Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
Publicité
29 novembre 2022

Débats autour des transports à Grenoble : 1 - Le projet controversé du téléphérique « Métrocâble » en périphérie nord-ouest

 La région de Grenoble, dont les transports sont sous l’autorité du SMMAG*, est le théâtre de débats animés autour de trois thèmes : le projet controversé d’un téléphérique urbain au nord-ouest de la ville de Grenoble entre Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux ; le projet de Réseau express métropolitain sur les voies du réseau ferré national ; les demandes d’extension du réseau de tramway, actuellement au point mort.

L’atout du « Métrocâble » : franchir quatre obstacles dont deux rivières

 Le projet de téléphérique en débat, dont l’enquête publique est prévue au printemps prochain, vise à relier trois stations de tramway : le terminus de la ligne A à Fontaine La Poya (qui serait toutefois avancé par raccourcissement) ; le terminus de la ligne B à Grenoble Oxford ; la station de la ligne E à Saint-Martin-le-Vinoux Hôtel de Ville. Long de 3,5 km seulement, cette ligne aérienne a vu son budget prévisionnel passer de 54,2 millions d’euros à 64,56 millions d’euros, soit une augmentation de 10,36 M€ ou 5,6 %. Son nom de baptême est « Métrocâble ». Le temps de parcours de bout en bout est estimé à 13 minutes et 30 secondes avec deux stations d’embraquement/débarquement intermédiaires. Sa réalisation serait confiée à l’entreprise régionale Poma, jadis basée à Fontaine, aujourd’hui à Voiron (Isère).

 De plus, la construction d’une station multimodale à La Poya avec déplacement du terminus actuel qui l’éloignerait du centre commercial qui la jouxte aujourd’hui par report des quais du tramway en amont, est évaluée à 15 millions d’euros supplémentaires. Le total des devis atteint donc 80 millions d’euros, ce qui paraît considérable, le rapprochant d’une ligne de tramway, surtout si elle était à voie unique sur cette courte section périphérique déjà dotée de ponts sur les deux cours d’eau.

GrenoblePlan de la ligne de téléphérique projetée en périphérie nord-ouest de Grenoble, entre Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux, via la presqu'île située dans la commune de Grenoble. Le parcours est d'environ 3,5 km pour une vitesse commerciale moyenne de 20 km/h.

 Les atouts principaux de « Métrocâble » résident dans sa capacité à franchir aisément quatre obstacles de taille : les rivières du Drac et de l’Isère, l’autoroute A480 et la voie ferrée Grenoble-Lyon/Valence, sans compter des lignes électriques à haute tension.

  Par ailleurs, il met en communication directe la presqu’île de Grenoble entre Drac et Isère, qui abrite d’importants établissements scientifiques (Synchrotron, Centre d’études nucléaires…), avec  les communes situées de part et d’autre des cours d’eau, côté massif de la Chartreuse et côté massif du Vercors. Il dessert par ailleurs le futur quartier à urbaniser « Portes du Vercors », dont l’avenir est toutefois obéré par des risques d’inondation.

 Enfin, il est prévu qu'il desserve côté Fontaine à la limite de Sassenage une importante zone agricole à urbaniser, les "Portes du Vercors", dont la réalisation est soumise à des contraintes hydrauliques et à une contestation politique.

Les faiblesses du « Métrocâble » : 65 M€ pour 3,5 km, six stations et 23 pylônes

 Ses faiblesses résident d’abord dans son coût : près de 65 millions d’euros pour 3,5 km. Il faut même compter, on l’a vu, 80 M€ en incluant le PEM de La Poya, soit un coût d’investissement au kilomètre de 22,8 M€/km, une valeur proche de celle d’une ligne de tramway. Les ponts routiers modernes existent à proximité du tracé aérien prévu. Ils sont actuellement franchis par quelques lignes d’autobus.

 On relèvera à ce propos qu’il n’existe aujourd’hui aucune ligne de bus urbain reliant directement les deux futurs terminus du « Métrocâble » via la presqu’île, ce qui n’est pas de bon augure. Les liaisons par bus existantes sont dissociées de part et d’autre et n’ont pas les mêmes destinations. La ligne 22, à faible fréquence, relie Oxford à Saint-Egrève et son importante zone commerciale Cap38, bien plus au nord-ouest que Saint-Martin-le-Vinoux ; la ligne structurante C6 relie Oxford à Fontaine Louis-Maisonnat (et au-delà), bien plus au sud que La Poya ; la ligne 54 assure une desserte fine à faible fréquence vers Sassenage. Si l’offre bus anticipe par principe une offre de transport en site propre, le compte n’y est pas. Or le trafic escompté de « Métrocâble », de 4.600 voyageurs par jour, est précisément celui d’une ligne d’autobus même si, moyennant l’installation de nouvelles stations intermédiaires, ce trafic est envisagé à 7.700 voyages quotidiens.

 Le projet tel qu’en l’état est doté de quatre stations commerciales (La Poya et L’Argentière sur Fontaine, Oxford sur Grenoble, Hôtel de Ville sur Saint-Martin-le-Vinoux). Deux autres stations techniques sont prévues (La Saulée sur Fontaines, Presqu’île-Ouest sur Grenoble). Chacune de ces stations, commerciales ou techniques, correspondent à un coude du tracé, les câbles d’un téléphérique n’étant pas aptes à s’incurver en ligne. Au total cinq portées droites et un itinéraire parsemé de 23 pylônes et six stations constitueraient « Métrocâble ».

MetrocableVue d'artiste de la station intermédiaire Oxford sur la presqu'île de Grenoble. On relève la hauteur du bâtiment, qui implique un parcours complexe pour les voyageurs et de coûteux équipements pour les personnes handicapées.

 Les deux stations techniques sont susceptibles d’être transformées à terme en stations commerciales moyennant de nouveaux investissements. Le terrain qui serait survolé par ce téléphérique étant plat, chaque station est constituée d’un bâtiment relativement haut  avec des quais d’embarquement situés environ à la hauteur de deux niveaux d’un bâtiment moderne. Des installations techniques sont ajoutée en hauteur.  Cette configuration impliquerait un temps d’accès relativement long pour les correspondances tram ou bus-téléphérique, atténué il est vrai par la fréquence élevée prévue pour le « Métrocâble », de l’ordre d’une cabine toutes les 73 secondes à la mise en service.

Critiques de la Chambre des comptes, scepticisme de Grenoble, opposition de Sassenage

 La chambre régional des comptes a estimé en septembre 2021, pointant la hausse du devis : « La question de l’insuffisante anticipation de certains coûts pourtant inhérents à ce type de montage se pose ». Elle ajoutait que « les conséquences financières de cet investissement ont été mal anticipées, sachant que les recettes commerciales d’exploitation ne permettraient pas à elles seules d’assurer l’équilibre d’exploitation au regard des objectifs affichés ». Si c’est par ailleurs le cas de l’ensemble des autres moyens de transports collectifs urbains, toute la question est d’anticipant le taux de couverture recettes commerciales/coût d’exploitation de cette nouvelle lignes aérienne.

 On relèvera que la ligne de « Métrocâble » s’inscrirait perpendiculairement à un important flux de vent de nord-ouest, canalisé depuis le Bas-Dauphiné par la cluse de Voreppe et le couloir entre Vercors et Chartreuse.

 Si la commune de Fontaine a voté un avis favorable au projet, qui s’inscrit dans le cadre d’un de ses quartiers à urbaniser, la municipalité de Grenoble, dirigée par Eric Piolle (EELV) a émis « un avis très réservé » sur le projet qu’elle considère «comme « non prioritaire ». Celle de Saint-Egrève, dirigée par Laurent Amadieu (EELV), commune à proximité immédiate de Saint-Martin-le-Vinoux, a aussi exprimé des réserves.

IMG_20221116_154757Station terminus Oxford de la ligne B du tramway de Grenoble. La presqu'île scientifique abrite d'importants établissements de recherche et universitaires. Elle est desservie par trois lignes de'autobus parmi lesquelles trois lignes urbaines qui y ont leur origine : C6 structurante vers Fontaine centre et Grenoble sud par la rive gauche du Drac; 22 vers le centre commercial de Saint-Egrève sans passer par Saint-matrin-le-Vinoux;  54, ligne de desserte fine vers Sassenage. Les deux dernières affichent une fréquence relativement faible. Plusieurs lignes  express périurbaines y transitent, entre la région de Voiron (nord-ouest) et le Grésivaudan (nord-est). ©RDS

  Sassenage, à proximité immédiate de Fontaine, refuse le projet. Le maire de Sassenage Christian Coigné (UDI, vice-président du conseil départemental de l’Isère), dont le propos est rapporté par le quotidien Le Dauphiné Libéré, qualifie le « Métrocâble »  « d’ineptie et de gaspillage d’argent public ». Sassenage, on le verra plus loin, attend depuis longtemps et en vain un allongement de la ligne A sur sa commune à partir de La Poya. Le conseil départemental de l’Isère, présidé par Jean-Pierre Barbier (LR) estime de son côté que ce projet ne constitue en rien une priorité.

Le SMMAG et la métropole avocats du téléphérique

Le « Métrocâble » est en revanche porté par le SMMAG, présidé par Sylvain Laval (divers gauche), vice-président de Grenoble Alpes Métropole et maire de Saint-Martin-le-Vinoux, et Grenoble Alpes Métropole, présidée par Christophe Ferrari (divers gauche, ex-PS) et maire de Pont-de-Claix. La majorité du conseil métropolitain est de couleur différente de celle de la municipalité de Grenoble à majorité EELV. Les deux collectivités sont régulièrement en opposition.

 On relèvera qu’un précédent avant-projet de téléphérique a défrayé la chronique dans la région de Grenoble : une ligne aérienne entre Grenoble et le Vercors. L’idée, frontalement combattue par les municipalités du célèbre plateau et dont les données techniques avaient été mal préparées, relève le quotidien grenoblois, a été abandonnée. A quelque cent kilomètres de Grenoble, les ambitieux projets de téléphériques urbains portés par la métropole de Lyon, à direction EELV, destinés à relier les plateaux ouest en nord à la ville centre, ont disparu, victimes d’une vague de contestations et d’obstacles techniques et réglementaires (survol de zones habitées, aérologie…).

Les oppositions de mouvements associatifs

 En matière de contestation, des associations d’opposant estiment que « Métrocâble » est voué à l’échec. Un site critique (1) mais non opposé au principe de téléphérique sur cet axe, écrit : « Pour justifier le Métrocâble en rive gauche du Drac, il faut pouvoir compter sur la création d’un nombre important de nouveaux logements, tant le potentiel de fréquentation de ce côté-là est faible aujourd’hui. Mais les surfaces pressenties pour ces projets immobiliers ont la mauvaise idée de se trouver, pour la plupart, en zone inondable ». Le texte poursuit : « Comme c’est un sujet que L’État prend très au sérieux depuis la tempête Xyntia, il a dépêché, ici comme ailleurs, ses services (la DDT38) pour établir les risques et côté Sassenage (…) la quasi-totalité de la zone envisagée, non urbanisée, se retrouve classée en risque d’inondation fort et très fort et de facto inconstructible ».

 D’autres groupes s’opposent encore plus frontalement au projet « Métrocâble », en particulier le collectif « Stop métrocâble » dont fait partie l’importante association d’usagers ADTC. Le site du collectif écrit que « Métrocâble » « n’amène pas d’amélioration globale des temps de trajet » (2). S’il présente un certain avantage, pour les voyageurs souhaitant rejoindre la Presqu’île depuis la rive droite de l’Isère il n’a, en revanche, aucun intérêt pour ceux de la rive gauche du Drac ». Il relève en effet que ces derniers « bénéficient actuellement de bus directs vers la Presqu’île qui seront supprimés (C6, NDLR)], obligeant souvent à un voire plusieurs changements ».

DSCN2522Rame TFS du réseau TAG de Grenoble, rénovée pour la ligne E inaugurée en 2014 mais en service ici sur la ligne A en direction de Fontaine La Poya. Etrangement, cette ligne A s'arrête à la limite de la commune de Sassenage alors que la ligne 2/4 de trolleybus desservait à haute fréquence cette commune jusqu'à sa mairie jusqu'en 1987, année de la mise en service du tramway. ©RDS

 L’ADTC, association historique qui fut artisan du retour du tramway moderne à Grenoble et s'opposa avec succès au projet de cabines sur estacades urbaines "Poma 2000" dans les années 1970, écrit pour sa part que pour ce tépéphérique « les perspectives de fréquentation sont très réduites au regard de l’investissement ». Elle précise que « la restructuration du réseau bus associée au projet aurait des impacts négatifs importants pour les usagers actuels des transports en commun ». (3)

 Ce débat tend à masquer d’autres besoins, qui s’expriment dans les trois directions du « Y » grenoblois : extensions des lignes de tramway en périphérie pour desservir des communes aux prix de l’immobilier plus accessibles que dans la commune centrale et au moment où la ZFE va opérer une discrimination très pénalisante pour les ménages les moins favorisés ; mise en place progressive d’un réseau express métropolitain sur les voies du réseau ferré national pour entamer la suprématie automobile en grande couronne par incitation positive au report modal.

(Prochain article : le projet de réseau express métropolitain et les besoins d'extension du réseau de tramway)

- - - - -

(*) Syndicat mixte des mobilités de l’agglomération grenobloise, qui couvre la métropole de Grenoble, le Voironnais et le Grésivaudan.

(1) Lien vers un site critique de la zone à urbaniser et du tracé du téléphérique projeté:

Métrocâble et Compagnie

La pierre angulaire du projet Métrocâble / Portes du Vercors c'est la ZIS : Zone d'Intérêt stratégique. Attention, maintenant il faut s'accrocher un peu ... En effet, pour justifier le métrocâble en rive gauche du Drac, il faut pouvoir compter sur la création d'un nombre important de nouveaux logements, tant le potentiel de fréquentation de ce côté là est faible aujourd'hui.

https://metrocable-et-compagnie.fr

(2) Lien vers le site d'un collectif d'organisations opposées au projet de téléphérique:

Contre le métrocâble et son monde

Prochaine réunion d'organisation : Mardi 15 novembre à 19h30 (19h15 pour les nouvelles personnes)à la MDH Romain Rolland113 Bd Joliot Curie, Fontaine Le projet de Métrocâble, porté par le SMMAG, prévoit de construire un téléphérique sur 3,7 km entre Fontaine et Saint-Martin-le-Vinoux, en passant par le sud de Sassenage et la Presqu'île scientifique.

https://stopmetrocable.noblogs.org

(3) Lien vers la page du site de l'ADTC (Association de défense des transports en commun, des voies cyclables et piétonnières dans l'agglomération grenobloise) annonçant sa participation à une manifestation d'opposants au projet :

Pour l'abandon du Projet de Métrocâble L'ADTC - Se déplacer autrement appelle à participer à la mobilisation du 12 juin après-midi

à la mobilisation du dimanche 12 juin après-midi contre le Métrocâble depuis la première concertation de l'automne 2015, l'ADTC - Se déplacer autrement juge le projet de Métrocâble non prioritaire et a demandé son abandon lors de la concertation sur le projet de micro-pdu du territoire nord-ouest de la Métropole en 2021.

https://www.adtc-grenoble.org

 

Publicité
Commentaires
B
Regardez bien : finalement, les EELV (et Hidalgo) ne favorisent absolument pas les transports collectifs, tout juste s' ils ne les pénalisent pas - le cas des bus à Paris (et soupçons à surveiller à Besançon) . C' est la grosse surprise de ces mairies "vertes", suite aux élections municipales de 2020.
Répondre
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité
Newsletter
Publicité
Publicité