis, les passagers des vols en provenance de toute l'Europe ont dû se contenter des oui oui bus (sauf les lyonnais qui ont un joli tram à 20€) ou des voitures de location.
Répondre
B
Merci pour cet article, qui hélas n' à rien de surprenant pour tout ferrovipathe Français . Nous sommes en 2024, que peuvent vraiment faire "nos zélites" pour les 6 ans à venir ? Tout indique que la voiture et l' avion vont être les grands gagnants, hélas.<br /> <br /> <br /> <br /> Il serait intéressant de savoir ce que le dossier 📂 Français indiquait pour le rail . Pas grand chose je présume.
Répondre
K
Pour un Nice-Albertville j'obtiens un itinéraire de 360/370km en passant par :<br /> <br /> Le long des CP - Digne - Seyne - Chorge - Montgenevre - Tunnel de Fréjus - La Maurienne. Completement utopique....
Répondre
B
Seyne = probablement Serres . Et le Montgenèvre signifie donc passage par Briançon . Pas pratique, effectivement . L' intervenant ci-dessus, proposant un Nice - Albertville via Tende et Turin a probablement le meilleur itinéraire.
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité
Newsletter
Publicité
Publicité