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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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2 juillet 2023

Contrat de plan Etat-Région Auvergne-Rhône-Alpes : l'Etat mettrait 54 M€ sous condition sur cinq ans pour les petites lignes

 Emoi dans les milieux associatifs défenseurs des transports publics et du chemin de fer. Le mandat de négociation du volet mobilités Contrat de plan Etat-Région d'Auvergne-Rhône-Alpes, adressé à la nouvelle préfète de région Fabienne Buccio et auquel ont eu accès les associations et élus, ne prévoit que 54 millions d'euros pour les lignes de desserte fine du territoire. On compte parmi celles-ci, en particulier, Grenoble-Veynes et l'axe Saint-Etienne-Clermont-Ferrand interrompu en son milieu sur 47 km.

 Au sujet de ce dernier, une carte du projet d'allotisation des services TER élaborée par la région dans la perspective d'une lointaine soumission à appels d'offre prévoit de lier chacune de ses deux antennes (Saint-Etienne-Boën et Clermont-Ferrand-Thiers) à deux lots différents (Etoile lyonnaise et Auvergne). En revanche, il semblerait aux dernières nouvelles que l'Etat soit prêt à financer sur une ligne budgétaire dédiée le renouvellement des rails antédiluviens de la section Saint-Chély-d'Apcher-Neussargues, menacée de suspension de trafic fret et voyageurs.

Le Collectif de l'Etoile ferroviaire de Veynes craint une nouvelle vague de fermetures de lignes

 Le Collectif de l'Etoile ferroviaire de Veynes (CEFV), qui réunit des élus, associations et syndicats des deux régions mitoyennes Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) et Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), a sonné l'alarme. Il publie un long communiqué en date du 28 juin 2023 qui estime d'emblée que « ce que contient le mandat de négociation ressemble plutôt à un plan de fermeture des petites lignes en Région Auvergne-Rhône-Alpes si l’Etat et la Région AURA ne revoient pas leurs copies » (1).

DSCN2628Voie sans trafic depuis 2016 de la section Boën-Thiers, ici à Sail-sous-Couzan (Loire), gare jadis importante pour l'expédition des eaux minérales locales. Ont été fermées récemment, en outre, Saint-Claude-Oyonnax, Sainte-Foy-L'Argentière-Sain-Bel (pour le fret). Pourraient être menacées Oyonnax-Nantua, la section haute de Grenoble-Veynes, Lozanne-Paray-le-Monial, Le Puy-Saint-Georges-d'Aurac... ©RDS

 Le CEFV relève que l’État, dans sa première maquette, « investirait 54 millions pour l’ensemble des lignes de desserte fine du territoire d’Auvergne Rhône-Alpes ». Il ajoute que cette somme permettrait « tout juste de quoi financer la rénovation de la seule ligne Grenoble-Gap sur la partie AURA qui pour mémoire nécessite de nouveaux investissements de l’ordre de 90 millions d’euros sur la totalité de la ligne ».  Sur Grenoble-Veynes-Gap l’État, rappelle le Collectif, n’interviendrait qu’à la hauteur de 11,5 % pour la régénération et 20 % pour la modernisation de l’infrastructure, « loin des valeurs actuelles ».

 Ce mandat, poursuit le Collectif, contient « plein de bonnes intentions : réduire les inégalités territoriales » et « en priorité, achever la réalisation des opérations engagées lors du CPER 2015-2022 », soit 35 millions d'une première tranche de travaux réalisés pour la ligne Grenoble-Gap dans le CPER précédent. Il s'agissait de rénover des sections de voie et des grands ouvrages d'art tels le viaduc de Casseyres, long de 181 m et qui a nécessité des travaux en grand hauteur et d'accès difficile.

La nouvelle doctrine du Conseil régional AURA consiste à ne plus financer l'infrastructure

 Or la nouvelle doctrine en cours au conseil régional Auvegrne-Rhône-Alpes consiste à refuser de s'engager de nouveau pour le financement des voies et des ouvrages. Cette région, qui se distingue ainsi de la plupart des autres régions de France, ne mettra pas un euro, selon ses dirigeants, sur l'infrastructure - et donc les petites lignes parcourues par les seuls TER - dans le CPER en cours de négociation car elle « prendra toute sa part sur le financement du matériel roulant ».

 Cette politique axée sur les rames neuves et à rénover privilégie de facto les métropoles et les principaux axes. Le Collectif relève toutefois que cette doctrine devrait connaître une exception pour la ligne de la vallée de l'Arve La Roche-sur-Foron-Saint Gervais: « On découvre par exemple que pour lutter contre la pollution de l’air, l’État et la Région se sont déjà entendus pour financer des opérations » sur cette ligne (voie, signalisation...).

IMG_20221212_094621Croisement d'autorails à Vif, sur la ligne Grenoble-Veynes-Gap. Vif est situé dans la périphérie de Grenoble et devrait être desservi par une branche du futur réseau express métropolitain prévue jusqu'à Clelles mais sans électrification. La ligne a connu des interruptions pour travaux pendant deux ans, jusqu'à la fin 2022... et devrait en connaître d'autres les prochaines années. ©RDS

 Le communiqué du Collectif estime que les 54 millions d’euros annoncés par l’État, malgré une hausse par rapport aux précédents CPER, « restent anecdotiques au regard des enjeux à l’échelle régionale » mais que c'est surtout « l’absence de planification pour ces petites lignes qui est à relever ». Auvergne-Rhône-Alpes, ajoute-t-il, est une des rares régions à ne pas avoir engagé et signé avec l’État un « Protocole d’accord Etat-Région relatifs à l’avenir des petites lignes ferroviaires ». L’État est propriétaire du réseau ferré national tant que les régions n'ont pas récupéré, comme le leur permet désormais la loi, la gestion desdites lignes (Occitanie le fait pour Montréjeau-Luchon et Alès-Bessèges). Le gouvernement va-t-il proposer un plan de fermeture de ces axes dits secondaires pour les régions qui ne l’ont pas signé ?, s'interroge le Collectif.

 Surtout, poursuivant le bras de fer engagé entre Paris et Lyon et évoqué dans notre article du 22 juin, le ministère délégué aux Transports tient à préciser dans le mandat de négociation que « le financement de ces lignes de desserte fine du territoire ne pourra être accordé qu’en contrepartie d’un financement de la Région ». 

La subvention de l'Etat pour les mobilités devrait baisser d'un CPER à l'autre, mais elle augmenterait pour le ferroviaire grâce à une inversion des priorités

 Par ailleurs, le CEFV compare les montants de la part de l'Etat dans les volets mobilité des précédents CPER 2015/2021 (en cumulant les chiffres des CPER des anciennes régions Rhône-Alpes et Auvergne lors de la signature de 2015) et dans celle annoncée pour le volet mobilités du CPER 2023/2027 en cours de négociation.

 Il apparaît ainsi que l'Etat diminue sa participation, pondérée de la durée des contrats, au financement du volet mobilité du Contrat de Plan Etat-Région AURA : 714 millions pour les deux CPER précédents qui couraient sur environ sept ans, soit 102 M€/an, contre 418 millions dans le projet actuel 2023-2027 qui court sur cinq ans, soit 83,6 M€/an. La déflation est d'autant plus importante que la période est... inflationniste.

 Ce constat est cependant compensé, pour le ferroviaire, par l'inversion de proportions entre investissements d'Etat proposés au prochain CPER pour la route (40,4 %) et ceux pour le ferroviaire (59,6 %). La proportion était à peu près inverse dans les précédents CPER (58 % pour la route, 42 % pour le ferroviaire). Il en résulte qu'au final la proposition de l'Etat pour le ferroviaire au prochain CPER, s'élèverait à 249 M€ - soit 49,8 M€/an - contre 301 M€ pour la période précédente de quelque sept années - soit 43 M€/an. Reste que ce surplus de 6,8 M€ par an, représentant une hausse de 15,8 %, ne compensera guère une inflation solidement établie depuis deux à trois ans à plus de 5 %. En euros constants, la contributions annoncée par l'Etat paraît donc au mieux stable.

Veynes-gare14Gare de Veynes. Le Collectif de l'Etoile ferroviaire de Veynes milite pour le maintien et l'amélioration des lignes rayonnant autour de cette cité du Dévoluy (Hautes-Alpes) vers Grenoble et Livron en Auvergne-Rhône-Alpes, Briançon et Marseille en Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

 Concernant l'enveloppe spécifique prévue par l'Etat pour les petites lignes - 54 M€ -, on note qu'elle serait en nette augmentation par rapport aux 40 M€ des CPER 2015-2021. De fait, la moyenne annuelle passerait à 10,8 M€ contre 5,71 M€ aux CPER précédents.  Le CEFV souligne cependant que l’Etat et la Région AURA ont voté en fin de CPER précédent « des avenants de plusieurs centaines de millions d’euros pour la rénovation de l'infrastructure"

 Pour une région aussi importante qu'Auvergne-Rhône-Alpes - deuxième offre ferroviaire régionale après l'Ile-de-France -, l'absence de toute subvention régionale destinée aux travaux d'infrastructure risque fort d'entraîner de nouvelles dégradations du réseau et leur cohortes d'indignations. Engageant son bras de fer avec l'Etat, le vice-président délégué aux Transports de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Frédéric Aguillera, avait jeté au lendemain de la réouverture de la ligne Grenoble-Veynes le 11 décembre 2022, après deux ans de fermeture pour travaux, une douche froide en Comité de ligne : « Des petites lignes vont fermer ! ».

 Vu le nombre de celles qui ont déjà été neutralisées ou retranchées par rapport au réseau originel, on peut se demander quelle sont celles qui pourraient encore fermer sauf à déstructurer définitivement des pans entiers de la desserte (Lozanne-Paray-le-Monial, Le Puy-Saint-Georges d'Aurac...) ou isoler de nouvelles localités (Oyonnax-Nantua). Rappelons que depuis 2016 ont été fermées les sections Boën-Thiers (dans un premier temps Montbrison-Thiers avant réouverture de Montbrison-Boën cofinancée par... la région) et Saint-Claude-Oyonnax. Cette dernière fermeture impose aux habitants de Saint-Claude un parcours segmenté entre car et train pour se rendre dans la métropole la plus proche, Lyon.

Saint-Etienne-Boën et Clermont-Ferrand-Thiers prévues dans deux lots différents

 Quant à l'axe Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, l'avant-projet d'allotisation du réseau TER AURA prévoit d'attribuer au lot Auvergne la section maintenue en exploitation Clermont-Ferrand-Thiers et d'attribuer au lot Etoile Lyonnaise la section maintenue Saint-Etienne-Boën. La suspension de la circulation ferroviaire entre les deux (47 km) paraît donc implicitement avalisée par le conseil régional en exercice, même si la mise en concurrence de ces lots ne paraît pas prévue avant un prochain mandat. 


 En conclusion, il va de soi qu'un refus de cofinancement de l'infrastructure par le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre du futur CPER aurait, malgré l'effort affiché par l'Etat conditionné pour les petites lignes à un effort similaire de la région, des conséquences importantes. La qualité des lignes de desserte fine du territoire serait altérée et les perspectives d'éventuelles réouvertures destinées à restaurer un maillage ferroviaire mis à mal seraient condamnées.

 « Au vu des enjeux de transition écologique et du besoin en financement pour favoriser le report modal, les chiffres parlent d’eux-mêmes », s'inquiète le CEFV qui pose la question en termes politiques: « S’agit-il d’une politique de décroissance ou d’une punition pour l’élève Wauquiez (président de la région, NDLR) ? ». A moins que certains acteurs de ce ballet financier préfèrent finalement négocier certains investissements hors cadre CPER, dossier par dossier. Ce choix facilite la ventilation des participations entre diverses collectivités hors compétence ferroviaire : outre l'Etat et la région, les départements et les intercommunalités. Comme ce fut le cas pour les récents travaux sur Grenoble-Veynes ou sur Montbrison-Boën.

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(1) Lien vers l'intégralité du communiqué du CEFV :

Communiqué de presse: 54 millions pour les petites lignes en AURA : l'État et la Région AURA devront revoir leurs copies !

La première Ministre Elisabeth Borne annonçait en mars 2023 un " Plan d'avenir pour les transports " de 100 milliards d'euros qui donnait la priorité au ferroviaire. Ce plan d'avenir semble accoucher d'une souris en Région Auvergne-Rhône-Alpes. Il faut dire que le Président de la Région AURA avait bien préparé le terrain...

https://etoileferroviairedeveynes.info

 

 

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Commentaires
J
Combien les départements (et la région AURA par ses subventions aux communes) dépensent-ils pour les infrastructures routières ?
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E
Tres coherent;si on rénove les voies c est pour voir rouler des trains...
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M
L’ État doit participer davantage en espèces trébuchantes au renouvellement des voies encore existantes et permettre à la réouverture de toutes les lignes de desserte fines du territoire défendues par les associations Ferroviaires. <br /> <br /> <br /> <br /> Je propose que l’ État verse 500 millions d'euros par an à chaque région jusqu' au moment ou toutes ces lignes seront complètements rénovées ou réouvertes. <br /> <br /> <br /> <br /> A contrario, les régions doivent faire rouler les trains avec un minimum de 20 A/R jour sur chaque ligne , créer le maximum de trains Interrégions ou assurer à minima des correspondances courtes (10 mn à 20 mn ) entre trains de 2 régions différentes. .
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B
Ne pas remettre en service Saint Etienne - Clermont est un véritable scandale ! Tout comme celui de ne pas relier Montluçon à Lyon, ou même simplement à Saint Etienne ! A ce rythme, plus aucun espoir pour Laqueuille - Ussel (Clermont - Brive - Bordeaux).<br /> <br /> <br /> <br /> Vive la France de la bagnole.............et qui crée des ZFE ! Le serpent qui se mort la queue !
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E
Aura est une région plutôt riche pourtant et qui ne montre pas l exemple...
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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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