Boën-Thiers : en attente d’attribution des études d’avant-projet, le Collectif maintient la pression pour la réouverture
Le destin de la section Boën-Thiers de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand reste en suspens au seuil du nouveau mandat du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes. Le Collectif qui réunit six associations et une série d’élus régionaux, départementaux et municipaux, ainsi que des députés, travaille d’arrache-pied à l’inscription du projet de rénovation pour réouverture dans le Contrat de plan Etat-Région 2021-2027 ou, autre hypothèse, dans le cadre du plan de relance de l’Etat 2021-2022.
Les élections régionales, tout en ayant largement reconduit la majorité sortante autour de son président Laurent Wauquiez (LR), ont été l’occasion d’un renouvellement du titulaire de la vice-présidence chargée des Transports. A l’élue de Saint-Flour (Cantal) Martine Guibert succède le maire de Vichy (Allier) Frédéric Aguilera. C’est désormais lui qui aura la lourde charge de suivre les dossiers des nombreuses lignes malades ou en sommeil de la partie auvergnate de la région : outre Boën-Thiers, Volvic-Laqueuille-Le Mont-Dore où le reliquat de fret est menacé, les parties auvergnates de Nîmes-Clermont-Ferrand et Béziers-Neussargues, en cours de travaux, l’axe des Puys birégional Volvic-Laqueuille-Ussel neutralisé à l’ouest de Laqueuille, Sain-Bel-Sainte-Foy-Largentière, privée de son trafic fret.
Petit film historique présenté par la Coordination pour la réouverture de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand, sur l'utilité de cette liaison transversale.
La région Auvergne-Rhône-Alpes s’est engagée pour 300.000 euros à cofinancer deux études d’avant-projet
A la fin de la précédente mandature, le président du Conseil régional Laurent Wauquiez avait promis que la région participerait financièrement jusqu’à hauteur de 300.000 euros aux études d’avant-projet pour une éventuelle réouverture de Boën-Thiers, soit 47,17 km de voie unique franchissant la ligne de partage des eaux Loire-Allier à Noirétable, à 722 m d’altitude. Deux études sont nécessaires : une étude sur la rentabilité socio-économique d’une éventuelle réouverture, son potentiel commercial ; une étude technique sur les travaux nécessaires à une remise en service, fixant une enveloppe budgétaire et un planning de réouverture.
En gare de Boën, dont le bâtiment a été rénové voici quelques années comme celui de Noirétable alors qu'ils sont désormais déserts, la signalétique indique faussement deux directions pour les trains alors qu'il n'en reste qu'une, vers Saint-Etienne... sauf les samedis et dimanches. ©RDS
Laurent Wauquiez a évoqué des « études indépendantes » mais SNCF Réseau a fait savoir qu’elle ne lancerait pas les travaux sans avoir réalisé sa propre étude technique. Karine Legrand, porte-parole de la Coordination pour la réouverture de la ligne nous indique que SNCF Réseau, par la voix de son directeur territorial Thomas Alary, a fait savoir « qu’une réponse à l’appel d’offre est en cours » pour lesdites études.
Karine Legrand et Pierre-Olivier Messner, autre responsable de la Coordination, ont insisté, lors d’un entretien avec Raildusud, sur le fait que la demande de réouverture portée par les associations et les élus constitue d’abord la colonne vertébrale d’un « projet de territoire ». Au plan ferroviaire, il inclut le réseau affluent du Livradois-Forez, et ses 150 km de lignes hors réseau ferré national branchées sur la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand à Pont-de-Dore, à 11 km à l’ouest de Thiers. La réouverture pourrait par ailleurs intéresser Railcoop, l’itinéraire Lyon-Clermont-Ferrand par Noirétable économisant 25 km par rapport à l’itinéraire via Roanne, soit 204 km contre 229 km.
Pour une offre voyageurs digne de ce nom entre deux métropoles, avec de potentiels marchés fret
Plus largement, il s’agit d’associer la ligne, dotée d’une offre voyageurs digne de ce nom, sur une voie de pays développé et rouverte au fret, à la valorisation de ces espaces situés au cœur d’Auvergne-Rhône-Alpes, à la jointure des deux anciennes régions. La ligne peut capitaliser des relations d’affaires ou d’études entre les deux métropoles et les villes intermédiaires, une desserte fine de localités actives en relations étroites entre elles (Montbrison, Boën, Sail, Noirétable, Chabreloche, Thiers, Pont-de-Dore…), les voyages de tourisme vert et vers le casino de Noirétable.
Quant au fret, il peut être issu de la foresterie, de l’élevage, voire d’une réactivation de l’exploitation des sources de Sail-sous-Couzan (« Couzan Brault »), définitivement abandonnées en 1993 alors qu’elles généraient un trafic fret important. Sail a compté jusqu’à 14 sources, six hôtels et deux établissements de bain dont il ne reste rien. Des objections sanitaires sur leur exploitation ont été levées sous condition de filtrage.
En face de l'emplacement de l'ancien bâtiment voyageurs de Sail-sous-Couzan, aujourd'hui rasé et remplacé par des broussailles, les anciens entrepôts des eaux minérales en attente d'expédition par voie ferrée. Au fond, un bâtiment d'habitation d'origine cheminote. ©RDS
Sur les potentialités voyageurs, le Collectif conteste fermement l’argument commercial par lequel la SNCF a justifié la fermeture en 2016, affirmant que les TER circulant de bout en bout ne transportaient plus que trente voyageurs par jour. « Durant les derniers mois d’exploitation, la SNCF ne proposait plus qu’un seul train quotidien par sens, avec un temps de parcours de près de trois heures ! », s’indignent les représentants du Collectif. On notera que pour la courte section Montbrison-Boën, fermée en 2016 puis rouverte deux ans plus tard après travaux financés par les collectivités territoriales, le service ferroviaire, déjà complété par des cars en semaine, est inexistant les samedis et dimanches. Les habitants de Boën ne sont pas censés circuler rapidement vers Saint-Etienne hors de leurs jours de travail.
Gare de Noirétable, rénovée et dotée d'une signalétique moderne avec écrans informatisés juste avant sa fermeture, désormais privée de trains et même d'autocars. Ces derniers, fort rares, ne desservent que la place du bourg. Qui peut encore encore parler d'équité territoriale et de gestion optimale des deniers publics? ©RDS
En considérant que la section Thiers-Clermont-Ferrand admet pour l’essentiel une vitesse limite de 160 km/h, que la section Saint-Etienne-Boën admet 140 km/h et que la section montagnarde Boën-Thiers peut être parcourue, sur voie neuve, à des vitesses comprises entre 80 et 90 km/h, le Collectif calcule que le temps de parcours Saint-Etienne-Clermont-Ferrand peut être évalué à 1 h 50 mn avec six arrêts intermédiaires.
47,17 km envahis par la végétation, un pont endommagé, mais aucun passage à niveau majeur avec l’ex-nationale
La section actuellement fermée, en voie d’envahissement par la végétation, longue de 47,17 km, est dotée de seize tunnels relativement courts excepté le tunnel de Thiers, long de 606 m (km 46,178). Elle aligne huit viaducs. Il est établi que l’un des cinq ponts sur la rivière Durolle, à Celles-sur-Durolle « est très endommagé et devait, dans la dernière période d’exploitation, être franchi à 10 km/h seulement », rappelle Karine Legrand, « ce qui fut l’une des raisons de la suspension des circulations, avec la dilatation des rails », mise en avant par SNCF Réseau.
Le degré de dégradation de la superstructure imposerait, outre un débroussaillage massif, un renouvellement voie-ballast complet avec dépose de la totalité des anciens équipements jusqu’à la plate-forme.
Aux abords de Saint-Julien-la-Vêtre. La végétation envahit la voie qui n'est plus circulée depuis juin 2016 et est officiellement neutralisée depuis septembre de la même année. ©RDS
Reste la célèbre « circulaire Bussereau », qui impose la suppression de passages à niveau lors de la remise en service d’une ligne fermée depuis plus de cinq ans. La Coordination souligne que cette directive, véritable obstacle juridique à la réouverture de lignes, risque d’être applicable dès septembre 2021, soit cinq ans après la neutralisation juridique de la section de ligne. Pierre Olivier Messner, relève toutefois « que la voie ferrée ne croise à aucun moment à niveau la principale route de la région, à savoir la D1089 (ex-RN89) », ce qui limite l’objection. Rappelons que la Coordination a manifesté l’année dernière contre la dépose de voie prévue par SNCF Réseau sur quelques passages à niveau. Elle avait obtenu, avec Laurent Wauquiez, que l’entreprise publique interrompe ces travaux.
Attribuer les études d’avant-projet avant septembre 2021
La Coordination demande avec insistance que les études d’avant-projet soient attribuées avant la fin du mois de septembre 2021. Son poids politique est notable, appuyée par une rafale de vœux en faveur de la réouverture votés ces dernières années par Clermont-Ferrand Métropole, la communauté de communes du Pays d’Urfé, au nord de la ligne, celles de Thiers-Dore Montagne, de Entre Dore et Allier, réunissant 76 communes, auxquelles il convient d’ajouter les vœux de 21 conseils municipaux parmi lesquelles Ambert, située sur la ligne du Livradois-Forez. L’importante communauté d’agglomération Loire-Forez, qui compte 110.000 habitants et qui siège à Montbrison, soutient officieusement le projet de réouverture. La métropole de Saint-Etienne renvoie à l’amendement du Conseil régional ratifiant le financement des études d’avant-projet de réouverture.
Contre-exemple de prise en charge du voyageur par ce qui reste du service de transport public, basculé sur route. Cet arrêt des rares autocars ex-départementaux TIL en aval de Noirétable ne comporte ni trottoir protégeant du roulement routier et facilitant l'embarquement, ni banc de repos, ni éclairage nocturne, ni annonce dynamique du prochain passage. Seul le mât et la plaque sont neufs. L'éventuel voyageur bénéficie pleinement des nuisances sonores et des gaz d'échappement. L'environnement protecteur des gares ferroviaires est bien loin. ©RDS
Pour l’instant, le Collectif travaille sur des propositions de desserte voyageurs afin d’acquérir une expertise pointue sur les horaires et roulements. Un cadencement aux deux heures des services de bout en bout nous semble être la base d’une offre, complétée par des services intercalaires aux extrémités péri-urbaines (Clermont-Ferrand-Thiers et Saint-Etienne-Boën). Des services transversaux en matériels roulants hybrides depuis Lyon ou au-delà de Clermont-Ferrand pourraient être envisagés.
Le Collectif consulte les habitants pour faire remonter les besoins
Par ailleurs, les militants « vont à la rencontre » des habitants de Noirétable, Thiers, Celles-sur-Durolle, Clermont-Ferrand… pour collecter les besoins. Ils notent en particulier leurs doléances sur l’incohérence des services routiers TER de substitution, squelettiques : leur complexité entre missions directes sans arrêts intermédiaires, missions de desserte fines de bout en bout rares et lentes, missions complémentaires aux sections ferroviaires maintenues en service aux extrémités, mêlés aux services des exploitants ex-départementaux (TransDôme, TIL). L’impossibilité d’embarquer des vélos dans les autocars, au contraire des trains, fait partie des doléances. Thiers-Saint-Etienne exige actuellement deux heures par autocar contre 1 h 31 mn par les trains en 1992, qui roulaient pourtant déjà sur une voie vieillissante.
Banderole déployée par les défenseurs de la réouverture de la ligne Saint-Etienne-Clermont-Ferrand en gare de Boën sur les rails rouillés lors d'une importante manifestation courant 2020. Derrière eux, l'embranchement particulier desservant une usine métallurgique est lui aussi neutralisé. (Doc. Collectif Boën-Thiers)
Sur le terrain toujours, la Coordination entend maintenir la pression. Les samedi 25, dimanche 26 et lundi 27 septembre, elle participera à un « Festival des mobilités » organisé par l’association « Les monts qui pétillent », après de précédents événements les 4 juillet (Saint-Didier-sur-Rochefort) et 11 juillet (Celles-sur-Durolle). Les territoires abandonnés par le rail entendent montrer qu’ils sont bien vivants et qu’ils ont droit à un service de transport collectif ferroviaire digne de ce nom.
Restent quelques questions en suspens concernant les choix futurs du Conseil régional. Avec la nouvelle législation, la région Auvergne-Rhône-Alpes peut tout aussi bien confier la rénovation, ses études et son exécution à SNCF Réseau que de choisir la voie de la région Grand Est en confiant la rénovation comme la future exploitation à une autre entreprise... ou des solutions intermédiaires.