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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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14 août 2020

Le seul coût annuel des accidents de la route est supérieur aux subventions publiques versées au système ferroviaire

 La litanie de récriminations contre « le coût du chemin de fer » ou « le déficit de la SNCF » dure depuis les années 1930, quand il  fallut à la fois renouveler les superstructures des lignes ouvertes un demi-siècle auparavant et, surtout, laisser la place à l’industrie « disruptive » de l’époque, celle de l’automobile et du camionnage. Pourtant, une étude publiée le 4 mars 2018 par Olivier Razemon sur un blog du Monde (1) et ressortie ces jours-ci par Thierry Marty, cadre supérieur à la SNCF, sur son fil Linkedin (2) démontre que la SNCF dans son ensemble coûte moins cher à la collectivité que le coût des seuls accidents de la route.

Financement du ferroviaire par la collectivité : 14 milliards d’euros par an selon Spinetta

  Le rapport de Jean-Cyril Spinetta, ancien PDG d’Air France et ouvertement défavorable au réseau ferroviaire régional, dénonçait en février 2018 le fait que l’ensemble SNCF (réseau et exploitation) coûte 14 milliards d’euros par an à la collectivité. Un an et demi plus tard, en octobre 201, la Cour des comptes remettait le couvert en estimant dans un autre rapport que les TER coûtaient 8,5 milliards d’euros par an aux budgets publics. Il s’agit, au passage, de mailler le territoire (maillage désormais très dégradé) du plus vaste pays d’Europe après la Russie, une bagatelle.

DSCN2809TER Auvergne-Rhône-Alpes à La Tour-du-Pin, sur la ligne Grenoble/Chambéry-Lyon (2020). Faut-il envoyer à la place de ce train une douzaine d'autocars sur la route sous prétexte que le rail serait trop cher, alors que la route est elle aussi massivement financée par le contribuable ? ©RDS

 Le rapport Spinetta mélangeait les carottes et les navets en mêlant les subventions versées par les pouvoirs publics au système ferroviaire avec le financement du déficit  des retraites des cheminots. Ces dernières, sans surprise, ne sont pas autofinancées, et de loin, du fait de la diminution vertigineuses des effectifs en raison de la rétraction historique du réseau et de l’activité fret au bénéfice de la route, et d’un âge de départ à la retraite particulièrement favorable.

 Surprise, nous apprenait donc Olivier Razemon, la route coûte cher aussi, très cher. Il est vrai pour un trafic considérablement supérieur, même s’il est considérablement moins productif (un chauffeur pour un conteneur sur la route, un agent de conduite pour quarante conteneurs sur le rail).

Dépenses des administrations pour la route : 15,2 milliards d’euros par an selon Routes de France

Selon Routes de France, l’organisme réunissant les constructeurs de routes, anciennement appelée Union des syndicats de l’industrie routière française, « les dépenses des administrations pour la route » atteignent un montant comparable au coût de la SNCF soit 15,2 milliards d’euros par an dont 12,9 milliards pour les seules collectivités locales, communes et départements principalement. Il s’agit bien sûr du réseau non concédé et gratuit qui ne reçoit donc aucune contrepartie de la part de ses utilisateurs.

 Mais à cette somme, ajoutait Olivier Razemon, doivent s’ajouter de nombreuses autres dépenses, financées par les impôts - achats de terrains, expropriations, démolitions préalables à la construction de routes. En outre, le système routier ne fonctionne pas seul, poursuivait-il, car « il s’appuie sur une signalisation, une organisation de l’espace, un aménagement du territoire que mettent en place, partout, les acteurs publics comme privés ».

 A ces sommes, il convient d’ajouter les externalités, les conséquences en tous genres de cette politique très routière. Certes les externalités existent aussi en ferroviaire, mais elles sont considérablement moins importantes en raison de la nature compacte de cette technique, rassemblant des trafics massifiés sur des voies moins nombreuses avec une dépense énergétique bien moindre et une accidentologie homéopathique par rapport à celles du mode routier.

 Les externalités routières sont nombreuses et il n’est pas facile de les calculer, poursuivait Olivier Razemon : « On peut mentionner le coût des accidents de la route (hôpitaux, réparations, effets psychologiques, pertes de production, etc.), celui de toutes les actions visant à prévenir ces accidents (radars, forces de l’ordre, etc.) ou celui de la congestion automobile (temps perdu, stress). (…) Il faut inclure les conséquences du bruit et de la pollution atmosphérique, qui grèvent notamment les budgets de la santé, mais se traduisent aussi en pertes de biodiversité ».

Coût des seuls accidents de la route : 16,8 milliards d’euros par an en France selon l’université de Dresde

 Tentant d’effectuer une évaluation financière de ces externalités du mode routier, l’Université technique de Dresde, a publié une étude édifiante. Elles sont évaluées à 374 milliards d’euros à l’échelle européenne. Pour la France, elles sont évaluées à 50,5 milliards dont 16,8 milliards (chiffre 2018), soit le tiers, pour les seuls accidents de la route. Le coût des accidents de la route en France dépassait donc en 2018 le montant des subventions publiques accordées à l’ensemble du système ferroviaire national.

DSCN2674Nouvelle autoroute A9, à péage, au droit de Montpellier, qui double l'ancienne renommée A709 dédiée désormais à la desserte locale. La nouvelle infrastructure routière (vue ici au droit de la nouvelle gare exurbanisée TGV de Montpellier Sud-de-France) aura coûté 648 millions d'euros pour 12 km de voirie nouvelle soit 54 millions d'euros par kilomètre, plus du double du prix kilométrique du Contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier (22,5 millions d'euros). La largeur de l'emprise est trois fois plus importante que celle d'une double voie ferroviaire. ©RDS

 « Si l’on prend en compte l’ensemble des coûts générés par les accidents de la route, y compris ceux qui pèsent sur les particuliers, on atteint même 32,8 milliards d’euros en 2015, d’après les calculs de l’Observatoire national interministériel de l’insécurité routière », complétait Razemon. Ce dernier notait enfin qu’on ne chiffrait pas les coûts récurrents induits par l’étalement urbain (coûts de réseaux, du temps perdu…), consécutif à l’usage massif et quasi-exclusif de la voiture hors des villes-centres et à l’étiolement des réseaux ferrés régionaux hors des zones denses.

Les recettes fiscales générées par la route (42,5 milliards) sont inférieures au total des contributions des contribuables

 Routes de France répond que la route génère 42,5 milliards d’euros de recettes fiscales. Mais cette somme reste inférieure au total des contributions à la route tirées des impôts, qui pour partie sont payés par tous les contribuables, usagers ou non de la route. Par ailleurs, le rail, relève Razemon, « contribue lui aussi aux recettes fiscales », la TVA sur les transports publics ayant été relevée de 7 % à 10 % en janvier 2014, situation dénoncée depuis par les professionnels du secteur qui demandent  sa réduction à 5,5 % en raison de son économie environnementale, énergétique et sociale.

 Quant au déficits structurels des TER – comme ceux des transports urbains que personne ne songerait à discuter puisque certains veulent même les rendre gratuits -, ils sont d’autant plus importants qu’ils ont été délibérément sacrifiés durant la deuxième moitié du XXe siècle et au début de celui-ci : dégradation des voies et ralentissements, faiblesse des fréquences, abandon des gares, transferts sur routes qui font perdre 40 % de la clientèle en moyenne sur les axes concernés et dégradent l’homogénéité du système en imposant des ruptures de modes. Or cette dégradation des performances diminue l’attractivité du transport public et minent son bilan financier. « Que l’on maintienne des voies ferrées en bon état et que l’on y fasse circuler des trains confortables et à l’heure : les voyageurs seraient enclins à les emprunter », concluait Razemon. Et donc à participer à leur financement.

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(1) Le texte complet d'Olivier Razemon, complété en 2019 :

La SNCF coûte moins cher que les accidents de la route

Octobre 2019, la Cour des comptes publie un rapport dénonçant le coût élevé des TER, 8,5 milliards d'euros par an, pour une efficacité qu'elle juge faible. Certes, le transport n'est jamais gratuit. Le maillage du territoire et la desserte des villes moyennes et petites nécessitent des moyens.

https://www.lemonde.fr

(2) La référence de Thierry Marty sur Linkedin :

Thierry Marty - Cadre supérieur - SNCF | LinkedIn

View Thierry Marty's profile on LinkedIn, the world's largest professional community. Thierry has 3 jobs listed on their profile. See the complete profile on LinkedIn and discover Thierry's connections and jobs at similar companies.

https://www.linkedin.com

 

 

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Commentaires
Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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