Renaissance promise pour 2025 d’une deuxième section de l’axe Carcassonne-Rivesaltes : Limoux-Quillan
Elément subsistant du riche réseau ferroviaire du piémont de l’est des Pyrénées, dont toutes les transversales situées entre la Haute-Garonne et les Pyrénées-Orientales ont été démantelées, la ligne Carcassonne-Rivesaltes, pour l’instant limitée côté ouest à Limoux, devrait desservir à nouveau la ville de Quillan dans la haute-vallée de l’Aude à l’horizon 2025. Le 22 janvier, une convention de financement entre l’Etat, la région Occitanie et SNCF Réseau a été signée à cette fin en présence du Premier ministre Jean Castex.
Cette signature illustre à la fois le volontarisme affiché du chef du gouvernement en matière de réseaux ferrés régionaux et celui du conseil régional d’Occitanie, présidé par Carole Delga et dont le vice-président chargé des transports est Jean-Luc Gibelin. Jean Castex s’était fait fort, lors de la récente remise en service de la ligne Epinal-Saint-Dié (Raildusud du23 décembre 2021), de mener à bien la rénovation de 9.200 km de lignes du réseau régional en déshérence. Le Premier ministre est par ailleurs ancien maire de Prades (Pyrénées-Orientales) et auteur de livres sur la ligne qui dessert cette ville. Carole Delga et Jean-Luc Gibelin, pour leur part, gèrent le vaste projet du « Plan rail Occitanie » qui vise à pérenniser la totalité du réseau régional en investissant 800 millions d’euros du budget régional dans l’infrastructure. Ils attendent une somme équivalente de la part de l’Etat. (1)
Une section de 28,27 km à rénover entièrement
La section Limoux-Quillan affiche un linéaire de 28,27 km. Elle est un élément de l’ancienne ligne de Carcassonne (Aude) à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) mise en service par tronçons entre 1876 et 1904 par la compagnie du Midi. La dernière section à avoir été ouverte fut celle reliant Quillan à Saint-Paul-de-Fenouillet par le défilé de Pierre-Lys. La section Quillan-Rivesaltes fut fermée aux voyageurs en avril 1939 par la SNCF. Se maintint un service fret de Rivesaltes à Saint-Paul de Fenouillet. La section Rivesaltes-Axat voit circuler aujourd’hui un service touristique, le « Train du Pays cathare et des Fenouillèdes » et quelques circulations fret. (2)
La section la plus audacieuse entre Quillan et Saint-Martin-Lys (7,4 km), qui traverse le célèbre défilé de Pierre-Lys, a été fermée et retirée du patrimoine du réseau ferré national le 26 décembre 1991. Sauf coûteuse réappropriation, aucune relation ferrée ne peut plus être envisagée entre Carcassonne et Rivesaltes, à proximité de Perpignan, par cette ligne à voie unique qui affichait un total de 122 km. Elle constituait, outre la desserte interne de ces piémonts pyrénéens, un itinéraire de secours en cas d’interruption de l’itinéraire Carcassonne-Rivesaltes (Perpignan) via Narbonne, lui-même long de 114 km.
Extrait de la carte des réseaux ferrés, établie autour de 1930. Les départements de la Haute-Garonne, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales étaient finement maillés. La ligne Carcassonne-Rivesaltes avait la particularité d'être orientée nord-sud dans sa première moitié et ouest-est dans la seconde. La fermeture de sa courte section centrale la réduit à deux antennes.
Actuellement, le service voyageurs est limité à la section Carcassonne-Limoux (26 km), renouvelée en 2018 avec changements de traverses et pose de longs rails soudés. Auparavant, en 2006 à Cépie entre Carcassonne et Limoux, une déviation de la ligne sur 1,5 km avec pont-rail au-dessus d’une route avait été construite pour dégager l’espace destiné à un rond-point routier et supprimer un passage à niveau.
A environ 2 km au nord de Limoux s’embranchait une ligne transversale de 63 km ralliant Mirepoix et Pamiers (sur la ligne Portet-Saint-Simon-Latour-de-Carol), avec branches à Belvèze vers Bram (sur l’axe Toulouse-Narbonne) et à Moulin-Neuf vers Lavelanet. Le maillage de ces deux départements (Pyrénées-Orientales et Aude) était singulièrement dense et la compagnie du Midi envisagea même de l’électrifier. Les premiers déclassements de la transversale, soit Belvèze-Limoux et Carlaret (près Pamiers)-Mirepoix, furent publiés - avec quantité d’autres - au Journal Officiel du 30 novembre 1941.
Une desserte d’Alet-les-Bains, ville thermale à la riche histoire
La convention tripartite de financement signée en cette fin janvier vise à traiter les 28,27 km de la section neutralisée depuis 2018 entre Limoux et Quillan. Elle serpente dans la haute et souvent étroite vallée de l’Aude. Elle dessert en particulier Alet-les-Bains, ville d’eaux recommandées pour les problèmes digestifs, dont l’établissement thermal est malheureusement fermé depuis une décennie. Ce bourg de 390 habitants, dont la population atteignit 1.350 habitants au milieu du XIXe siècle, fut jadis siège d’un évêché dont le palais épiscopal et une abbaye furent ravagés par les huguenots durant les guerres de religion. Il en reste d’impressionnantes ruines malgré une reconstruction partielle ultérieure.
La section à rénover est dotée de quatre tunnels, deux de part et d’autre d’Alet-les-Bains, d’une longueur comprise entre 183 m et 239 m, et d’un pont sur l’Aude, long de 66 m. Elle comporte quatre gares intermédiaires entre Limoux et Quillan : Alet-les-Bains, Couiza-Montazel, Espéraza, Campagne. Les stations de Massia et du Brézilhou sont abandonnées. Notons que la communauté de communes du Limouxin compte 28.000 habitants et qu’à l’autre bout de la section à rénover la communauté de communes des Pyrénées audoises compte 14.000 habitants. Quillan, son siège, affiche quelque 3.300 habitants.
Ce territoire, qui a connu une importante désindustrialisation (anciennes usines de chapeaux, de chaussures, de plasturgie…) recèle un capital touristique assez important et conserve plusieurs industries, parmi lesquelles une importante carrière.
Sur ces 28,27 km la ligne gagne 120 m de dénivelé (altitude 172 m à Limoux, 292 m à Quillan) grâce à des déclivités atteignant au maximum 15 ‰ sur deux courtes sections, complétées par sept sections à 10 ‰.
Profil de la section Carcassonne-Quillan de la ligne Carcassonne-Rivesaltes. Les déclivités restent relativement modestes, ne s'opposant pas à un trafic fret conséquent, du type produits de carrières ou déchets.
Si l’on ajoute à la rénovation de Limoux-Quillan les quelques travaux complémentaires prévus sur Carcassonne-Limoux, la région prévoit un investissement de 13,6 millions d’euros entre 2023 et 2032 pour pérenniser durablement la ligne, le devis total s’élevant à 54,5 M€. La région Occitanie a été soutenue par une association de défense de la ligne, l’ALF, fondée en 2010. Son président, Patrick Bacot, a souligné auprès du quotidien L’Indépendant la valeur du service ferroviaire pour « l’optimisation des dessertes pendulaires domicile-travail et étude, l’optimisation du vecteur tourisme en haute vallée, ou les potentielles vacances ». Il relevait que « loisirs et culture sont importants, en rouvrant la ligne les dimanches » et demande à la région que le croisement soit rétabli en gare de Limoux pour multiplier les possibilités de rotations par rapport à une exploitation en simple antenne.
La future voie pourra admettre un trafic fret, souhaité par des entreprises
L’ALF se félicite que le projet prévoie la compatibilité de la voie avec un éventuel trafic fret grâce à un armement permettant de soutenir 22,5 tonnes par essieu contre une limitation à 18,5 t avec la voie ancienne, composée de rails à double champignon type Midi. Selon Patrick Bacot, toujours cité par L’Indépendant, quelques entreprises « sont déjà volontaires pour se positionner sur ce type de transport », moyennant quelques investissements pour le chargement du fret. Si, malheureusement, l’usine d’embouteillage de l’eau d’Alet est fermée depuis 2012, à Campagne, situé à 6 km au nord de Quillan, est exploitée une carrière de quartzite. L’entreprise, Domitia Granulats, est favorable à un transfert de sa production sur rail et a appuyé la rénovation de la voie. On cite aussi l’approvisionnement d’une nouvelle tuilerie à Limoux, l’activité vinicole autour de la célèbre blanquette de Limoux ou encore l’évacuation des déchets gérés par l’intercommunalité.
Vue saisie sur la section fermée au centre de la ligne Carcassonne-Rivesaltes, dans la zone du défilé de Pierre-Lys. La continuité de cet itinéraire alternatif à la grande ligne via Narbonne, laquelle est soumise aux violentes inondations de la plaine de l'Aude, est interrompue. Le retanchement regrettable de quelques kilomètres semble passer les situations de crise par profits et pertes. ©RDS/Christian Jobst, https://railwalker.de
On peut regretter que les moyens financiers manquent cruellement au rail pour rétablir la totalité de l’itinéraire originel de 122 km, avec toutes les opportunités de transport qu’il permettrait : desserte fret locale et régionale ; extension des parcours ferroviaires touristiques grâce au passage en haute ligne ; ouverture de la vallée de l’Aude de et vers Perpignan et le littoral roussillonnais, voire espagnol ; multiplicité des possibilités de cabotage ; rétablissement d’un itinéraire alternatif à l’axe majeur Toulouse-Perpignan… Pour autant, l’investissement des puissances publiques dans le rétablissement de Carcassonne à Quillan d’une desserte ferroviaire décente en faveur de ces territoires audois en grande souffrance démographique et économique constitue un acte exemplaire d’équité territoriale.
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(1) Lien vers une recension très informée sur l’actualité du Plan rail occitan :
Si l'ancienne région Midi-Pyrénées avait réalisé un plan rail pour renouveler la quasi totalité de son réseau ferré, du côté du Languedoc-Roussillon rien ou presque n'avait été fait. C'est ainsi que l'Occitanie s'est engagée dans le lancement d'une multitude d'études qui vont se concrétiser sur ce mandat par le renouvellement de tout le réseau Occitan...
http://actuteroccitanie.wordpress.com
(2) Lien vers le site du train touristique TPCF :