Anticipant une forte augmentation de la demande ferroviaire, Genève promet une nouvelle gare souterraine pour 2038
Presque entièrement entourée par le territoire français, la République et canton de Genève, membre de la confédération helvétique depuis le 19 mai 1815, dispose d’une gare centrale, anciennement appelée Cornavin, connaissant un trafic ferroviaire tel qu’il va nécessiter la réalisation en souterrain de deux nouvelles voies à quai central. Les travaux de cette nouvelle gare établie sous la gare centrale commenceront en 2027 pour livraison seulement en 2038 suite à un report de deux années pour assurer une amélioration du projet. Mais plusieurs interventions anticipées sont en cours sur le faisceau de surface, lesquelles constituent un véritable « premier projet ».
Huit cents trains par jour avec seulement sept voies passantes à quai et une en impasse
Troisième gare de Suisse par le nombre de ses voyageurs, la gare de Genève voit passer plus de huit cents trains par jour sur seulement sept voies à quai passantes et une voie en impasse à quai côté France (voie 5). Deux des voies à quai (7 et 8) sont dédiées au trafic de et vers la France longue distance, desservant le quai 4 doté d’accès contrôlés par les services de police et de douane. Ce trafic grandes lignes vers la France (TER vers Lyon, Valence, ou TGV) est fortement minoritaire. La création du Léman Express, un succès considérable, a toutefois fortement augmenté l’offre vers les deux départements français voisins, principalement la Haute-Savoie.
En gare de Genève. La fréquence des circulations est considérable, même si tous les trains à destination du reste de la Suisse sont passants, avec origines soit à Genève Aéroport pour les grandes lignes, soit des gares de la France voisine pour les trains Léman Express. Les trains à longue distance pour la France (Lyon, Valence, Paris) ont en revanche pour origine-destination cette gare centrale, sur les seules voies 6 et 7. ©RDS
Afin de préparer les travaux de la gare souterraine proprement dite, plusieurs intervention anticipées ont eu lieu ou vont avoir lieu. La dernière en date, « l’intervention anticipée 4 », modifiera pour 93 millions de francs (98,21 millions d’euros) onze voies de stationnement des trains côté Suisse, allongera les quais 3 et 4 et renouvellera les voies 6 et 7. Une nouvelle halle de maintenance des rames modernes sera construite ainsi qu’un bâtiment neuf pour les personnels. Dix kilomètres de caténaires seront changés et 130 nouveaux poteaux porte-caténaires installés. Néanmoins, pas question d’interruption du trafic pour « massification » : « Il faudra que chaque matin les trains roulent à l’heure malgré les travaux », indique Damien Gross, responsable des « mandats voies ferrées » dans un film publié par les CFF. (1)
Carte des quatre interventions anticipées destinées à améliorer les services ferroviaires dans et autour de Genève et à préparer l'insertion d'une nouvelle gare souterraine. La première a concerné dès 2019 et jusqu'à 2024 les abords nord de la gare de Cornavin (Montbrillant). La quatrième, en cours, concerne le faisceau de surface de la gare de Cornavin et des bâtiments. (Doc. CFF)
L’objectif de la création d’une gare souterraine consiste à répondre à l’augmentation du trafic grandes lignes tout en améliorant l’offre sur le bassin lémanique et le Grand Genève. Hormis la navette vers Bellegarde, amorcée sur la voie en impasse, le trafic grandes lignes de et vers la Suisse est actuellement amorcé à Genève Aéroport, gare située sur la commune genevoise du Grand Saconnex. Le trafic régional est d'ailleurs lui aussi passant, hormis la navette vers La Plaine et Bellegarde. La nouvelle gare souterraine permettra d’autre part de faciliter les flux dans le bâtiment voyageurs et l’accès aux quais.
Premier projet, en cours de réalisation : vaste modernisation de la plateforme existante
Les CFF insistent sur le fait que la création de cette nouvelle gare souterraine s’accompagne du projet parallèle « de modernisation de la plateforme existante », mentionné plus haut et dont l’ampleur est considérable. Au total, les deux projets constituent « le programme d'investissement le plus ambitieux mené sur la région genevoise », avec le récent percement de la section La Praille-Eaux-Vives sa prolongation jusqu’à Annemasse et ses nouvelles stations intermédiaires, considérable chantier qui a permis la création du RER franco-valdo-genevois Léman Express, au passage premier RER hors Île-de-France (partiellement) sur le territoire français.
Rame Léman Express de la ligne L2 en stationnement à Annecy. Quatorze circulations quotidiennes sont assurées entre Annecy et Coppet via Annemasse et la gare centrale de Genève. ©RDS
La gare centrale de Genève joue un rôle clé pour les voyages en Suisse et vers l’étranger, qu’il s’agisse de la France voisine ou lointaine (Léman Express, TER vers Lyon, TER vers Valence par Grenoble, TGV vers Paris mais malheureusement plus vers la Méditerranée…) ou de l’Italie (Milan…). Elle dessert un bassin de population considérable.
Fort essor démographique sur le territoire français
Si la République et canton compte 512.000 habitants (la commune de Genève 205.000 habitants) le Groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) du Grand Genève compte 1,05 million d’habitants. Ce Grand Genève réunit, autour de la République et canton, huit intercommunalités françaises et un district du canton suisse de Vaud. Au total, il réunit 209 communes : 45 dans la République et canton de Genève, 47 dans le district de Nyons (Vaud), 39 dans le département de l’Ain et 78 dans le département de Haute-Savoie. Sa surface de 1.996 km2 s’étend de de Thonon au Pays bellegardien, de Gex aux communes du Faucigny-Glières. Genève est son centre urbain dominant.
L’essor démographique du Grand Genève est important, particulièrement sur le territoire français. Par exemple Annemasse (Haute-Savoie) a vu sa population augmenter de 36 % en trente ans, à 37.600 habitants en 2022 tandis que son intercommunalité Annemasse-Les Voirons Agglomération, véritable banlieue de Genève, affiche 91.000 habitants pour douze communes, en hausse de plus de 38 % sur la même période.
Vue générale de la façade de la gare de Genève, abondamment desservie par les lignes urbaines de tramway. La gare souterraine sera desservie pour les piétons par une deuxième traversée des emprises ferroviaires. (Doc. CFF)
« Le projet de la gare souterraine vise à répondre aux besoins de mobilité de tout un bassin de vie (Grand Genève) et au-delà (arc lémanique et ensemble de l’axe Est-Ouest / Saint-Gall-Genève) », argumentent les CFF. Les chemins de fer fédéraux suisses rappellent que la section ferroviaire Genève-Lausanne voit passer chaque jour quelque 100.000 voyageurs.
Côté français on peut espérer que le trafic à longue distance, qu’il soit TER ou TGV, sera encouragé car il est aujourd’hui singulièrement réduit. A ce jour, l’offre TER est de 11 circulations directes Genève-Lyon (159 km) en jour ouvrable de base, avec un dernier départ à seulement 19 h 14. Vers Grenoble et Valence, l’offre TER directe est encore plus réduite avec 6 TER quotidiens en semaine jusqu’à Grenoble, 2 étant prolongés jusqu’à Valence (un 3e les vendredis). Le dernier départ vers Grenoble est fixé à 18 h 42. Le dernier départ d’un TER direct atteignant Valence est fixé à… 14 h 59 (hors vendredis, où le 18 h 42 est prolongé jusqu’à Valence).
A titre de comparaison, les relations directes proposées par les CFF entre Genève et Fribourg (135 km) est d’une toutes les demi-heures soit une trentaine chaque jour. Le dernier départ direct est programmé à 20 h 29 mais des relations avec correspondance(s) sont possibles jusqu’à 23 h 20.
Deux niveaux en sous-sol et une nouvelle traversée
Le projet de gare souterraine à deux voies à quai central comprend deux niveaux sous le sol naturel, soit une mezzanine surplombant le quai et ses deux voies. Ces dernières porteront les numéros 11 et 12, pour les distinguer des voies passantes à un seul chiffre établies en surface (1 à 8). Son accès ferroviaire nécessitera la construction d’un tunnel à double voies en direction de l’aéroport, long de 3.300 mètres avec trémie et jonction dans le quartier de l’Etang, et un tunnel d’accès à double voie en direction de Lausanne, long de 2.500 mètres avec trémie et jonction dans le quartier de l’ONU.

Deux vues en coupe (générale et détailée) des deux nouvelles voies à quai projetée sous les voies 6 et 7 et partiellement sous la place de Montbrillant. (Doc. CFF)
Pour l’accès aux trains à partir du bâtiment voyageurs, sera créé un nouveau passage central dans la continuité du hall historique, ajoutent les CFF. Il permettra d’améliorer l’accès aux quais mais aussi la traversée de la gare.
Une fois les travaux préalables sur le faisceau existant lancés en 2019 et achevés en 2026, la mise à l’enquête publique du projet de gare souterraine devrait être lancé fin 2027. La durée des travaux est estimée à neuf années, soit une mise en service autour de 2036.
Le financement est assuré par la Confédération, la République et canton de Genève et la Ville de Genève pour un montant estimé aujourd’hui à 1,9 milliards de francs suisses, soit quelque 2 milliards d’euros.
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(1) Lien vers le film réalisé par les CFF sur « l’intervention anticipée 4 » en cours de réalisation de 2023 à 2026 :