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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
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8 août 2020

La fermeture totale de lignes pendant des semaines pour travaux : entre souci d'économies et rupture du service

 La doctrine massification-fermeture qui préside aux travaux de rénovation des voies ferrées en France présente des avantages économiques évidents pour SNCF Réseau mais de lourds inconvénients pour la clientèle. Pour la seule année 2020, le catalogue des travaux pour les trois régions Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur présente une série de fermetures totales d’un à trois mois avec transfert sur route de l’ensemble du trafic, voyageurs et fret. Dans la plupart des cas, il s’agit de voies uniques, à l’exception de la fermeture des lignes Marseille-Martigues et Lyon-Villars-les-Dombes (Bourg). Cette doctrine a fait réagir la Fnaut (fédération nationale des usagers des transports) qui, dans un récent bulletin (Fnaut-Infos, avril 2020), dénonce un « fléau ». Elle est apparemment, pour des travaux programmés à l'avance, à une telle échelle et sur des périodes aussi longues, unique en Europe.

 Pour SNCF Réseau, il s’agit d’optimiser les investissements en renouvellement, rénovation, confortement de lignes laissées en déshérence depuis des décennies par manque d’investissements. Malgré la récente hausse de ces derniers, le réseau ferroviaire français reste très en retard et le nombre de ralentissements demeure considérable, plusieurs milliers de kilomètres, sans parler des récentes fermetures ou menaces de fermetures. Le gestionnaire d’infrastructures tente donc de pallier l’insuffisance de moyens financiers par une baisse des devis. Des travaux prévus en journée, en continu et sans aucun trafic commercial venant les perturber coûtent évidemment moins cher que des travaux effectués de façon discontinue entre deux périodes de rétablissement du trafic, ou uniquement de nuit, ou seulement les fins de semaine.

Quand une voie est fermée et le service reporté sur route, la déperdition de clientèle est d’environ 40 %

 Si l’on consulte les documents de SNCF Réseau et les annonces pour les années à venir, les voies ferrées de nos trois régions sont « mitées » de fermetures totales mettant en péril la notion même de continuité du service public. On sait que les services routiers de substitution entraînent  une déperdition de clientèle d’une moyenne de 40 %. Les temps de parcours sont allongés. Le transfert implique une voire deux correspondances avec changement de mode, élément aggravant. La substitution complexifie la trame horaire et n’est généralement pas  systématique.

FBourreuse-niveleuse sur l'antenne Tassin-Brignais (à voie unique, anciennement à double voie) en juillet 2014 lors de sa rénovation et électrification pour intégration dans le réseau des train-tram de l'Ouest Lyonnais. La ligne, auparavant parcourue par des autorails thermiques Lyon-Saint-Paul-Brignais, avait été interrompue de nombreux mois. ©RDS

 Voici un relevé des interruptions de circulations ferroviaires de longue durée annoncées pour cette année 2020. La crise sanitaire du coronavirus chinois a pu entraîner le décalage de certaines d’entre elles. Nous ne recensons pas les interruptions totales de trafic prévues sur de courtes durées (une fin de semaine) ou sur une partie d’un faisceau ferroviaire.

Six interruptions de longue durée en Auvergne-Rhône-Alpes, avant les fermetures de Livron-Veynes et Grenoble-Veynes en 2021

 En Auvergne-Rhône-Alpes, la section Commentry-Gannat (54 km, voie unique) parcourue par les TER Clermont-Ferrand-Montluçon était fermée cinq semaines de début juin à début juillet. La section Volvic-Durtol (11,2 km, double voie), reliquat de la « ligne des Puys » Clermont-Laqueuille, parcourue par des TER suburbains de Clermont à Volvic et par un trafic fret d’eaux minérales, sera fermée sept semaines, du 10 octobre au 27 novembre. La section Saint-Georges d’Aurac-Le Puy (52,5 km, voie unique), parcourue par quelques TER Clermont-Le Puy, devait être fermée 13 semaines du 23 mars au 19 juin. Les sections Saint-Gervais-Chamonix et Saint-Gervais-Vallorcine de la ligne à voie métrique Saint-Gervais-Vallorcine (36,6 km, voie unique) devaient être fermées respectivement deux mois et demi au 2e trimestre et six semaines au 3e trimestre. La section Sathonay-Villars-les Dombes (25,6 km, double voie) de la ligne de la Bresse Lyon-Bourg parcourue par des TER est fermée en juillet et août. La section Livron-Eure (14 km jusqu’à l’embranchement de la liaison de service avec la LGV Méditerranée, voie unique) de la ligne Livron-Aspres-sur-Buëch (Veynes) parcourue par des TER Romans-Briançon devait être fermée un mois à partir du 25 mai. La section Jarrie-Vizille-Vif (7 km) de la ligne Grenoble-Veynes, parcourue par les TER de l’axe, devait être fermée six semaines à partir du 18 mai.

2012TER Annecy-Valence-Ville quitte la gare de Tullins-Fures. L'électrification, la rénovation et le rétablissement d'une deuxième voie entre Moirans et Saint-Marcellin et La Sône-Saint-Hilaire-Saint-Nazaire a imposé, principalement, deux étés de fermeture totale de l'axe. ©RDS

 Grenoble-Veynes au sud de Vif  et Livron-Veynes subiront simultanément des travaux lourds avec interruptions totales du trafic ferroviaire durant l’année 2021, entraînant un isolement ferroviaire des Hautes-Alpes avec la région Auvergne-Rhône-Alpes. L’interruption de Grenoble-Veynes devrait se poursuivre en 2022.

En Occitanie, sept interruptions de longue durée

 En Occitanie, la section Pinsaguel-Saverdun sera neutralisée en juillet et août pour renouvellement, avec d’autres travaux au-delà, entraînant la fermeture de la ligne Portet-Saint-Simon-Latour de Carol (152 km, voie unique) parcourue par les TER et le train de nuit Paris-Latour de Carol.  La section Colomiers-Auch (72 km, voie unique) de la ligne Toulouse-Auch parcourue par des TER sera fermée du 19 octobre au 30 octobre. La ligne Villefranche-Latour de Carol à voie métrique (« Train jaune », 62,6 km, voie unique) devait être fermée en mars et avril puis du 28 septembre au 23 octobre. La section Bédarieux-Séverac-le-Château (105 km, voie unique) de la ligne Béziers-Neussargues parcourue par des TER et un Intercités, est fermée trois mois du 6 juillet au 2 octobre.  La section Vauvert-Le Grau-du-Roi (24 km, voie unique) de la ligne Nîmes-Le Grau-du-Roi, parcourue par les TER devait être fermée du 2 mars au 17 avril.

 La ligne Mende-La Bastide (48 km, voie unique) devait être fermée treize semaines, du 23 mars au 19 juin, « pour renouvellement de traverses », de même que la section Alès-Langogne (87 km, voie unique) de la ligne Nîmes-La Bastide-Clermont-Ferrand parcourue par les TER pour renouvellement de voie et entretien d’ouvrages, demandés et pour partie financés par la région Occitanie. Le report des travaux pour cause de coronavirus chinois a décalé la réouverture à début juillet, entraînant une suspension des liaisons Nîmes-Clermont-Ferrand de près de quatre mois au total.

DSCN1010Rame Corail assurant l'Intercités Nimes-Clermont-Ferrand, en gare de Villefort (2017). Alès-Langogne devait subir une interruption de 13 semaines au premier semestre, avant des interruptions à venir les deux prochaines années sur 74 km au nord de Langogne jusqu'à Saint-Georges d'Aurac. ©RDS

 A ce copieux menu s’ajouteront au cours des années qui viennent les interruptions pour travaux de maintenance entre Langogne et Saint-Georges d’Aurac qui viennent d’être financés a minima par la seule région Auvergne-Rhône-Alpes. Se profilent deux interruptions totales de trois mois au printemps sur chacune des deux prochaines années. Cette section de 74 km, bardée de 48 tunnels, est d'un accès difficile. Le report sur route le sera à peine moins.

En Provence-Côte d’Azur, deux fermetures totales de longue durée, dont une ligne à double voie

 En Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), la principale fermeture concerne cette année la section Martigues-L’Estaque (31 km, double voie) parcourue par les TER Marseille-Martigues-Miramas, qui subira de lourds travaux de régénération durant cinq mois de fin août à début février 2021. En revanche le renouvellement  de la voie paire entre Carnoules et les Arc sur la magistrale provençale Marseille-Nice se fera sans interruption de trafic, de mi-août à fin décembre.

 Sur Gardanne-Aix-Meyrargues (37 km, voie unique), la ligne est neutralisée depuis le 29 juin et jusqu'à fin décembre pour, principalement, reconfiguration totale du plan de voies de la gare d'Aix. Le transfert sur route impacte les navettes Aix et en-deçà vers Marseille, mais aussi tout le flux TER longue distance de et vers Veynes, Gap, Briançon.

 Pour la Fnaut, la doctrine de fermeture totale est contestable du point de vue de l’usager. Elle déplore ainsi le traitement réservé à l’axe Nantes-Bordeaux : « Après La Roche-sur-Yon-La Rochelle fermée 17 mois alors qu’on ne rénove qu’une seule des deux voies, ce sera Sainte-Beillant, ce qui tronçonnera Nantes-Bordeaux en trois sections. » Concernant notre zone d’étude, la Fnaut relève : « Pour les lignes à voie unique vitales pour des territoires mal desservis par ailleurs, les coupure sont très longues, deux ans pour Grenoble-Gap ».

DSCN2453Automoteur X73500 assurant une course TER sur la ligne Grenoble-Veynes traverse la commune de Pont-de-Claix. La liaison sera suspendue deux années durant pour rénovation de la voie et des ouvrages d'art au sud de Vif. Ce choix est dicté par un souci d'économies mais sa systématisation est contestée par la Fnaut. ©RDS

 Selon la fédération d'associations d'usagers, « SNCF Réseau et les financeurs ne voient que le coût des travaux, sans se préoccuper des usagers et des autres impacts ». La Fnaut préfèrerait des travaux par tronçons, des travaux en semaine ou en fin de semaine selon le type de trafic, des travaux de nuit ou au contraire en journée entre les pointes, « quitte à admettre des ralentissements localisés », ce qui est le cas pour les renouvellements de voies sur les grands axes.

 La Fnaut demande que soient mis en balance les économies permises par la fermeture totale avec le coût pour manque de recettes sur la ligne concernée et les lignes affluentes, et celui des pertes de clientèles même après la réouverture.

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Raildusud : l'observateur ferroviaire du grand Sud-Est
  • Le chemin de fer est indispensable à toutes nos villes et ne doit pas être l'apanage de la seule région-capitale. Les lignes transversales, régionales et interrégionales doivent contribuer à une France multipolaire, équitable au plan social et territorial.
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