Importants travaux acrobatiques de confortements de parois pour une ligne Villefranche-Latour-de-Carol en renaissance
La ligne de SNCF Réseau à voie métrique reliant Villefranche-Vernet-les-Bains à Latour-de-Carol-Entveitg, dans les Pyrénées-Orientales, est l’objet d’une nouvelle campagne de sécurisation de ses parois rocheuses cet automne, parallèlement à sa modernisation prévue par le Plan Rail Occitanie. Ces opérations prennent place dans le cadre d’un schéma directeur pluriannuel de sécurisation de trente-huit versants rocheux pour cette ligne tracée dans un environnement extrêmement contraint de haute montagne et de vallées profondes, entre son origine en correspondance avec la ligne à voie normale Perpignan-Villefranche et le plateau de Cerdagne. L'année 2023 verra par ailleurs une importante opération de rénovation du célèbre viaduc Gisclard.
la ligne est longue de 62,56 km et gagne 1.166 mètres d'altitude en 30,21 km…
Longue de 62,56 km, cette ligne dite du « train jaune » ou « de Cerdagne » affiche un dénivelé maximal entre son point bas (427 m à Villefranche) et son point le plus haut (1.593 m à Bolquère-Eyne) de 1.166 mètres sur 30,21 km, soit une déclivité moyenne de 38,86 ‰, ce qui est considérable. Son t racé atteint des déclivités maximales de 60 ‰, ce qui ne l’est pas moins.
Vue d'un filet métallique de protection contre les éboulements de rochers entre Fontpédrouse et Sauto. L'intervention d'une quarantaine de techniciens aptes aux travaux acrobatiques a été nécessaire pour les différents chantiers de cette nature sur la ligne Villefranche-Latour-de-Carol. (Doc. SNCF Réseau)
Si cette ligne n’atteint pas le niveau maximal de déclivité en simple adhérence du réseau français, qui est de 90 ‰ sur une courte section de la ligne métrique Saint-Gervais-Vallorcine, elle n’en est pas loin. Ses déclivités dépassent au demeurant celles de sa voisine à voie normale de l’Ariège (Toulouse) Portet-Saint-Simon-Latour-de-Carol, aux longues et nombreuses pentes de 40 ‰ au sud de Foix.
La ligne du « train jaune », électrifiée dès son origine par 3e rail à la tension actuelle de 850 Vcc, fut inaugurée jusqu’à Bourg-Madame en 1911, deux ans après la dramatique dérive d’un train inaugural en octobre 1909 qui coûta la vie au concepteur du plus célèbre des viaducs de la ligne, Albert Gisclard. Ce pont suspendu, une exception pour le mode ferroviaire, enjambe la Têt à une hauteur de 62 mètres. Il est long de 253 m et sa portée principale, encadrée par deux portées courtes, atteint 156 m. Il a été rénové et repeint voici trois ans.
En 2023, une importante opération de régénération des câbles de ce pont suspendu sera entreprise, « ce qui constituera l'opération phare de l'année prochaine sur les lignes de desserte fine du territoire d'Occitanie », explique Jean-François Ruiz, directeur de projet chez SNCF Réseau.
Deux allers-retours Latour-Villefranche, six Latour-Toulouse, quatre Latour-Barcelone
Les sept derniers kilomètres de la ligne, de Bourg-Madame à Latour-de-Carol, furent mis en service en 1927, année durant laquelle les trains espagnols à voie large atteignirent cette gare depuis Ripoll. Deux années plus tard, en 1929, la ligne de l’Ariège susmentionnée permit aux trains en provenance de Toulouse de desservir eux aussi Latour-de-Carol, faisant de cette gare un établissement à trois écartements de voies, toutes en service : 1 m vers Villefranche, 1,435 m vers Toulouse, 1,668 m vers Barcelone.

Fiche horaire de la ligne Latour-de-Carol-Villefranche-Vernet-les-Bains, dans le sens de la descente. La fréquence de bout en bout, limitée à deux allers-retours même en été, est nettement moins élevée que sur la ligne Latour-Toulouse et même Latour-Barcelone. (Doc. SNCF/TER Occitanie)
La ligne Villefranche-Latour-de-Carol est desservie hors haute saison d’été de bout en bout par deux allers-retours voyageurs quotidiens au statut TER Occitanie en 2 h 53 mn à la descente pour 62,5 km, complétés par un AR Villefranche-Font-Romeu (plus un les dimanches et fêtes) et deux autres AR Villefranche-Font-Romeu en été. Sa voisine Toulouse-Latour-de-Carol est desservie par six allers-retours parmi lesquels cinq au statut TER Occitanie en 2 h 42 mn à la descente pour 163 km, et un au statut Intercités de nuit.
Côté espagnol, la ligne R3 des Rodalies de Catalunya relie L’Hospitalet de Llobregat à Latour-de-Carol-Enveitg (La Tor de Querol-Enveig) sur voies larges gérées par l’ADIF. Elle dessert six gares sur la ville de Barcelone. Le temps de parcours total est de 3 h 28 pour 166 km, avec quatre allers-retours quotidiens auxquels il convient d’ajouter deux rotations limitées à Puigcerda (Puigcerdà). Cette dernière gare fut desservie par une voie de 1,435 m d’écartement pour permettre des liaisons Toulouse-Puigcerda mais la courte section Latour-de-Carol-Puigcerda de cette voie standard, qui double la voie ibérique, est abandonnée depuis 1967.

Aperçu des horaires de semaine de la ligne reliant le bassin de Barcelone à la Cerdagne, Puigcerda en Espagne, Latour-de-Carol en France. Ces deux dernières gares sont distantes de 3,9 km et reliées par une double voie unique (1,435 m et 1,668 m) mais la voie à écartement français est neutralisée. Cette ligne R3 du réseau régional catalan a une fonction urbaine et péri-urbaine dans le bassin barcelonais jusqu'à Vic, une fonction régionale jusqu'à Ripoll avec 16 allers-retours quotidiens, internationale et de desserte fine jusqu'à Latour-de-Carol. (Doc. Rodalies de la Generalitat de Catalunya/Renfe)
Les chantiers engagés cet automne dans le cadre du schéma pluriannuel de sécurisation des versants rocheux par SNCF Réseau ont été lancés le 21 septembre entre Fontpédrouse et Sauto, une section de 3 km à flanc de montagne comptant deux ponts-rails et cinq tunnels parmi lesquels le plus long, à la sortie de Fontpédrouse, mesure 292 m. Ils ont imposé une suspension des circulations ferroviaires.
Des murs de soutènement dotés d'arcatures surplombés par des parois rocheuses
Les travaux ont visé à protéger la voie contre les chutes de blocs. Cette section est partiellement longée de murs de soutènement dotés d’arcatures, surplombés par des parois rocheuses à forte déclivité. Elle a dû être traitée, pour partie par des équipes acrobatiques encordées, avec pose de grillages ancrés et de barrières pare-éboulis, indique Jean-François Ruiz. Au total une quarantaine d’agents spécialisés en travaux acrobatiques sont intervenus sur quatre secteurs.
Entre Fontpédrouse et Sauto, sur cette photographie, la voie serpente à flanc de montagne à plus de 1.000 m d'altitude, gagnant 173 mètres sur 3 km avec des déclivités d'environ 60 pour mille. On distingue le mur de soutènement à arcatures basses, surmonté de pentes rocailleuses à peu près nues. Cette section nécessitait un confortement et des installations de protection. (Doc. SNCF Réseau)
Fin octobre, une visite de fin de chantier sur ce secteur a réuni les équipes, les techniciens, la directrice territoriale de SNCF Réseau pour l’Occitanie Catherine Trevet et le vice-président du conseil régional occitan Jean-Luc Gibelin.
La circulation ayant été interrompue le temps des travaux sur cette section de 3 km, la ligne a été rouverte au trafic commercial comme prévu le 22 octobre. Mais les opérations de confortement se poursuivront le long de la ligne jusqu’au 14 décembre 2022.
Situation de la ligne Villefranche-Latour-de-Carol (points verts) dans le réseau français historique (1930) du sud de l'Occitanie. Les points rouges indiquent la situation des travaux de confortement évoqués dans l'article. (Doc. RDS)
Dans le cadre du Plan Rail Occitanie les travaux de modernisation de la ligne du « train jaune » courent de 2019 à 2022, mobilisant 14 millions d’euros très majoritairement apportés par la région Occitanie (91,5 M), le reliquat par SNCF Réseau (8,5 %). Les opérations de confortement des versants rocheux et des parois sont financées, quant à elles, par la région Occitanie à 66,5 %, par l’Etat à 25 % et par SNCF Réseau à 8,5 %.
Ces sommes sont justifiées par la caractère exceptionnel de cette ligne de haute montagne, très courue par les touristes, au programme de nombreux tour-opérateurs, mais aussi utile aux voyageurs en provenance ou à destination des stations d'altitude, en particulier de Font-Romeu, haut lieu de l'activité sportive. Un renforcement de la fréquence, concommittante à une réduction des temps de parcours permise par une future amélioration de la voie, permettrait à cette ligne de prendre rang aux côtés des meilleures lignes de montagne helvétiques.